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Diagnostic immobilier : des responsabilités complexes (fr) : Différence entre versions

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Version actuelle en date du 17 avril 2014 à 10:46


Cet article est issu de la Grande Bibliothèque du Droit, un projet proposé par l'Ordre des avocats du barreau de Paris. Pour plus de renseignements concernant cet article, nous vous invitons à contacter son auteur
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France >  Droit immobilier >  Vente d'immeuble 
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Compte-rendu de la réunion du 22 novembre 2012 de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris, réalisé par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée

Commission ouverte : Droit Immobilier
Co-responsables : Jehan-Denis Barbier et Jean-Marie Moyse, avocats au barreau de Paris

Sous-commission : Responsabilité et assurance des constructeurs
Responsable : Michel Vauthier, avocat au barreau de Paris

Intervenant : Damien Jost, avocat au barreau de Paris



Les diagnostiqueurs ont aujourd'hui un rôle souvent ignoré qui devient de plus en plus important. Le diagnostiqueur répond à la définition d'un "thermomètre", puisqu'il est plongé dans une situation qu'il doit caractériser. La problématique du diagnostiqueur aujourd'hui est que "celui qui révèle le mal est assimilé à celui qui l'a créé". Cette problématique emporte des conséquences juridiques assez importantes.

Si l'on parle souvent de la responsabilité de l'auteur du diagnostic, on s'aperçoit au fil de la jurisprudence qui se construit depuis une quinzaine d'années[1], que le diagnostic impacte toute la chaîne de l'immobilier.

Les diagnostiqueurs viennent de tous horizons ; il s'agit souvent de professionnels du bâtiment, mais pas toujours, ce qui peut donner un sentiment d'incompétence générale.

Il est finalement difficile de cerner ce professionnel et sa prestation. Pour bien comprendre ce concept, qui est né de la volonté de renforcer la protection du consentement de l'acquéreur, il convient de situer le diagnostic dans la perspective contractuelle du contrat de vente, et notamment dans la perspective de la garantie des vices cachés. Le diagnostic s'entend d'un aménagement contemporain du régime de la garantie des vices cachés.

En effet, pour rappel, pendant longtemps, le vendeur non professionnel était autorisé à s'exonérer de la garantie des vices cachés. Cette pratique a perduré jusqu'au début des années 1990. Pour que cette exonération de la garantie des vices cachés puisse continuer à être pratiquée valablement, a été ajoutée une condition relative à la production de diagnostics en cours de validité.

C'est alors que ce dispositif, apparemment simple, vient finalement impacter toute la chaîne du contrat de vente immobilière (agents immobiliers, notaires, architectes, etc.).

Pour bien saisir la problématique, il convient avant tout de revenir à la définition du diagnostic. Le terme de "diagnostic" signifie, en matière médicale, la description de symptômes (et non pas d'une pathologie), et ce à un instant "t". Le diagnostic ne se situe donc ni dans une vision prospective, ni rétroactive. La première obligation du diagnostiqueur est donc de constater une situation. Au-delà de ce constat, il doit ensuite s'interroger sur le sens des faits constatés, et les relier à des potentialités.

Ainsi donc, bien souvent, contrairement à ce que l'on pourrait croire, on constate que les difficultés apparaissent non pas parce que l'information n'a pas été donnée, mais parce qu'elle a été mal donnée, à savoir mal formulée.

C'est ainsi que se pose le problème du décryptage du rapport du diagnostic par tous les professionnels entrant dans la chaîne du contrat de vente. Le langage utilisé est en général souvent très technique, très abscons, se référant aux termes issus des normes AFNOR. Ainsi, par exemple, dans le cadre d'un diagnostic "termites", lorsque le diagnostiqueur mentionne la présence de "traces", cela peut signifier au regard de la norme, qu'il y a une infestation. Cela peut se révéler trompeur pour le profane, dès lors que le terme "traces" ne va pas attirer son attention.

Le décryptage du diagnostic est donc essentiel dès lors qu'il peut donner lieu à l'engagement, tant de la responsabilité du diagnostiqueur, que celle de l'agent immobilier ou du notaire.

Voici un exemple d'affaire dans laquelle un premier diagnostic avait signalé la présence d'une infestation de termites, non pas à l'intérieur de la maison, mais à proximité de celle-ci, dans un tas de bois situé à quelques mètres. Le diagnostiqueur avait ainsi décrit l'infestation du tas de bois. Gêné pour la vente de sa maison, le vendeur avait décidé d'enlever le tas de bois et demandé au diagnostiqueur de revenir afin d'établir un deuxième rapport. Dans ce rapport, il indiquait ne rien constater, mais mentionnait l'infestation du tas de bois constatée quinze jours auparavant.

Face à ces deux diagnostics divergents, le notaire chargé d'établir l'acte de vente avait commenté le contenu du diagnostic. Il faisait référence aux deux rapports en indiquant que ces ceux-ci signalaient un autre élément accessoire, mais ne faisait aucun état de l'infestation du tas de bois. Il est difficilement soutenable que le notaire ait pu en conclure la disparition totale des termites.

