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Le devenir de l'acte authentique dans le système juridique vietnamien (article intégral)

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Par Nguyen Ngoc Dien
Professeur, docteur en droit
Doyen de la Faculté de droit de Can Tho
Article daté du 6 mai 2005


Viet Nam > L' acte authentique > Le devenir de l'acte authentique dans le système juridique vietnamien
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Introduction

1. La notion d'acte authentique a été introduite au VietNam dans le cadre de la mise en place des services notariaux dans le pays par les soins du Gouvernement colonial. Alors calqué sur le modèle français, le notariat colonial vietnamien eut pour fonction d'offrir aux particuliers la sécurité dans les actes de la vie civile, notamment dans les rapports contractuels. Les notaires se virent, à cet effet, déléguer une partie de la puissance publique[1]. Les actes qu'ils recevaient étaient dotés de l'authenticité et par voie de conséquence prenaient les mêmes caractères que les actes authentiques du droit français: ils ont une date certaine, font foi jusqu'à inscription de faux et, lorsque les conditions requises par la loi se réunissent, ils ont la force exécutoire.

2. Au lendemain de la Révolution d'Août 1945, presque toutes les institutions composant le régime colonial ont été détruites, alors que le notariat a été heureusement épargné. De toute façon, l'activité du notaire se réduisait à peu de chose en raison notamment de la fluctuation de sa réglementation qui est à redéfinir eu égard à la formation de la nouvelle législation civile.

Pendant le partage du Vietnam, le notariat était complètement ignoré du droit du Nord du Viet Nam; il était maintenu dans le Sud comme un prolongement de la législation coloniale, mais il se développait de façon discrète pour cause de la guerre. Après la réunification du pays intervenue en 1975, les dirigeants du Vietnam adoptaient le régime de l'économie planifiée et centralisée, ce qui rendait inutiles les services du notaire, faute de libre circulation des richesses admise dans le secteur privé.

3. Il a fallu attendre jusqu'à l'adoption par les dirigeants du pays de la politique de l'économie de marché intervenue en fin des années 80 pour que les services notariaux soient mis en place de nouveau pour répondre aux besoins de la société. Il convient toutefois de remarquer que la renaissance du notariat vietnamien a suivi une logique qui lui est propre et qui n'est peut-être pas évidemment compréhensible à l'égard des juristes français. En effet, au lendemain de la mise en place du système de l'économie de marché, se multiplient les demandes d'immatriculation d'entreprises, les demandes d'emploi, les demandes de réintégration familiale à l'étranger ou les complaintes relatives aux droits sur les biens expropriés pendant la collectivisation de la production sociale. Les demandes et les complaintes doivent être assorties à titre d'appui de documents de nature diverse (diplômes, certificats d'aptitude, titres de propriété,…). Les documents en original doivent bien entendu être conservés par leur titulaire ou détenteur, seuls leurs photocopies sont comprises dans un dossier de demande ou de complainte. Pour faire foi, il faut que ces photocopies soient conformes à l'original. Et il faut en fin de comtpe une personne, neutre à l'égard des parties intéressées, qui est chargée de la confrontation des documents dont il s'agit en vue d'une certification nécessaire. Cette personne, lorsqu'elle exerce ses fonctions de certificateur de copie conforme, à titre principal, est qualifiée par le gouvernement vietnamien de notaire. Il en résulte que l'histoire du notariat vietnamien contemporain se confond aussi à l'histoire de la preuve, comme en droit occidental. Mais il ne s'agit pas là de la preuve en matière civile et commerciale: la question de preuve à laquelle la réponse implique la mise en place des services notariaux au Vietnam se pose essentiellement en matière administrative.

4. En tout état de cause, le notaire vietnamien est aussi connu à l'heure actuelle comme un officier chargé de donner l'authenticité aux actes et contrats, comme son confrère français. Les questions les plus intéressantes à l'égard d'un notaire français sont sans doute de savoir de quoi il s'agit lorsque on parle de l'acte reçu par le notaire vietnamien, quelle est la valeur juridique de l'acte notarié, quel est son intérêt dans la vie civile, surtout quel est son avantage par rapport à l'acte qui n'est pas notarié (qui est aussi qualifié en droit vietnamien d'acte ordinaire ou d'acte privé simple)[2]… Pour concevoir une réponse à ces questions, on a intérêt à disséquer respectivement la notion d'acte notarié, les caractères et les avantages reconnus à cet acte par la loi vietnamienne[3].

