Bienvenue sur JurisPedia! Vous êtes invités à créer un compte et à contribuer après avoir confirmé votre adresse de courriel. Dès lors, vous pouvez ajouter un article en commençant par lui donner un titre en renseignant ce champ:

Les lecteurs et contributeurs ne doivent pas oublier de consulter les avertissements juridiques. Il y a actuellement 3 533 articles en construction permanente...

Droit à l'oubli sur internet (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Aller à : Navigation, Rechercher

« Chacun a droit au respect de sa vie privée » nous indique l’article 9 du code civil. Ce principe est bien ancré dans l’esprit collectif, cependant, l’avènement de l’ère numérique et plus particulièrement des réseaux sociaux a mis à mal cet article.

Ce sont les 27 et 28 mai 2011 que s’est ouvert, à Paris, le premier e-G8. Se sont donc rassemblés à cette occasion une grande partie des géants du monde numérique et certains chefs d’Etats afin de trouver des consensus sur la délicate question de l’entrée massive d’internet dans nos sociétés. Alors que Nicolas Sarkozy demandait aux acteurs du net de mettre en place des règles afin de protéger les internautes, les fondateurs de sites prônaient quant à eux la neutralité du net. Entre conflits d’intérêts et responsabilisation le « juste équilibre » n’est toujours pas atteint.

Afin d’illustrer ce que l’on vient de dire, prenons comme exemple celui d’une salariée canadienne qui s’est portée malade auprès de son employeur et qui a « posté » des photographies d’elle en pleine santé sur Facebook. L’employeur étant allé visiter son « profil », il est tombé sur ces clichés et a tout naturellement retiré à son employée ses indemnités d’arrêt maladie.

Mais alors qu’en est-il de la protection du droit au respect de sa vie privée sur internet? C’est la question à laquelle les auteurs des deux textes que nous allons étudier ont tenté de répondre.

Sommaire

La « Charte sur le droit à l’oubli numérique »

Présentation

La CNIL défini le droit à l’oubli comme étant un droit « qui touche au plus profond de l’identité humaine », « d’éviter d’attacher aux personnes des étiquettes définitives qui portent atteinte à leur capacité de changement et au sentiment le plus intime de leur liberté [1]  »

Qui ?

Cette Charte est née d’une idée de Nathalie Kosciusko-Morizet , à ce moment encore secrétaire d’Etat chargée de la prospective et de développement de l’économie numérique. En effet, elle est aujourd’hui Ministre de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.

Quand ?

Elle a été adoptée le mercredi 13 octobre 2010 à Paris après plus d’un an de concertation et de réflexion autour du sujet de la vie privée sur internet.

Avec qui ?

Cette Charte a été signée avec un grand nombre de moteurs de recherches et de sites collaboratifs comme, entre autres, Skyblog, Bing, la messagerie instantanée Windows Live, Pagesjaunes ou encore Copainsdavant. Les représentants d’associations familiales et de protection de l’enfance [2] se sont également joints à eux dans la signature de ce texte.

Pourquoi une telle Charte ?

C’est dans un souci de protection de la vie privée sur Internet que cette Charte a vu le jour. Les représentants des sites collaboratifs et de moteurs de recherches, entre autres, s’engagent grâce à ce texte à mettre en place des dispositifs de protection de la vie privée des internautes. La charte permettrait aux internautes de garder la maîtrise de leurs données personnelles publiées sur internet.

Extension du principe du droit au respect de sa vie privée au domaine du numérique

L’article 9 du code civil nous confère un droit au respect de notre vie privée. Aujourd’hui les outils numériques accélèrent le transport de l’information et de nos données personnelles. Ils font partie intégrante de nos modes de vie et de consommations. De nombreux employeurs ou compagnies d’assurances par exemple, se servent des réseaux sociaux pour compléter les dossiers de candidats, salariés ou clients. Le problème est que sur ce genre de sites y circulent des photos, des informations personnelles sur les préférences sexuelles ou politiques par exemple. Ce type d’informations peut porter préjudice aux internautes en se voyant refuser un emploi, un logement ou encore une assurance. Sans les outils numériques ces informations n’auraient sans doute pas été utilisées car méconnues et appartenant au domaine de la vie privée. C’est la raison pour laquelle il était important d’étendre le principe du respect à la vie privée au domaine du numérique. Il paraît inconcevable que des informations mises en lignes sur une personne aient vocation à demeurer ad vitam aeternam portant préjudice aux internautes les moins vigilants.

