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Mesures techniques de protection (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
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La mesure technique de protection[1] se définit comme « toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les oeuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur prévu par la loi. Les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l'utilisation d'une oeuvre protégée, ou celle d'un autre objet protégé, est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l'application d'un code d'accès ou d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'oeuvre ou de l'objet protégé ou d'un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection » (article 9-3 de la directive 2001/29/CE[2]).

En pratique, les mesures techniques de protection ont toujours existé, surtout dans le domaine de l’informatique, mais elles ont actuellement tendance à se généraliser. En effet, avec l’évolution constante des technologies et la prolifération d’outils et de sites gratuits de partage, le problème de la copie illicite d’œuvres protégées prend une importance considérable et inquiète les industries productrices d’œuvres protégées (industrie du disque, du cinéma, du logiciel….). Il leur est donc apparu nécessaire de réagir afin d’essayer d’enrayer le phénomène de la copie illégale et de ce point de vue elles ont considéré que les mesures techniques de protection peuvent constituer un remède à cette pratique illégale mais difficilement contrôlable.

Au-delà du problème de la lutte contre la copie, il apparaît également que ces mesures permettent de développer de nouvelles formes de consommation. Ainsi, les mesures techniques de protection permettent et accompagnent les nouvelles formes d’utilisation des œuvres telles que le téléchargement légal de certaines créations proposées par les auteurs, le jeu en ligne, le paiement à la séance qui permet de voir un film, ou bien encore d’écouter une chanson en « streaming » sur son ordinateur pendant un temps donné.

Le secteur du téléchargement payant de musique ou d’autres œuvres sur Internet est naissant, et il est prévu une forte croissance du secteur dans les prochaines années. Ces nouvelles formes de consommation sont elles aussi accompagnées de la mise en place de systèmes de protection, comme par exemple le DRM (digital right management : système de gestion des droits digitaux) créé par Microsoft ou celui de Apple , qui peuvent s'appliquer à divers types de contenu : audio, vidéo, fichiers informatiques. « Ces mécanismes permettent aux sociétés commercialisant des produits multimédias sur Internet d’associer ces contenus à des droits d'usage prédéfinis donnant lieu à paiement par le consommateur final. Par exemple dans le secteur de la musique, la fonction des DRM est de restreindre l'usage possible des titres téléchargés par le consommateur, conformément aux droits qui ont été négociés entre le producteur (la « maison de disques ») et le distributeur (la plate-forme de téléchargement). Les droits en question concernent principalement le nombre d'ordinateurs différents sur lesquels la musique peut être téléchargée, écoutée et copiée, le nombre de gravures sur CD des titres téléchargés et le nombre de transferts autorisés vers des baladeurs numériques »[3]. Sur ce point précis de l’usage des mesures techniques de protection pour la diffusion contrôlée d’œuvres protégées on peut citer cet excellent passage de l’un des chroniques de Ph. Gaudrat[4] dans lequel il déclare « le fichier, qui sert de véhicule non tangible à l’œuvre, peut comporter toutes sortes d’informations techniques, de verrous et de tatouages. Tout devient possible. Le contrôle peut être quasiment parfait. Bref, en s’en donnant les moyens, le numérique permet de gérer le Net comme on gère une salle de théâtre ou un réseau de distribution d’exemplaires ».

Bien que parfaitement compréhensible, la mise en place de ces mesures n’est pas sans poser quelques problèmes[5], en effet, elle vient heurter de plein fouet les droits du public, des consommateurs. D’une part elles restreignent la manière dont le public peut consulter une œuvre protégée (ainsi, par exemple, certaines œuvres protégées ne peuvent être consultées que sur un certain matériel ou en faisant usage de certaines technologies du fait d’incompatibilité liées aux mesures techniques de protection). D’autre part ces mesures empêchant la copie prive également l'utilisateur final du bénéfice du droit de copie privée dont dispose normalement toute personne sur les œuvres protégées qu’elle acquière légalement. « Dès lors, comment concilier la mise en place de mesures techniques de protection avec les dispositions légales autorisant le public à réaliser des copies privées des œuvres et avec celles protégeant les droits du consommateur sur le support qu’il acquiert ? »[6]

Malgré les difficultés encore posées par ces moyens, le principe de leur mise en œuvre a été consacré au niveau européen (1); cependant certaines associations de consommateurs contestent la légalité de ces mesures techniques de protection (2).

