Bienvenue sur JurisPedia! Vous êtes invités à créer un compte et à contribuer après avoir confirmé votre adresse de courriel. Dès lors, vous pouvez ajouter un article en commençant par lui donner un titre en renseignant ce champ:

Les lecteurs et contributeurs ne doivent pas oublier de consulter les avertissements juridiques. Il y a actuellement 3 533 articles en construction permanente...

Co-emploi (fr) : Différence entre versions

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Aller à : Navigation, Rechercher
(Nouvelle page : {{GBD}} France > Droit du travail > Droit social Image:fr_flag.png Catégorie:FranceCatégorie: Droit du trav...)
 
m (A protégé « Co-emploi (fr) » ([Éditer=Administrateurs uniquement] (infini) [Déplacer=Administrateurs uniquement] (infini)))
 
(Aucune différence)

Version actuelle en date du 22 avril 2014 à 11:25


Cet article est issu de la Grande Bibliothèque du Droit, un projet proposé par l'Ordre des avocats du barreau de Paris. Pour plus de renseignements concernant cet article, nous vous invitons à contacter son auteur
Lgbd.jpg

France > Droit du travail >  Droit social 
Fr flag.png


Compte-rendu de la réunion du 10 mars 2014 de la Commission Social du barreau de Paris

Commission ouverte : Social
Co-responsables : Paul Bouaziz et Alain Sutra, avocats au barreau de Paris


Intervenants : Henri-José Legrand et Pierre-Henri d’Ornano, avocats à la Cour



Le co-emploi : Qu’est-ce que c’est ?

Un concept élaboré par la jurisprudence afin d’imputer tout ou partie des obligations et responsabilité d’employeur à une personne (morale) autre que celle qui a signé le contrat de travail, qui rémunère le salarié, qui dirige et contrôle son travail (employeur… nominal ? direct ?).

• Le co-emploi implique de reconnaître qu’un salarié n’a pas un, mais plusieurs débiteurs des obligations découlant du Code du travail.

• Ce concept est principalement utilisé dans les contentieux des licenciements collectifs lorsque l’employeur est une société la filiale défaillante.


I.-Approche initiale de la Cour de cassation: le lien de subordination

• Le co-emploi fondé classiquement sur la constatation d’un rapport de subordination juridique entre le salarié et un tiers à l’instrumentum de son contrat de travail, rapport exclusif ou, plus souvent, partagé avec l’employeur « nominal ».

• Le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

• Le lien de subordination « résulte de l’exercice, par une société du groupe, d’une autorité directe sur les salariés d’une autre » (Pierre Bailly).

• Situations de mise à disposition entraînant transfert du lien de subordination vers l’utilisateur ou dissociation entre celui-ci et l’employeur nominal (not. démonstratrices de Grands Magasins ; ex. : Soc. 18/6/1996, n°93-40487 ; 1/6/2004, n°01-47165);

Immixtion d’une personne morale dans les rapports entre le salarié et son employeur, généralement contrôlé par la première

« Mais attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond que c'était un dirigeant qualifié de la société suisse CERTINA qui avait poursuivi les négociations avec MEYER pour la conclusion de son contrat ;

Que le pouvoir de décision appartenait a cette entreprise dont la société PREMONTEC n‘était qu'une filiale, servant de "couverture" pour la vente en France ;

Que deux membres dirigeants de la société CERTINA disposaient de la majorité dans la société PREMONTEC, qui dans une circulaire a la clientèle se présentait elle-même comme une "succursale" de la société CERTINA et parlait de "notre direction et nos usines suisses" ;

Qu'enfin MEYER avait adressé un compte rendu d'activité aux dirigeants de la société CERTINA ainsi qu'au directeur de la société PREMONTEC ;

Qu'en l‘état de ces éléments, les juges du fond ont pu estimer que MEYER s‘était trouvé sous la subordination confondue de ces deux firmes » Soc. 10 avril 1975, n°74-40.136 Soc. 12 juillet 2005, n°03-45.394 « Attendu, cependant, que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, pendant toute la durée de la relation contractuelle, Mme X... n'avait pas, en fait, travaillé dans un lien de subordination avec la société Groupe Envergure de sorte que les deux sociétés avaient la qualité d'employeur conjoint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision»

Les limites de l’approche

Dans ces Hypothèses, le constat porte sur la situation particulière d’un salarié, de sorte que, a priori, il n’a qu’une portée individuelle


II.- Nouvelle approche (plus large)

La triple confusion

• Confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre la société-mère et la filiale ayant conclu le contrat de travail

• Cette approche était en germe dans des arrêts anciens.