La notion d'acte notarié

5. Deux catégories. La définition de l'acte notarié est formellement donnée par les auteurs de l'arrêté du 8 décembre 2000 qui parle non seulement de l'activité du notaire mais aussi de celle du comité populaire cantonal ou communal[4] en tant qu'organe étatique chargé de la légalisation d'écrits constatant des opérations juridiques. L'article 2 de l'arrêté précité fait effectivement une distinction entre notarier et certifier un acte auquel les parties doivent ou veulent faire donner les caractères attachés aux actes de l'autorité publique. Le premier, que l'on appelle acte notarié, entre dans les fonctions du notaire; le dernier, qui est baptisé par les auteurs de l'arrêté, acte de certification ou acte de légalisation, relève du comité populaire cantonal ou communal.

6. Définition légale. En vertu de l'article 2 de l'arrêté précité,

- L'acte notarié est un acte par lequel le notaire donne l'authenticité à une convention ou à toute manifestation de volonté constatée par écrit et formée dans les domaines civil, économique, commercial ou un autre acte parmi ceux qui sont définis par le présent arrêté;

- L'acte de certification est un acte par lequel le comité populaire compétent certifie et atteste la conformité d'une copie à l'original ou la matérialité de la signature apposée par les parties à un acte écrit contenant la description d'une opération juridique.

On pourrait a priori déduire de ces définitions que la différence la plus remarquable entre acte notarié et acte de certification se trouve que l'authenticité attachée à l'acte de certification ne s'applique qu'à la présence des parties à l'acte, à la matérialité de leur signature, d'une manière générale, à la réalité de l'acte[5] et, bien entendu, à la date de l'acte. En pratique, il y a des cas dans lesquels le notaire, face à la difficulté, voire à l'inpossibilité de vérifier l'exactitude des faits énoncés dans l'acte soumis à son authentification, dispose de la faculté de limiter le jeu de la force probante à la présence et à la signature des parties, à la date et au lieu de la convention et enfin à ce que l'acte a été reçu par le notaire[6]. Dans le contexte juridique vietnamien actuel, cette faculté constitue pour le notaire le moyen de protection très efficace contre les risques professionnels[7].


Tout le monde sait que l'acte authentique en droit français est doté de la force probante et de la force exécutoire. Est-ce qu'il en est de même pour l'acte notarié du droit vietnamien ?

2.1 La force probante

2.1.1. Les conditions

7. Texte. En vertu de l'alinéa 2 de l'article 14 de l'arrêté précité, les actes notariés bénéficient de la force probante à moins que l'officier qui y est intervenu ne soit incompétent ou que la confection de l'acte ne soit en conformité avec les dispositions du présent arrêté. Tout cela, jusqu'à l'annulation éventuelle de l'acte par le Tribunal.

De cette disposition, on peut déduire que l'acte notarié en droit vietnamien est aussi doté de l'authenticité: il fait foi par le seul fait qu'il est qualifié de notarié. La qualification est retenue lorsque sont remplies toutes les conditions requises par l'article précité.

8. Première condition: l'acte doit être reçu par un notaire. La signature de l'acte doit être effectuée en présence du notaire[8]. Le droit vietnamien actuel ne prévoit pas de possibilité de faire signer l'acte devant un secrétaire de notaire. Pourtant, la pratique tolère les mandats tacites par lesquels le notaire laisse ses secrétaires recueillir la signature des parties en som nom, pour som compte et surtout sous sa propre responsabilité. Cette technique n'a toutefois qu'un champ d'application très limité: elle est absolument écartée pour les actes particulièrement graves, tels que le testament, le cautionnement hypothécaire,…

9. Deuxième condition: le notaire doit être compétent. Le notaire doit exercer ses fonctions dans la limite de sa compétence territoriale. Il est à remarquer qu'en droit vietnamien actuel, le notaire n'a pas de compétence nationale: son ressort est limité par une décision du comité populaire de la province sur proposition du directeur du service judiciaire. Se plaçant sous l'autorité de la direction du service judiciaire de la province au point de vue de la gestion étatique de la profession notariale, le notaire se voit naturellement limiter sa compétence territoriale à la hauteur de la circonscription administrative de cette direction. Aussi, un notaire à Cantho est absolument incompétent pour recevoir un acte de vente ou un acte de constitution d'hypothèque portant sur un immeuble situé à Hochiminh-ville et vice versa. En cas de pluralité d'études notariales dépendantes, le service judiciaire procède souvent à la délimitation de la compétence territoriale de chaque étude pour certains actes déterminés.

