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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (eu)/Les critiques du rôle de l’avocat général devant la Cour de justice

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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme >
L'émergence du problème

La procédure devant la CJCE et le rôle de l’avocat général

La procédure devant la CJCE comprend deux phases: la phase écrite, puis la phase orale.

La phase écrite est ouverte par une requête introductive adressée au greffe, puis débute par la désignation d’un juge rapporteur. La requête est alors transmise à la partie défenderesse qui dispose d’un délai d’un mois pour présenter un mémoire en défense. Le demandeur peut ensuite présenter une réplique et le défendeur une duplique. La Cour peut ordonner des mesures d’instruction ou solliciter des précisions de la part des parties[1]. Le règlement de procédure prévoit la faculté d’intervenir à l’instance au soutien des prétentions d’une des parties, pour des tiers dont les intérêts pourraient être affectés par la décision à venir. Les Etats membres et les institutions communautaires peuvent également intervenir, sans avoir à justifier d’un intérêt à agir. La phase écrite est ensuite close.

Débute alors la phase orale, qui comprend la lecture du rapport d’audience établi par le juge rapporteur, les plaidoiries des parties et le prononcé des conclusions de l’avocat général[2]. Sauf réouverture exceptionnelle de la procédure orale, conformément à l’article 61 du règlement de procédure de la Cour[3], le prononcé des conclusions précède immédiatement l’ouverture par la formation de jugement de la phase du délibéré. Le délibéré est secret, et donne lieu à l’adoption d’un arrêt ou d’une ordonnance. A la différence de ce qui se pratique à la Cour EDH, il est exclu qu’un juge puisse exprimer une opinion individuelle, qu’elle soit dissidente ou concordante. L’arrêt ou l’ordonnance est publié au recueil.

Le rôle de l’avocat général est au cœur du débat de la compatibilité de cette procédure ainsi décrite, avec l’article 6 § 1 de la Convention EDH, en particulier, le respect de l’égalité des armes et du contradictoire. Car tout ce contentieux autour du respect des principes d’égalité des armes et du contradictoire devant les juridictions suprêmes ne pouvait manquer de toucher à son tour la CJCE, où, selon les dispositions de l’article 59 du règlement de procédure de la cour, la lecture des conclusions de l’avocat général est le dernier acte de la procédure orale, à l’issue de laquelle le président prononce la clôture de la procédure.

Le respect de l’article 6 § 1 de la Convention EDH imposait-il que les parties soient informées préalablement à l’audience du contenu des conclusions de l’avocat général, et que la procédure orale soit réouverte de façon à ce que les parties puissent y répondre?

La question est posée dans l’affaire Emesa Sugar[4].

L’affaire Emesa Sugar (Free Zone) NV

L’ordonnance Emesa Sugar répond à une question parmi douze questions préjudicielles soulevées par le président du tribunal de première instance de la Hague (Pays-Bas), dans le cadre d’une procédure en référé ouverte par la société Emesa Sugar (Free Zone) NV, concernant la validité d’une décision du Conseil. Les questions préjudicielles soulevaient un problème de droit constitutionnel néerlandais, mais nous ne nous intéresserons ici qu’à la question procédurale soulevée par cette affaire.

Après que l’avocat général ait rendu ses conclusions à l’audience du 1er juin 1999, la société Emesa Sugar a demandé, dans une lettre du 11 juin envoyé au greffe de la Cour, à pouvoir présenter des observations écrites concernant les conclusions de l’avocat général, vraisemblablement pour critiquer son interprétation des faits ou son analyse du droit applicable. Mais une telle demande impliquait au préalable de décider si les parties pouvaient soumettre des observations en réponse aux conclusions de l’avocat général. Or ni le statut de la CJCE, ni son règlement de procédure ne comportent de dispositions à ce propos.

Emesa Sugar invoquait le droit à un procès équitable tel que posé par l’article 6 de la Convention EDH, ainsi que la jurisprudence bien établie de la Cour EDH, selon laquelle le concept de procès équitable implique le droit à une procédure contradictoire, qui elle-même, implique que les parties à un procès civil ou pénal puissent avoir connaissance de toutes les pièces déposées. La société Emesa Sugar se fondait en particulier sur l’arrêt Vermeulen[5] pour affirmer qu’on devait pouvoir répliquer aux conclu-sions rendues devant la CJCE par l’avocat général.

