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Article 3 du Code civil français et droit international privé (fr)

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France > Droit privé > Droit civil > Droit international privé

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Par Guillaume Weiszberg, docteur en droit.

Rares sont les dispositions rémanentes du Code civil français touchant au droit international privé -que l'on songe par exemple à la nationalité et à la condition des étrangers en France qui n'ont de cesse d'être bouleversées. Or l'article 3 a conservé sa rédaction d'origine.

L'article 3 fait donc figure d'exception par sa stabilité et son importance.[1] Cette situation peut être expliquée par une rédaction à la fois claire et extensible qui permet les évolutions de la jurisprudence mais aussi par une vision quasi-universelle du droit.

Rédaction et application

La lettre de l'article 3 : une rédaction assez simple

L'article 3 du Code civil dispose que:

« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent sur le territoire (al. 1er).
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française (al. 2).
Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers (al. 3). »

À première vue cette rédaction laisse peu d'ambiguïté.

Les concepts de loi de police et de sûreté, d'immeuble, de territoire,... sont des critères classiques du droit romano-germanique et donc du droit français.

Cependant, ces concepts, certes classiques prennent toute leur importance ici. Où l'application, ou non de la loi française est en jeu.

L'article 3 : un article fondamental du droit international privé français

L'article 3 est le siège des principales règles de droit international privé français. Il permet dans les domaines les plus sensibles d'appliquer le droit français.

Cependant, son application n'est pas sans difficulté. La lettre de l'article n'énonce que des régles dans certains cas conceptuels. Mais il est difficile de délimiter les concepts certes classiques, de "loi de police et de surêté" et d'"immeubles" par exemple. De plus se pose la question de l'office du juge. Dans quels cas, doit-il suppléer les parties et même contre leur avis appliquer une loi autre, et laquelle ?

Une étude thématique s'impose donc. Trois questions différentes peuvent être considérées dans ce texte:[2]: les lois de police et de sûreté (l'on parle aujourd'hui plus volontiers de lois de police seulement.[3], le droit applicable aux immeubles situés sur le territoire français (ou lex rei sitae: loi du lieu où est située la chose littéralement), et l'état et la capacité des Français(e)s, ainsi qu'une question extrinsèque mais cruciale: l'office du juge face à la règle de conflit de lois et à l'application de la loi étrangère.

Les lois de police françaises

La notion de loi de police est un concept relativement courant dans le monde juridique. Celui-ci permet de créer une catégorie spécifique de lois importantes qui sont appliquées de manière extensives. Le contenu des ces lois est difficile à définir.

Ni la loi française, ni la jurisprudence ne tranchent la question. Il n'existe pas de définition légale dans l'ordre juridique interne.

Domaine juridique

La seule véritable définition juridique de la notion de loi de police est posée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Le juge et le législateur français préférant une approche casuistique de la question.

Avant tout, il faut rappeler l'impact important des décisions de la CJCE sur l'ordre interne[4]. Il n'est donc pas exclu que cette définition soit reprise par le juge national dans quelques années.

La définition de la CJCE posée dans un arrêt en date 23 novembre 1999[5] est la suivante :

« constitue, au sens du droit communautaire, une loi de police la disposition nationale dont l'observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'État au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire ou localisée dans celui-ci » [6]

Cependant, l'application par le juge de la notion de loi de police et de sûreté[7] ne semble pas être faite au hasard. Il s'agit de quelques domaines épars reconnus par la jurisprudence ou au coup par coup que les spécialistes regroupent[8]. Ces domaines sont considérés particulièrement importants et empêchent l'application d'une autre loi. On peut remarquer qu'il n'y a que peu de point commun entre ses domaines et que rien n'empêche une nouvelle catégorie d'y entrer. Ces domaines sont les suivants : l'assistance à l'enfance[9], les funérailles[10], la représentation des salariés[11], la propriété littéraire et artistique[12], la monnaie[13], les obligations du mariage[14], la protection du consommateur[15],...

Définitions doctrinales

Cependant, la doctrine ne peut laisser un tel vide théorique et propose quelques définitions.

Le Professeur Phocion Francescakis a proposé une définition parfaitement conforme à la définition communautaire précitée -de fait, la CJCE a repris cette définition de feu Phocion Francescakis: « lois dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique[16] ».

