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Remplacement de la notion de service public comme critère de compétence du juge administratif (fr)

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Version du 27 avril 2007 à 10:15 par Pierre (discuter | contributions)

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Détermination des compétences administrative et judiciaire > Compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives >
Le principe de la compétence du juge administratif à l'égard des activités de gestion publique > L'état actuel du critère de compétence
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Puisque le service public ne suffit plus comme critère de compétence, se pose la question de savoir par quoi remplacer la notion de service public ? Pour bien apprécier les solutions de remplacement, il faut d'abord bien dégager les méthodes utilisées par le juge.

Les méthodes du juge

La complexité de la jurisprudence précédemment analysée permet d'imaginer l'importance des difficultés que l'on rencontre aujourd'hui lorsqu'on entend formuler un critère de la compétence administrative. La jurisprudence fait appel à tous les critères qui peuvent être utilisés : notion de service public, notion de puissance publique, nature du comportement, nature de la situation, nature du rapport de droit, qualité de l'auteur de l'acte. De plus, les arrêts ne s'appuient pas tous sur un critère, mais parfois sur deux ou plus.

L'examen des méthodes utilisées par le juge est cependant éclairant. Parmi les méthodes utilisées par le juge, on peut faire apparaître une distinction. Le juge utilise tantôt une méthode analytique, tantôt une méthode synthétique.

La méthode analytique

La méthode analytique s'exprime dans l'analyse de l'acte lui même ou de la situation elle même considérée isolément et dans sa nature profonde. On qualifie cet acte sans s'intéresser au contexte, à l'institution, au service. Des exemples remarquables sont donnés par les arrêts Société financière de l'Est et par l'arrêt Allegretto. Cette technique inspirait en grande partie l'ancienne théorie des actes d'autorité et des actes de gestion.

La méthode synthétique ou globale

Elle consiste à analyser non pas un acte ou une situation mais l'ensemble, l'environnement, dans lequel s'intègre cet acte ou cette situation. Deux possibilités s'offrent en théorie :

  • on peut définir de manière synthétique le service public lui-même, considéré comme un ensemble de biens, un ensemble de personnel, un ensemble de procédés techniques et un ensemble de procédés juridiques. C'est ce qu'a fait le Tribunal des conflits dans l'arrêt Blanco[1].
  • On peut aussi se contenter de définir de manière synthétique un sous-ensemble qu'intéresse une entreprise administrative. On parle alors volontiers de bloc de compétence. C'est cette méthode qui est utilisée par exemple dans les arrêts El Hamidia[2] ou Établissements Compagnon-Rey[3].

La méthode synthétique a l'avantage de simplifier les problèmes mais risque de conduire à une méconnaissance de la complexité administrative comme le montre l'arrêt Allegretto[4]. Quant à la méthode analytique, elle est sans doute plus proche de la réalité concrète mais présente le défaut de ne pas prendre en considération l'institution elle même, l'ensemble institutionnel dans lequel s'intègre l'acte.

Au demeurant, il ne semble pas qu'on doive adopter une seule de ces méthodes. La jurisprudence est peut-être sage en les utilisant toutes les deux en fonction des circonstances. Il reste toutefois qu'il faut quand même choisir une notion juridique de nature à rendre compte du droit positif. C'est le travail de la doctrine.

Les positions doctrinales

On peut faire état en premier lieu des concepts empiriques

En présence de la complexité et des incertitudes de la jurisprudence, certains auteurs pensent que le problème échappe à la réalité juridique. Bernard Chenot, Vice-Président du Conseil d’État de 1971 à 1979, a ainsi enseigné que le terme de service public ne correspond en réalité à aucune notion juridique, que c'est une simple étiquette, un simple label. Le juge administratif se contenterait de l'utiliser lorsqu'il considère qu'il doit appliquer un régime de droit public. Dans cette vue des choses, l'application du droit administratif et le choix de la compétence administrative relèveraient de l'empirisme.

Cette doctrine a d'ailleurs été présentée comme se rattachant à l'existentialisme. On voit à quelles considérations conduit cette thèse. Le problème qui nous occupe échapperait au droit, relèverait du juge qui le déciderait arbitrairement. Rivero a rappelé l'utilité traditionnelle des notions et des catégories juridiques et fait apparaître les conséquences qui découleraient de ce principe[5].

Certains continuent à défendre la notion de service public

S'y rattache essentiellement la doctrine Duguiste et, en droit actuel, André de Laubadère. L'auteur maintient la notion de service public comme critère principal de la compétence du juge administratif. Pour lui, la notion de service public agirait dans ce domaine de deux manières. Elle agirait négativement d'abord, en ce sens que la compétence administrative serait exclue pour les activités qui ne constituent pas des services publics. Elle agirait ensuite positivement en ce sens qu'elle détermine la compétence du juge administratif. Mais dans cette hypothèse, l'auteur reconnaît que le critère du service public, s'il est nécessaire, est cependant insuffisant ; il doit être complété par des correctifs, des exceptions, qui mettent en œuvre les notions de gestion privée et la nature du droit à appliquer.

On voit à quel prix peut être maintenue la notion de service public. De Laubadère est obligé de faire appel à des correctifs qui sont de véritables exceptions et qui sont par nature étrangers au service public.

D'autres auteurs se rattachent avec obstination à l'idée de puissance publique

Marcel Waline

Dans son traité, il parle du « pseudo-critère du service public », dans lequel il ne voit qu'une notion pour déterminer les situations que régit le droit administratif et que juge le Conseil d'État. L'auteur, quant à lui, se fonde essentiellement sur la similitude ou non des activités exercées par les autorités publiques avec les activités privées pour écarter la compétence administrative. On reconnaît là la méthode du bac d'Eloka[6] ou de l'affaire Naliato[7].

