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Des actes illégaux dus à des soucis de langue et de logique : Code de l’action sociale et des familles.

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Auteur : Jean Nouam

I- Objet.

Dans le titre ci-dessus, ‘acte’ est entendu au sens d’acte décisoire, donc de décision qui peut modifier, y compris de façon défavorable, la situation juridique de tel ou tel administré. S’agissant d’actes illégaux, il pourra, donc, s’agir de violation de droits commises par des autorités ayant pouvoir de décision, et ces autorités peuvent, très bien, être des représentants de l’Etat –ce garant, par excellence, de la Loi et du droit- et agir en tant que tels.

Au centre du présent article, se trouve l’idée selon laquelle des exécutants de la loi peuvent, au nom de celle-ci et sans nulle volonté de ne pas l’exécuter, commettre des illégalités. Plus précisément, il y est postulé que lire du texte juridique nécessite une certaine maitrise de la langue écrite –dans, au moins, ce que celle-ci a de plus général-ainsi qu’un minimum d’esprit logique. Ceci étant, nous défendrons cette idée à travers l’analyse d’un cas concret.

Maintenant, s’il ne manque certainement pas d’exemples d’actes fondés sur de mauvaises interprétations des normes juridiques, et si la fréquence de tels actes n’a probablement pas diminué face à la complexification -aussi croissante qu’inévitable- de nos organisations sociétales et de notre vivre ensemble, il reste que le cas dont nous traitons est des plus flagrants –une erreur de droit (entendue au sens de la langue des juristes) atteignant à la pure violation de la loi. En l’occurrence, il est question de la radiation de la liste des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), qu’on motive par le fait selon lequel toute suspension de l’allocation, qui soit totale et s’étale sur quatre mois consécutifs, devrait se conclure par une fin de droit. Ajoutons que nous avons constaté -et ce, sans avoir réalisé (ni consulté) aucune enquête sur le sujet- un certain nombre de tels actes.

Une norme juridique sur laquelle on peut s’appuyer, pour asseoir ce genre d’actes, est l’article R. 262-40 (2°) du Code (français) de l’action sociale et des familles (CASF) –lequel code porte sur le RSA. Cette norme est, précisément, la règle à laquelle se réfèrent les radiations en question et dont il nous a été donné de prendre connaissance. Elle est, aussi et surtout, la seule –parmi les centaines d’articles régissant le RSA- qu’on puisse utiliser pour essayer de légitimer ces dernières. Explicitement, elle dispose que « le président du conseil général met fin au droit au » dit revenu et « procède à la radiation de la liste des bénéficiaires » de ce dernier « Le premier jour du mois qui suit une période de quatre mois civils consécutifs d'interruption de versement de l'allocation, lorsque les ressources du foyer sont d'un montant supérieur à celui du revenu garanti mentionné à l'article L. 262-2 ou lorsque l'interruption est prononcée en application de l'article L. 262-12 ». Ceci étant, montrons, dans ce qui suit, ce qui distingue cette règle, de l’interprétation que les présentes lignes dénoncent.

II- Analyse principale.

Est-il nécessaire de savoir ce que contient l’article L. 262-12, et, encore moins, ce que contient celui L. 262-2, pour comprendre que le législateur, ici, a décidé la radiation (ou fin de droit) de l’allocataire qui, durant quatre mois consécutifs pendant lesquels il n’aurait pas perçu le RSA, aurait rempli telle ou telle condition –ou, de façon plus précise, telle ou telle de deux conditions clairement indiquées- ? Plus explicitement, la décision en question ne se situe-t-elle pas à des milliers de lieux d’une décision qui consisterait à radier le bénéficiaire dont le versement de l’allocation aurait été interrompu durant quatre mois consécutifs ? En ce qui nous concerne, ne pas voir cette distance –ou, plus concrètement, ramener la première norme (la loi) à la seconde (son interprétation)- revient à lire une proposition disant « il faut décider X lorsque, avec A, on a B ou C. » comme une proposition qui dirait « il faut décider X lorsqu’on a A, B ou C. ». Ce faisant, on confondrait, avec un OU, une virgule qui n’a rien à voir ni avec le OU exclusif ni avec le OU inclusif.