Certains auteurs préfèrent qualifier les lois de police en règles d'application immédiate. En effet, le lexique des termes juridiques[17] fait un renvoi de l'un vers l'autre. Toutefois, d'autres auteurs considérent qu'il existe une distinction.

Ainsi, le Vocabulaire juridique[18] dirigé par feu le Professeur Gérard Cornu définit les secondes de la sorte: « Expression désignant les lois dont l'application, dans les rapports internationaux, serait commandée par leur contenu sans considération des règles de conflit[19]. La règle de conflit (de lois) est une règle, législative ou jurisprudentielle qui, tenant compte des liens qu'une situation présente avec plusieurs systèmes juridiques, prescrit l'application à cette situation, ou à tel ou tel de ses éléments , d'un de ces systèmes, de préférence aux autres[20]. ».

Cette brève définition n'est pas des plus heureuses, tous les internationalistes en conviennent[21].

Régle de conflit de loi

L'unilatéralisme "pur"

L'unilatéralisme. La règle de conflit de lois est, en principe, bilatérale, c'est-à-dire que le juge français s'interroge sur les points (ou critères) de rattachements de la situation, les éléments d'extranéité, et le contenu de la loi étrangère. Ainsi, si une Convention internationale enjoint au magistrat de déterminer quelle est la loi compétente en matière contractuelle, il devra consulter l'une des règles de conflit de lois contenue dans la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (entrée en vigueur en 1991 et liant la France, prochainement "communautarisée" sous forme de Règlement "Rome I"), et le cas échéant, appliquer d'office la loi étrangère désignée compétente (sous réserve des précisions apportées à la sous section question extrinsèque: la mise en oeuvre de la loi étrangère, infra)... A moins qu'il n'invoque une loi de police nationale, dont le champ d'application est territorial (v. cependant section suivante) (article 7§2 de la Convention de Rome). Auquel cas l'unilatéralisme prévaudra[22], la loi de police du for (du juge saisi) sera appliquée (lex fori). H. Batiffol et P. Lagarde soulignent que les magistrats français font une application modérée de cette voie unilatéraliste, qui ouvrirait la porte au nationalisme juridique. [23].

L'unilatéralisme "à rebours" ou le bilatéralisme

Comme tout État civilisé respectant ses engagements internationaux, il va de soi que la France applique des règles de conflit conventionnelles, et surtout, qu'elle respecte le principe de réciprocité. En droit international privé français, pourront donc être prises en considération les lois de police étrangères[24], à plus forte raison lorsque le droit désigné applicable est celui comportant la loi de police étrangère.

Première difficulté : Que doit faire le juge en présence de plusieurs lois de police étrangères, venant d'États distincts ?
Si ces lois tendent au même résultat (annulation d'un contrat par exemple), leur application cumulative ne causera aucun souci. En revanche, si ces lois mènent à des solutions (radicalement) différentes, les magistrats français auront à choisir la loi de police la plus appropriée. On parle de conflits de lois de police (H. Batiffol et P. Lagarde) ou encore de lois de police concurrentes (P. Mayer et V. Heuzé).

Système de solution : l'on peut s'inspirer de l'article 7§1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, posant des garde-fous à une application systématique de la loi de police étrangère.
Aux termes de cette disposition, "Lors de l'application, en vertu de la présente Convention, de la loi d'un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce pays ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant du contrat". Au surplus, l'article 7§1 ajoute que "Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application (caractères gras ajoutés)".
Cette disposition a inspiré la Convention de La Haye de 1985 sur les trusts (art. 16 al. 1er) ainsi que celle de 1986 sur la loi applicable aux contrats de vente (art. 17). C'est une solution de compromis qui a le mérite de ne pas lier les juges, et de procéder aux vérifications imposées au texte, même si elles sont complexes. En effet, il est toujours difficile pour le juge français de savoir ce qu'une loi de police étrangère produirait en droit français, quant à son application ou à sa non application ? De plus, la jurisprudence est très maigre sur le sujet, le débat demeure donc largement prospectif.