Les mesures techniques de protection: une consécration

Malgré les précédentes actions des associations de consommateur à travers l'Europe, la directive européenne « sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information »[7] a consacré la validité et la nécessité des mesures techniques de protection (1.1). En France, sans même attendre la loi de transposition, une décision a déjà consacré juridiquement la légalité des mesures techniques de protection (1.2).

La directive européenne du 22 mai 2001

Les principes restrictifs posés par la directive (1.1.1) laissent tout de même une place pour une exception ou limitation à fin de copie privée (1.1.2).

Les principes restrictifs posés par la directive

Cette directive pour « l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information » est présentée par certains comme une imitation du DMCA américain (digital millenium copyright act : loi pour la gestion des droits numériques) qui légalise l'emploi de procédés techniques permettant d'interdire la copie et de limiter les droits en fonction de la personne (ces procédés ont été introduits en informatique notamment avec le DRM de Microsoft et les autres système de gestion des droits par licence électronique).

Conscient que des personnes ont déjà mis en place des procédés et techniques permettant de contrer les principales protections déjà existantes, le législateur européen a également prévu des sanctions contre ces personnes qui cherchent à contourner les mesures de protection. La directive retient en effet que : « Le risque existe, toutefois, de voir se développer des activités illicites visant à permettre ou à faciliter le contournement de la protection technique fournie par ces mesures. Afin d'éviter des approches juridiques fragmentées susceptibles d'entraver le fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire de prévoir une protection juridique harmonisée contre le contournement des mesures techniques efficaces et contre le recours à des dispositifs et à des produits ou services à cet effet »[8].

Cette mesure, loin de n’être qu’une déclaration de principe, produit déjà des effets sur le territoire européen et certaines sociétés basées dans l’espace communautaire se sont vues obligées de cesser la fabrication et la distribution de leur produit qui était jugé comme portant atteinte à ces mesures de protection. C’est notamment le cas de la société « elaborate bytes»7 qui a cessé, suite à ces dispositions, la vente de l’un de ses produits phare : « clone cd » qui était une application permettant la reproduction exacte d’un cd quelle que soit la protection qu’il contenait et permettant ainsi de déjouer cette dernière. Notons que le produit « clone cd » a été repris par une société américaine « slysoft » qui continue le développement et la vente de ce logiciel. Internet n’ayant pas de frontière, cette directive risque au final de n’apporter qu’une réponse inefficace face à de tels produits.

Selon les termes même des institutions européennes il s’agit là « d’une recherche commune pour une utilisation cohérente, à l'échelle européenne, de mesures techniques visant à protéger les oeuvres et autres objets protégés et à assurer l'information nécessaire sur les droits en la matière qui revêtent une importance fondamentale. […]. Ces mesures ont pour objectif ultime de traduire dans les faits les principes et garanties prévus par la loi »[9].

Les jurisprudences citées plus haut ne sont donc plus d’actualité face à ce texte puisque désormais les titulaires de droits pourront librement recourir en Europe à toute mesure technique permettant d’empêcher ou de limiter les actes non autorisés par les titulaires d'un droit d'auteur, de droits voisins ou du droit sui generis sur une base de données.

La subsistance d'une exception ou limitation pour la copie privée

Alors que l’on pourrait penser que l’exception de copie privée est bel et bien morte, il subsiste tout de même un petit espace la concernant dans la directive : « Lorsqu'il s'agit d'appliquer l'exception ou la limitation pour copie privée, les États membres doivent tenir dûment compte de l'évolution technologique et économique, en particulier pour ce qui concerne la copie privée numérique et les systèmes de rémunération y afférents, lorsque des mesures techniques de protection efficaces sont disponibles. De telles exceptions ou limitations ne doivent faire obstacle ni à l'utilisation de mesures techniques ni à la répression de tout acte de contournement ».