Le droit à une « e-réputation »

Ce texte a été rédigé dans le but de permettre aux internautes de pouvoir faire « table rase » de leur passé… numérique. Internet étant la plus grande base de données au monde, il paraissait normal de pouvoir permettre à ses utilisateurs de ne pas être poursuivis toutes leurs vies pour des photos prises pendant leur jeunesse, ou par des mots lancés au détour d’une conversation qui, sortis de leur contexte seraient préjudiciables à leurs auteurs.

A ce sujet, le 25 juin 2009, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu un jugement intéressant [3] . L’administrateur d’une société a découvert en se « googlant » que les deux premiers liens apparaissant sur la page « Google » renvoyait à deux articles du journal les Echos, lesquels rendaient à compte d’une sanction prononcée à son encontre par la COB [4] , en dépit des décisions ultérieures ayant établi que les faits lui ayant valu une telle sanction résultaient d’une tromperie dont il avait été victime. Le TGI de Paris avait alors jugé que c’est « tant le contenu éditorial de la publication qui est susceptible de nuire à autrui que l’existence de certaines données sur la toile C’est entre autre grâce, ou à cause de ce genre de mésaventures que la question du droit à l’oubli numérique est de plus en plus présente ces dernières années.

Une tentative d’encadrement de la publicité ciblée sur internet

C’est le 30 septembre 2010 que l’ex-secrétaire d’Etat avait signé avec dix associations professionnelles le volet de la Charte concernant la publicité ciblée sur Internet .. Les publicitaires se sont donc engagés à proposer aux internautes des « informations claires et lisibles sur le caractère ciblé des offres publicitaires insérées dans les services qu’ils consultent ». En effet, lorsque la publicité touche à la localisation, à la navigation ou à l’identification des internautes elle peut porter atteinte à leur vie privée.

Les principales dispositions de la Charte

Le "bureau des réclamations"

Ce bureau virtuel est essentiellement destiné aux réseaux sociaux. Ce « bureau des réclamations » permet en quelque sorte de centraliser les demandes des internautes en vue de modifier ou de supprimer leur(s) compte(s) et leurs données personnelles. Cependant, une fois la demande prise en compte, le « bureau des réclamations » doit signaler la demande aux moteurs de recherches qui devront ensuite supprimer le cache des pages signalées.

Faciliter de la suppression de comptes

Cette mesure permettra aux utilisateurs de la toile de voir leurs données personnelles supprimées du web bien plus facilement qu’auparavant. En effet, jusqu’à présent il était très difficile, voire impossible, de voir ses données personnelles retirées d’internet de façon concrète. Prenons l’exemple de Facebook. Chacun sait qu’il est très facile de « supprimer » son profil. Il suffit pour cela de changer ses paramètres et de suspendre son compte. Oui mais voilà, cette manœuvre ne supprime pas définitivement votre compte, elle le désactive seulement. Cela signifie que votre compte, comprenant un grand nombre de données personnelles est encore existant et peut être réactivé à tout moment. La Charte sur le droit à l’oubli numérique propose alors de pallier à ce problème en facilitant la suppression et non plus la suspension, définitive des comptes, grâce notamment à la création du « bureau des réclamations ».

Ne plus référencer des données qui ont fait l’objet d’une demande de suppression

Les moteurs de recherches s’engagent en signant cette Charte à supprimer de leur référencement les données qui ont fait l’objet d’une demande de suppression auprès du « bureau des réclamation ». Cette disposition est primordiale dans la mesure où il serait inutile de supprimer les données personnelles stockées sur un site si elles peuvent être retrouvées ailleurs.

La portée de la Charte sur le droit à l’oubli sur internet

« Un droit mou [5]  »

Cette Charte déontologique est en quelque sorte un code de bonne conduite auquel les signataires souscrivent volontairement. Elle n’a donc aucune valeur juridique. Sa portée normative est en somme extrêmement restreinte et bien plus morale que matérielle. En effet, rien ne contraint les signataires à appliquer cette Charte et à respecter leurs engagements. Afin de donner un effet obligatoire à un tel texte, l’intervention du juge reste indispensable, ce qui n’est pas prévu ici.