L’ordonnance du 4 février 2000

La CJCE réaffirme premièrement que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, et rappelle la signification particulière de la Convention EDH en tant que source principale d’inspiration (pt.8).

La Cour examine ensuite le statut et le rôle de l’avocat général au sein du système judiciaire communautaire. Elle observe que les avocats généraux ont le même statut que les juges, qu’ils bénéficient en particulier de la même immunité et que leurs conditions de destitution sont identiques, ce qui garantit à la fois leur impartialité et leur totale indépendance (pt. 11). La Cour relève également, que, toujours dans le sens de leur impartialité et leur indépendance, “les avocats généraux ne sont subordonnés à personne, ne sont ni des procureurs, ni les sujets d’aucune autorité, à la différence de l’organisation judiciaire dans certains Etats membres. Dans l’exercice de leur fonction ils n’assurent la défense d’aucun intérêt particulier” (pt. 12).

La Cour relève ensuite que le prononcé des conclusions de l’avocat général clôt la procédure orale. Ces conclusions ne font pas partie de la procédure entre les parties, mais ouvrent plutôt la phase de délibération de la Cour: “Ce n’est donc pas une opinion adressée aux juges ou aux parties, émanant d’une autorité extérieure à la Cour ou dont l’autorité prend sa source du ministère public (Vermeulen § 31). Elles constituent plutôt un point de vue individuel argumenté, exprimé en audience publique, par quelqu’un qui est lui-même un membre de la Cour” (pt.14).

Considérant le lien à la fois organique et fonctionnel entre l’avocat général et la Cour, celle-ci considère que la jurisprudence de la Cour EDH “n’apparaît pas transposable aux conclusions de l’avocat général devant la CJCE” (pt. 16).

La Cour mentionne également, à titre d’argument supplémentaire, les contraintes spécifiques inhérente à la procédure communautaire du fait de son régime linguistique particulier (pt. 17). Conférer aux parties le droit de soumettre des observations en réponse aux conclusions de l’avocat général, ainsi qu’un droit de réponse correspondant accordé aux autres parties (ce qui inclut lors de la procédure de question préjudicielle, les Etats membres, la Commission et les autres parties concernées), causerait de sérieuses difficultés, allongeant considérablement la durée de la procédure. La Cour admet que de telles contraintes ne justifient évidemment pas la violation du contradictoire. Toutefois, pour la Cour, il n’y a pas de violation du contradictoire “dans la mesure où c’est au regard même de la finalité même du contradictoire, qui est d’éviter que la Cour puisse être influencée par des arguments qui n’auraient pas pu être discutés par les parties, que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, que la Cour peut, d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été discuté entre les parties” (pt. 17). En conséquence, la Cour rejette la demande d’Emesa Sugar, de pouvoir répondre aux conclusions de l’avocat général. Cette conclusion de la Cour appelle plusieurs observations.

Analyse de l’ordonnance

On peut noter tout d’abord que la réponse de la CJCE dans son ordonnance du 4 février 2000 est identique à l’argumentation développée par le Conseil d’Etat français dans l’arrêt Esclatine[6]. Il est vrai que, lors de la création de la CJCE, la procédure qui avait cours devant le Conseil d’Etat français a largement servi de source d’inspiration[7].

Bien que cette ordonnance ait été rendue dans le cadre d’une question préjudicielle, la Cour devrait avoir la même approche dans des actions fondées sur les articles 230 et 232 CE, dans les actions en responsabilité (article 228 CE) et en manquement (article 226 CE), car le refus de conférer aux parties le droit de répondre aux conclusions de l’avocat général se fonde sur des considérations générales concernant “le statut et le rôle de l’avocat général”.

Dans le passé, les parties ont fréquemment tenté, sans plus de succès, de commenter les conclusions de l’avocat général, mais le greffe répondait habituellement par une brève note. Dans la présente affaire, la CJCE a voulu justifier sa position par une analyse détaillée de la situation. On ne peut toutefois pas conclure que son argumentation soit convaincante.

La CJCE ne dénie pas le droit à un procès équitable tel que posé dans l’article 6 de la Convention EDH, elle n’adopte pas un point de vue différent de celui de la Cour EDH dans l’arrêt Vermeulen. La CJCE, dans la première phrase du § 18 admet bien le droit fondamental à une procédure contradictoire. Ce qu’elle n’admet pas, c’est qu’on lui applique cette règle, selon laquelle toute pièce, tout argument, doit avoir été communiqué aux parties et avoir fait l’objet d’un débat contradictoire. Elle développe deux arguments qui font l’objet d’une analyse critique de Rick Lawson[8], que nous reprendrons ici.

