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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (eu)/Introduction

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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme


Le droit à un procès équitable selon la jurisprudence de la CEDH

Quelques affaires récentes ont de nouveau mis l’accent sur la compatibilité avec le droit à un procès équitable tel que défini par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après “Cour EDH”), d’un refus de la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après “CJCE”) de rouvrir la procédure orale après le prononcé des conclusions de l’avocat général, conformément à la possibilité offerte par l’article 61 du règlement de procédure[1].

L’article 6 de la Convention européenne des des droits de l’homme[2] (ci-après “Convention EDH”) pose le principe du droit à un procès équitable. Si les §§ 2 et 3 traitent plus spécifiquement des droits de la personne accusée en matière pénale, le § 1er est en revanche plus général. Il dispose que “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou de la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans les circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice”.

La première phrase de cette disposition était appelée à connaître une fortune exceptionnelle, du fait de son application dynamique et constructive par la Cour, qui a, dans sa jurisprudence, reconstruit l’article 6 § 1, en ajoutant aux garanties procédurales inscrites dans le texte, deux garanties supplémentaires, l’une en amont - le droit à un tribunal - , l’autre en aval, - le droit à l’exécution des décisions de justice. De plus, le principe du droit à un procès équitable posé dans la Convention va amener la Cour à préciser la notion de “procès équitable” comme impliquant le respect des principes de l’égalité des armes et du contradictoire.

Le principe de l’égalité des armes selon la CEDH

L’importance du principe de l’égalité des armes a été maintes fois soulignée par la doctrine[3] : seul son respect garantit l’Etat de droit, et sa violation transforme le procès en parodie de justice. Si ce principe est bien important en lui-même, il a acquis une importance nouvelle du fait de “la sensibilité accrue du public aux garanties d’une bonne administration de la justice”[4] .

Ce principe de l’égalité des armes comme élément fondamental du procès équitable a été affirmé très tôt par la Cour EDH, dans l’arrêt 30 juin 1959 Swabowicz c/ Suède: “Le droit à un procès équitable implique que toute partie à une action civile et a fortiori à une action pénale, doit avoir une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse”[5] , puis réaffirmé dans l’arrêt Delcourt en 1970, où la Cour précise que “même en l’absence de partie poursuivante, un procès ne serait pas équitable s’il se déroulait dans des conditions de nature à placer injustement un accusé dans une situation désavantageuse”[6]. Toutefois, ce n’est que dans l’arrêt Borgers[7] que la Cour reconnaîtra une violation de ce principe de l’égalité des armes.

Cette formulation du principe, a été par la suite maintes fois reprise à l’identique par la Cour EDH, qui exprime par là le fait qu’un procès ne peut être véritablement équitable si l’égalité des parties n’est pas réalisée devant le juge, et, que, de ce fait, le débat n’est pas véritablement contradictoire[8]. Ainsi, les parties doivent-elles être à même de présenter leurs moyens de preuves, en particulier, leurs témoins[9], de manière identique (avec une restriction toutefois: à la différence de la matière pénale où le droit de produire et faire entendre ses témoins est une condition du respect du principe du contradictoire, en matière civile, ce droit n’est garanti que lorsque le principe de l’égalité des armes est en jeu dans les circonstances de l’espèce). Le principe de l’égalité des armes permet de sanctionner toutes les inégalités dans la communication des pièces du dossier. Par exemple, lors d’un procès pénal, un rapport de police ne peut être transmis uniquement au ministère public. Enfin, ce principe permet de sanctionner l’inégalité dans les délais, lorsque les parties ne disposent pas du même délai pour déposer leurs mémoires respectifs. Les parties doivent, d’une façon générale, disposer des mêmes moyens pour faire valoir leurs arguments.

Le respect de l’égalité des armes prend une importance primordiale lorsque les parties au procès sont un simple particulier contre un Etat. Tel est le cas, par exemple, dans les litiges fiscaux, où les procédures nationales avantagent souvent l’Etat au détriment du redevable[10]. Tel est également le cas lors d’une procédure devant une cour constitutionnelle saisie d’une question préjudicielle par une juridiction nationale, comme dans l’affaire Ruiz Mateos c/ Espagne[11], où seul l’avocat de l’Etat avait été entendu, le requérant n’ayant pas eu connaissance de ses arguments, et, de ce fait, n’ayant pas pu non plus y répliquer.