Il en ressort qu’afin de maintenir un certain équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des utilisateurs, la directive a prévu une atténuation de la protection des mesures techniques avec la définition de certaines exceptions dans l’article 6.4. Selon cet article, tout État membre doit, en l’absence de mesures volontaires prises par les titulaires de droits et dans un délai raisonnable : « prendre des mesures appropriées pour assurer aux bénéficiaires de ces exceptions ayant un accès licite à l’œuvre protégé ou à l’objet protégé que les titulaires de droits mettront à leur disposition les moyens d’exercer lesdites exceptions, dans la mesure nécessaire pour en bénéficier ». L’article 6.4 reconnaît donc aux États la faculté de prévoir des mesures spécifiques et dérogatoires, s’agissant de l’exception pour copie privée.

Un Etat peut donc choisir :

- Soit de légiférer immédiatement en mettant en place un mécanisme de conciliation pour chaque hypothèse où serait constatée l’absence de mesures volontaires prises dans un délai raisonnable. - Soit laisser aux titulaires de droits un « délai raisonnable » pour mettre en place des systèmes techniques de protection, en constater les effets puis ensuite seulement prendre les mesures qui s’imposent à chaque fois qu’est avérée une situation concrète de blocage.

Il semblerait donc au final que cette directive laisse la possibilité aux États de conserver le principe de « l’exception pour copie privée » mais rien n’est moins sur. Ainsi, l’emploi du terme « exception » n’est pas innocent et comme le souligne Ph. Gaudrat dans sa chronique[10], il prouve que : « la copie privée, limite naturelle au droit de reproduction est » désormais, « clairement traitée en exception ». De plus, le champ d’application de cette exception est tellement réduit par les dispositions précédemment citées (notamment avec la réaffirmation de la nécessité de mettre en place et de défendre les mesures techniques de protection) que l’usage de cette exception semble désormais difficilement réalisable.

Face à cette difficulté des voies se sont élevées en France, en plus de celles des associations de consommateurs, pour réclamer l’interdiction des mesures techniques de protection interdisant l’exercice du droit à la copie privée. On peut sur ce point relever notamment l’initiative du député Didier Mathus qui le 10 Septembre 2003 avait déposé à l’Assemblée une proposition de loi visant « à interdire le recours à des mesures techniques de protection de CD et DVD ayant pour effet de priver les utilisateurs du droit à la copie privée ». Cette proposition rejoignant le combat des associations de consommateurs se composait d’un seul article proposant l’ajout d’un article L 122-5-1 au code de la propriété intellectuelle et dont le contenu aurait été le suivant : « lorsque l’auteur d’une œuvre de l’esprit, l’artiste interprète ou le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes mettent en place des mesures techniques de protection des droits qui leur sont reconnus par les livres I et II, ces mesures ne peuvent avoir pour conséquence d’interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage du copiste visées au 2° de l’article L 122-5 ».

Trois arguments étaient invoqués à l’appui de ce projet par son rédacteur :

1.Autoriser l’implémentation de mesures techniques sur les supports d’enregistrement empêchant la duplication des œuvres y figurant serait en totale contradiction avec l’article L 122-5 2° du code de la propriété intellectuelle. 2.Il serait anormal que le consommateur achetant des supports vierges à des fins de copie privée paye par la même la taxe pour copie privée alors qu’il ne pourra pas la réaliser. 3.Enfin les mesures techniques de protection seraient facilement contournables et ne permettraient pas de lutter contre le piratage à grande échelle.

Ce projet n’est finalement resté que lettre morte car le Gouvernement a fait le choix de se lancer dans une voie « plus mesurée mais aussi plus floue » afin de transposer la directive.

En France, alors que la directive n’a pas encore été officiellement transposée, la légalité des mesures techniques de protection a été consacrée par une décision judiciaire.

Une consécration en France en attendant l'adoption d'une loi de transposition

Sans même attendre la transposition en droit Français de la directive (1.2.2) une décision de justice d’une juridiction nationale a consacré le principe de la validité de ces mesures techniques de protection et la restriction de l’exception de copie privée (1.2.2).

Le projet de loi de transposition

 A mettre à jour avec le loi de 2006

En vertu de l’article 6 de la directive, les Etats membres sont tenus d’instituer par transposition dans leur droit national « une protection juridique appropriée » contre le contournement intentionnel des mesures techniques de protection et les activités préparatoires à celui-ci ». En France c’est le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique qui a été chargé par le ministère de la Culture de trouver un compromis entre respect des libertés et protection des ayants droit.

