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Version actuelle en date du 5 mars 2005 à 16:03
Jordanie
LA CREATION SALARIEE (France-Jordanie)
La question de la titularité du droit concernant les créations salariées a été posée depuis longtemps. La création dune uvre par un employé dans lexercice de ses fonctions est possible soit dans le secteur public soit le secteur privé, mais quels sont les droits attachés à cette création ? Et quels sont les droits attribués à lemployeur sur cette création ? Les réponses apportées à ces questions sont différentes dun pays à lautre, mais on peut remarquer quil y a deux grands courants principaux dans le monde qui règlent cette question de la titularité en donnant le droit dauteur soit à lemployé, soit a lemployeur.
- Le premier courant considère que le droit dauteur sur la création salariée qui est créée par un employé dans lexercice de ses fonctions, revient 0 cet employé, et lui seul peut exercer tous les droits afférents à cette création. Plusieurs juridictions ont adopté ce courant, elles sappuient sur le fait que lemployé est la personne qui a crée cette oeuvre.
Lun des pays qui a adopté ce courant, est la France. Dans larticle L111.1 al 3e CPI le législateur francais a posé le principe selon lequel l existence dun contrat de travail [nemporte aucune dérogation à la jouissance du droit]. Cet article signifie que le droit dauteur sur une uvre créée par un employé lui appartient, et cela même si la création a été réalisée dans lexercice de ses fonctions. Ainsi la cession des droits à lemployeur ne peut résulter que dune convention comportant les dispositions prévues par larticle L131-3 al 1er du CPI.
On peut dabord sinterroger sur le sens à donner au mot employé, qui paraît plus large que celui de salarié. Il est admis cependant que les deux termes doivent être tenus pour synonymes. Mais la seule qualité de mandataire social ne pourrait fonder lapplication de la règle dérogatoire.
La cession des droits patrimoniaux au profit de l'employeur ne doit pas priver l'auteur salarié des dispositions protectrices de la législation sur le droit d'auteur. Toutefois, à défaut de pouvoir prouver une telle cession, l'employeur peut soutenir devant un tribunal qu'il a bénéficié d'une cession automatique des droits en se fondant sur l'une des exceptions prévues par la loi.
En effet, sil y a une cession des droits patrimoniaux, il faut quelle soit expresse. Cette cession doit respecter les règles impératives posées par le Code de la propriété intellectuelle :
- La clause de cession doit identifier précisément la ou les contributions objets de la cession et délimiter les droits cédés, quant à leur étendue, leur durée, leur destination (modes d'exploitation autorisés), et quant à la zone géographique concernée (art. L. 131-3 du C.P.I). La cession étant d'interprétation restrictive, tout ce qui n'aura pas été expressément cédé sera réservé au profit du salarié. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris a décidé que la cession des droits d'auteur portant sur un logo et expressément limitée à un site Internet n'autorisait pas l'entreprise cessionnaire à utiliser ce logo lors de sa campagne publicitaire que ce soit à la télévision, au cinéma, ou sur tout autre support (TGI Paris, ord. réf., 18 juillet 2000, Christèle M. c/ SA Koobuy.com. Cette affaire concernait une uvre de commande, mais la solution peut être transposée aux cessions de salariés.)
- Il n'est pas possible d'insérer dans un contrat de travail une clause organisant la cession des droits sur l'ensemble des créations à venir d'un salarié. En effet, cela serait contraire au principe de la prohibition des cessions globales des uvres futures (art. L. 131-1 C.P.I). Une telle clause, assez fréquente en pratique, entraîne la nullité de la cession. La solution la plus sûre consiste donc à procéder à des cessions au fur et à mesure des réalisations du salarié.
- En principe, la rémunération due à l'auteur doit être proportionnelle aux recettes d'exploitation, sauf dans les quelques cas visés par la loi (art. L. 131-4 C.P.I) dans lesquels le forfait est admissible. Notons que cette rémunération doit être distincte du salaire versé au salarié car elle porte sur l'acquisition des droits et non sur son travail.
Même si les droits d'exploitation sont attribués à l'employeur qui emploie l'auteur salarié, ce dernier reste titulaire de ses prérogatives tirées de son droit moral, droit inaliénable et perpétuel.
En revanche en ce qui concerne la création de logiciel, le texte adopté par le législateur francais en 1985 a assuré une certaine maîtrise de ce dernier par lemployeur, en parlant de dévolution des droits à lemployeur. La règle communautaire le faisant différemment en parlant dhabilitation, article 2-3 directive CEE14 mai 1991 dispose que [lorsquun programme dordinateur est crée par un employé dans lexercice de ses fonctions ou daprès les instructions de son employeur, seul lemployeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents au programme dordinateur ainsi créé, sauf dispositions contractuelles contraires.] Ainsi le législateur francais a été amené a réagir. Ce quil fit en 1994 avec la rédaction de larticle L113-9 du CPI qui dispose que [sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leurs documentations créés par un ou plusieurs employés dans lexercice de leurs fonctions au daprès les instructions de leur employeur est dévolu à lemployeur qui est seul habilité a les exercer.]