Question extrinsèque: la mise en oeuvre de la loi étrangère

La doctrine et la jurisprudence -souvent contradictoire- sont en constante évolution quant au problème de l'appication d'office par le juge français de la loi étrangère[25]. Depuis l'arrêt Bisbal du 12 mai 1959[26], la solution était la suivante: « Les règles de conflit de lois , en tant du moins qu'elles prescrivent l'application d'une loi étrangère, n'ont pas un caractère d'ordre public, en ce sens qu'il appartient aux parties d'en réclamer l'application et qu'on ne peut reprocher aux juges du fond de ne pas appliquer d'office la loi et de faire, en ce cas, appel à la loi interne française laquelle a vocation à régir tous les rapports de droit privé ». Premier tempérament: il est loisible, cependant, aux juges du fond de procéder eux-mêmes à la recherche et de préciser les dispositions du droit étranger compétent (affaire "Chemouny")[27]. La solution "Bisbal" et son correctif "Chemouny" avaient été critiqués fermement[28]. La Haute juridiction, sur le terrain procédural, avait recadré dans une affaire "Bertoncini"[29] l'office du juge: les parties, deux époux, n'ayant invoqué leur nationalité commune italienne, il n'appartenaît pas au juge du fond d'appliquer la loi italienne d'office. Second tempérament, le Code de procédure civile a évolué depuis: il est désormais possible, lorsque le juge ne se trouve pas assez informé, « d'inviter les parties à fournir les explications de fait qu'il juge nécessaires à la solution du litige »[30], -en l'occurrence, d'entendre les parties sur les problèmes relevant de l'applicabilité de la loi étrangère- et de « prendre en considération même des faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leur prétention » (Article 7, al. 2 N.C.P.C.)[31]. Sous réserve de la stricte observation du principe de la contradiction. Le pouvoir réglementaire a, en 1975, tenté en vain de remédier à la problématique en ajoutant un alinéa 3 à l'article 12 du N.C.P.C., qui prévoyait que: « Il (le juge) peut relever d'office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties »[32]. La question, tel un serpent de mer, ressurgit en jurisprudence. Celle-ci est fixée sur deux points: d'une part, il revient désormais au juge d'appliquer d'office la règle de conflit de lois, dès lors que l'article 12 al. 1 N.C.P.C. oblige le juge à trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, à moins que les parties n'aient invoqué d'autres lois que celles spécialement tirées du droit français (affaires "Rebouh", "Schule" et "Coveco")[33]. Il s'agit-là d'un véritable revirement de jurisprudence, la troisième espèce étant illogique par rapport aux deux précédentes: alors que dans la jurisprudence "Bisbal", il convenait de distinguer selon qu'est désignée la loi française (application d'office) ou la loi étrangère (application à la demande des parties), les arrêts "Rebouh" et "Schule" contraignent le juge à appliquer d'office toute règle de conflit à lui présentée (en l'espèce, en matière de filiation et de succession mobilière). L'affaire "Coveco" sembla faire un pas en arrière, dès lors qu'elle assignait un rôle facultatif à l'application d'office en présence d'une convention internationale portant règles de conflits de lois[34] et dès lors qu' elles ont la libre disposition de leurs droits. Tel était l'état du droit positif en 1990 : libre disponibilité des droits d'un côté et présence d'une convention internationale restaient à régler. D'autre part, donc, la Cour de cassation, après un premier arrêt-test "Roho" du 11 octobre 1988[35] a répondu aux critiques portant sur le caractère obligatoire de l'application de la règle de conflit conventionnelle: par son arrêt de 1997 "Société Hannover International c/ Baranger"[36], a posé que « pour les droits dont elles ont la libre disposition, les parties peuvent s'accorder sur l'application de la loi du for malgré l'existence d'une convention internationale ou d'une clause contractuelle désignant la loi compétente. Un tel accord (procédural) peut résulter des conclusions des parties invoquant une loi autre que celle qui est désignée par un traité ou par un contrat »[37]; D. Burau et H. Muir Watt, Droit internationalité, t. I, n° 377, P.u.f. 2007. Restent à régler les difficultés afférentes à la notion de libre disponibilité des droits[38] telle qu'employée dans l'arrêt Hannover Int'l. Cela implique une synthèse "librement inspirée" des travaux des Professeurs P. Mayer et V. Heuzé en dernier lieu : « pour les droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, le juge doit impérativement appliquer d'office la règle de conflit de lois et ainsi désigner la loi compétente (lex fori, lex loci delicti, lex rei sitae...); aucune dérogation n'est possible; V. en matière de filiation Commentaire de Cass. civ. 1re, 6 février 2008, N° de pourvoi : 07-13305 (fr): droits indisponibles, recherche d'office de la règle de conflit de lois et application de la loi désignée.[39]; pour les droits dont les parties ont la libre disposition: en présence d'une règle de conflit de source conventionnelle, le juge doit appliquer d'office ladite règle d'office sauf en présence d'un accord procédural exprès[40]; en présence d'une règle de conflit de lois d'origine non conventionnelle, le juge aura la faculté d'appliquer la règle de conflit en question, faute d'accord procédural.[41].