Le Conseil a ainsi réalisé un projet de loi "sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l’information"[11] dans lequel le choix a été fait de transposer la directive au sein du code de la propriété intellectuelle. Ce projet a été présenté par le ministre de la culture et de la communication au Conseil des ministres du 12 novembre 2003.

Ce projet suscite de nombreuses craintes quant à son contenu dont celle d’une remise en cause, voire une disparition, de la copie privée. En effet le Conseil de la propriété littéraire et artistique milite clairement pour une démocratisation des systèmes de protection contre la copie au motif selon lui que « les possibilités de reproduction et d'échange d'oeuvres qu'offrent les technologies numériques dans le cadre de la liberté de communication se traduisent par une multiplication des actes de contrefaçon». Cette position fait dire à Thierry Maillard [12] : « […] qu’il n’est pas certain que le droit d’auteur à la française, qui, depuis deux siècles, a su faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité, sorte tout à fait indemne de la réception des mesures techniques qui – par leur nature même – semblent étrangères à ces vertus ».

En effet le projet de loi procède à une transposition quasi-littérale du très restrictif article 6-3 de la directive aussi bien pour la définition des mesures techniques, que pour l’exigence d’efficacité ou encore la définition du champ d’application de la protection. Il est ainsi proposé par le projet de subdiviser le chapitre premier du titre III du code de la propriété intellectuelle en deux sections :

- La première, intitulée « Règles générales de procédure », reprend les dispositions de l’actuel chapitre premier (art. L. 331-1 à 4).

- La seconde, baptisée « Mesures techniques de protection et d’information », accueille six nouveaux articles, dont le premier (art. L. 331-5) pose le principe de la protection des mesures techniques.

L’élément essentiel est ici le nouvel article L. 331-5 qui définit les mesures techniques, précise les conditions auxquelles celles-ci sont réputées efficaces et pose dans le même temps un principe général de protection de ces mesures.

Le futur article L. 331-5 al2 pose tout d’abord une définition des mesures techniques de protection qui est l’exacte reprise de celle donnée par la directive, il s’agit donc de : « toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destinée à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur, d’une oeuvre, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme ».

Les rédacteurs du projet ont également repris l’exigence d’efficacité de la mesure qui impose, pour que la mesure technique de protection puisse être qualifiée de telle, qu’elle mette en jeu un « contrôle grâce à l’application d’un code d’accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection, ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection ». Cette exigence permet ainsi à l’instar du brevet « de fixer un seuil minimal d’accès à la protection et ainsi d’écarter les systèmes les plus triviaux, notamment ceux mis en place aux seules fins de bénéficier de la protection ».

Concernant le champ d’application de ce texte en droit interne, il a été là encore calqué sur les dispositions de la directive. Il assure la protection de toutes les mesures techniques mises en œuvre par les titulaires de droits en vue d’empêcher ou de limiter l’utilisation d’un objet protégé, y compris celles qui contrôlent des actes d’utilisation pour lesquels aucun droit exclusif n’a vocation à s’appliquer. On protège donc par ce texte les mesures techniques contrôlant l’accès ainsi que celles contrôlant les actes de reproduction ou de communication au public, dès lors qu’elles seront appliquées à un objet protégé par un droit d’auteur ou un droit voisin.

Les actes ainsi prohibés se divisent en deux catégories : sont à la fois prohibés les actes personnels de contournement et les activités préparatoires à ceux-ci.

Les actes personnels de contournement sont assimilés désormais à un délit de contrefaçon par le nouvel article L. 335-3-1 1° qui réprime « le fait pour une personne de porter atteinte, en connaissance de cause, à une mesure technique (…) afin d’altérer la protection, assurée par cette mesure, portant sur une œuvre ». Cette catégorie risque cependant de rester marginale car les actes visés sont commis dans le cadre privé qui est difficilement contrôlable.

Pour ce qui est des actes préparatoires, ils sont également assimilés à un délit de contrefaçon mais seulement lorsqu’ils sont commis « en connaissance de cause » (c’est ici un ajout du législateur national qui a souhaité la présence d’un élément intentionnel. Cette catégorie contiendra :

- Le fait « de fabriquer ou d’importer une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service, destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1° » (L. 335-3-1 2°); - Le fait « de détenir en vue de la vente, du prêt ou de la location, d’offrir à la vente, au prêt ou à la location, de mettre à disposition sous quelque forme que ce soit une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1° » (L. 335-3-1 3°); - Le fait « de commander, de concevoir, d’organiser, de reproduire, de distribuer ou de diffuser une publicité, de faire connaître, directement ou indirectement, une application technologique, un dispositif, un composant ou un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, de l’un des faits mentionnés au 1° ou au 2° » (L. 335-3-1 4°).