Tous les professionnels sont censés savoir que l'on ne peut préjuger de l'éradication du phénomène des termites.

Pour résumer l'état de la jurisprudence en matière de diagnostics "termites", s'agissant du notaire en particulier, il faut savoir que le juge considère que, dès lors que le notaire a disposé d'une information, à un instant donné, dans le passé (même cinq ans auparavant, lors d'une vente portant sur le même immeuble), il se trouve dans l'obligation d'en faire état. Cette solution mérite d'être approuvée, dans la mesure où il est question de pathologies vivantes, dont on ne peut jamais préjuger qu'elles ont cessé, et ce encore moins en l'absence de preuve d'un traitement.

De façon identique, en matière d'amiante, le juge considère que, si le notaire a eu connaissance de la présence d'amiante dans un immeuble lors d'une vente précédente, il est obligé d'en faire état, à moins qu'il dispose de la preuve de l'éradication ou du retrait du matériau. En cas de rapports divergents, un premier rapport mentionnant la présence d'amiante, et un rapport ultérieur concluant à l'absence d'amiante, le notaire ne peut, en aucun cas, se permettre de privilégier le rapport négatif, sous prétexte qu'il est plus récent, sans se demander comment l'amiante a disparu (sachant, d'ailleurs, que la durée d'utilisation du rapport du diagnostic "amiante" est illimitée, contrairement à l'état parasitaire, et qu'ainsi les deux rapports sont autant valables l'un que l'autre)[2].

Il faut dans ce contexte signaler un arrêt très intéressant rendu par la cour d'appel de Rennes le 20 mars 2008 en matière de mérule, en ce qu'il donne une analyse très précise des obligations des différents intervenants (diagnostiqueur, agent immobilier, notaire) (CA Rennes, 20 mars 2008, n˚ 06/04 251 N° Lexbase : A1881HDZ). Dans cette affaire, un compromis de vente établi par un agent immobilier avait été signé sans aucune référence à un état parasitaire. Après signature, l'agent immobilier, pris d'un doute, avait demandé l'établissement d'un état parasitaire, lequel ayant fait été de "pourriture cubique". Ce terme abscons désigne une maladie affectant le bois, dont le principal vecteur est la mérule.

Sur la responsabilité du diagnostiqueur, celui-ci se voit reprocher par le juge de ne pas avoir fait état du lien existant entre la pourriture cubique et la mérule, et de ne pas avoir attiré l'attention du client à cet égard.

Il est intéressant de relever les termes employés par le juge "la société X, qui avait été alertée sur la présence d'agents biologiques du bois pour avoir constaté la présence de dégradations dues à un champignon lignivore ainsi que la présence de pourriture cubique qu'elle savait être la manifestation d'une attaque de champignons de type basidiomycète, n'a pas attiré l'attention des lecteurs profanes de son rapport sur le risque sérieux qui existait que le champignon soit également présent dans les parquets recouverts et par suite non visibles et non examinés et ne leur a pas conseillé de faire poursuivre leurs investigations dans cette direction ; or une telle démarche était de l'essence même de sa mission et n'est pas, contrairement à ce que soutient la société X, proscrite par les règles déontologiques de sa profession qui, au terme de la norme dont elle revendique l'application lui interdisent seulement l'activité de conseil, d'offre de service pour le traitement ou la vente de produits de préservation, afin que soit respecté, au-delà même de la recherche de termites, l'esprit de l'article 9 de la loi du 8 juin 1999 qui énonce que les fonctions de diagnostic sont exclusives de toute activité de traitement préventif, curatif ou d'entretien. C'est donc à juste titre que le premier Juge a considéré que la société X n'avait pas correctement rempli ses obligations et qu'elle a retenu qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard des époux X en application de l'article 1382 du Code civil ».

En tout état de cause, il faut savoir que, avant d'engager la responsabilité des diagnostiqueurs, il convient de replacer sa prestation dans son cadre contractuel, en se référant au contenu de sa mission.

S'agissant de la responsabilité de l'agent immobilier, le juge estime que l'agent immobilier a manqué à son obligation de conseil, faute d'avoir attiré l'attention de son client sur l'existence d'un risque, qu'il était censé mesurer en tant que professionnel de l'immobilier "alors qu'elle avait en mains un rapport qui employait des termes, opaques pour un profane, mais transparents pour un professionnel, elle s'est contentée de le transmettre aux acheteurs sans le moindre commentaire, alors qu'elle aurait dû attirer leur attention sur les deux lignes du rapport dont il résultait que la présence du champignon était certaine et sans leur conseiller de faire réaliser des investigations complémentaires pour déterminer l'étendue de l'infestation et ses conséquences en terme de coût de remise en état ; le fait que les acheteurs se soient rapprochés téléphoniquement de la société X ne dispensait pas Mme G d'exécuter sa propre obligation de conseil, qui perdurait quand bien même le délai de rétractation était passé dès lors que, l'acte authentique de vente n'étant pas encore signé, les acheteurs conservaient, pour le cas où un vice d'ampleur serait révélé, la faculté de rechercher avec les venderesses une solution amiable à la difficulté ou de renoncer à la vente en payant la clause pénale prévue à la promesse de vente, qui était moins élevée que le montant des travaux de remise en état".