Soc. 15 juin 1966, Bull. civ. V, n°587 : « Attendu qu’en en déduisant qu’il y avait eu vis-à-vis de Schloss une confusion de fait entre les deux entreprises et que les deux sociétés qui les exploitaient s’étaient comportées pratiquement toutes deux comme les employeurs de Schloss et que la société Antheaume ne devait pas être mise hors de cause, la cour d’appel a une donné une base légale à sa décision ». Soc. 8 novembre 2006, n°04-43.887 Une société et une filiale sont co-employeurs dès lors qu’elles forment un ensemble uni par la confusion de leurs intérêts, de leurs dirigeants, de leurs activités et de leurs moyens d’exploitation.

Soc. 18 janvier 2011, n°09-69.199 « Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu, sans se contredire : - que l'activité économique de la société MIC était entièrement sous la dépendance du groupe Jungheinrich, qui absorbait 80 % de sa production et fixait les prix, - que la société JFH détenait la quasi-totalité de son capital, le reste étant détenu par le dirigeant de la société holding, qu'il existait une gestion commune du personnel des sociétés MIC et Jungheinrich France, sous l'autorité de la société JFH, - que celle-ci dictait à la société MIC ses choix stratégiques, notamment la décision de transférer l'activité de Rungis à la société Jungheinrich France, - que la société JFH intervenait de manière constante dans les décisions concernant la gestion financière et sociale de la cessation d'activité de la société MIC et le licenciement de son personnel, - et qu'elle assurait ainsi la direction opérationnelle et la gestion administrative de sa filiale, qui ne disposait d'aucune autonomie ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait entre la société JFH et la société MIC une confusion d'intérêts, d'activités et de direction et qu'en conséquence la société JFH avait la qualité de co-employeur à l'égard du personnel de la société MIC » Soc. 28 septembre 2011, n°10-12.278 à 10-12.235 • « Mais attendu qu'ayant constaté : - qu'au-delà de la communauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société mère, par l'existence de dirigeants communs et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société Métaleurop laquelle assurait également le recrutement des cadres de Métaleurop Nord et la gestion de leur carrière, - la société mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale, - que les cadres dirigeants de la Métaleurop Nord, recrutés par la société mère, étaient placés sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de cette dernière, à laquelle ils devaient rendre compte régulièrement de leur gestion, - et que la société Métaleurop décidait unilatéralement de l'attribution de primes aux cadres de direction de sa filiale, la cour d'appel a pu en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale et qu'en conséquence la société Métaleurop était co-employeur du personnel de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Métaleurop Nord à l'égard de la société mère ;»

Soc. 22 juin 2011, n°09-69.021 « Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que depuis que la société Novoceram en avait pris le contrôle, - la société BSA avait perdu toute autonomie dans la gestion de ses activités, - qu'elle était entièrement sous la dépendance de cette société, qui était devenue sa seule cliente et définissait le prix de ses produits, - qu'elle partageait avec elle les produits, les matières, les services généraux, le matériel d'exploitation et les procédés de fabrication, - que la gestion administrative, comptable, financière, commerciale, technique et juridique de la société BSA était assurée par la société Novoceram, laquelle gérait également son personnel, - les cadres dirigeants de la société BSA n'étant que les exécutants de décisions prises par le dirigeant de la société Novoceram dans la gestion du personnel et dans les domaines industriel et technique ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait entre ces sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction qui se manifestait par l'immixtion de la société Novoceram dans la gestion du personnel de la société BSA et qui suffisait à leur conférer la qualité de co-employeurs »