La lex rei sitae

Bien que le mot latin res (rei/re) signifie "la chose", l'article 3 ne vise que les immeubles[42], et non les biens mobiliers corporels autrement dénommés meubles. Néanmoins, dès 1872, la Cour de cassation a appliqué la règle aux meubles[43]. Cet article impose au juge d'appliquer la loi française aux immeubles sis en territoire français, solution remontant à l'Ancien Droit.

Apparemment strictement unilatéraliste, dès lors qu'il n'est question que des immeubles même ceux possédés par des étrangers, devant être soumis à la loi française, l'on pourrait songer que le règime ne vaut qu'en territoire français; or, la jurisprudence n'en a pas moins bilatéralisé la règle de conflit de lois : tous les biens situés à l'étranger sont, du point de vue du juge français, soumis à la loi de situation du bien, la lex rei sitae[44]. S'agissant des meubles, la question se pose bien évidemment quant à leur réelle situation: encore faut-il qu'ils soient soumis à la compétence territoriale d'un État, mais tel n'est pas le cas des biens transportés hors des zones côtières et économiques exclusives (v. la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer), pour les marchandises en transit maritime, ou du fret des avions évoluant au-dessus d'espaces internationaux sans souveraineté, entraînant des cas de conflits mobiles[45].

Autre question sensible : à qui revient-il d'interpréter le contenu de la loi étrangère, et à qui en incombe la preuve? Sur le premier point, les juges du fond ont une compétence souveraine [46].

L'état et la capacité des personnes: droit applicable

Aspects du droit des incapacités en droit international privé

Le droit des incapacités (incapables mineurs, majeurs protégés: aliénés, faibles d'esprit, sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice) est naturellement protecteur des ressortissants français, non seulement sur le territoire national, mais encore « elles [les lois protectrices des incapables] le(s) suivent en dehors de leur pays »[47]. La règle est parfaitement bilatéralisable[48]. Cependant, des mesures spéciales, les lois d'application nécessaire, ci-avant dénommées "lois de police", peuvent faire échec à cette faculté[49]. Le droit jurisprudentiel, très discordant d'un État à l'autre, a fait l'objet de synthèses doctrinales ayant permis l'adoption de deux Conventions de La Haye[50]. Le sujet déborde ainsi de la présente contribution.

L'état et la capacité des personnes: nationalité et bilatéralisation

L'article 3 alinéa 3, une disposition révolutionnaire

Un précédent historique

Consciemment ou pas, les rédacteurs du Code Napoléon ont forgé le système moderne du statut personnel des Français, comme d'autres citoyens soumis à des Codes civils inspirés du premier. Sous l'Ancien Régime, le statut personnel était déterminé par le lieu de résidence de l'intéressé(e)[51]. En effet, en visant "les Français, même résidant en pays étranger", le Code de 1804 adopte pour critère de rattachement la nationalité, critère moins fluctuant[52] au temps des guerres européennes du XIXème siècle concommitantes aux conquêtes (puis défaites) napoléoniennes.

Le critère de rattachement contemporain: la nationalité

Ainsi que l'écrivent H. Batiffol et P. Lagarde, "la personne reste la même à travers ses déplacements"[53]. Par ailleurs, chacun a droit à une nationalité (Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, art. 15). En outre, "la nationalité, parce qu'elle est stable, assure la continuité du traitement juridique de la personne mieux qu'un autre rattachement juridique (...) La nationalité, comme l'enregistre l'article 3 alinéa 3, remplace la religion - allégeance l'une et l'autre essentielles et quasi-perpétuelles-".[54]. Cependant, cette approche romano-germanique n'est pas validée par tous les États (anglo-saxons en particulier, davantage rattachés à la loi de la résidence habituelle).