En complément de ces dispositions déjà très restrictives il est prévu que les utilisateurs ne pourront pas opposer les exceptions classiques (copie privée…) afin de pouvoir contourner cette interdiction : c’est là le point qui heurte le plus les intérêts du public et qui fait dire à bon nombre de commentateurs que la copie privée est « morte ».

Cependant afin de ménager les intérêts des utilisateurs le projet prévoit dans l’article L. 331-5 un alinéa 3 imposant la mise en place d’« un système de licences de développement obligatoires à des fins d’interopérabilité ». Ce système obligera à plus ou moins long terme les différents concepteurs de mesures techniques de protection à parvenir à une normalisation des formats de mesures en forçant l’ouverture des formats propriétaires : cette disposition sera d’une grande utilité pour éviter les problèmes comme ceux rencontrés dans l’affaire Virgin Media (cf. infra).

Comme le note Thierry Maillard1 « ce projet de loi introduit une protection des mesures techniques très ferme et très favorable aux titulaires de droits. La frontière entre droits exclusifs et exceptions, jusqu’à présent assez malléable, aura demain, du fait de cette protection, une véritable matérialité, ce qui risque de remettre en cause les modalités d’exercice des exceptions ». Face à ce risque le projet de loi propose tout de même un correctif au travers d’une procédure de garantie des exceptions.

En effet le ministère de la culture a souhaité que subsiste une exception de copie privée et la solution retenue sur ce point par le projet de loi repose sur la création d’un collège des médiateurs. Ce mécanisme devrait permettre d’assurer une certaine garantie d’exercice des exceptions : ainsi selon l’article L. 331-7, tout différend impliquant une mesure technique et portant sur le bénéfice d’une des exceptions classiques sera soumis à un collège des médiateurs qui devra dans le respect des droits des parties, favoriser ou susciter une solution de conciliation. À défaut de conciliation « le collège des médiateurs prendra une décision motivée de rejet de la demande ou émet une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l’exception ». Un problème se pose cependant : le prononcé d’une injonction à l’encontre du titulaire de droits ne sera possible que si sont réunies plusieurs conditions de fond et de forme qui sont très difficiles à réunir, ce qui risque de limiter l’utilité de cette autorité.

À l’heure où nombre de commentateurs et d’associations de consommateurs s’interrogent sur les conséquences que vont avoir l’adoption de ce texte, un jugement a été rendu sur le sujet des mesures techniques de protection et a consacré leur légalité.

La consécration jurisprudentielle

Les craintes des associations de défense de consommateurs sont renforcées par le fait que sans même attendre l'adoption du texte définitif, le TGI de Paris s'est prononcé dans un jugement sur la validité des mesures techniques de protection.

Dans cette affaire[13] un consommateur ainsi que l’UFC-Que Choisir, avaient porté plainte contre les sociétés Films Alain Sarde, Universal pictures video France et Studio Canal au motif qu'il était impossible de réaliser la copie (à titre privé) du DVD d'un film produit et distribué par lesdites sociétés. Les plaignants reprochaient notamment aux défendeurs d'avoir inséré un dispositif technique contre la copie sur le média sans en informer les acheteurs. Cette pratique serait, selon les demandeurs, contraire à ce qu'exige normalement l’article L.111-1 du Code de la consommation qui dispose que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service »

Contrairement aux précédentes décisions en la matière sur les cd audio protégés où les juridictions ont retenu le vice caché) le tribunal a débouté les demandeurs en se basant sur les dispositions de la directive, alors même que celle-ci n'est pas encore transposée : « bien que cette directive (la directive européenne) ne soit pas encore transposée, il demeure que les dispositions internes doivent être interprétées à sa lumière ».

Après avoir démontré que le DVD ne peut pas bénéficier de l'exception de copie privée il retient que « ne constitue pas une caractéristique essentielle d'un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu'il ne peut bénéficier de l'exception de copie privée ».