Soc. 30 novembre 2011, n°10-22.964 à 10-22.985 • Et attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'il existait entre les sociétés composant le groupe Jungheinrich : - une unité de direction sous la conduite de la société Jungheinrich AG, - que les décisions prises par cette dernière avaient privé la société MIC de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, - que celle-ci avait repris tous les brevets, marques et modèles de la société MIC et bénéficié de licences d'exploitation, - que les choix stratégiques et de gestion de la société d'Argentan étaient décidés par la société Jungheinrich AG, - laquelle assurait également la gestion des ressources humaines de la filiale et avait imposé la cessation d'activité, en organisant le licenciement des salariés et en attribuant elle-même une prime aux salariés de la société MIC ; - que le dirigeant de la société MIC ne disposait plus d'aucun pouvoir effectif - et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait ainsi, entre la société MIC et la société Jungheinrich une confusion d'activités, d'intérêts et de direction conduisant cette dernière à s'immiscer directement dans la gestion de la société MIC et dans la direction de son personnel ;


III.- La Survivance du critère de subordination

Vers une approche collective du lien de subordination ?

• Souvent, la Chambre Sociale prend en compte, à la fois, des éléments de confusion et de subordination juridique.

• « MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QUE C'ETAIT UN DIRIGEANT QUALIFIE DE LA SOCIETE SUISSE CERTINA QUI AVAIT POURSUIVI LES NEGOCIATIONS AVEC MEYER POUR LA CONCLUSION DE SON CONTRAT ;

• QUE LE POUVOIR DE DECISION APPARTENAIT A CETTE ENTREPRISE DONT LA SOCIETE PREMONTEC N'ETAIT QU'UNE FILIALE, SERVANT DE "COUVERTURE" POUR LA VENTE EN FRANCE ;

• QUE DEUX MEMBRES DIRIGEANTS DE LA SOCIETE CERTINA DISPOSAIENT DE LA MAJORITE DANS LA SOCIETE PREMONTEC, QUI DANS UNE CIRCULAIRE A LA CLIENTELE SE PRESENTAIT ELLE-MEME COMME UNE "SUCCURSALE" DE LA SOCIETE CERTINA ET PARLAIT DE "NOTRE DIRECTION ET NOS USINES SUISSES" ;

• QU'ENFIN MEYER AVAIT ADRESSE UN COMPTE RENDU D'ACTIVITE AUX DIRIGEANTS DE LA SOCIETE CERTINA AINSI QU'AU DIRECTEUR DE LA SOCIETE PREMONTEC ;

• QU'EN L'ETAT DE CES ELEMENTS, LES JUGES DU FOND ONT PU ESTIMER QUE MEYER S'ETAIT TROUVE SOUS LA SUBORDINATION CONFONDUE DE CES DEUX FIRMES » (Soc. 10/4/1975, n°74-40136) ;

• « Ayant constaté que les deux sociétés avaient eu longtemps le même siège social, qu'elles avaient les mêmes dirigeants et administrateurs, que M. X... avait été engagé par la société STE, puis employé et finalement licencié par la société Infrastructures, la cour d'appel a fait ressortir, entre ces deux sociétés, une confusion d'intérêts d'activités et de direction ; qu'elle a pu en déduire la qualité de co-employeurs de M. X... » (Soc. 25/1/2006, n°04-45341);

• « Ayant constaté que les deux sociétés avaient des activités identiques ou complémentaires, donnaient l'une ou l'autre indifféremment au salarié des instructions, dans leur intérêt commun au salarié et le rétribuaient l'une ou l'autre, la cour d'appel a fait ressortir, entre ces deux sociétés, une confusion d'intérêts, d'activité et de direction ; qu'elle a pu en déduire la qualité de co-employeurs de M. X. » (Soc. 4/10/2007, n°06-44486).

• « La cour d'appel qui, se fondant sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan de redressement a retenu d'une part que la société Briffaz n'était qu'un simple établissement de la société LC Maitre, sans réelle autonomie financière et de gestion, et qu'il existait entre elles une confusion totale d'activité, d'intérêts et de direction, d'autre part que le seul cadre à l'effectif de la société Briffaz, sous l'autorité duquel se trouvaient les salariés, recevait ses ordres de la société LC Maitre et les transmettait directement à ses chefs d'équipe, qu'il n'avait aucun pouvoir pour leur donner directement des instructions et que toute la gestion du personnel était faite par la société LC Maitre, ce dont il se déduisait que cette société avait un pouvoir de direction et de contrôle sur l'ensemble des salariés de la société Breffaz et qu'ils étaient à son égard en état de subordination, a légalement justifié sa décision» (Soc. 28/9/2010, n°09-41243).