L'état des personnes en droit international privé français

La règle reproduite plus haut de l'article 3 alinéa 3 du Code civil est distributive, elle s'applique donc tant à la capacité qu'à l'état de la personne. Sauf à traiter de l'entier droit international privé de la famille et des personnes, l'accent sera mis ici sur le bilatéralisme de cet alinéa.

La bilatéralisation de la disposition régissant l'état des personnes

La règle de conflit bilatérale est définie comme suit dans le Vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant (op. cit., v° Bilatéral): "Règle de conflit de lois qui dispose de l'application de la loi du pays où elle est en vigueur aussi bien que de la règle étrangère"). L'on sait qu'initialement, la règle de conflit de lois française de l'article 3 alinéa 3, n'avait aucune prédisposition à être bilatéralisée. Pourtant, dès l'arrêt précité Busqueta de 1814, les magistrats français ont considéré qu'une telle disposition ne pouvait demeurer unilatéraliste[55], malgré une tendance doctrinale unilatéraliste[56]. De telles études, "souverainistes"[57] (l'on parle plus volontiers de particularisme en droit international privé), ne suscitent pas spécialement l'enthousiasme des magistrats et jurisconsultes, préférant l'application distributive du statut personnel à chaque individu. Restent les questions, non traitées ici, des apatrides (sans-papiers), de la politique d'immigration/d'émigration, des réfugiés, (etc.). Le texte de l'article 3 est bref, cet article l'imite, quitte à le perfectionner.

