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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (eu)/L’obstacle de la compétence ratione personae de la Convention, à un recours devant la CEDH

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L'avocat général devant la CJCE et le droit à un procès équitable selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme
Quel juge pour juger l’avocat général ?


Ce recours serait le plus logique, puisqu’est en cause l’application de la Convention elle-même. Un tel recours se heurte toutefois à des obstacles, dont la désignation du défendeur n’est pas le moindre. Faut-il attaquer la Communauté européenne dans son ensemble, les Etats membres pris collectivement, ou l’Etat membre du demandeur?

Les recours exclus

Le recours contre la Communauté européenne

La Communauté européenne dispose de la personnalité juridique, ce qui permet de diriger un recours contre elle.

Toutefois, un tel recours pose la question de la compétence ratione personae de la Convention. En effet, l’obstacle majeur est le fait que la Communauté européenne n’est pas partie à la Convention. La Cour EDH a donc très tôt rejeté les requêtes fondées sur ce moyen, dans l’arrêt du 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes, confirmé par l’arrêt du 10 janvier 1994, Heintz, où le recours était cette fois dirigé contre l’Office européen des brevets.

Ce principe se voit réaffirmé dans l’arrêt Matthews de 1999, où la Cour déclare “que les actes de la Communauté européenne ne peuvent être attaqués en tant que tels devant la Cour, car la Communauté européenne en tant que telle n’est pas partie contractante”[1]. Comme le remarque Joël Adriantsimbazovina, “cette incompétence ratione personae est ici à l’abri de toute critique”[2].

Cette limitation a donc incité les requérants à adopter un autre angle d’attaque: engager la responsabilité collective des Etats membres de la Communauté européenne, ou celle de l’Etat membre dont ils sont ressortissants.

Le recours contre les Etats membres pris collectivement

La mise en cause de la responsabilité collective des Etats membres de la Communauté européenne avait été envisagée dans l’arrêt CFDT de 1978[3]. Le recours était dirigé à la fois contre les Communautés européennes et contre la collectivité des Etats membres.

Envisagé sous cet angle, le recours avait été rejeté, au motif que la Convention ignore la notion de “collectivité des Etats membres”. D’une part, cette “collectivité” ne dispose pas de la personnalité juridique, et d’autre part, l’acte en cause émanait du Conseil des ministres. Or, comme le remarque Joël Adriantsimbazovina, “il est juridiquement difficile d’imputer aux Etats membres, même pris collectivement, la responsabilité des agissements des institutions des Communautés”[4]. Telle était donc la conclusion de la Cour EDH dans cette affaire.

Le recours contre un Etat membre

Du fait d’un acte communautaire

Posée à l’ancienne Commission des droits de l’homme dans l’affaire CFDT de 1978 (ainsi que dans d’autres affaires[5]), la question était demeurée sans réponse. Le recours était dirigé non seulement contre les Etats membres dans leur ensemble, mais aussi contre la France en particulier. Était en cause la procédure de désignation des représentants d’organisations syndicales au Conseil des ministres. La proposition faite par la France ne comprenait pas la CFDT. Cette organisation syndicale pouvait-elle engager la responsabilité de la France du fait d’un acte émanant, en définitive, du Conseil? Cette question ne recevra pas de réponse car la France n’ayant pas encore accepté le droit de recours individuel, le recours sera rejeté, mais la Commission n’avait pas alors écarté formellement cette possibilité.

Cette question de la possibilité d’engager la responsabilité d’un Etat membre va ensuite être relancée devant la Cour EDH, par les affaires Société Guérin Automobile Segi et Gestoras Pro-Amnistia[6]. La Cour conclura qu’en raison de l’irrecevabilité des requêtes, elle n’estime pas opportun de se prononcer sur sa compétence ratione personae pour traiter d’un recours dirigé contre un Etat membre.

La difficulté est ici celle de l’imputabilité aux Etats membres de la Communauté d’un acte communautaire de droit dérivé. La personnalité juridique de la Communauté fait écran entre l’Etat membre et le requérant. Retenir la solution de la responsabilité de l’Etat membre du fait d’un acte de la Communauté, reviendrait à une adhésion forcée de la Communauté européenne à la Convention EDH. Or l’avis 2/94 de la CJCE du 28 mars 1996 a été formel sur ce point: en l’état actuel des choses, aucune disposition du traité ne peut servir de fondement “à une modification du traité échappant à la procédure que celui-ci prévoit à cet effet”. Il n’appartient donc pas à la CJCE d’effectuer une telle adhésion subreptice à la Convention EDH.

Du fait d’une mesure nationale d’application

La situation est alors différente: l’Etat membre est partie à la Convention et la compétence ratione personae est établie à son égard. La Cour EDH considère que, dans une telle hypothèse, l’Etat n’agit pas en tant qu’organe de la Communauté.

Or il ne serait pas satisfaisant qu’un Etat membre de l’UE puisse échapper à la mise en jeu de sa responsabilité pour violation des obligations nées de la Convention, du simple fait du transfert de pouvoir à une organisation internationale. Dans l’arrêt du 10 juin 1958 X. c/ RFA, ce principe se trouvait clairement posé: “Si un Etat assume des obligations contractuelles et conclut par la suite un autre accord international qui ne lui permet plus de s’acquitter des obligations qu’il a par le premier traité, il encourt une responsabilité pour toute atteinte portée de ce fait aux obligations qu’il assumait en vertu du traité antérieur”.