• Dans d’autres décisions, au contraire, en présence d’une triple confusion caractérisée, la subordination individuelle n’est évoquée que comme objet d’une constatation superflue (Metaleurop, 28/9/2011).

• Dans certaines décisions récentes, sans remettre en question le critère de la triple confusion, même en l’absence de subordination juridique individuelle des salariés à la société mère, la Chambre Sociale semble exiger la constatation d’une « immixtion (de la société mère) dans la gestion du personnel » ou d’une « gestion commune du personnel »

• La cour d'appel a pu en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale et qu'en conséquence la société Métaleurop était co-employeur du personnel de sa filiale» (Soc. 28/9/2011, n°10-12278 ; voir aussi Soc. 22/6/2011, n°09-69021)

• « Ayant relevé que la preuve d'une gestion commune du personnel des deux sociétés n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a, sans renverser la charge de la preuve ni dénaturer les écritures des salariés, pu estimer que la qualité de co-employeur de la Société EM Flurfoerdergeraete ne pouvait pas être retenue » (Soc. 16/5/2013, n°11-25711).

• La triple confusion devrait-elle désormais toujours se manifester par une immixtion dans la gestion du personnel ou par une gestion « commune » du personnel? Ainsi, dans l’une de ces décisions les plus récentes, la chambre sociale a-t-elle cassé un arrêt d’une Cour d’Appel au motif « qu'il ne résultait pas de ses constatations une situation apparente de co-emploi constituée par une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale et justifiant sa compétence à l'égard de la société Lohmann & Rauscher » (Soc. 18/12/2013, n°12-25686). Pourtant, la Cour d’Appel avait constaté que la filiale employeur avait pour seul client la société mère et que ses budgets devaient être validés par celle-ci.

• Remarques d’ensemble : des exigences qui fluctuent (simple imbrication : Soc 20/1/1994, n°89-44841) et qui ne semblent pas tenir compte des enjeux du litige (selon que le licenciement est individuel ou collectif, la décision qu’il suppose ne nécessite pas le même degré d’autonomie); est-il concevable qu’une filiale soit libre de cesser son activité (Soc. 30/11/2011, n°10-22964 et suiv., aff. Jungheinrich) et même ses paiements, traductions de décisions de désinvestissement d’ordre stratégique?

• S’il s’agit de faire prévaloir la réalité du fonctionnement des entreprises sur leur structure juridique, le juge devrait faire davantage usage de ses pouvoirs d’instruction.


IV.- Co-emploi et UES

• Aujourd’hui, les notions de co-emploi et d’unité économique et sociale sont généralement présentées comme différentes, voire indépendantes.

• Exemple : « Il ne découlait pas de la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale entre les différentes sociétés la preuve que celles-ci étaient co-employeurs des salariés » (Soc. 22/11/2000, n°98-42229).

• Pourtant, on trouve des considérations similaires à l’origine des deux notions.

• Par exemple, l’une des premières décisions de la Chambre Sociale, relative à la désignation d’un délégué syndical commun à plusieurs sociétés était motivée dans les termes suivants : « Les trois sociétés, bien que juridiquement distinctes, constituaient, non des entreprises séparées, mais en raison de leur compénétration, de la confusion de leurs activités et de leur communauté d’intérêts et de direction, un ensemble économique unique… » (Soc. 19/12/1972, n°72-60088).


V.- Indices de co-emploi devant les juridictions du fond

• Cour d’appel d’Amiens, 20.09.2011, 10/04808 : Co-emploi retenu notamment aux motifs que les sociétés : - Exerçaient dans le même secteur d’activité, - Étaient détenues et contrôlées par les mêmes dirigeants, - Étaient en étroite communauté d’intérêts, d’activité et de direction, - et que l’une des sociétés contrôlait et soutenait financièrement l’autre société en assurant ponctuellement en ses lieux et place le versement de salaires et charges sociales.