Notes et références

  1. V. p. ex. les aller-retour dans la modification de l'article 21-1 relatif à l'acquisition de la nationalité par mariage.
  2. Sous réserve d'une contribution complète Droit international privé à venir.
  3. Sur les causes historiques de cette rédaction au temps de Napoléon Bonaparte, consulter H. Batiffol et P. Lagarde, Traité de droit international privé, T.1, L.G.D.J., 1993, n° 272, note 1 et n° 254, note 1, ISBN 2-275-00514-5
  4. V. notamment Cass. civ. 2ème, 21 mars 1968, Gaz. Pal. 1968.2.83; Conseil d'État, 27 janvier 1971, Gaz. Pal. 1971.2.579; Cass. com. 8 mai 1973, Juris-classeur Périodique, 1978.IV.58, note Jeantet, quant à l'interprétation des traités fondateurs des communautés européennes: v. surtout Cass. Ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre et Conseil d'Etat, 20 octobre 1989, Nicolo: Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé par B. Ancel et Y. Lequette, n° 55-56: supériorité du traité du 25 mars 1957. Sur le plan institutionnel, compétence est donnée à la Cour de Justice en vertu desdits traités, dès lors qu'en vertu de la hiérachie des normes, les Traités Rome, de Maastricht, de Nice et d'Amsterdam sont des instruments de droit international public qui, une fois ratifiés, sont obligatoires dans leurs dispositions. La Cour de justice des Communautés européennes est mandatée pour veiller à la bonne application du droit communautaire, elle a une conpétence d'attribution qui, "dans la limite de ses compétences (...) exerce un pouvoir exclusif pour imposer aux États le respect des Traités(L. Cartou, J.-L. Clergerie, Annie Gruber et P. Rambaud, L'Union européenne, Précis Dalloz, Droit public & science politique, 5ème édition, 2004, n° 170, ISBN 2247055117)
  5. CJCE 23 novembre 1999 Arblade, C-369/96 et C-376/96, Rec. 1999, p I-8453.
  6. Revue critique de droit international privé (ci-après Rev. crit. DIP) 2000, p. 710, note Fallon; Journal du droit international (ci-après JDI) 2000, p. 493, observations Luby.
  7. Sur l'évolution du mot « sûreté », v. Sécurité, insécurité, sûreté et Sûreté, Sécurité un point sur l'évolution sémantique, blog Juridique.pourtous.
  8. V. notes de jurisprudence sous l'art. 3
  9. Civ. 1re Chambre civile de la Cour de cassation, 27 oct. 1964 : Recueil Dalloz (ci-après D.) 1965. 81
  10. Civ. 1ère, 12 févr. 1957 : D. 1959. 47, note Malaurie.
  11. Soc. 3 mars 1988 : Bull. civ. V, n°164 ; Rev. crit. DIP 1989. 63, note G. Lyon-Caen ; JDI 1989. 78, note Moreau-Bourlès
  12. Civ. 1ère, 28 mai 1991 : D. 1993. 197, note Raynard ; JCP 1991. II. 21731, note Françon ; Rev. crit. DIP 1991. 752, note Gautier, (cassation de l'arrêt déféré)
  13. Civ. 3e, 14 déc. 1977 : Bull. civ. III, n°447.
  14. Civ. 1ère, 20 oct. 1987 : Bull. civ. I, n°275 ; Rev. crit. DIP 1988. 540, note Lequette ; JDI 1988. 446, note Huet.
  15. Civ. 1ère, 19 oct. 1999 : Bull. civ. I (Bulletin de la Cour de cassation, première Chambre), n° 167, obs. Raymond
  16. Répertoire Dalloz de droit international, v° Conflit de lois, n° 137.
  17. Lexique des termes juridiques, Dalloz
  18. Cornu, Gérard, Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 2005, broché, 992 p. ISBN 2130550975
  19. Voc. Jur. Assoc. H. Capitant, P.u.f. Plus exactement, Phocion Francescakis a semblé initialement, selon MM. les Professeurs Bertrand Ancel et Yves Lequette (dans leurs observations aux Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, sous l'arrêt du Conseil d'État Syndicat général du personnel de la Compagnie des Wagons-lits du 29 juin 1973: Rev. crit. DIP 1974.344, JDI 1975.538, n. Simon-Depitre; Ph. Francescakis, chronique, Rev. crit; DIP 1974.273) mettre l'accent sur le processus de mise en oeuvre en évoquant les lois d'application immédiate tandis que dans ses travaux ultérieurs, il se serait davantage attaché à la fonction de ces lois
  20. Op. cit., v° Règle, n° 3
  21. Pour Yvon Loussouarn, la loi de police n'a rien d'exceptionnel: il "n'y a pas de différence de nature" entre ces lois mais "une simple différence de degré (Cours général de droit international privé, Recueil des Cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1973.II., spéc. pp. 328 pp. En outre, on confond souvent loi de police et ordre public, notions radicalement différentes, et cependant rattachées, dans les Codes, à l'article 3 al. 1er. Cf. p. ex. Code civil Dalloz 2006, sous art. 3. Comp. Y. Loussouarn et P. Bourel, précis de droit international privé, Dalloz, n°128