Selon le premier argument, le statut de l’avocat général différerait de celui de magistrat représentant du ministère public qui était en cause dans l’arrêt Vermeulen. L’avocat général est indépendant, “à la différence de ce qui ressort de l’organisation judiciaire dans certains Etats membres” (pt.12). Ainsi, la Cour de justice, dans l’arrêt Emesa Sugar, fonde son refus d’accepter que le requérant puisse présenter des observations écrites après la clôture de la procédure orale, sur le fait que sa situation est différente de celle qui prévaut dans les juridictions nationales qui ont été mises en cause devant la Cour EDH.

Le statut de l’avocat général est certes différent de celui d’un représentant du ministère public devant les cours suprêmes françaises, belges, néerlandaises, portugaises et italiennes. Mais la situation diffère également entre ces différents systèmes nationaux, comme le montre la variété des titres usités: procureur général aux Pays-Bas, avocat de l’Etat au portugal, commissaire du gouvernement en France, et ainsi de suite. Dans cet ensemble, l’avocat général devant la CJCE est un personnage comme les autres. La différence entre l’avocat général et l’un quelconque de ces représentants des ministères publics des juridictions suprêmes nationales est-elle plus grande qu’entre le représentant néerlandais et le représentant portugais? Faut-il faire passer une ligne de démarcation entre la CJCE et “l’organisation judiciaire dans certains Etats membres”, comme le relève l’arrêt Emesa Sugar au point 12, auquel cas, la Cour aurait dû argumenter sur ce point, ce qu’elle n’a pas fait. Et Rick Lawson conclut sur ce point que, “la fonction se résume à ceci: dans tous les cas, un magistrat indépendant et impartial soumet à une juridiction suprême des observations, dont le but est d’informer la cour, et, en définitive, d’influer sur son jugement”. Il est donc difficile de fonder sur une différence de statut, le refus d’accorder la possibilité de répondre par écrit aux conclusions de l’avocat général devant la CJCE.

Selon le second argument, la situation de l’avocat général devant la CJCE serait particulière, du fait de son indépendance et de son objectivité.

Or l’arrêt Vermeulen soulignait qu’il n’y avait pas de raisons de douter “de l’indépendance et de l’impartialité de la Cour de cassation et son procureur général”. Ce que l’arrêt Vermeulen considère comme décisif, ce n’est pas tant le statut de celui qui est à l’origine des observations soumises à la Cour, mais l’impossibilité pour les parties d’y répondre. La Cour EDH fonde sa position sur le droit à une procédure contradictoire, qui implique que les parties à un procès pénal ou civil aient “la possibilité d’avoir connaissance et de pouvoir commenter toute preuve ajoutée et toute observation déposée en vue d’influencer la décision de la Cour”.

Il est difficile de contester que les conclusions de l’avocat général aient pour but d’informer la Cour et d’influer sur le jugement à venir, et que cette influence tient à l’autorité particulière dont bénéficient ces conclusions. Or c’est précisément une semblable autorité que l’avocat général belge tire du ministère public, et qui justifiait, dans l’arrêt Vermeulen, que la Cour EDH condamne l’impossibilité où sont les parties de répondre à ses conclusions. Il n’est en effet pas possible, d’une part d’attacher une grande importance aux conclusions tant d’un avocat général que d’un de ses homologues devant les juridictions nationales, et d’autre part prétendre respecter le principe du contradictoire en interdisant au justiciable d’y répliquer.

Et Rick Lawson conclut sur ce point, que “la CJCE exalte l’indépendance et l’impartialité de ses avocats généraux. Personne ne leur dénie indépendance et impartialité. Mais là n’est pas la question. Le point important de la requête d’Emesa était que le requérant aurait voulu pouvoir commenter toutes les observations présentées. Et la CJCE a omis de l’aborder.”

La possibilité de réouverture de la procédure peut-elle compenser le défaut de respect du contradictoire devant la CJCE? Tel serait le cas selon l’arrêt Emesa Sugar. La Cour rappelle en effet que l’article 61 du règlement de procédure de la Cour, laisse la possibilité de réouvrir la procédure orale déjà évoquée dans l’arrêt Alvarez[9].