Le notaire doit aussi se conformer aux règles relatives à sa compétence d'attribution, ainsi qu'il résulte de l'article 21 de l'arrêté précité[9]. À remarquer qu'avant la mise en vigueur de cet arrêté, le notaire n'était capable de recevoir que les actes limitativement énumérés par la loi; toute violation de ces règles risquait d'exposer le notaire à des poursuites administratives, voire, en cas de grave préjudice causé à ses clients, à des poursuites pénales.

10. Troisième condition: l'acte doit être redigé avec les solennités requises. Plus précisément, l'acte, pour qu'il soit qualifié de notarié, doit être rédigé selon les formalités exigées par la loi. Sur ce point on constate que le droit vietnamien n'est pas aussi exigeant que le droit français. L'établissement d'un acte notarié n'est pas minutieusement réglementé. De plus, il est à noter que l'acte notarié au Vietnam est normalement découpé en deux parties: la première partie est destinée à constater la convention, d'une manière générale, la manifestation de la volonté des parties; la seconde partie est réservée à la certification par le notaire[10]. Cette certification doit comporter en principe les constatations personnelles du notaire concernant la date de l'acte, la présence des parties, la réalité de la signature des parties, l'identité des parties, leur capacité et leur convention (art. 43 de l'arrêté précité). Le droit vietnamien précise aussi les modalités qu'il faut observer pour les ratures, les corrections[11], mais elles sont moins rigoureuses que celles qui s'appliquent à l'acte authentique du droit français[12]. Plus particulièrement, quant au papier servant de support matériel à l'acte, le droit vietnamien n'impose aucune exigence particulière.

2.1.2. Les énonciations de l'acte notarié qui bénéficient de l'authenticité.

11. Toutes les énonciations sont-elles traités de la même manière ? Le droit vietnamien, comme le droit français, admet que l'acte notarié fait foi. Mais, le droit français précise le degré de force probante en fonction de la nature des énonciations contenues dans l'acte de sorte qu'il y a lieu de distinguer les constatations personnelles du notaire des autres mentions. Le droit vietnamien, quant à lui, semble avoir tendance à traiter toutes les énonciations de la même manière, sur un pied d'égalité, au point de vue de la valeur probante.

Il découle effectivement de la combinaison des articles 14 et 43 de l'arrêté précité que l'authenticité s'applique aussi bien aux éléments de forme qu'aux éléments de fond de l'acte notarié. La loi ne fait pas de distinction entre les faits vus et entendus par le notaire et ceux que le notaire ne fait que constater sur déclaration des parties sans pouvoir les contrôler. Donc, lorsque le notaire indique dans l'acte que la remise de titre a été effectuée avant la signature de l'acte et hors la vue du notaire selon les déclarations des parties, cette indication fait foi (de la remise).

Par ailleurs, la loi ne distingue pas les constatations qui entrent dans le cadre des attributions du notaire de celles qui ne relèvent pas de sa compétence technique. Ainsi, lorsque le notaire affirme dans un testament notarié que le testateur est sain d'esprit et pleinement conscient de ses dispositions de dernière volonté, cette affirmation bénéficierait aussi de la force probante au même degré que les indications relatives à la date de l'acte ou à la signature des parties, bien qu'il ne s'agisse en fin de compte que d'une opinion personnelle que le notaire consigne à l'acte en tant que simple témoin[13].

Face à l'ambiguité de la loi, qui pourrait entraîner de nombreux litiges, une doctrine du Ministère de la Justice, avancée en fin du siècle dernier dans le cadre des travaux de réforme de la réglementation du notariat, suggère de limiter le jeu de l'authenticité à la date de l'acte notarié, au lieu de sa confection, à sa signature, et notamment à la réalité de la convention (d'une manière générale, à la réalité de la manifestation de la volonté) des parties[14]. Mais cette doctrine n'est pas encore approuvée par la pratique.