  22. . Pour un exemple de loi de police hors Code civil, voir l'article 3 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, article L210-3 du Code de commerce
  23. Consulter l'ensemble de l'œuvre de Jean-Paulin Niboyet, grand professeur cependant nationaliste et particulariste
  24. Cf. P. Mayer, Les lois de police étrangères, Journal du droit international 1981, pp. 277 et s. Ce ne fut pas toujours le cas, mais un arrêt Royal Dutch, Cass.Civ. 1ère, 25 janvier 1966, Dalloz 1966, p. 390, note Y; Loussouarn; Journal du droit international, 1966, p. 631, n. J.-D. Bredin; Revue critique de droit international privé, note Phocion Francescakis, dont la thèse portait sur la théorie du renvoi et les conflits de système en droit international privé (1958), a appliqué des arrêtés néerlandais portant lois de police
  25. Définition scolaire: Obligation pour l'autorité saisie d'une question relevant du droit international privé de mettre en oeuvre la règle de conflit, alors même qu'aucune des parties n'invoque l'application éventuelle d'une loi étrangère: Glossaire, in Travaux dirigés de droit international privé, sous la direction de Hugues Fulchiron et Cyril Nourissat, Paris : Litec : Éd. du Juris-classeur, 2003, 350 p. ISBN 2-7111-3517-9
  26. Cass. civ. 1re, 12 mai 1959, D 1960.610, n. Ph. Malaurie; JCP 1960. II. 11733, n. H. Motulsky, JDI 1960.810 n. Sialelli, Rev. crit. DIP 1960.62, n. H. Batiffol; Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, n° 32-34 (1re esp.)
  27. Cass. civ. 1ère, 2 mars 1960, Rev. crit. DIP 1960, n. H. Batiffol; JDI 1960.408, n. B. Goldman; JCP 1960.II.11734, n. H. Motulsky.
  28. En particulier par Henri Motulsky qui voyait là une porte béante au forum shopping (choix par les parties du juge qui donnera au litige la solution la plus conforme à leurs attentes et non au droit)
  29. Ch. civ. 1re. sect., 11 juillet 1961, Rev. crit. DIP 1962.124, n. H. Batiffol; JDI 1963.132, n. B. Goldman
  30. Article 8 N.C.P.C
  31. Cf. H. Batiffol et P. Lagarde, Traité de DIP préc., n° 329, p. 532: « le N.C.P.C. donne (au juge) les moyens procéduraux d'accomplir son office »: cf. D. Bureau, « L'application d'office de la loi étrangère, essai de synthèse », JDI 1990.317, spéc. p. 354.
  32. C.E. 12 oct. 1979 (V. JO 27 nov.; D. 1979. 606, note Bénabent; JCP 1980. II. 19288, concl. Franc, note Boré; Gaz. Pal. 1980. 1. 6, note Julien)
  33. Respectivement: Cass. Civ. 1ère, 11 oct. 1988, Rev. crit. DIP 1989.368, cf. chron. Y. Lequette ibid. p. 227, JDI 1989.349, n. D. Alexandre; JDI 1990, Chron. D. Bureau préc.; Cass. Civ. 1re, 18 oct. 1988, mêmes références, Bull. civ. n° 293 ; Cass. civ. 1re, 4 déc. 1990, Rev. crit. DIP 1991, n. M.-L. Niboyet-Hoegy; JDI 1991.371, n. D. Bureau; G.A. jf DIP, nos 71-73, par B. Ancel et Y. Lequette
  34. Jurisprudence constante depuis Cass. Civ. 15 juillet 1811, Sirey, chron. I. 317.
  35. Cass. Civ. 1re, 19 avr. 1988, Rev. crit. DIP 1989.69, n. H. Batiffol.
  36. Cass. Civ. 1re, 6 mai 1997, prés. Lemontey, Rev. crit. DIP 1997.514, n. B. Fauvarque-Cosson; JDI 1997.804, n. D. Bureau; G.A. jf DIP, n° 78
  37. Cf., favorable à cette solution, P. Mayer, « Le juge et la loi étrangère », Revue suisse de droit international et européen 1991.481, spéc. p. 488; B. Ancel et Y. Lequette, obs. sur l'arrêt Hannover Int'l
  38. Cf. B. Fauvarque-Cosson, th. P. II, Libre disponibilité des droits et conflits de lois, bibl. dr. privé, t. 292, préf. Y. Lequette, L.G.D.J. 1996 et sa note préc. sous l'arrêt.
  39. La solution découle des conclusions des parties. En l'absence d'éléments tirés de ces conclusions, encore faut-il que les parties invoquent ou "évoquent" l'extranéité de la situation! À défaut, ne faut-il pas poser sur une présomption de non-extranéité? (P. Mayer et V. Heuzé, n° 146)
  40. Il pourra s'agir de conclusions, devant le juge du fond, allant dans le même sens