En l’espèce, toutefois, la demande de la société Emesa Sugar ne portait pas sur la réouverture de la procédure orale, elle n’invoquait aucun élément précis qui aurait fait apparaître l’utilité ou la nécessité d’une telle réouverture. La requérante souhaitait simplement déposer des conclusions écrites en réponse aux conclusions de l’avocat général, ce qui n’est prévu par aucun texte.

Indépendamment de ce qu’était la demande réelle de la société Emesa Sugar, on ne peut admettre l’argument de la Cour, selon lequel la possibilité de réouvrir la procédure orale suffirait à assurer un un caractère contradictoire à la procédure. Selon Rick Lawson, au contraire, “on ne peut dire que l’impossibilité structurelle de commenter les conclusions de l’avocat général est contrebalancée par le pouvoir dont dispose la Cour de réouvrir la procédure orale”. En premier lieu, le nombre de cas de réouverture de la procédure orale est rarissime: “la Cour n’en mentionne que cinq cas en dix ans”. En second lieu, “du fait qu’aucune de ces décisions n’a été publiée, il est difficile pour les parties, de savoir quand la Cour décide de réouvrir la procédure”. Et de conclure: “un pouvoir discrétionnaire de la Cour n’est pas identique à un droit processuel des parties”.

L’actualité de la question

La demande de réouverture de la procédure orale, afin de répliquer aux conclusions de l’avocat général, est récurrente. La différence, par rapport à l’affaire Emesa Sugar, c’est que les parties motivent leur demande avec précision, ce qui permet à la Cour de justifier son du refus. Toutefois, cette motivation demeure minimale.

Dans l’arrêt de la CJCE du 23 janvier 2003, Makedoniko Metro Michaniki (affaire C- 57/01), la Cour devait répondre à des questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la réglementation communautaire en matière passation de marché publics de travaux. L’audience a eu lieu le 6 juin 2002, et, par lettre du 15 juillet 2002, la requérante a demandé la réouverture de la procédure orale “afin d’éclairer la Cour sur l’objet de la procédure nationale qui a donné lieu à la question préjudicielle”. A l’appui de sa question, la requérante critiquait le fait que l’avocat général Mme Stix- Hakl avait reformulé la question préjudicielle, et contestait l’interprétation des faits par celle-ci.

La Cour rappelle alors (pt. 34) la possibilité de réouvrir la procédure orale, et les conditions de cette réouverture.

Puis elle précise qu’elle peut toujours reformuler une question “en vue de respecter les limites de sa compétence et de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile” et “que la définition de l’objet de la procédure au principal appartient à la juridiction nationale”. Sur le premier aspect, la Cour considère que les observations que la requérante désire présenter dans le cadre de la procédure orale dont elle demande la réouverture, relèvent de la compétence exclusive de la juridiction nationale, et “l’avocat général entendu, considère que la demande de (la requérante) ne comporte aucun élément qui ferait apparaître l’utilité ou la nécessité d’une réouverture de la procédure orale” (pt. 37). Sur le second aspect, Denys Simon relève dans une courte note de jurisprudence[10], la contradiction entre ces règles rappelées par la Cour, et le fait qu’elle reformule une question en prenant en compte des éléments fournis par la juridiction nationale et ressortant du dossier principal, ne respectant pas elle-même la limite de compétence qu’elle vient elle-même de rappeler.

Rien ne permet d’exclure que la requérante ait seulement cherché un moyen de retarder l’attribution à un concurrent, du marché public qui était au cœur de l’affaire. Mais l’arrêt laisse un doute préjudiciable sur le sérieux avec lequel la Cour examine les demande de réouverture de la procédure orale.

L’arrêt de la CJCE du 17 juin 2004, Recheio- Cash & Carry SA (affaire C- 30/02), concernait une répétition de l’indu. Le tribunal de première instance de Lisbonne demandait (entre autres) à la Cour de justice si le délai de prescription de 90 jours pour introduire une action en reconnaissance d’un droit à restitution de frais d’enregistrements perçus en violation du droit communautaire délai qui respectait le principe d’équivalence, était conforme au droit communautaire. L’audience a eu lieu le 11 décembre 2003, et, par lettre du 23 janvier 2004, la requérante a demandé la réouverture de la procédure orale, faisant valoir que “l’avocat général (avait) fondé ses conclusions sur une interprétation manifestement incorrecte du droit portugais selon laquelle le délai de prescription en cause n’était pas de 90 jours mais de 5 mois 1/2” (pt. 11). Or, sans vouloir entrer dans les détails, force est de constater que cette allégation est inexacte, si l’on se réfère aux points 37 à 39 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jalabo Colomer.

