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Statut social du journaliste (fr)

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France > Droit de la presse
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Le journaliste a, dans les démocraties, un rôle absolument fondamental. Il a pour mission de collecter, traiter, analyser et diffuser l'information afin d'éclairer le citoyen sur le déroulement de la vie publique. Il doit, afin que information soit la plus objective possible, pouvoir exercer sa profession de manière libre et indépendante. Il a donc été nécessaire de lui conférer un statut particulier que ce soit dans l'accès à la profession ou dans les relations avec son employeur, notamment au moment de la rupture du contrat de travail.

La loi du 29 juillet 1881 sur la presse ignore le journaliste. Il faudra attendre 1935 et la loi Brachard pour qu'un statut des journalistes professionnels voit le jour. Cette loi a été complétée par la loi Crassard de 1974. Aujourd'hui, le statut est codifié aux articles L761-1 à L 761-16 ET R 761-1 à R 761-23 du Code du travail.

La genèse du statut

C'est le syndicat des jounrnalistes, créé en 1918, devenu aujourd'hui le Syndicat national des journalistes (SNJ) qui est à l'origine de l'adoption d'un statut. Le syndicat s'est donné pour mission, d'une part, d'élaborer une éthique du journalisme et, d'autre part, de défendre les intérêts matériels des journalistes. Il s'agit de fixer des droits mais aussi des devoirs.

L'éthique prend la forme de la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. Révisée en 1938, elle est toujours la charte de la profession.

Le syndicat élabore également un projet de contrat collectif destiné à protéger les journalistes en tant que salariés. Les directeurs de journaux vont s'y opposer et provoquer l'abandon du projet. Georges Bourdon, journaliste au Figaro et secrétaire du SNJ va toutefois s'en inspirer pour créér un nouveau texte. Emile Brachard, élu deputé de l'Aube en 1932, lui-même journaliste, directeur du Petit troyen, va publier un rapport très favorable aux journalistes, inspiré du projet du SNJ puis être à l'origine de la proposition de loi qui sera adoptée en 1935, loi qui portera son nom.

L'accès au statut

Pour pouvoir bénéficier du statut social des journalistes, il faut être un journaliste professionnel. Toute le question est donc de définir ce qu'est un journaliste professionnel. On ne peut déjà pas se baser sur la détention d'un diplôme particulier. S'il existe bien des écoles de journalisme, être passé par ce type d'établissement n'est pas une condition de l'application du statut. On estime que seul environ 10% des journalistes sont passés par une école.

Il existe bien une carte du journaliste, délivrée par la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels mais, là aussi, ce n'est pas une condition à l'application du statut. Un juge pourra tout à fait reconnaître le caractère de journaliste professionnel à quelqu'un qui ne serait pas détenteur de la carte.

La définition légale étant très floue, le journalisme professionnel n'est donc pas aisé à déterminer.

La définition du journaliste professionnel

La loi de 1935 définit le journaliste professionnel. En effet, l'article 2 dispose "Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources". On observe que le journaliste n'est caractérisé que par rapport à la qualité de son employeur et au niveau des revenus qu'il tire de son activité. En revanche, la nature même de cette activité, le journalisme, n'est pas définie. La loi se contente, en effet, de dire que le journaliste professionnel est celui qui exerce sa profession sans expliquer en quoi cette profession consiste. Le caratère tautologique de cette définition est encore plus marqué dans la loi de 1982 sur la liberté de communication audiovisuelle qui dispose à son article 93 que "les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle ont la qualité de journalistes".

La jurisprudence a donc un rôle primordial dans l'interprétation dde la définition, que ce soit celle de la commission de la carte et du Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort en appel des décisions rendues par la Commission ou celle du juge judiciaire dans sa compétence des litiges entre employeurs et salariés. Le juge va utiliser la technique du faisceau d'indices.

Le journalisme comme activité principale

D'après la loi, le journalisme doit constituer une "occupation principale, régulière et rétribuée". Brachard voulait protéger les "journalistes professionnels" des "journalistes amateurs". On retrouve cet esprit dans ces trois conditions cumulatives. Le terme principale signifie que le journalisme doit être l'activité dominante. La définition exclut les journalistes occasionnels, l'occupation devant être régulière. Enfin, la condition de rétribution écarte les journalistes amateurs qui sont le plus souvent bénévoles. Selon ces critères, les universitaires, scientifiques, médecins ne peuvent prétendre au statut puisque, s'ils sont rémunérés pour leurs articles, il ne s'agit pas là de leur activité principale. Par ailleurs, ils ne publient pas de manière régulière.

Il a été jugé que celui qui ne travaille que 40 heures par mois dans une entreprise de presse tout en étant salarié à temps plein d'une autre entreprise ne pouvait prétendre au statut, le journalisme n'étant pas son activité principale.[1].


Le journalisme, source principale de revenus

La Commission lie, le plus souvent, ce critère avec celui de l'activité principale. En effet si la source de revenus la plus importante est constituée par une activité journalistique, alors la condition d'occupation principale sera remplie. Ainsi, un universitaire qui collaborait de manière régulière avec un quotidien s'est vu refuser la qualité de journaliste professionnel au motif que ses bulletins de salaire prouvaient que sa rémunération pour ses fonctions universitaires représentaient le principal de ses ressources.[2]. Lorsqu'une perssonne exerce d'autres activités que celles de journaliste, la commission regarde si l'ensemble des rémunérations qu'il tire du journalisme est supèrieure à celle issue de ses autres activités. La question des droits d'auteurs issus de livres écrits par des journalistes a posé problème. En effet, les revenus issus du droit d'auteur peuvent être supèrieurs à ceux issus du journalisme. La commission a décide, en la matière, que la carte pouvait être renouvelée à condition que l'ouvrage consitue le prolongement de l'activité journalistique. On peut penser que des essais, des ouvrages d'enquête constituent un tel prolongement, en revanche cela semble plus difficile à appliquer à des romans.