  41. Pour M. le Professeur Dominique Bureau, l'on en revient à la situation envisagée dans l'oeuvre de Savigny : « il convenait d'abord de rechercher la loi sous l'empire de laquelle les parties avaient entendu se placer, pour appliquer, à défaut d'indication à cet égard, la lex fori, la loi du domicile ou celle de la situation de l'objet du litige: et, dans l'oeuvre de Savigny lui-même, l'idée de soumission volontaire était d'ailleurs exprimée de manière générale » (sur cet aspect de la pensée de Savigny, v. Andréas Bucher, « Vers l'adoption de la méthode des intérêts? Réflexions à la lumière des codifications récentes », Travaux du Comité français de droit international privé, 1994-1995, p. 209 et s. in « L'Influence de la volonté individuelle sur les conflits de lois », pp. 285 et s., spéc. p. 297, Mélanges en Hommage à François Terré, L'Avenir du droit, Paris : Presses universitaires de France : Dalloz : Ed. du Juris-Classeur, 1999, 868 p. ISBN 2-13-050142-7; Pour aller plus loin, cf : Bolard et Guinchard, JCP 2002. I. 137 (le juge dans la cité) ; Normand, Mélanges Hébraud, 1981, p. 595 (juge et fondement du litige); RTD civ. 1981. 433; 1987. 390. Loi étrangère: Travaux comité fr. DIP 1975-1977, p. 233. - Motulsky, Mélanges Maury, t. 2, p. 337.
  42. V. p. ex. Cass., Ch. civ., 14 mars 1837, Sirey.1.95, Dalloz Périodique 1837.1.275, Stewart c/ Marteau
  43. Req. 19 mars 1872, Dalloz Périodique 1874.1.475, Sirey 1872.1.238; voir depuis Req. (Chambre des Requêtes, n'existant plus aujourd'hui) 24 mai 1933: La loi qui s'applique aux meubles est, comme pour les immeubles, celle du lieu de situation du bien: Dalloz Hebdomadaire 1933.378 ; en l'état d'une vente de matériel, les conditions d'acquisition de la propriété du matériel sont régies par la loi du contrat et la protection de ce droit de propriété (possession, bonne foi) est régie par la loi de la situation actuelle de ce matériel. Cass. Civ. 1re, 9 déc. 1974: Bull. civ. I, n° 328; Rev. crit. DIP 1975. 504, note Mezger; JDI 1975.534, note Ponsard.
  44. Sous réserve de la loi du régime matrimonial déterminant les effets du mariage sur la composition du patrimoine des époux: Cass. civ. 1re, 12 avril 1967, Bull. civ.I, n° 124
  45. Pour P. Mayer et V. Heuzé, "le conflit mobile naît lorsqu'un meuble est transporté d'un pays dans un autre. Sa solution jurisprudentielle peut être analysée, au moins de façon approximative, comme une transposition de la distinction adoptée en droit interne : application de la loi de la situation du bien au moment de l'acquisition, quant au problème de l'acquisition du droit; application immédiate de la loi nouvelle [problème de conflit de lois dans le temps]- c'est-à-dire de la loi de la situation actuelle du bien - quant à la détermination du contenu du droit"
  46. cf. P. Mayer, « Les procédés de preuve de la loi étrangère », in Le contrat au début du XXIème siècle: Études offertes à Jacques Ghestin, Paris : LGDJ, 2001, pp. 617 et s. ISBN 2275019790, jurisprudence constante
  47. Cass. civ. 1ère, 6 juin 1990, Bull. civ. I., n° 137
  48. Cf. notamm. Y. Lequette, Protection familiale et protection étatique des incapables, th. Paris, 1976; von Steiger, « La protection des mineurs en droit international privé », R.C.A.D.I. 1964.vol. 112, p. 473.
  49. V. C.A. Paris, Möller, 16 février 1966, Rev. crit. DIP, n. Paul Lagarde
  50. Convention du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, entrée en vigueur en France en 1972, et Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, visant à améliorer et remplacer la première, en ligne, visionné le 19 juin 2006 sur le site de la Conférence de La Haye de droit international privé
  51. Lainé, La rédaction du Code civil et le sens de ses dispositions en droit international privé, Revue de droit international 1905.52 et s.
  52. Cf. Phocion Francescakis, Les avatars du concept de domicile dans le droit international privé actuel, T.C.f.DIP 1962-1964, p. 291 et s.
  53. Traité de droit international privé, t. I, préc., n° 279; P. Mayer et V. Heuzé, précis de droit international privé, coll. Domat ,Montchrestien, op. cit.
  54. B. Ancel et Y. Lequette G.A. j.f.DIP, obs. sous Cour royale de Paris, 1re et 2ème ch. réunies, 13 juin 1814, Busqueta, Sirey 1814.2.393. Renvoi: article sur la nationalité française
  55. V. Cass. Req. , 17 juillet 1833, Bonar, Dalloz Jurisprudence générale, v° Lois, n° 394; Sirey 1833.I.663
  56. V. notamm. P. Gothot, Le renouveau de la tendance unilatéraliste, Revue critique de droit international privé 1971, pp. 1 et s.
  57. A ne pas confondre avec le souverainisme de certains partis politiques en ce début du XXIe siècle.

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