De nouveau, la Cour rappelle (pt. 12) la possibilité de réouvrir la procédure orale, et les deux situations justifiant cette réouverture. Elle conclut brièvement en affirmant que “aucun de ces deux cas de figure ne caractérisant la présente affaire, la Cour considère qu’il n’y a pas lieu d’ordonner en l’espèce la réouverture de la procédure orale. Par conséquent, il convient de rejeter la demande tendant à une telle réouverture” (pt. 13).

L’arrêt se fonde ensuite sur le délai de 90 jours pour établir qu’un délai de forclusion de 90 jours n’est pas incompatible avec les exigences du droit communautaire en matière de répétition de l’indu, ceci démontre qu’en effet, il n’y avait pas de raison de réouvrir la procédure orale: soit la requérante n’avait pas compris le sens des conclusions de l’avocat général .

Ces deux affaires montrent que les requérants peuvent avoir aussi bien de bonnes que de mauvaises raisons de demander la réouverture de la procédure orale. Dans les mauvaises raisons, on peut ranger le désir d’une partie de prolonger la procédure; dans les bonnes raisons, une éventuelle erreur de l’avocat général. Mais en tout état de cause, le respect du contradictoire passe par la transparence, et la Cour doit se montrer plus explicite sur les raisons qui l’amènent à refuser la réouverture de la procédure orale.


Notes et références

  1. Article 45 § 1 du règlement de procédure de la Cour: “La Cour, l’avocat général entendu, fixe les mesures qu’elle juge convenir par voie d’ordonnance articulant les faits à prouver. Avant que la Cour décide les mesures d’instruction visées au § 2 c), d) et e), les parties sont entendues”. Article 60 du règlement de procédure de la Cour: “La Cour, l’avocat général entendu, peut, à tout moment, conformément à l’article 45 § 1, ordonner une mesure d’instruction ou prescrire le renouvellement et l’ampliation de tout acte d’instruction. Elle peut donner mission au juge rapporteur d’exécuter ces mesures”.
  2. Article 59 du règlement de procédure de la Cour: § 1: “L’avocat général présente ses conclusions orales et motivées avant la clôture de la procédure orale”, § 2: “Après les conclusions de l’avocat général, le président prononce la clôture de la procédure orale”.
  3. Article 61 du règlement de procédure de la Cour: “La Cour, l’avocat général entendu, peut ordonner la réouverture de la procédure orale”.
  4. C- 17/98 4 février 2000 Ordo. Emesa Sugar (Free Zone) NV et Aruba.
  5. CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique.
  6. CE 29 juillet 1998 Esclatine.
  7. Selon l’avocat général français P. Léger, “en 1951, lorsque le Traité de Paris a donné naissance à la première Communauté, celle du charbon et de l’acier, il n’était pas prévu que des avocats généraux soient attachés à la Cour de justice alors créée. Toutefois, dans le cours des négociations, il avait été suggéré que les juges puissent exprimer des opinions dissidentes. La délégation française a proposé que soit adoptée une institution du Conseil d’Etat, le commissaire du gouvernement. C’est ainsi qu’avec le titre plus approprié d’avocat général, notre personnage est apparu sur la scène judiciaire communautaire, au départ, dans le seul statut de la Cour de justice de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il n’a pris place , au côté des juges, dans le traité de Paris, que par un amendement ultérieur”, cité par Dean Spielmann, “L’indépendance de l’avocat général de la Cour de justice des Communautés européennes face à l’égalité des armes et au principe du contradictoire”, RTD de l’Homme, Bruxelles, n°43, juillet 2000, 590.
  8. Rick Lawson, Note on the Case C- 17/98 Emesa Sugar (Free Zone) NV v. Aruba, Order of the Court of Justice of 4 February 2000, Common Market Law Rewiew, 2000, 983-990.
  9. 206/81 6 octobre 1982 Alvarez c/ Parlement européen pt. 18.
  10. Europe mars 2003, p.9, commentaire n° 84.