2.1.3. Les cas de privation d'authenticité

12. En tout état de cause, la force probante ne joue que lorsque les conditions imposées par l'art 2 précité sont remplies. D'où les propositions suivantes: 1. L'acte notarié est privé d'authenticité lorsqu'il est annulé; 2. La privation d'authenticité peut aussi être frapée si l'écrit a été reçu par un notaire incompétent ou s'il a été établi en violation des règles concernées et insérées dans l'arrêté précité.

13. Annulation de l'acte notarié. Que faut-il entendre par annulation de l'acte notarié ? A noter qu'en droit vietnamien actuel, il n'y a pas de distinction entre annulation de l'acte en tant qu'acte notarié et annulation de l'acte en tant qu'acte juridique, éventuellement contenu dans un écrit notarié. En d'autres termes, l'acte notarié est annulable en tant qu'acte juridique constaté par cet acte. Il semble que cette solution découle d'une confusion fâcheuse par les auteurs de l'arrêté précité[15], des actes notariés comme instrument de preuve (instrumentum) et des actes juridiques comme manifestation de volonté en vue de créer des effets de droit (negotium). Aussi bien, en pratique, lorsqu'un acte juridique constaté par un écrit notarié est conclu, par exemple, par un incapable, l'action en annulation de cet acte emporte action en annulation de l'acte notarié qui le contient. En un mot, il n'existe pas de procédure d'annulation de l'acte notarié par voie principale.

14. Incompétence du notaire. L'incompétence du notaire est retenue comme un cas de privation d'authenticité particulier par rapport à celui de l'annulation de l'acte notarié. Ce qui implique que l'acte notarié ne peut être annulé du seul fait que le notaire soit incompétent ou que l'acte ait été reçu par un collaborateur de notaire.

15. Violation des règles établies par l'arrêté sur le notariat et relatives à la confection de l'acte notarié. Il s'agit essentiellement des règles qui imposent les solennités nécessaires à la qualification d'acte notarié: la présence du notaire à la signature de l'acte par les parties, les modalités de rature ou de correction,... En réalité, la forme d'acte notarié peut être imposée par la loi à un acte juridique comme une condition de sa validité[16]; mais elle peut aussi résulter de la volonté des parties qui, dans le souci de conserver la preuve par excellence de l'opération juridique envisagée, conviennent de constater cette opération par écrit authentifié. Mais, que ce soit légal ou conventionnel, l'établissement de l'acte notarié doit observer les règles concernées, sous peine de privation d'authenticité.

Soulignons que la violation n'entraîne pas non plus l'annulation de l'acte notarié en question.

2.1.4. La procédure de privation d'authenticité

16. Automatisme. L'annulation de l'acte notarié qui découle de l'annulation de l'acte juridique contenu dans cet acte entraîne à son tour la privation d'authenticité.

Dans les autres cas, il paraît que lorsque les éléments de l'hypothèse envisagée par la loi se réunissent, la privation d'authenticité se produit de plein droit sans même que l'acte notarié ne soit annulable. En cas de litige, le Tribunal peut intervenir, bien entendu, mais il ne prononce pas, le cas échéant, la privation d'authenticité, il ne fait éventuellement que constater cet effet. En somme, il n'y a pas de jugement constitutif de la privation d'authenticité, il n'y a que des jugements déclaratifs de cette privation.

De toute façon, pour que la privation d'authenticité produise des effets il faut, semble-t-il, qu'elle soit invoquée.

2.1.5. Le sort de l'acte privé d'authenticité

Sur ce point il faut faire une dinstinction selon que la privation d'authenticité résulte de l'annulation de l'acte juridique ou des autres causes prévues par la loi.