La détermination de lemployeur sopère conformément aux règles du droit social. Si lemployeur est un entrepreneur de travail temporaire au sens de larticle L124-1 du code du travail, cest à lui que doivent être attribués les droits, et non à celui que la loi appelle lutilisateur, même si le bon sens plaide en faveur de solutions contractuelles plus conformes à la réalité économique de lopération.
Le dispositif légal na vocation à sappliquer que si lauteur du logiciel a la qualité demployé au moment de la création.
En ce qui concerne la fonction publique, larticle L113-9 al 3, étend expressément aux agents de létat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif, la solution posée pour les employés relevant du droit privé. Le terme agents montre bien que la solution nest pas limitée aux fonctionnaires.
Le texte réserve des dispositions statutaires ou stipulations contraires. Les stipulations contraires pourront, par exemple, permettre dorganiser au profit du salarié un droit à une rémunération supplémentaire. Contrairement au jugement apporté par la cour de Lyon dans un arrêt du 16 sept 1997 (CA LYON 3e ch. 16 sept 1997, JCP éd, E 1999, p 909 n°3, obs VIVANTet LE STANC, Juris-Data n°056028.)
La Jordanie aussi a adopté ce courant. En effet, le droit jordanien dans son article 820 du code civil dispose que [la création salariée qui est créée par un employé dans lexercice de ses fonctions, revient à cet employé et lemployeur na pas de droit sur cette création sauf dans les conditions suivantes :
1- si la nature du travail effectué par lemployé consiste en la réalisation de cette création.
Le législateur jordanien, dans ce cas a donné à lemployé le droit de participer avec lemployeur au revenu de la création par un pourcentage qui ne dépasse pas 50 %, et en respectant la capacité scientifique de lemployé et laide donnée par lemployeur pour réaliser ce travail.
2- si le contrat de travail prévoit une clause qui transfère le droit de la création du salarié à lemployeur.
3- si lemployé a créé luvre daprès les instructions et par des matériels fournis par son employeur pour réaliser ce travail.]
Le droit jordanien indique également que si la création salariée dans les trois cas précis, a une grande importance économique, lemployé peut demander une indemnité spéciale pour ce travail en respectant laide donnée par lemployeur pour réaliser celui-ci.
En effet, le législateur jordanien a voulu réaliser plus déquilibre entre lemployeur et lemployé en ajoutant quelques autres règles dans le code de travail article 20 qui dispose que [dans le cas ou le droit revient à lemployé, lemployeur a la priorité pour acheter la création salariée créée par son employé, en payant un prix juste, et en respectant laide donnée par lemployeur].
On remarque clairement dans cette démarche du législateur jordanien, une volonté de reconnaître dune part le travail intellectuel fait par lemployé, et dautre part, les conditions daide financière et matérielles données par lemployeur pour réaliser ce travail.
Au regard ces deux droits, on peut arriver à un résultat commun qui poserait comme principe la dévolution du droit dauteur à lemployé , avec cependant quelques exceptions pour des cas précis.
On remarquera dans ce courant quil y aura une présomption de droit concernant la charge de la preuve en faveur de lemployé en cas de litige. Toutefois cette présomption se renversera au profit de lemployeur dans certains cas précis par la loi.
- Le deuxième courant considère que le droit dauteur sur les créations salariées qui est créée par lemployé dans lexercice de ses fonctions, revient à lemployeur .Ce courant se base sur la réalité : la création salariée créée par lemployé a été effectuée daprès un travail rémunéré et en vertu dun contrat de travail. Il y a plusieurs pays qui ont adopté ce courant comme le législateur anglais dans son droit dauteur de 1988 articles 11 et 79, ou encore le législateur américain dans son droit dauteur de 1976 article 20. B.
En effet, ce courant nous informe que lemployeur est la seule personne qui dirige le travail. Cest lui qui donne les instructions pour créer cette uvre, et cest lui qui finance le projet, donc il peut seul profiter de ces avantages économiques. Le plupart des systèmes juridiques qui adoptent ce courant limite la dévolution du droit à lemployeur à son activité ordinaire seulement.
- Il existe aussi un troisième courant minoritaire qui considère que le droit dauteur sur les créations salariées (qui sont créées dans lexercice de ses fonctions), revient aux deux parties dans le même temps employeur et employé-. Certains pays ont adopté ce courant comme le droit brésilien qui dispose dans son droit dauteur de 1973 article 61 que ces droits reviennent aux deux parties sauf stipulations contractuelles contraires.
Il apparaît clairement au regard de ces différents courants, une nécessité de mettre des règles qui assurent la conformité entre les différentes tendances.
Shadi MURTADA