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Vicissitudes de l'adoption de l'amendement 138 du nouveau Paquet télécom (eu)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Version du 11 mai 2010 à 15:16 par LOU Y (discuter | contributions)

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Union européenne


Au cours de la procédure d'adoption du nouveau paquet télécom, la question des procédures simplifiées de sanction - et donc de celle prévue par la loi française Création et Internet, s'est invitée dans le débat. Ainsi l'amendement 138 a pu entrer en jeu dans le souci d'empêcher qu'une haute autorité administrative telle l'Hadopi puisse décider la déconnexion d'un Internaute et de garantir "les droits et libertés fondamentales des utilisateurs".

Depuis son dépôt, ces quelques lignes sont l'objet d'une série de rebondissements en terme de contenu et de statut du texte. D'abord adopté par la majorité des députés européens en septembre 2008, ensuite rejeté en novembre par le Conseil des ministres télécoms sous la pression du gouvernement français et puis réintroduit début mars 2009 sous le numéro 46, le fameux amendement anti-Hadopi s'est vu voter et adopter en mai par le Parlement Européen en séance plenière. Refusé encore une fois par le Conseil, l'ensemble des modifications du paquet télécom (dont le 138) ont dû repasser en Conciliation en troisième lecture. Enfin, en septembre, un accord entre les co-législateurs a vu le jour en soulignant la soumission de toute restriction à la liberté d'accès à Internet à une "procédure préalable, équitable et impartiale".

L'origine de l'amendement 138: la doctrine française filtrée par l'Europe

La riposte graduée dans le cadre de la loi Hadopi

La loi Hadopi tire son nom de l'acronyme par lequel est désigné la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet. Au coeur du nouveau dispositif de sanction par la voie administrative, l'instauration de l'autorité incarne la volonté du législateur français de renouveler le système de répression des échanges illégaux de fichiers sur la toile. A ce titre, le texte prévoit une "riposte graduée" dont l'application est confiée à l'Hadopi, et donnant lieu d'abord à l'envoi d'avertissements sous la forme du courrier électronique; en cas de persistance des téléchargements illicites, une mise en demeure par voie du courrier recommandé devrait prendre le relais. Pourtant, c'est la mesure ultime, la coupure de l'accès à Internet, qui a été mis en cause par le Conseil constitutionnel [1] dans la mesure où l'accès à Internet fait partie des droits fondamentaux des citoyens et donc au regard de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme,le législateur ne peut évacuer l'autorité judiciaire au profit d'une autorité administrative.

Après des mois, voire des années de débats et de votes au parlement et ailleurs, le gouvernement français est finalement parvenu à faire passer une architecture répressive selon laquelle la récidive en matière de téléchargement illicite sur Internet entraînera des sanctions prononcées par un juge dans le cadre de procédures accélérées (ordonnances pénales sans débat contradictoire): il s'agit d'amendes ou de la coupure de l'accès Internet de l'utilisateur reconnu coupable de téléchargement illégal.

La neutralité du net sur le terrain du paquet télécom

Le paquet télécom est un ensemble de directives européennes régulant le secteur des télécommunications. A l’origine, ce Paquet visait à moderniser le secteur des communications électroniques (internet, téléphonie fixe et mobile). Mais petit à petit, on a vu s’y greffer des amendements relatifs aux « contenus licites » présents sur Internet. Le principe de neutralité du Net, qui seul garantit un réseau libre et ouvert, est ainsi mis en danger par certains mécanismes nationaux visant à « mettre en place une architecture de contrôle administratif du réseau internet. Les intermédiaires techniques seront transformés en véritables auxiliaires de police privée et les autorités administratives pourront restreindre les droits fondamentaux des citoyens à la place de l’autorité judiciaire.».[2] Un ensemble de mesures anti-neutralité caractérisées par la surveillance et le filtrage du contenu ainsi que la discrimination contre un nombre des applications utilisées (ex. peer to peer) qui rappelle bien sûr le projet de loi Création et Internet et sa haute autorité Hadopi a provoqué une levée de boucliers chez une partie des eurodéputés. A ce titre, la première version de l’amendement 138 a été déposé le 17 septembre 2008. Cosigné par des eurodéputés des groupes Verts (dont Daniel Cohn-Bendit), PSE, ALDE et PPE, le texte stipulait que toute « restriction aux droits et libertés des utilisateurs finaux », ne pouvait être décidée que par l’autorité judiciaire « sauf cas de force majeure ou impératifs de préservation de l’intégrité et de la sécurité des réseaux ». Son objectif était donc d’empêcher que l’autorité judiciaire soit contournée, et que ses missions soient transférées à des autorités administratives.