Le Tribunal n’a donc pas retenu l’argument des consommateurs qui invoquaient un « droit à » la copie privée en contrepartie de la rémunération pour copie privée, instituée par la loi n°85-660 du 3 juillet 1985.

Si cette évolution jurisprudentielle venait à se confirmer, il y a fort à parier que les mesures de protection techniques ne pourront plus être contestées alors même qu'elles pourraient dans certains cas empêcher les consommateurs ayant légalement acheté un média de le lire dans certains appareils.

Cette généralisation à venir des moyens techniques de protection des œuvres suscite de nombreuses contestations par les associations de consommateurs mais pas uniquement : en effet certains producteurs utilisant ces moyens découvrent qu’ils ne sont parfois pas compatibles entre eux ce qui peut poser des problèmes pour la diffusion auprès du public.

Les mesures techniques de protection: des contestations

Selon certaines associations de consommateurs, qui ont rejoint l’action de certains particuliers, ces mesures portent atteinte à la fois à l’exception de copie privée (2.1) mais également à la qualité de l’œuvre en instaurant des dispositifs qui peuvent être qualifiés de vices cachés (2.2).

Une atteinte à l'exception de copie privée

En se basant sur les fondements de la copie privée (2.1.1), des associations de consommateurs dénoncent les atteintes qui y sont portées par les mesures techniques de protection (2.1.2).

Les fondements de la copie privée

L'article L. 122-5 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que lorsqu'une œuvre à été divulguée, son auteur ne peut en interdire les copies ou reproductions « strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective ». Cette disposition est reprise par l'article 211-3 du même code pour les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes.

« Pour justifier cette exception au monopole d'exploitation de l'auteur sur son œuvre, plusieurs arguments ont été traditionnellement avancés : d'une part, il n'est pas possible de contrôler l'usage d'une œuvre (et des copies qui en sont faites) dès lors qu'une personne jouit de cette œuvre dans sa sphère privée ; d'autre part, le préjudice résultant de la copie privée est limité pour les ayants droit puisque la qualité de l'œuvre reproduite se dégrade par rapport à l'original. Cette dernière justification ne s’avère plus pertinente avec les copies numériques étant donné que l’original et la "copie numérique" sont d'une qualité identique. Aussi, d'autres fondements ont été avancés pour justifier la copie privée: liberté d'expression, nécessité d'information et de recherche, respect de la sphère privée de chaque personne… »[14]

Avec la généralisation à venir des mesures techniques de protection des œuvres il est essentiel de savoir si l’on peut considérer que l'utilisateur d'une œuvre dispose d'un véritable « droit à la copie privée » ou s’il ne s’agit que d’une simple exception. Sur cette question fortement controversée, les associations de consommateurs estiment que la copie privée est un « droit reconnu aux consommateurs » qui, en tant qu'acquéreurs et utilisateurs, doivent pouvoir utiliser librement l'œuvre dans la sphère privée. Au contraire, selon les auteurs les producteurs et les éditeurs, la copie privée n’est qu’une tolérance, ou tout au plus une exception au monopole de l'auteur, qui doit être limitée pour ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

Le problème se pose d’autant plus que les textes internationaux relatifs au droit d'auteur ne qualifient pas la copie privée de « droit ». Ainsi, par exemple, la directive européenne du 22 mai 2001 dont la transposition donne lieu à de nombreux débats parle pour sa part simplement de « faculté pour les États membres de prévoir une exception de copie privée ».

Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’un véritable droit ou d’une simple exception, la copie privée est remise en cause par les mesures techniques de protection qui empêchent sa réalisation.