17. Annulation de l'acte juridique. Lorsque l'acte juridique est nul, il n'est plus question de preuve de l'opération envisagée par cet acte. Cependant, il arrive que les parties aient fait des choses dans le cadre de la conclusion ou même de l'exécution de l'acte. La question qui se pose est de savoir si lorsque ces prestations sont déclarées dans l'écrit qui contient l'acte juridique annulé[17], cet écrit fait tout de même preuve des prestations dont il s'agit en dépit de la nullité qui frappe l'opération envisagée. Sur cette question, la position du législateur vietnamien demeure incertaine. La pratique, quant à elle, a tendance à admettre le maintien de la force probante de l'acte privé d'authenticité dans le cas où l'acte est régulier au point de vue de l'établissement de l'acte notarié.

18. Incompétence du notaire et autres cas. À supposer que l'acte reçu par le notaire incompétent soit régulier à tous autres points de vue et que l'opération juridique constatée par cet acte soit valable, il est certain que l'acte litigieux constitue toujours la preuve de l'opération dont il s'agit en qualité d'acte ordinaire s'il a été signé par les parties. En empruntant l'expression du droit français, on parle alors d'une sorte de déclassement de l'écriture authentique en écriture privée[18].

2.1.6. L'avantage de l'acte doté de l'authenticité

19. Avantage probatoire obscure. Signalons qu'il n'existe pas en droit vietnamien actuel une procédure particulière comparable à la procédure d'inscription de faux du droit français. Cela, combiné au défaut de précision relative à la valeur probante de l'acte notarié permettrait de retenir que toutes les énonciations contenues dans l'acte notarié devraient faire foi jusqu'à preuve contraire. Cette solution n'est pourtant fermement retenue qu'en doctrine. Sous prétexte de l'imprécision de la loi, la pratique judiciaire demande souvent à la partie qui se prévaut de l'acte de conforter la valeur probante de telle ou telle énonciation contenue dans l'acte toutes les fois que cette énonciation est attaquée par la partie adversaire, et cela même lorsque cette dernière n'a pas encore réussi à rapporter la preuve contraire. L'avantage probatoire attaché à l'acte notarié a donc tendance à se réduire à un commencement de preuve pour ce qui concerne le contenu de l'acte.

Les seuls points sur lesquels la doctrine et la pratique se rencontrent sont ceux relatifs à la réalité de l'acte et à sa date: l'acte notarié fait suffisamment preuve de la présence des parties à l'acte, de la rédaction de l'acte, de sa signature et de sa date; et il incombe à celui qui conteste l'exactitude de ces faits de rapporter la preuve contraire.

2.2. La force exécutoire

20. En vertu de l'alinéa 3 de l'article 14 de l'arrêté précité, un contrat passé dans la forme d'acte notarié ou celle d'acte de certification produit des effets obligatoires à l'égard des parties; dans le cas où l'une des parties n'exécuterait pas ses obligations contenues dans un acte notarié ou un acte de certification, l'autre partie peut saisir l'organe étatique compétent en vue d'en obtenir une exécution forcée. Cela implique qu'en fin de compte l'acte notarié dans le droit vietnamien n'a aucune force exécutoire. Cette solution découle sans doute de la conception de la titularité de la puissance publique retenue en doctrine politique dominante au Vietnam: la puissance publique ne peut être conférée qu'aux organes répressifs[19], à l'exclusion de tous autres organes étatiques dont le notaire.

L'acte notarié aux yeux des personnes intéressées

21. L'acte notarié à l'égard des particuliers. L'acte notarié ne présente qu'un avantage modeste par rapport à l'acte ordinaire. Dans la vie extrajudiciaire, l'acte notarié constitue la preuve satisfaisante de tous les faits énoncés dans l'acte et la partie qui se prévaut de l'acte notarié est présumé titulaire des droits nés de l'acte juridique constaté par cet écrit, ce qui n'est absolument pas le cas de l'acte ordinaire. Lorsqu'il y a des contrariétés entre l'acte notarié et l'acte ordinaire sur un point déterminé, l'acte notarié est souvent préféré par les juges. De toute façon, à défaut de précision du législateur sur la valeur probante de l'acte notarié, les juges peuvent aussi décliner l'authencité attaché à cet acte et par suite le considérer comme un acte ordinaire, cela, sans même avoir à préciser les motifs et en dépit même de la doctrine dominante consistant à admettre que la forme authentique assure la réalité de l'acte et la certitude de sa date ainsi qu'il a été indiqué.