Une « base internationale [6]  »

L’ex-secrétaire d’Etat a qualifié cette charte de « base internationale  ». Elle espère que ce texte servira de modèle et qu’il constituera un premier pas vers une harmonisation des législations de tous les Etats en matière numérique.

La proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique [7]

Présentation

Qui ?

Cette proposition de loi a été présentée par les sénateurs Yves Détraigne [8] (Alliance centriste) et Anne-Marie escoffier [9] (Parti radical de gauche).

Quand ?

Le texte est déposé au Sénat pour une première lecture le 6 novembre 2009. Le 23 mars 2010 les sénateurs adoptent, à l’unanimité, cette proposition de loi sur le droit à la vie privée sur internet. Afin d’entrer en vigueur, il faut désormais qu’elle soit votée par l’Assemblée Nationale.

Les principales dispositions de la proposition de loi

Renforcement des pouvoirs et obligations de la CNIL

C’est l’article 12 de la proposition de loi qui renforce les pouvoirs de sanction de la CNIL en modifiant l’article 47 de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et libertés du 6 janvier 1978. Les montants des sanctions financières en passeraient alors de 150 000 euros ou 300 000 euros en cas de manquement réitéré dans les cinq années, à 300 000 ou 600 000 euros en cas de récidive. Les auteurs de la proposition de loi espèrent, en augmentant ces montants, que la CNIL fera preuve d’une plus grande sévérité à l’encontre des contrevenants à la loi.

Une information claire

La proposition de loi oblige qu’une information « spécifique, claire et accessible soit donnée aux personnes, avant tout traitement, mais également de manière permanente, sur le site Internet du responsable du traitement, de la durée du traitement ». Les internautes pourront, en vertu de cette loi, demander à la CNIL la durée de conservation des données pour les traitements qui auront été déclarées auprès d’elle. Cette possibilité crée une certaine sécurité du côté des utilisateurs de la toile dans la mesure où ils pourront désormais « filtrer » les données personnelles qu’ils divulguent en fonction de leur durée de conservation.

Faciliter la suppression de données personnelles

Jusqu’à la proposition de loi, la suppression des données personnelles devait répondre à un formalisme contraignant ayant tendance à décourager les personnes concernées. Il faut, encore aujourd’hui, afin de demander la suppression de données, adresser une demande auprès des responsables de traitement de sites Internet par courrier postal. Cette démarche est donc plus ou moins longue et onéreuse. La proposition de loi change ce système en instaurant une demande par voie électronique, et gratuite.

Faciliter la saisine des juridictions civiles

Le texte complète les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale afin que la CNIL puisse présenter des informations devant les juridictions, d’office ou à la demande des parties. « Ces observations ne pourront être frappées d’irrecevabilité même dans le cas ou la procédure est orale ». Désormais, « toute personne s’estimant lésée par la non-application de la loi « informatique et libertés » pourra saisir la juridiction civile où il demeure et non plus celle dans le ressort de laquelle se trouve le siège du responsable du traitement ».

L’éducation de plus jeunes

Les Sénateurs à l’origine de cette proposition de loi ont considéré que les jeunes étaient une des catégories les plus touchées par le fléau du non respect de la vie privée numérique. Afin de remédier à cela ils proposent, à travers l’article 1 de la proposition de loi, de renforcer l’éducation des jeunes en la matière, en les sensibilisant davantage sur les dangers du téléchargement illégal et sur la protection des données personnelles, de la vie privée.

Les nécessaires adaptions des lois en vigueur

Modification de la loi du 6 janvier 1978 « Informatique, fichiers et libertés »

Ce sont les articles 2 à 12 de la proposition de loi qui modifient la loi « informatique, fichiers et libertés » de 1978. Cette loi n’est plus en tout point conforme aux réalités de l’Internet d’aujourd’hui. C’est une des raisons pour lesquelles cette proposition de loi adapte la loi de 1978 aux évolutions du secteur du numérique et tout particulièrement de l’Internet. C’est donc avec pour objectif de renforcer la préservation de la vie privée des internautes que cette loi pourrait bien être modifiée

Modification du code de l’éducation

L’article 1 de la proposition de loi étudiée modifie le second alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation une sensibilisation au droit de la propriété intellectuelle sera mise en place : les élèves seront informés sur « les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illégale d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin » ainsi que sur les « sanctions encourues en cas de manquement au délit de contrefaçon ». En ce qui concerne le droit à la vie privée, ils seront « informés des dangers de l’exposition de soi et d’autrui lorsqu’ils utilisent des services de communication au public en ligne ». Ces quelques dispositions modifieraient le deuxième alinéa de l’article L.312-9 du code de l’éducation.