L'atteinte portée par les mesures techniques de protection

Avec les moyens techniques de protection instaurés sur les différents médias contenant les œuvres, cette exception est directement atteinte. Selon l’UFC que choisir[15] « ces restrictions imposées sont regrettables car dans l'ère numérique, la copie est indispensable notamment pour transporter une oeuvre licitement acquise d'un appareil à un autre ». L’association ajoute que ces mesures vont restreindre le consommateur dans ses possibilités de consultation des différentes œuvres acquises du fait d’incompatibilité entre ces protections et certains matériels. Il semblerait donc que le « consommateur ne peut plus jouir loyalement des oeuvres artistiques et culturelles qu'il a licitement acquises ». Enfin pourquoi le consommateur paierait-il une taxe importante pour pouvoir copier, si on lui supprime progressivement la possibilité de réaliser des copies à usage privé »[16]

Pour l’association CLCV (consommation logement et cadre de vie) ces mesures de protection technique empiètent sur les droits des consommateurs, et en particulier sur les possibilités de réaliser des copies à usage privé. Selon l’association cette remise en cause du droit à la copie privée risque de porter atteinte non seulement aux consommateurs mais également à « des secteurs entiers de notre industrie qui ont pu se développer grâce à cette pratique, qu'il s'agisse des fabricants de supports ou de matériels d'enregistrement »[17]. En effet « c'est en partie la rémunération pour copie privée, payée par les consommateurs sur les supports qu'ils achètent, qui finance en France l'aide à la création et le spectacle vivant ; c'est aussi elle qui contribue à la diffusion des oeuvres culturelles ». La disparition de cette exception causerait donc sans aucun doute bien des dégâts économiques, et non pas seulement une perte de " confort " pour le consommateur.

Au-delà de cette atteinte au droit de copie privée les associations voient également dans la mise en place de mesures techniques de protection une atteinte manifeste à la qualité des produits.

Une atteinte à la qualité des produits

La mise en place de mesures de protection pose divers problèmes techniques comme une incompatibilité avec certains appareils de lecture (2.2.1) ou une incompatibilité entre les formats propriétaires (2.2.2).

Les incompatibilités avec certains appareils de lecture

Elles se manifestent par des incompatibilités entre certains formats de protections et certains appareils de lecture. Selon les associations, les dispositifs techniques mis en place empêchent les consommateurs d’user du produit de manière normale en empêchant par exemple leur diffusion sur certains types de matériels. Les associations ont donc lancé des actions sur le fondement de la tromperie et du vice caché et elles ont obtenu gain de cause dans quelques affaires[18].

Deux affaires ont ainsi fait grand bruit et ont contribué à médiatiser les difficultés et les conséquences posées par la mise en place de mesures techniques de protection, il s’agissait de CD audio assortis de mesures techniques de protection et qui du fait de ces dernières ne pouvaient pas être lus sur certains autoradios. À la suite de plaintes de particuliers, des associations de consommateurs ont décidé de poursuivre les producteurs des disques en question afin de rétablir les droits des utilisateurs.

Dans la première affaire[19], la CLCV (association pour la consommation, le logement et le cadre de vie) a poursuivi EMI en raison de l'impossibilité pour certains consommateurs de lire le CD de Liane Foly « Au fur et à mesure » sur un autoradio. Le CD comportait uniquement la mention « ce CD contient un dispositif technique limitant les possibilités de copie ». Selon l’association, cette mention étant « de nature à induire en erreur », EMI devait être condamnée sur la base des articles L. 213-1 et L. 121-1 du code de la consommation pour délit de tromperie et publicité trompeuse. Le TGI de Nanterre, a admis le délit de tromperie et ordonné que soit insérée sur le CD litigieux, la mention préconisée par la CLCV : « attention, il ne peut être lu sur tout lecteur ou autoradio ».

La deuxième affaire[20] incriminait le même procédé technique de protection qui posait des difficultés de lecture du CD « J'veux du Live » d'Alain Souchon. L'UFC Que choisir et une consommatrice ont attaqué là encore EMI mais sur le fondement, cette fois-ci, de la garantie contre les vices cachés. L'association de consommateurs a également demandé au tribunal d'interdire à EMI l'utilisation de mesures techniques de protection. La consommatrice a obtenu la condamnation d'EMI au remboursement du prix du CD, mais la demande de l'UFC Que choisir d’interdire l’usage de procédés techniques de protection n'a pas abouti au motif qu'elle n'invoquait pas une infraction pénale légitimant son action. Cette action revêtait une importance toute particulière car, comme le souligne F. Sardain « l’enjeu de cette seconde décision résidait plus particulièrement dans la demande formulée par l’UFC Que Choisir visant à supprimer, de façon générale, les mesures techniques de protection des œuvres des disques litigieux ». En effet, « si elle était généralisée par les tribunaux la voie de la garantie des vices cachés suivie dans la présente affaire permettrait indirectement de contourner le dispositif légal relatif aux mesures techniques de protection des œuvres ». Le tribunal ne c’est cependant pas prononcé sur ce point précis et on peut le comprendre car il lui aurait été particulièrement difficile d’ordonner la suppression de mesures expressément prévues par le traité OMPI de 1996 et la directive européenne de 2001.

