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Secret professionnel et médecin traitant (fr) : Différence entre versions

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Version actuelle en date du 22 avril 2014 à 10:41


Cet article est issu de la Grande Bibliothèque du Droit, un projet proposé par l'Ordre des avocats du barreau de Paris. Pour plus de renseignements concernant cet article, nous vous invitons à contacter son auteur
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Compte-rendu de la réunion du 12 mars 2013 de la Commission Famille

Commission : Famille
Responsable : Hélène Poivey-Leclercq, avocat au barreau de Paris

Sous commission : Protection des majeurs vulnérables
Responsable : Marie-Hélène Isern Réal, avocat au barreau de Paris

Intervenant : Docteur Faroudja, Président de la section éthique et déontologie du Conseil National de l’Ordre des Médecins.


A titre préliminaire

Rappel de l’article 226-14 alinéa 2 du Code Pénal qui réserve au Procureur de la République le signalement d’une maltraitance dans les termes suivants :

L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.


En outre, il n’est pas applicable :

1- à celui qui informe les autorités judiciaires médicales ou administratives des privations ou des sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;


2- au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du Procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;


3- aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le Préfet et à Paris le Préfet de Police du caractère dangereux pour elle-même ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.


4- Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.



Ce qui conduit à poser trois questions pratiques :


1- l’état de faiblesse peut être allégué par un certificat médical à la demande du patient ou d’un tiers autorisé (tuteur), il peut faire l’objet d’un signalement au Procureur. Un signalement n’est pas un certificat. Le certificat est remis en main propre à la demande du patient pour faire valoir un droit. Le signalement est adressé directement au Procureur. A la CRIP (pour les mineurs) c’est une information .


2- le certificat médical peut permettre d’attester que les troubles constatés peuvent « altérer le jugement » par exemple dans le cadre d’une demande de mise sous sauvegarde de Justice. C’est le Juge des Tutelles qui, au vu du certificat du médecin inscrit sur la liste décidera du statut (curatelle, curatelle renforcée, tutelle…). Pour un acte juridique il peut attester que les troubles ne constituent pas une altération du jugement pour garantir la capacité de la personne à signer un mandat de protection future ou rédiger un testament ;


3- le certificat médical du médecin inscrit sur la liste du procureur de la République bénéficie d’un traitement particulier. Outre les spécialistes, psychiatres, gériatres et psycho gériatres, peuvent être inscrits sur la liste des médecins généralistes disposant de certaines compétences reconnues, orientation gériatrie par exemple. L’avis du conseil départemental de l’Ordre est sollicité.



1/ L’article 4 du code déontologie médicale rappelé dans l’article R.4127-4 du Code de la Santé Publique

Le secret professionnel, institué dans l’intérêt du patient, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Tous les médecins sont soumis aux mêmes obligations de respect du secret médical sauf dérogations prévues par la Loi. Il a été précisé que le médecin expert judiciaire est tenu au secret médical dans le cadre de l’expertise civile par le code de procédure.

Il en est de même du médecin du travail comme du médecin scolaire pour lequel il existe des textes particuliers de l’Education Nationale permettant au médecin de signaler au Directeur de l’établissement des faits nécessitant des mesures particulières.

Les médecins qui sont poursuivis par la juridiction disciplinaire sont ceux qui déclarent dans leurs certificats ou signalements au Procureur de la République des faits ou des circonstances qu’ils n’ont pas pu constater personnellement ou qui dénoncent l’auteur présumé des faits.


2/ Article 44 du Code de déontologie médicale rappelé par l’article R.4127-44 du Code de la Santé Publique

Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.

Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstance particulière qu’il apprécie en conscience.

Ainsi, l’article 44 du Code de déontologie médicale ouvre une possibilité d’information des services judiciaires et administratifs, dont on peut penser qu’il s’agit aussi des services sociaux, à propos d’une maltraitance. Avec prudence et circonspection, le médecin doit alerter, sauf circonstance particulière qu’il apprécie en conscience.

La situation du médecin est par conséquent particulièrement délicate d’autant qu’il ne doit pas s’immiscer dans les affaires de famille, qu’il doit privilégier le soin ainsi que la prévention, tout en respectant le secret…


3/ Collaboration et de information de la victime, qui, par définition n’est pas en mesure de se défendre

Parmi les questions, ont été évoquées certaines dénonciations de faits concernant des mineurs qui auraient empêché que, par la suite, le mineur puisse bénéficier de la thérapie adaptée à son état.

