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État de nécessité (fr)

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Version du 5 juin 2010 à 19:51 par Pierre (discuter | contributions)

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France > Droit pénal > Droit pénal général > Responsabilité pénale > Faits justificatifs en droit pénal (fr)
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L'état de nécessité s'entend de la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale[1]. Ce fait justificatif prévu par l'art. 122-7 du Code pénal. L'état de nécessité est l'état d'une personne qui, sans avoir été agressée, commet une infraction pour échapper à une menace ou un danger qui la menace ou pour faire échapper un tiers à un danger qui le menace. On est donc en présence d'une personne qui doit subir un danger ou commettre une infraction pour éviter ce danger. Ex: violation de domicile par des pompiers pour éteindre un feu ou excès de vitesse de l'ambulancier, ou encore avortement après la dixième semaine pour sauver la vie de la mère.

La différence entre la nécessité et la légitime défense est que la personne se défend contre un phénomène naturel. L'état de légitime défense se distingue aussi de la contrainte, qui est un événement irrésistible obligeant une personne à commettre une infraction ; l'infraction n'est alors pas nécessaire.

Deux questions se posent à propos de l'état de nécessité : l'état de nécessité est-il un fait justificatif général ? quelles sont les conditions de ce fait justificatif ?

L'état de nécessité est-il un fait justificatif général ?

La question s'est posée sous l'ancien Code pénal. Seuls certains textes admettaient l'état de nécessité. Ex: avortement thérapeutique. Il n'y avait aucun texte général alors qu'il y avait un texte sur l'ordre de la loi, sur la légitime défense et le commandement de l'autorité légitime. La jurisprudence a été amenée à se demander s'il était possible d'étendre les textes particuliers à une portée générale. À partir de la fin du XIXe siècle, la jurisprudence a fait de l'état de nécessité un fait justificatif général.

Le premier arrêt en ce sens est un arrêt Dame Ménard[2]. Il s'agissait d'une mère de famille, vivant dans la misère, qui avait volé un pain. Elle a invoqué la nécessité de se nourrir et de nourrir ses enfants. Elle a été relaxée. En 1956, le Tribunal correctionnel de Colmar a admis cet état de nécessité pour un père qui avait construit une cabane pour protéger sa famille du froid. Il a été poursuivi pour construction sans permis de construire. Le tribunal a reconnu que le père avait agi sous l'empire de l'état de nécessité.

La Chambre criminelle a consacré en 1958 cette jurisprudence à propos d'un délit de coups et blessures involontaires[3]. Il s'agissait d'un conducteur dont la portière avant-droite s'était ouverte. Cherchant à éviter d'écraser sa femme, il avait fait un écart à gauche et percuté un véhicule qui venait en sens inverse et dont le conducteur a été blessé. En appel, la Cour de Rennes a relaxé le conducteur en se fondant sur l'état de nécessité. La Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel, non pas parce qu'elle désapprouvait l'état de nécessité, mais parce que la Cour d'appel n'avait pas vérifié que les conditions de l'état de nécessité étaient remplies. Cette généralisation de l'état de nécessité est consacrée par le Code pénal à l'art. 122-7 :

« N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

Plusieurs fondements à ce fait justificatif ont été présentées. Certains ont dit que cette infraction ne comporte pas d'élément moral (argument dans l'arrêt Dame Ménard). Mais cet argument ne tient pas parce que l'élément moral, c'est le dol général, qui se définit comme la conscience de commettre une infraction. Une autre explication a été de dire que l'impunité s'explique par la contrainte. Or ça ne tient pas non plus. La personne en danger a le choix. Dernière explication, l'impunité de l'auteur s'explique par l'utilité sociale. Elle permet d'éviter un danger plus grand. Entre deux danger, la société n'a pas intérêt à sanctionner un danger plus grand. La mort est un trouble à l'ordre public plus grand que l'excès de vitesse de l'ambulancier.

Les conditions de l'état de nécessité

Elles sont pour partie au moins posées par l'art. 122-7. On peut les grouper en deux catégories. Les conditions peuvent être les conditions relatives au danger et les conditions relatives à l'infraction.

Les conditions relatives au danger

Peu importe la nature ou l'objet du danger (personne, intégrité morale ou biens). Un arrêt de la Cour de Colmar de 1957 admet un danger moral : un père avait violé le domicile de sa femme en instance de divorce pour soustraire sa fille à des scènes de débauche. Le danger doit présenter deux caractéristiques: il doit être actuel ou imminent[4] (comme dans la légitime défense) et il doit être réel. Un danger simplement éventuel ne saurait justifier la commission de l'infraction[5].

Le danger ne doit pas être la conséquence d'une faute préalable. Cette condition a été posée par la jurisprudence antérieure au (nouveau) Code pénal. Par exemple, un marin arrêté pour ivresse ne peut invoquer ce fait pour échapper à la sanction infligée pour n'avoir pas rejoint son navire au départ[6]. Dans un arrêt de la Cour d'appel de Rennes de 1954, un camion allant trop vite n'avait pu s'arrêter à un passage à niveau et avait été bloqué dessus. Le conducteur, pour éviter un train qui arrivait, avait brisé la barrière (délit de bris de clôture). « C'est par sa propre faute que le conducteur s'était placé en état de danger ». Cette jurisprudence a été critiquée parce qu'elle est contraire au fondement de l'état de nécessité. L'art. 122-7 est muet à ce sujet.

Les conditions relatives à l'infraction commise pour éviter le danger

Il faut que l'infraction ait été le seul moyen d'éviter le danger

Il faut que le danger n'ait été évité qu'en commettant l'infraction. L'art. 122-7 le dit expressément. Tout est affaire d'appréciation. Ex où la nécessité n'a pas été retenue[7]. Une personne était gênée par des abeilles d'un apiculteur et avait volontairement détruit le nid des abeilles. La Cour d'appel a été approuvée par la Cour de cassation : la personne pouvait se préserver par d'autres moyens.

L'infraction commise ne doit pas être disproportionnée à la gravité de la menace

C'est conforme au fondement de l'état de nécessité : le mal provoqué ne doit pas être supérieur au danger. Ex: Dame Ménard n'aurait pas pu tuer le boulanger. L'arrêt le plus récent en la matière est un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 11 avril 1997[8]. Dans cette affaire, une mère avait été surprise dans un grand magasin après avoir volé 6 kg. de viande et seize paquets de charcuterie. En première instance, l'état de nécessité a été admis.

La Cour d'appel de Poitiers a refusé en estimant qu'il y avait disproportion entre le danger et le moyen employé.

L'état de nécessité est beaucoup plus rarement utilisé que la légitime défense.

Notes et références

  1. Crim. 9 novembre 2004 : Bull. crim. 1994 n° 273 p. 1022
  2. Cour d'Amiens du 22 avril 1898 Dame Ménard : [1], annexe 1
  3. Crim. 25 juin 1958
  4. Crim. 9 novembre 2004 : Bull. crim. 1994 n° 273 p. 1022
  5. Crim. 1er juin 2005 : Bull. crim. n° 168 p. 592. Avant cet arrêt, la jurisprudence n'était pas unifiée : Cour d'appel de Pau 1968. Un infirme avait été condamné pour avoir laissé sa voiture en stationnement irrégulier devant la porte du médecin chez lequel il devait se rendre
  6. Crim. 29 janvier 1921 : Bull. crim. 1921, n° 52
  7. Ch. crim. 1961
  8. Cour d'appel de Poitiers 11 avril 1997 [2], annexe 2

Liens externes

Voir aussi