Les incertitudes face à ces nouvelles normes

Le conflit entre défenseurs de la neutralité du net et les adeptes de la régulation

Lundi 7 décembre 2010, France 3 lance le débat au cours de son émission Ce soir ou jamais : faut-il contrôler Internet ? A cette question, deux écoles tentent de donner une réponse. Les supporters de la neutralité du net pour qui, à partir du moment où un internaute publie un contenu sur Internet, ce contenu est public et est donc susceptible d’être consulté par des millions voire des milliards d’autres internautes. Face à eux, les » pro-régulation » qui rétorquent que le problème réside dans le fait que ces contenus sont non seulement sur Internet, mais sont quasiment impossible à retirer, et que d’autre part, il y a également les contenus nous concernant qui sont publiés par d’autres internautes que nous. A cet argument, Jacques Séguéla, célèbre publicitaire, donne l’exemple des photos intimes de Laure Manaudou, mises en ligne à son insu. Ben entendu, les « pro-neutralité » répondent à cela que légiférer sur le droit à l’oubli est inutile dans la mesure où la loi permet déjà aux internautes concernés de faire retirer des contenus les concernant. L’adoption de ces textes ne mettra de toute évidence, pas fin au débat, et il faudra bien plus que cela pour réunir les deux courants de pensée.

Des géants du net non signataires de la Charte

En effet, de grands noms comme Facebook ou encore Google restent absent de la liste des sites signataires de la Charte. Google serait réticent à signer le Charte pour des questions de territorialité. Facebook évoque « des questions de validation juridique centrale» [10] . Sans ces deux géants du monde numérique, la Charte n’a plus vraiment tout son sens dans la mesure où ils sont tous les deux, dans leurs domaines respectifs, en tête de classement des sites les plus visités.

Des normes nationales face à un outil numérique planétaire

Il est tout de même important de mettre un bémol à ces deux textes. En effet, l’un, la Charte, n’a aucune valeur juridique mais seulement une valeur morale. La question que l’on peut légitimement se poser est de savoir si les représentants des sites signataires vont, effectivement, respecter leurs engagements ?

La seconde observation que l’on peut faire est que ces textes n’ont aujourd’hui encore qu’une portée nationale, or internet est un outil numérique planétaire. Comment un site comme Facebook ou un moteur de recherches comme Google, s’ils signaient la Charte sur le droit à l’oubli numérique, pourraient mettre en œuvre leurs engagements auprès des internautes français et ceux pris auprès des internautes des autres Etats ?

Les « législations » en la matière étant nécessairement différentes voir inexistantes dans certains Etats.

Voir aussi

Liens externes

Références

Notes

  1. « CNIL, dix ans d’informatique et libertés », Economica 1988, p. 18
  2. Des association telles que Action Innocence, CNAFC, Confédération nationale des associations familiales catholiques, E-Enfance, UNAF Union nationale des associations familiales, ont signé la Charte
  3. TGI de Paris, 25 juin 2009, C. Vernes c/SAS les Echos, légipresse N°266, III p. 215, novembre 2009
  4. la Commission des opérations de bourse
  5. "Une charte sur le droit à l’oubli sur internet, sans Google ni Facebook", La tribune.fr du 13 octobre 2010
  6. "Une charte sur le droit à l’oubli sur internet, sans Google ni Facebook", La tribune.fr du 13 octobre 2010
  7. http://www.senat.fr/leg/ppl09-093.html
  8. http://www.senat.fr/senateur/detraigne_yves01024m.html
  9. http://www.senat.fr/senateur/escoffier_anne_marie08064b.html
  10. "Une charte sur le droit à l’oubli sur internet, sans Google ni Facebook", La tribune.fr du 13 octobre 2010