Il faut avoir présent à l’esprit ce que l’association ALMA appelle « les effets collatéraux » d’un signalement ou de la transmission d’une information préoccupante. Que ce soit pour les mineurs ou pour les majeurs vulnérables (personnes âgées ou handicapées) toute intervention doit être faite après avoir apprécié les conséquences que le signalement ou la transmission d’une information à des tiers autorisés pourra avoir sur la relation familiale, les risques de destruction d’un lien déjà fragile, ou une recrudescence de la maltraitance. En cas d’information à la CRIP, le médecin doit informer les parents de sa démarche sauf s’il estime que cette mesure peut être préjudiciable à l’enfant.

Il appartiendra à la CRIP, si elle l’estime utile, de faire elle-même le signalement au Procureur. De même, si le Procureur destinataire d’un signalement estime inopportun de « poursuivre », il pourra renvoyer à la CRIP la charge d’enquêter sur les faits et d’orienter la famille vers des solutions adaptées : thérapies familiales, placement de l’enfant, etc.

C’est ainsi que dans un deuxième temps, à propos du signalement officiel ou de la transmission d’informations préoccupantes, se pose le problème de la collaboration de la personne qui, parfois, se trouve dans un état de vulnérabilité tel qu’elle ne peut pas participer à la prévention ou au traitement de la maltraitance qu’elle subit.

Le certificat ne peut être déposé qu’entre les mains du patient lui-même ou de son représentant légal. Le signalement (qui n’est pas un certificat) ne doit être adressé qu’au Procureur. Il n’est jamais remis à un tiers. En revanche, un certificat peut accompagner le signalement adressé par un avocat ou les services sociaux afin de saisine du juge des tutelles.

Il a cependant indiqué que les CRIP, (cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes dont le Président est le Président du Conseil Général) au 119, recueillent les informations sur les situations supposées de maltraitance ou de risques de maltraitance concernant les mineurs. En cas de difficultés rencontrées par un médecin, ce dernier peut toujours s’entretenir avec le médecin de la CRIP.

Au profit des personnes âgées et handicapées il est prévu de créer, sur le même modèle, des coordinations départementales de recueil des informations préoccupantes (CODIP PA-PH) qui, en liaison avec le 3977, permettront de recueillir les informations concernant d’éventuelles maltraitances d’adultes vulnérables dans le cadre de l’article 44 du Code de déontologie médicale dans un esprit de prévention et un fonctionnement pluridisciplinaire.

Lorsqu’une personne n’est pas en état de se protéger elle-même, il est préférable d’organiser sa protection judiciaire afin qu’elle puisse bénéficier d’un représentant légal qui pourra recevoir les certificats médicaux nécessaires à la mise en oeuvre de sa protection et de sa prise en charge.

Il a été rappelé que lorsqu’un tuteur est désigné, la désignation d’une personne de confiance devient caduque. Le juge peut nommer un mandataire à la personne qui prendra en charge l’accompagnement médical et donnera le consentement aux soins si cette personne est dans l’incapacité de le faire.

En aucun cas, l’avocat ne peut recevoir directement un certificat médical pour son client, sauf celui qui est nécessairement remis, sous pli cacheté, à l’attention du juge des tutelles ou du procureur de la République afin de déposer une requête en protection d’un majeur, puisqu’il s’agit d’une condition de recevabilité de la requête.


4/ Distinction entre certificat médical et signalement au Procureur de la République

Il faut souligner l’importance de la différence entre le certificat médical, simple moyen de preuve et le signalement au Procureur de la République, signalement pouvant avoir des conséquences juridiques puisqu’il peut déclencher une enquête pénale débouchant sur d’éventuelles sanctions.

Sur le contenu du certificat : le médecin ne peut décrire que ce qu’il voit et ce qu’il a constaté à un moment donné.

Il n’est en aucun cas le témoin du contexte dans lequel la maltraitance ou les violences ont pu être commises. Il ne peut les décrire. Tout au plus, s’il l’estime vraiment opportun ou indispensable, et avec prudence et circonspection, il peut rapporter les dires du patient en précisant qu’il s’agit d’une citation de ses propos et usant du conditionnel, les deux points et guillemets (X …. m’a dit : « …. »). Ces propos éventuellement rapportés ne peuvent en aucune manière paraître être ceux du médecin.


5/ Rappel des textes à propos de la non-assistance à personne en danger

Article 223-1 du Code Pénal : le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité et de prudence est puni d’un an de prison ou 1.500 euros d’amende.

Rappel qui serait utile aux médecins coordonnateurs des maisons de retraite et aux familles. Ces médecins, comme tous les autres doivent absolument intervenir. Des médecins ont été condamnés disciplinairement pour ne pas avoir signalé des faits de maltraitance.