Égalité des armes et respect du contradictoire

Le rapport entre ces deux principes manque parfois de clarté dans la jurisprudence de la Cour. Toutefois, il est aisé de les distinguer, tout en notant leur similitude du fait qu’ils représentent deux aspects du principe plus général du droit à un procès équitable. Ceci se voit clairement affirmé par la Cour EDH dans l’arrêt du 18 février 1997 Nideröst-Huber c/ Suisse (§§ 23 à 31): “§ 23. Le principe de l’égalité des armes - l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable - requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (…) En l’occurrence, les observations du tribunal cantonal ne furent communiquées à aucune des parties au litige devant le Tribunal fédéral: ni au requérant ni à la société défenderesse (…). Aucun manquement à l’égalité des armes ne se trouve donc établi. § 24. Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe, le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (…). § 29. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice: elle se fonde, entre autres, sur l’assurance d’avoir pu s’exprimer sur toute pièce au dossier (…). § 31. En l’espèce, le respect du droit au procès équitable, garanti par l’article 6 §1 de la Convention, exigeait que M. Niederhöst-Huber fût informé de l’envoi d’observations par le tribunal cantonal et qu’il eût la possibilité de les commenter”. Le procès équitable doit donc garantir non seulement l’équilibre entre les parties, mais aussi l’effectivité du débat contradictoire. Le principe du contradictoire se trouve violé lorsqu’une pièce du dossier n’est pas communiquée aux parties, tandis que, si le défaut de communication d’une pièce ne concerne qu’une partie, alors que l’autre partie y a eu accès, c’est le principe de l’égalité des armes qui se trouve violé. “Le principe de l’égalité des armes impose seulement de traiter les parties de façon égalitaire sans que l’une ne puisse revendiquer un droit dont l’autre n’a pu bénéficier”[12]. En revanche, l’impossibilité de présenter ses observations sur un élément du dossier, comme par exemple l’impossibilité de répondre aux conclusions d’un avocat général ou d’un commissaire du gouvernement fait obstacle au caractère contradictoire du procès.

C’est ce problème qui va être soulevé tout d’abord devant la Cour EDH par des justiciables visant leurs juridictions nationales, puis devant la CJCE. Nous verrons en premier lieu l’émergence du problème devant la Cour EDH (I), puis la compatibilité ou l’incompatibilité avec l’article 6 § 1 CEDH du rôle joué par l’avocat général devant la CJCE (II), et enfin, nous nous demanderons quel juge serait susceptible de juger l’avocat général (III)

Notes et références

  1. C- 57/01, 23 janvier 2003, Makedoniko Metro Mechaniki, C- 209/01, 13 novembre 2003, Schilling et Fleck-Schilling, C- 30/02, 17 juin 2004 Recheio- Cash & Carry SA, et C- 138/05 14 septembre 2006 Stichting Zuid- Hollandse Milieufederatie.
  2. Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 octobre 1950.
  3. Serge Guinchard, Droit processuel- droit commun du procès, Dalloz, 2001, 554 et Bruno Oppetit, Philosophie du droit, Dalloz, 1999, 117, cités par Cohen-Jonathan, L’égalité des armes selon la Cour européenne des droits de l’Homme, Les petites Affiches (Paris) n°238, 28 novembre 2002, 22.
  4. Gérard Cohen-Jonathan, L’égalité des armes selon la Cour européenne des droits de l’Homme, Les petites Affiches (Paris) n°238, 28 novembre 2002, 22.
  5. Annuaire II, p.535.
  6. 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique § 34.
  7. 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique.
  8. Gérard Cohen-Jonathan, “L’égalité des armes selon la Cour européenne des droits de l’Homme”, Les petites Affiches (Paris) n°238, 28 novembre 2002, 21.
  9. 27 octobre, 1993, Dombo-Beher B.V., c/ Pays-Bas
  10. 22 septembre 1994, Hentrich c/ France.
  11. 26 juin 1993 Ruiz Mateos c/ Espagne
  12. Frédéric Sudre, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme, p.245.