S'agissant, enfin, de la responsabilité du notaire, de même que pour l'agent immobilier, "il ne pouvait en particulier se contenter d'annexer le rapport de diagnostic à son acte sans en prendre sérieusement connaissance et sans s'interroger sur les conséquences qu'il pouvait avoir sur la vente qu'il s'apprêtait à authentifier", et donc sans attirer l'attention des parties sur le risque engendré par les faits révélés par le diagnostic. De même, dans une autre affaire (CA Douai, 1ère ch., sect. 1, 21 mars 2005, n˚ 03/02 139 N° Lexbase : A6335IXW), le notaire disposait, pour la vente litigieuse, d'un rapport d'état parasitaire négatif. Or, cinq ans auparavant, le même notaire avait reçu l'acte de vente antérieur, pour lequel avait été signalée une infestation de mérule. Le juge retient, à juste titre, que le notaire ne pouvait pas supposer légitimement que la pathologie avait disparu sans avoir été informé d'un quelconque traitement.

La responsabilité du notaire est ainsi engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Si l'argument fréquemment avancé par le notaire pour se défendre tient au fait que, lorsqu'il intervient au niveau de l'acte authentique, l'acquéreur est en tout état de cause engagé dans la vente, et qu'il ne peut donc invoquer la perte de chance de se rétracter, le juge considère toutefois que, quand bien même le compromis a été signé, l'acquéreur informé d'un élément nouveau, peut être tenté de renégocier, voire de renoncer à la vente, quitte à abandonner la clause pénale. Le préjudice indemnisé consiste donc en la perte de chance d'avoir pu renégocier ou renoncer.

Aussi, pour éviter ce type de difficultés, la solution consiste à introduire, dans le compromis de vente, une condition suspensive de rapports de diagnostics négatifs.

S'agissant du moment auquel les diagnostics doivent être fournis à l'acquéreur, ils doivent être produits lors de la formation de la vente, autrement dit lors du compromis de vente, mais cela est rarement le cas.

Lorsque les diagnostics sont fournis entre l'avant-contrat et la réitération de la vente chez le notaire, cela soulève un certain nombre de problèmes, au regard notamment du délai de rétractation de l'acquéreur prévu par la loi SRU. Le notaire doit alors repurger le projet d'acte dans l'hypothèse où le contenu du diagnostic révèle un fait nouveau et remet en cause l'économie de la vente, telle la révélation de désordres structurels liés à une infestation d'insectes xylophages.

Face à un fait nouveau, constitutif d'une modification substantielle de la vente, il pourrait être soutenu que le droit de rétractation n'a pas été valablement purgé, si le projet d'acte n'a pas été notifié une nouvelle fois à l'acquéreur, une fois connu le contenu du diagnostic.

Restent à souligner les difficultés, en matière de responsabilité, liées au diagnostic de performance énergétique "DPE". En effet, il faut savoir que, si ce document n'a qu'une valeur informative, il n'emporte pas moins de conséquences, qui peuvent se révéler désastreuses. Il convient, à cet égard, de signaler un jugement rendu par le TGI de Paris le 7 avril 2011 ayant condamné un diagnostiqueur à payer plus de 40 000 euros de dommages et intérêts pour avoir délivré une "étiquette énergie" erronée (TGI Paris, 7 avril 2011, 5ème ch., n˚ 09/15 353 N° Lexbase : A0095HQL ; l'immeuble avait été classé selon une étiquette énergie plus performante que la réalité).

On peut rester perplexe quant à la motivation de ce jugement, selon lequel "une telle donnée économique (le DPE) ne peut par ailleurs qu'avoir un impact sur la valeur du bien concerné". Le demandeur a établi qu'il lui fallait prévoir une enveloppe de 100 000 euros pour atteindre la performance promise. Dans le même sens, un arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers en 2011, a retenu l'obligation à réparation du diagnostiqueur et du notaire pour un montant de 100 000 euros (CA Angers, 13 décembre 2011, n˚ 10/01 933 N° Lexbase : A3513H8M).


Notes et références

  1. Les premiers textes en matière de diagnostics datent de 1996 : amiante, surface "Carrez", puis termites en 1999, etc..
  2. Nature juridique du délai de validité d'un diagnostic : le délai de validité constitue le délai pendant lequel le vendeur peut valablement utiliser le rapport de diagnostic pour s'exonérer de la garantie des vices cachés. Contrairement au diagnostic amiante dont la durée de validité est illimitée, la durée de validité d'un état parasitaire est limitée à six mois.


Voir aussi