La fluctuation de l'adoption de l'amendement 138

Le 24 septembre 2008: La grande victoire au Parlement Européen

Dans le cadre de la première lecture du Paquet Télécom, l’amendement 138 a été approuvé par une très large majorité (573 pour, 74 contre). Ce résultat a définit carrément la position de l'Europe vis-à-vis du système de la neutralité du net, la surveillance des réseaux et la riposte graduée. « Aujourd’hui l’Europe apparaît comme le dernier rempart contre les velléités liberticides de certains Etats membres », a indiqué Guy Bono à l’annonce des résultats du vote de l’amendement 138. Le texte a été toutefois modifié au dernier moment au niveau des exceptions, mais cela ne remettait pas en cause son impact sur le système de riposte graduée.[3]

Octobre - Novembre 2008: Le rejet du Conseil sous la pression du gouvernement français

En réaction à la volonté européenne d'enterrer sa dispostion innovante au détriment des internautes, le 4 octobre, Nicolas Sarkozy lui-même envoyait une lettre au président de la Commission, José Manuel Barroso, lui demandant à titre personnel de retirer l’amendement. Malgré le rejet officiel de la demande du président français de la part de la Commission européenne, le gouvernement français a été finalement parvenu à obtenir « l’accord des autres pays » pour rejeter « ou au pire s’abstenir », et ainsi réunir une majorité qualifiée d’Etats membres autour d’elle et faire supprimer le texte le 27 novembre au sein du Conseil européen des ministres télécoms.

« Si cet amendement est retiré, je le redéposerai de toute façon en deuxième lecture au printemps 2009. 88% des députés l’ont voté donc on aura un vote équivalent, car ils ont bien compris le projet. La France va se mettre hors-la-loi en Europe, et sera obligée de rectifier, ce qui est stupide », promettait Guy Bono en octobre.

Mars - Avril 2009: Le retour de l'amendement 138

Le redépôt de l'amendement a été en effet fait début mars, sous le numéro 46, par la rapporteuse elle-même, Catherine Trautmann, qui était dès lors chargée de trouver un consensus dans un «trilogue» (selon le terme en vigueur pour désigner un dialogue à trois) avec la Commission européenne et la Présidence du Conseil.

Le 1 avril, les administrateurs des 27 Etats membres chargés de préparer les décisions du Conseil de l’UE (regroupés sous le terme de Coreper) sont tombés sur un accord à propos du fameux 138/46. Cette nouvelle version dit : « aucune restriction ne peut être imposée sur les droits fondamentaux des utilisateurs, sans une décision préalable d’autorités légalement compétentes. » En remplaçant « autorité judiciaire » par « autorités légalement compétentes », elle évacue l’essence même du texte, rend légal, au niveau européen, le système de riposte graduée à la française. De plus, ils ont modifié le statut de l’amendement. Il ne s’agit plus d’un article, mais d’un considérant, c’est à dire une opinion qui n’a pas à être imposée en droit national.