Jean Rivero

Jean Rivero synthétise l'ensemble des solutions jurisprudentielles en posant le principe que c'est la nature des règles à appliquer au fond qui détermine la compétence : « Le fond détermine la compétence ». On peut observer qu'il faut dans cette vue déterminer les cas dans lesquels le droit administratif doit s'appliquer et les cas dans lesquels le droit privé doit s'appliquer. Il semble que l'auteur admette l'idée de gestion publique ou de rapport des droits.

Georges Vedel

Le doyen Vedel fait une place essentielle à l'idée de puissance publique. Il exclut notamment du contentieux administratif les actes et les opérations de gestion privée qui ne comportent pas une soumission à un régime de puissance publique. Dans sa construction, les idées de puissance publique jouent un rôle essentiel.

René Chapus

René Chapus utilise simultanément deux critères. Il utilise le service public et la puissance publique.

Jacques Moreau

Jacques Moreau fait appel lui aussi à plusieurs critères : puissance publique et service public.

Nous retiendrons cependant le critère de la gestion publique mais en le précisant à l'aide d'exemples de jurisprudence

Le critère de la gestion publique

L'idée de gestion publique permet de synthétiser le mieux les diverses notions utilisées en jurisprudence pour justifier la compétence administrative.

La notion la plus fréquemment utilisée par le juge se réfère au caractère exorbitant dun acte, d'une situation ou d'une compétence intéressant l'administration

Il en est ainsi lorsqu'on se trouve en présence de privilèges ou de sujétions qui sont propres au droit public. C'est d'ailleurs bien dans ce sens que s'est prononcé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 Conseil de la concurrence : « figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». Vedel a imposé son critère.

Le deuxième critère utilisé par la jurisprudence est un peu différent (Rivero)

Le juge considère que la compétence administrative est liée à la nature juridique d'un rapport de droit. S'il lui apparaît qu'un ensemble de relations existant entre administration et certaines personnes privées appartient au droit privé par leur nature, il écarte la compétence administrative, même si des éléments de puissance publique sont présents. Il en fait un bloc de compétence.

C'est le sens de la jurisprudence El Hamidia. On tend ainsi à unifier la compétence juridictionnelle pour certaines catégories de rapports. On a même institué dans certains cas de véritables blocs de compétence. Là aussi, le Conseil constitutionnel admet parfaitement la pratique des blocs de compétence. Il y voit un moyen d'assurer une meilleure administration de la justice (c'est une raison pratique). Il est par conséquent possible de soumettre l'administration au droit de la concurrence et de donner tout le contentieux de ce droit au juge judiciaire. On peut retenir ce système.

La troisième notion encore invoquée par le juge est celle du service public

Le juge utilise essentiellement les deux notions de service public administratif et de service public industriel et commercial. Il arrive fréquemment que les notions de service public et de service commercial se confondent avec celles de gestion publique et de gestion privée. En tout cas, on peut considérer qu'en droit positif, l'élément service public est retenu pour définir la compétence juridictionnelle en qualité de présomption (simple). La notion de service public administratif permet de présumer la gestion publique et inversement, la notion de SPIC permet de présumer la compétence judiciaire.

Mais ce sont des présomptions, qui peuvent donc être renversées par la preuve contraire. Le Conseil constitutionnel ne parle même pas du critère du service public. Il parle de puissance publique, des blocs de compétence, mais pas du tout du service public. Le critère du service public joue à titre administratif. C'est le cas de l'arrêt Blanco ainsi que pour l'arrêt du bac d'Eloka.

La jurisprudence ne néglige jamais la qualité de la personne en cause (acteur de l'acte)

Là aussi, on peut dire que la qualité de personne publique est de nature à faire présumer la compétence administrative et que la qualité de personne privée fait présumer la compétence judiciaire à condition cependant qu'il y ait des indices très nets en faveur de cette compétence (Magnier[8] et Interlait[9]). Ces différents critères (puissance publique, nature juridique d'un rapport de droit sous forme de bloc de compétence, service public, qualité de la personne), constamment utilisés par les arrêts, ne sont pas fondamentalement opposés. Leur combinaison peut faire apparaître soit la gestion publique, soit la gestion privée.

Nous dirons qu'il y a gestion publique (compétence du juge administrative) lorsqu'une situation, un acte ou un comportement de l'administration soulève des considérations de droit public et qu'il y a inversement gestion privée lorsque les situations, les actes ou les comportements soulèvent des considérations de droit privé. Le critère finalement retenu correspond au jeu de plusieurs critères.

Notes et références

  1. Tribunal des conflits 7 février 1873 Blanco
  2. Conseil d'État du 5 février 1954 El Hamidia
  3. Conseil d'État 13 octobre 1961 Établissements Compagnon-Rey : AJDA 1962 p. 98
  4. Conseil d'État 13 juillet 1967 Allegretto : Rec. p. 315
  5. Rivero, Jean, « Apologie pour les faiseurs de système »  : Dalloz 1951 chron. p. 99
  6. Tribunal des conflits du 22 janvier 1921 Société commerciale de l'Ouest africain (affaire du bac d'Éloka)
  7. Tribunal des conflits 22 janvier 1955 Naliato
  8. Conseil d'État 13 janvier 1961 Magnier : RDP 1961 p. 55
  9. Tribunal des conflits 3 mars 1969 Interlait

Voir aussi