La plus immédiatement visible, des différences distinguant les deux énoncés, l’un de l’autre, consiste en ce que la même décision doit être prise, selon l’un, dans deux cas, et, selon l’autre, dans trois cas. Et ceci suffit –d’autant plus qu’il s’agit d’un texte législatif et d’un texte ordonnant une fin de droit- à déclarer ‘énorme’ cette mince nuance : il y a, dans l’interprétation, un cas sur trois, au moins, dans lequel la décision est ni plus ni moins qu’illégale. En fouillant de plus près, dans le CASF, on peut avoir à en sortir qu’autant les situations menant au cas litigieux (celui de la suspension totale sur quatre mois) sont diverses, autant celles correspondant à l’un ou l’autre des deux autres cas (ceux liés à L. 262-2. ou à L. 262-12) ne le sont pas –en sortir, autrement-dit, que le risque d’illégalité a beaucoup de malchances d’être plus fort que dans la proportion ‘une fois sur trois’.

En somme et pour être plus précis, dans le cas qui nous préoccupe, des Autorités compétentes –Présidences de Conseils généraux, directement ou par délégation- ont radié des allocataires se trouvant dans la situation A, en exécution d’une loi -et en s’y référant, explicitement- leur ordonnant de radier l’allocataire qui se trouverait dans la situation ‘A et B’ ou dans celle ‘A et C’.

Pour mesurer combien une pareille liberté dans l’interprétation, dans le lire, peut être préjudiciable, pensons à un Etat dans lequel le législateur se permettrait d’écrire « Est passible d’emprisonnement : Toute personne âgée de plus de treize ans, qui commettrait un des délits définis par tels articles de tels codes ou se trouverait, sans autorisation valable, en possession de … ». Cet éventuel texte législatif étant d’une rédaction des plus correctes et d’un contenu des moins extraordinaires[1], des pays des plus modernes -des plus respectueux du droit ou des plus démocratiques- pourraient s’y voir soumis. Dans cet Etat, que des enfants devront finir par diriger, tous les adultes –ainsi que tout enfant, dès le lendemain de son treizième anniversaire- devront être incarcérés, et ces condamnations seront prononcées par des enfants exerçant le métier de juges et présidant les tribunaux.

III- Analyse complémentaire.

Premièrement. Pour ne pas voir ceci, il faudrait considérer que les deux ‘lorsque’, utilisés par la règle en question, énoncent un moment, un délai –ce qui, en plus d’exprimer une grande hâte dans le premier, serait on ne peut plus contradictoire dans le second. Le cas échéant, il faudrait radier à l’instant-même où, selon une autre règle de droit (L. 262-12), on ne peut qu’interrompre le versement. Par ailleurs, en admettant que nous sommes dans l’erreur, il resterait à se demander pourquoi, sur cinq cas de radiations (cités par l’article concerné), trois occuperaient un seul paragraphe (§ 2°) –plus encore, une seule phrase- alors que leur lien cesserait, une fois la virgule devenue OU, et que chacun des deux restants en occupe un (§ 1° et 3°).

Deuxièmement. Si l’on considère que ladite virgule est un OU, ayant le souci d’éviter la répétition, force serait, alors, de constater que l’article R. 262-68 (2°) ne manque pas de non-sens. En effet, par son intermédiaire, le législateur aurait autorisé des suspensions totales s’étalant sur quatre mois, après avoir –quelques articles auparavant (2° du R. 262-40)- décidé que toute suspension pareille devait se poursuivre par une radiation ! Quel sens y a-t-il à prendre telle décision, au lieu de telle autre, quand on sait, dès le départ, qu’on devra, à l’arrivée, transformer celle-là en celle-ci ? Que du non-sens, ajouté à un plus de travail et à un risque de confusions !

Troisièmement. Commettre l’erreur de droit, traitée ici, exprime qu’on ignore la façon dont la loi régit les cas d’allocataires incarcérés –ce qui n’est pas une mince ignorance lorsqu’on occupe des postes de responsabilité (et de décision) dans la gestion du RSA. En effet, l’article R. 262-45 suffit à montrer qu’il existe des situations où l’autorité compétente est, plus qu’autorisée, obligée de reprendre le versement après une interruption totale qui durerait bien plus de quatre mois –donc, de ne prononcer aucune fin de droit au terme de bien plus de quatre mois de versement nul.

Notes et références

  1. Outre qu’on pourrait remplacer le seuil de ‘treize ans’, par un âge plus avancé, remarquons que la française Madame Rachida DATI, au temps où elle était Garde des Sceaux, a proposé d’autoriser l’incarcération dès l’âge de douze ans.

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