Au départ, la loi prévoyait que le journaliste devait tirer du journalisme "le principal des ressources nécessaires à son existence".Il fallait donc pouvoir en vivre, il y avait un montant minimum en-deça duquel on n'était pas journaliste . Cette disposition a été modifiée en 1974. Désormais, il faut simplement tirer du journalisme le principal de ses ressources, il n'y a plus de référence à un minimum vital. Il s'agissait de soumettre au statut les pigistes[3] dont les revenus sont généralement faibles. Malgré cela, la Commission continuait à refuser d'attribuer la carte à ceux dont les revenus étaient trop faibles. Le Conseil d'État a réagi en 1983 dans l'arrêt Forest[4] en rappelant que le législateur avait "entendu exclure de sa définition toute condition relative à un minimum de ressources".

Néanmoins, la Commission continue à examiner le niveau de revenus, mais elle évite de motiver ses décisions sur cette question.

Elle vérifie que la rémunération correspond, au moins, au SMIC, examine la possibilité de travailler à mi-temps.


La nature journalistique de l'activité

Selon la loi, le journaliste est celui qui exerce sa profession, il n'y a donc pas de définition de la nature de l'activité exacte du journaliste. C'est la jurisprudence qui a du faire ce travail. L'activité journalistique doit d'abord correspondre à un travail intellectuel visant à « mettre à la portée des lecteurs des informations susceptibles de les intéresser » (CA Paris, 7 avril 1960) et comportant un lien avec l'actualité. Ainsi, ont été considérés comme des journalistes ceux qui apportent une collaboration intellectuelle directe et permanente à la rédaction de la publication périodique. Inversement, celui qui n'a qu'une activité technique ou commerciale ne peut se voir attribuer cette qualité. Ainsi, a été refusé la qualité de journaliste au rédacteur en chef des magazines Canal plus et Canal Saltellitte qui comportent un aspect promotionnel prédominant (CE, 24 octobre 2001). Par contre, le Conseil d'Etat a pu attribuer le statut de journaliste a des collaborateurs de la revue Grandes Lignes, la publication gratuite à visée promotionnelle de la SNCF, les juges relevant que la revue contenait « de nombreux articles d'information et d'opinion ».

Il doit y avoir un lien avec l'actualité. Ainsi ne sont pas journalistes, l'écrivain « d'oeuvres de pure fiction, sans rapport avec des événements contemporains, et dont la date de parution dans la presse périodique ou quotidienne est indifférente » ou le dessinateur qui ne réalise pas des dessins inspirés par l'actualité.

La loi prévoit que les journalistes professionnels sont ceux exercant au sein d'une publication, donc en presse écrite, ou d'une agence de presse. Les article L 761-2 et 3 énumèrent plusieurs catégories de professions. Exercent notamment une activité journalistique les correspondants locaux, les rédacteurs-traducteurs, les sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs...

La carte du journaliste

La Commission de la carte

En France, les journalistes peuvent se voir attribuer une carte qui leur permet de bénéficier du statut professionnel du journaliste.

C'est la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP), instituée par la loi de 1935 qui est au coeur du système. La carte est délivrée par une commission de première instance, la Comision supèrieure étant compétente en appel.

La Commission de première instance a un caractère paritaire, elle est en effet composée de 16 membres dont 8 représentants des employeurs et 8 représentants des journalistes. Chacun d'eux la préside de manière alternée.Les décisions de la Commission de première instance peuvent faire l'objet d'un appel devant la Commission supérieure, composée de magistrats professionnels de l'ordre judiciaire. Les décision de la Commission supèrieure peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat, ces recours étant très rares, un par an en moyenne.

La délivrance de la carte

La Commission délivre la carte selon les critères du journaliste professionnel, précedemment exposés. Les postulants doivent justifier de trois mois d'acrivité professionnelle. Ils se voient attribuer un numéro de dossier lors de leur première demande qui sera le numéro de leur carte à vie. La carte est valable pour une année civile et doit être renouvelée annuellement par la Commission. Les déclarations inexactes, l'usage de la carte obtenu frauduleusement, la fabrication illicite de la carte sont passibles de sanctions pénales.

La carte a une portée juridique limitée. Auncun lien juridique nécessaire n'existe entre la qualité de journaliste professionnel au sens du droit social ou du droit fiscal, et la détention de la carte professionnelle. Elle ne suffit pas à créer la qualité de journaliste si les critères jurisprudentiels du journaliste professionnel ne sont pas réunis. La carte crée seulement une présompotion de fait, « elle est destinée seulement à faciliter les rapports entre l'adiministration et le journaliste intéressé et n'a aucun effet sur la situation contractuelle de ce dernier à l'égard de son employeur ». (CE, 12 octobre 1979). Elle peut notamment servir à faciliter certaines formalités administratives. Cette présomption peut tout à fait être renversée par un tribunal qui jugerait que son détenteur n'a pas la qualité de journaliste.

La détention de la carte entraîne un certain nombre de conséquences et de privilèges, comme l'entrée gratuite dans les musées. Elle marque le début de l'ancienneté professionnelle. La carte est aussi un symbole, celui de l'appartenance à une professione à laquelle ses membres sont attachés.


Notes et références

  1. Paris,29 janvier 1990, in Légipresse 1990, n°80, I, p.33
  2. Paris, 16 mars 1984, D. 1984, I.R., p.259
  3. Journalistes indépendants proposant des articles à plusieurs publications et rémunérés en fonction de leur contribution.
  4. CE, 1 / 4 SSR, du 29 juin 1983, 34198, Forest, Rec. p.279.

Voir aussi