N’acceptant pas cette version, Catherine Trautmann, en a proposé le 7 avril une nouvelle. A la place de l’« autorité judiciaire », on trouve cette fois un « tribunal indépendant et impartial ». Si le « tribunal » implique juge, les adjectifs « indépendant » et « impartial » sont plus vagues, et pourraient autoriser d’autres types d’autorités. Par contre, il est précisé que cela doit être fait « dans le respect du procès équitable tel que défini à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ».

Puis, un petit retournement de situation, le trilogue semblait se diriger vers un consensus autour une notion de « tribunal indépendant et impartial » mais avec, toujours, un statut de considérant. Enfin, suite à un revirement de la part du groupe libéral (ALDE), le texte qui allait être voté en commission ITRE (Industrie, Transport, et Energie) pour être ensuite présenté en séance plénière serait l’amendement 138 dans sa forme originale votée en septembre et sous la forme d'un article.

Le 6 mai 2009: L'amendement 138 adopté en deuxième lecture par le Parlement Européen

Juste avant le vote en séance plénière, on a constaté un changement de la liste des votes pour faire passer le texte original après le texte de compromis (proposé par Catherine Trautmann). Parallèlement à l’inversion de l’ordre, une mention a été ajoutée stipulant que si le texte de compromis est voté, l’amendement 138 saute automatiquement. Voilà, « une manipulation politicienne pour éviter de porter l’amendement 138 au vote », selon Jérémie Zimmerman, porte-parole de la Quadrature du Net. Grâce à l'intervention des Verts, l'ordre des deux textes ont été de nouveau inversé. Résultat, le 138, le fameux amendement anti-Hadopi a été présenté et voté à 407 voix pour, et 57 contre. Il a annulé le compromis qui n’a donc été présenté aux voix. Dès lors, le sort du Paquet Télécom était dans les mains du Conseil. Si le Paquet était approuvé par une majorité qualifiée, il serait accepté définitivement. S'il n'était pas approuvé, une procédure de conciliation serait lancée.

Juin - Décembre 2009: Un accord à mi-chemin de la protection des droits sur Internet

Suite au rejet constant du Conseil Européen, les négociations concernant l'avenir de l'amendement 138 ont commencé entre le Parlement et le Conseil dans le cadre de la révision du paquet télécom. Le 5 novembre 2009, un accord a été trouvé sur le Paquet Télécom. Le nouveau texte[4], qui vise à protéger l'accès à Internet, contient des éléments positifs comme la référence au droit à une «procédure préalable équitable et impartiale» et au respect de la présomption d'innocence. Toutefois, le texte ne fait référence qu'à une «procédure préalable, équitable et impartiale», là où l'amendement 138 originel garantissait «une décision judiciaire préalable». Ainsi, l'invalidation de la riposte graduée dépend désormais de l'interprétation qui sera fait par la Cour de Justice des Communautés européennes et les juges nationaux. En outre, le texte ne s'applique qu'aux mesures prises par les États membres, et n'interdit donc pas aux opérateurs télécoms et les industries du divertissement d'enfreindre le principe fondateur de la Neutralité du net.

Les textes sont entrés en vigueur avec leur publication au Journal Officiel de l'Union le 18 décembre 2009 après avoir été votés par le Parlement européen le 24 novembre 2009.

Liens externes

Sources

Le parlement européen saborde la riposte graduée Riposte graduée: L’amendement 138 de retour Tir à vue sur l’amendement anti-Hadopi à Bruxelles Europe: L’amendement anti-Hadopi sous pression Europe: Le retour en force de l’amendement anti-riposte graduée Amendement européen anti-Hadopi: la scission Europe : L’amendement 138 zappé ? L’amendement 138 voté (contre toute attente)


Notes et références

  1. Conseil constitutionnel, Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009
  2. Guy Bono, l'ancien député européen du Parti socialiste (PSE)à l'origine de l'amendement 138
  3. L'amendement 138, le texte adopté: « en vertu du principe selon lequel aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement »
  4. Text agreed unanimously in delegation meeting on November 5th 2009