De plus, on ne peut nier que le défaut de force exécutoire rende moins intéressant l'acte notarié aux yeux des particuliers. Normalement il faut payer cher l'acte notarié; mais en cas de défaillance du débiteur d'une obligation contenue dans l'acte, le créancier doit recourir au Tribunal pour une condamnation nécessaire, même s'il s'agit d'une dette certaine, liquide et exigible. Ce qui explique que sauf dans les cas où l'acte notarié est exigé comme une condition de validité ou d'opposabilité, les parties préfèrent constater leur convention par acte ordinaire qui est beaucoup moins cher.

22. L'acte notarié à l'égard du notaire. Pour le notaire vietnamien, l'acte notarié comporte trop de risques. Dans l'état du droit positif, il paraît que le notaire a l'obligation d'établir un acte valable aussi bien dans la forme que dans le fond. Il doit en principe assurer l'exactitude de toutes les énonciations contenues dans l'acte sans distinction selon qu'il s'agit des constatations personnelles du notaire ou des faits qu'il ne fait que transcrire dans l'acte sur déclaration des parties sans pouvoir les contrôler. La responsabilité du notaire est donc très lourde alors qu'il ne bénéficie d'aucune mesure de protection particulière[20]. Aussi bien, pour pallier les riques profesionnels, le notaire vietnamien a tenté de très bonne heure de minimiser ses obligations et de limiter sa responsabilité en ménageant la certification qu'il doit apposer à la fin de l'acte. Plus particulièrement, s'agissant d'un acte grave, tel que la vente immobilière ou la constitution d'hypothèque, il est d'usage que le notaire n'affirme dans la certification mise à la fin de l'acte que la présence des parties, leur identité et la matérialité de leur signature dans l'acte. Ce qui ramène à ce que l'acte notarié se rapproche pratiquement de l'acte de certification du comité populaire; authentification a donc tendance à se dégrader en légalisation de signature.

La politique législative

23. Statut professionnel du notaire. Au point de vue de l'organisation du notariat, le droit vietnamien semble vouloir adapter le modèle français. Le notaire vietnamien pourrait effectivement devenir un jour un professionnel libéral: il exercerait ses fonctions de façon indépendante et il gèrerait son étude de la même manière qu'un chef d'entreprise.

24. Institution de l'acte notarié. Pour ce qui concerne la conception de l'acte notarié, il paraît au contraire que le modèle français a du mal à s'implanter dans le système juridique mis en place au Vietnam. Certes, l'implantation de la notion d'acte authentique conçue dans le droit français suppose un “environnement juridique” approprié. Or, l'établissement d'un tel environnement juridique ne peut résulter que d'une réforme profonde de la législation vietnamienne, surtout en matière civile et de procédure civile, réforme fondée sur une pensée juridique d'inspiration romano-germanique.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le Vietnam est en train de s'efforcer de s'intégrer dans la vie politique, économique et juridique de la région d'Asie-Pacifique. C'est une région de culture juridique essentiellement anglo-américaine. On imagine mal que sous la pression permanente de la civilisation des deeds anglo-saxons, le législateur vietnamien ait assez de volonté libre et éclairée de developper l'idée de tailler l'institution de l'acte notarié sur l'unique patron de l'acte authentique du droit français.