Ces différentes victoires des associations de consommateurs et des particuliers ont contribué à mettre en lumière les atteintes qui pourraient être portées aux droits des consommateurs par ces mesures de protection : atteinte à l’exception de copie privée ou tout simplement vente de produits comportant des « vices cachés ».

Les incompatibilités entre les différents formats propriétaires

Il est intéressant de noter que les consommateurs ne sont pas les seuls à rencontrer des problèmes avec les mesures techniques de protection. Ainsi certaines sociétés productrices et distributrices en ligne de contenu multimédia protégé se voient confrontées aux problèmes des incompatibilités entre les différents formats propriétaires de protection. Cet inconvénient est apparu avec la très récente décision du Conseil de la Concurrence en date du 9/11/2004[21]

Les faits étaient les suivants : la société VirginMega, qui gère une plate-forme de musique en ligne active sur le seul territoire français, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par la société Apple Computer France. En effet il s'avère que les consommateurs qui téléchargent des titres musicaux sur la plate-forme VirginMega ne peuvent pas les transférer directement sur les baladeurs numériques iPod, fabriqués et commercialisés par Apple. L'impossibilité de transfert direct provient de l'incompatibilité des DRM utilisés par la plate-forme VirginMega et les baladeurs iPod. VirginMega utilise le DRM de Microsoft, tandis que le seul DRM compatible avec l'iPod est le DRM propriétaire d'Apple, FairPlay.

VirginMega a dans un premier temps demandé, une licence à Apple, contre le paiement d'une redevance, de manière à avoir accès à FairPlay et s'est vue opposer un refus. La plaignante, considérant que ce refus d'accès constitue un abus de position dominante d'Apple, a donc saisi le conseil de la concurrence. En effet selon la société VirginMega Apple détiendrait avec son baladeur iPod et sa plate-forme iTunes Music Store une position dominante sur le marché téléchargement payant de musique sur Internet

Outre la reconnaissance de l'abus de position dominante la plaignante souhaitait voir la société Apple enjointe d’« accorder à toute entreprise qui en ferait la demande, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et dans des conditions économiques équitables et non discriminatoires, un accès direct à tous les éléments permettant le téléchargement et le transfert des fichiers musicaux notamment sur lecteur iPod, tels que les formats et son logiciel DRM de gestion des droits numériques ou « digital rights management» FairPlay, avec la documentation technique associée permettant à l'homme de l'art d'exploiter les systèmes et de gérer les droits pour ledit téléchargement ».

Afin de se prononcer le conseil de la concurrence a retenu, selon les jurisprudences communautaires antérieures, que le caractère indispensable ou non de l'accès à FairPlay pour le développement des plates-formes payantes de téléchargement de musique en ligne devait être apprécié au regard des trois éléments :

- Les usages actuels de la musique téléchargée,

- Les éventuelles possibilités de contournement par les consommateurs

- Et l'évolution de l'offre de baladeurs numériques.

Sur le 1er point il a été jugé par le conseil que le transfert sur baladeur numérique n'est pas un usage actuel prépondérant. Sur le second point le conseil a retenu que le contournement de la protection est possible légalement et aisément permettant ainsi de télécharger tout de même la musique sur les baladeurs en question. Enfin pour le 3ème point le Conseil a remarqué que l'offre en matière de baladeurs numériques évolue de plus en plus vers des baladeurs compatibles multi formats et notamment avec les formats de Virgin qui sont disponibles en France. Par conséquent la saisine opérée par la société VirginMega a été rejetée.

En conclusion, bien que la mise en place de ces mesures provienne d'un but légitime (protéger les droits des artistes face à la copie illégale et développer le commerce de médias numériques en ligne), ces dispositifs posent encore de nombreux problèmes tant au point de vue technique (incompatibilité entre les protections, impossibilité de lecture sur certains matériels…) qu’au plan juridique où le droit de copie privée semble fortement menacé.
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