Article 223-6 : Quiconque pouvant empêcher, par son action immédiate, sans risque pour lui ou les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire, est puni de 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende.

La même peine est prévue pour tout défaut d’apporter assistance ou provoquer un secours.

Sur ce texte, il n’y a pas de différence entre le médecin et les autres citoyens.

Mais aussi, l’article 434-1 : le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

Enfin, l’article 434-3 : le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à une personne vulnérable de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de la même peine.

Il est rappelé que l’article 226-13 sur le secret professionnel ne prévoit qu’une peine de 1 an et 15.000 euros d’amende.

Comme l’indique Monsieur ROSENCVEIG, Président du Tribunal pour Enfants de Bobigny (Cahiers de l’ACTIF N° 362, 363 Attention le secret professionnel bouge encore) : « il n’y a pas photo ». La sanction de la non dénonciation est autrement plus sanctionnée que celle de la violation du secret professionnel.

Sans oublier l’article 223-15-2 du Code Pénal : est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de suggestion psychologique ou physique résultant de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour conduire ce mineur ou cette personne à une acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

On pourrait y voir une complicité d’abus de faiblesse.


6/ Il a été signalé la difficulté des familles à s’opposer aux traitements abusifs des personnes âgées dans les maisons de retraite

Plutôt que de se focaliser sur la bientraitance ou la maltraitance qui, après tout, peuvent relever tout simplement de l’appréciation subjective de la victime, des familles, du personnel ou du médecin, le médecin devra vérifier si les pratiques qu’il constate, que ce soit en établissement ou en famille, sont bien respectueuses de la dignité et de la volonté de la personne.

Il faut insister sur ce point qui paraît d’une meilleure efficacité pour obtenir de bonnes pratiques et améliorer le quotidien des patients plutôt que de chercher à sanctionner l’auteur.

L’article 226-14 : c’est en conscience que le médecin apprécie s’il doit signaler ; on ne sanctionnera pas un signalement excessif qui n’a pas eu de conséquence, même s’il s’avère mal fondé ; disciplinairement on ne tiendra pas compte non plus de l’absence de signalement s’il y a eu mesure de prévention et de protection de la victime par le biais d’une hospitalisation immédiate de sécurité.

Il appartient aux avocats de rappeler aux médecins et aux familles, le dernier alinéa de l’article 226-14 du code pénal : l’avis à propos d’une information préoccupante ou un signalement au procureur de la République ne peuvent être sanctionnés s’ils ont été faits par simple excès de protection ou erreur alors qu’il n’y a pas volonté de nuire assimilable à la dénonciation calomnieuse. Le professionnel qui, de bonne foi et par précaution, attire l’attention sur une maltraitance ne peut être professionnellement sanctionné.

D’autant, que, dans un esprit de prévention, il est nécessaire d’agir avant que le préjudice soit avéré, dès que le médecin le sent venir.


7/ Les conditions d’élaboration du certificat médical du médecin inscrit sur la liste du procureur

- degré de confidentialité tout à fait particulier puisqu’il doit être remis sous pli cacheté à l’intention du juge des tutelles.

- si l’avocat du majeur protégé a la possibilité d’en recevoir une copie, c’est pour son strict usage personnel. Le Code de Procédure Civile instaure une interdiction absolue de le communiquer à quiconque, pas même au Conseil de l’Ordre des médecins dans la mesure où la procédure disciplinaire est contradictoire.

- Cependant, l’Ordre des médecins estime que la communication au médecin traitant du certificat de l’expert ayant donné lieu à mesure de protection permettrait de faciliter la reconduction de la mesure dans les cas où la situation du patient n’a pas évolué. Le médecin traitant ne peut être à la fois expert et partie. Il ne peut se substituer à l’expert mais on peut accepter qu’il certifie qu’il n’y a pas eu de changement dans l’état du patient par rapport au premier certificat de l’expert.

- La circulaire N° NOR : JUSC0901677C N° CIRCULAIRE : CIV/01/09 REFERENCE DE CLASSEMENT : 8-09/ C1/ 2-1-2 / MCD rappelle que seule l’aggravation de la mesure exige une requête accompagnée du certificat du médecin inscrit sur la liste du procureur. Ceci signifie que tout aménagement, levée ou diminution de la gravité de la mesure peut se faire au vu du certificat du médecin traitant.

Seule la voie de la contre-expertise est possible en cas de contestation des conditions dans lesquelles le certificat médical circonstancié est établi. En cas d’abus du médecin expert, le procureur de la République exerce son contrôle.

Voir aussi