Notes et références

  1. Ce qui explique que d'une part, tous les notaires de l'époque étaient de nationnalité française et d'autre part, à la différence des notaires métropolitains, les notaires français au Vietnam colonisé étaient fonctionnaires.
  2. Ce sont les notions qui peuvent, dans une certaine mesure, être considérées comme étant correspondantes à celle d'acte sous signature privée du droit français.
  3. Une petite remarque s'impose: dans le droit vietnamien actuel, la réglementation de l'acte notarié se trouve en dehors du Code civil. Elle est effectivement contenue dans un arrêté gouvernemental promulgué le 8 décembre 2000 qui comporte aussi des règles relatives à l'organisation du notariat. Ce texte est en réalité la plus récente modification de l'arrêté du 27 février 1991; ce dernier arrêté, quant à lui, abroge la circulaire du 10 octobre 1987 qui est considérée aujourd'hui comme le premier texte de base relatif à l'organisation et au fonctionnement du notariat socialiste vietnamien. À noter en plus que quant au fond, la circulaire du 10 octobre 1987 s'inspire profondément des législations collectivistes de l'Europe de l'Est de l'époque. Cette inspiration a été conservée à travers les réformes de la réglementation du notariat.
  4. Le comité populaire est l'organe exécutif de la collectivité locale, une sorte de “maire collectif”.
  5. On peut admettre que la certification de signature se rapproche de la légalisation de signature assurée par le maire en Françe Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le comité populaire compétent au Vietnam est aussi habilité à légaliser la signature des parties à un acte constatant une opération patrimoniale (une vente d'immeuble par exemple).
  6. En réalité, cette faculté n'est pas clairement retenue dans les textes concernés; mais, elle est unaniment admise en pratique. Des difficultés surgissent néanmoins pour apprécier l'opportunité de l'exercice de cette faculté dans de nombreux cas.
  7. V. infra. n. 22.
  8. En vertu de l'article 11 de l'arrêté précité, les parties doivent signer l'acte devant l'officier public compétent sauf s'il a été dit autrement par la loi. Cependant, la loi ne prévoit jusqu'à présent aucun cas où la signature d'un acte notarié peut être effectuée hors la vue du notaire.
  9. Le notaire vietnamien s'occupe non seulement des contrats et de la liquidation des successions. Il est aussi chargé de légaliser la signature d'un traducteur, de la certification de copie conforme à l'original, de légaliser la signature apposée à une déclaration sur honneur faite par un étranger,…
  10. Aussi bien, au point de vue de la présentation, l'acte notarié du droit vietnamien ressemble au deed légalisé du droit anglo-américain.
  11. Encore faut-il toutefois que ces ratures et corrections aient pour objet les “fautes techniques” (art. 45 de l'arrêté précité), c'est-à-dire, selon les auteurs dudit arrêté, qu'il s'agit des fautes dont la correction n'affecte en rien la situation juridique des parties.
  12. Il est dit que toute correction ou rature doit être approuvée par le notaire ayant reçu l'acte et qui, après avoir mis son paraphe en marge et à côté de la correction ou de la rature, y appose le sceau officiel de son étude. Ce procédé est prévu par l'art. 45, qui ne fait néanmoins allusion qu'au contrat, à l'exclusion de tous autres actes que le notaire peut recevoir.
  13. Dans le souci de conforter son opinion il est d'usage que le notaire invite le testateur à passer un examen médical avant de prononcer ses dispositions de dernière volonté. En réalité, aucun résultat positif d'un examen médical ne peut empêcher des contestations ultérieures sur la qualité mentale du testateur.
    Il y a eu des notaires vietnamiens qui ont été destitués en raison de l'authentification d'un testament fait par une personne qui, lors de l'établissement de l'acte, est victime d'altérations mentales.
  14. Revue de sciences juridiques, Ministère de la Justice, numéro 9/2000, p. 12. Autrement dit, cette doctrine du Ministère de la Justice a voulu limiter le jeu de l'authenticité aux indications contenues dans la certification faite par le notaire et placée à la fin de l'acte.
  15. La confusion est aussi constatée en doctrine: Revue de sciences juridiques préc., p. 13.
  16. Dans le droit vietnamien actuel, tel est par exemple, le cas de vente d'immeubles.
  17. Par exemple, l'acte de vente d'immeuble dans lequel les parties déclarent que la remise de titre de propriété a été effectuée par le vendeur à l'acheteur avant la signature de l'acte et hors la vue du notaire.
  18. De toute façon, la force probante de l'acte sous signature privée n'est pas très bien définie en droit positif vietnamien en raison du défaut de réglementation de la preuve en matière civile.
    Dans le mutisme absolu de la loi, la pratique retient généralement comme en droit français qu'en cas de contestation, il incombe à la partie qui produit un acte ordinaire de prouver sa réalité, normalement par la vérification d'écriture. Une fois la réalité établie, l'acte ordinaire fait foi de son contenu en principe dans les mêmes conditions que l'acte notarié.
  19. Qui sont encore connus sous la dénomination de l'organe chargé de la protection de la loi.
  20. L'assurance professionnelle notariale demeure inconnue du droit vienamien.

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