Mais il est clair par ailleurs, que la responsabilité d’un Etat ne peut être engagée que lorsqu’un acte relève de son contrôle souverain. Par exemple, si un acte exigeant l’unanimité de plusieurs Etats n’est pas adopté, on ne peut en imputer la responsabilité à l’un d’eux, comme ce fut le cas dans l’affaire Hess, où l’épouse de Rudolf Hess avait formé un recours contre le Royaume-Uni, alors que la décision de maintien en prison ou de mise en liberté de Rudolf Hess devait être prise à l’unanimité de quatre pays. La décision relève que, “dans la mesure où la souveraineté de l’Etat se trouve limitée, c’est-à-dire où l’Etat ne peut agir librement et indépendamment, la responsabilité de l’Etat se trouve aussi limitée”[7].

Pour l’instant, la doctrine s’accorde à considérer que, depuis l’arrêt Matthews[8], la responsabilité d’un Etat membre peut être mise en jeu devant la Cour EDH.

Dans cet arrêt, après avoir précisé que les actes de la Communauté européenne ne sont pas attaquables devant la Cour EDH, du fait que la Communauté européenne n’est pas partie à la Convention, la Cour poursuit ainsi: “La Convention n’exclut pas le transfert de compétence à des organisations internationales, pourvu que les droits garantis par la Convention continuent d’être “reconnus”. Pareil transfert ne fait donc pas disparaître la responsabilité des Etats membres”[9]. On peut en conclure, comme le fait Joël Adriantsimbazovina, que, “rapportée à l’article 1er de la Convention relative à la “juridiction” de la Cour, cette jurisprudence permet à la Cour de retenir sa compétence ratione personae pour tout litige concernant le transfert de compétences à une organisation internationale par les Etats adhérents. Ceux-ci ne sauraient échapper à leurs responsabilités au regard de la Convention pour ces compétences transférées”[10].

Dans ces conditions, un requérant pourrait-il engager la responsabilité de l’Etat membre dont il est ressortissant, du fait de n’avoir pu répondre aux conclusions de l’avocat général, ceci ayant pour conséquence le caractère inéquitable du procès devant la CJCE? Un arrêt de la Cour de justice peut-il être assimilé à un acte des institutions communautaires engageant de ce fait la responsabilité de l’Etat membre?

Selon Rick Lawson[11], “on ne sait comment la Cour EDH répondrait à une plainte alléguant une violation de la Convention par la CJCE”, mais “on pourrait soutenir que les Pays-Bas peuvent être tenus pour responsables du fait que la justice néerlandaise dépend d’un jugement rendu en violation de l’article 6. Comme alternative, une plainte peut viser tous les Etats membres collectivement pour avoir créé la CJCE, et en conséquence, avoir rendu possible l’arrêt Emesa”[12].

La possibilité existe donc. La question serait alors celle de la volonté du la cour EDH de trancher une telle plainte, car elle a jusqu’à présent manifesté une indulgence critiquable vis-à-vis de la CJCE, en refusant d’intégrer le temps mis par la CJCE à répondre à une question préjudicielle dans la durée déraisonnable du procès[13], et en abdiquant, dans l’arrêt Bosphorus[14] tout contrôle du respect des droits fondamentaux par la reconnaissance d’une présomption de compatibilité des actes de la CJCE avec la Convention EDH, ce qui, pour Frédéric Sudre[15] , pose le problème suivant: quel intérêt y aurait-il pour l’UE d’adhérer à la Convention EDH, si les actes de l’UE bénéficient par avance d’une onction de compatibilité avec la Convention? Et comme le remarque Rick Lawson, “Bien que la CJCE suive en général la jurisprudence de Strasbourg, l’arrêt Emesa illustre le fait qu’on peut développer des interprétations divergentes des droits fondamentaux”, mais en même temps, seul un contrôle extérieur, “seul ce système de checks and balances peut servir de fondement à l’Europe libre et démocratique”[16]

Notes et références

  1. CEDH 18 février 1999 Matthews c/ Royaume-Uni § 32
  2. Joël Adriantsimbazovina, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme, PUF, 2004, 558.
  3. Commission européenne, 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes.
  4. Joël Adriantsimbazovina, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme, PUF, 2004, 558.
  5. Commission européenne, 19 janvier 1989, Dufay c/ Communautés européennes, et Commission européenne, 22 octobre 1998, Garzilli c/ les Etats membres de l’Union européenne.
  6. Déc.4 juillet 2000 Sté Guérin Automobiles c/ les 15 Etats membres de l’UE, déc. 23 mai 2002 Segi c/ 15 Etats membres de l’UE et Gestoras Pro-Amnistia et al. c/ 15 Etats membres de l’UE.
  7. déc. 28 mai 1975 Ilse Hess c/ Royaume-Uni.
  8. 18 février 1999 Matthews c/ Royaume-Uni.
  9. 18 février 1999 Matthews c/ Royaume-Uni § 32.
  10. Joël Adriantsimbazovina Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme, PUF, 2004, 559.
  11. Rick Lawson, Note on the Case C- 17/98 Emesa Sugar (Free Zone) NV v. Aruba, Order of the Court of Justice of 4 February 2000, Common Market Law Rewiew, 2000, 989.
  12. Id.
  13. CEDH 26 juin 1993, Ruiz Mateos c/ Espagne.
  14. 30 juin 2005, Bosphorus Airlines c/Irlande.
  15. Frédéric Sudre, Note sous l’arrêt Bosphorus, JCP, 2005, II 10128.
  16. Rick Lawson, Note on the Case C- 17/98 Emesa Sugar (Free Zone) NV v. Aruba, Order of the Court of Justice of 4 February 2000, Common Market Law Rewiew, 2000, 983 et 389.