• Cour d’appel de Nîmes, 16 juin 2009, 08/02221 : Le co-emploi fut reconnu aux motifs qu’il existait entre les deux sociétés : « une communauté d’intérêts économiques et une interdépendance des organes de direction, mais encore une absence de toute clientèle propre à la société BSA, une absence d’une autonomie de gestion à l’égard de son personnel puisqu’un salarié de NOVACERAM était obligatoirement détaché pour assurer les fonctions de directeur technique, tous les cadres de BSA étant d’ailleurs détachés de la société NOVOCERAM; qu’enfin les salariés étaient soumis dans leur activité à la direction et au contrôle de la société NOVACERAM par l’intermédiaire de l’encadrement; qu’entres ces sociétés était donc réunie une confusion d’intérêts, d’activités et de direction. »

• Cour d’appel de Douai, 18 décembre 2009, 08/02521 (Metaleurop): La Cour retient qu’entre les deux sociétés, il y avait plus qu’une simple communauté induite par les règles normales de fonctionnement d’un groupe de sociétés aux motifs notamment que : - Les cadres salariés de la filiale restaient sous la dépendance hiérarchique directe d’un dirigeant de la maison-mère => confusion de direction. - Le Président du directoire de la société mère a adressé des courriers aux salariés de la filiale leur allouant une prime exceptionnelle, avec simple copie à un dirigeant de la filiale => confusion d’action et de direction.

• Cour d’appel de Chambéry, 29 juin 2010, 09/02688 (Briffaz, Eurodec, LC Maitre) : La Cour relève l’existence d’un lien de subordination notamment aux motifs que : - une UES a été reconnue entre les deux sociétés, - La gestion du personnel de Briffaz était faite par LC Maitre, la pointeuse des heures de présence installée chez Briffaz était reliée directement à LC Maitre etc, - Briffaz n’avait plus aucune autonomie financière, comptable sociale de production ou de direction par rapport à LC Maitre, qu’elle n’avait plus de service commercial qui lui était propre, que la fonction commerciale étant gérée par LC Maitre, qu’elle ne gérait plus sa trésorerie qui est gérée par LC Maitre et qu’elle n’avait plus de standard téléphoniques, les appels étant renvoyés sur le standard de LC Maitre. Jugement du CPH de Compiègne (section industrie, départage), 30 aout 2013 : Une situation de co-emploi fut retenue entre la SNC Continental France (filiale) et Continental Aktiengesellschaft (société-mère) aux motifs que : - Le pouvoir décisionnel appartenait à la société-mère, le rôle de la SNC Continental France se limitant à celui d’exécutant : « la décision de restructuration de la filiale fut prise au niveau de la direction de la société-mère, sans marge de décision de la SNC Continental France, l’immixtion quant à la direction étant à la fois apparente et réelle. L’apparence d’immixtion dans la direction de la SNC Continental France ressort des annonces faites aux différents médias par des représentants de Continental Aktiengesellschaft, telles que celles relayées par la dépêche émanant de l’Agence France Presse datée du 23 avril 2009, par le dirigeant du groupe Continental qui a indiqué qu’aucune décision définitive n’avait été prise quant à la fermeture de l’usine française de Clairoix, mais qu’il ne voyait aucune alternative. […] L’ensemble de ces déclarations ne font qu’accréditer l’apparence de direction de la filiale française par les instances dirigeantes de la Société allemande » « Il ressort de plusieurs des pièces produites que différents représentants de l’Etat français, y compris au niveau ministériel, ont publiquement communiqué sur leur rencontre avec les représentants de Continental Aktiengesellschaft, ce qui contredit le caractère exceptionnel des réunions relatives à la fermeture du site de Clairoix avec les dirigeants allemands du groupe. » « Il convient d’en conclure que l’échelon décisionnel réel quant à l’aboutissement de la fermeture du site de Clairoix était la direction de la maison-mère allemande et non la direction de sa filiale française, qui n’avait pour fonction que de mettre en oeuvre la décision prise au niveau de la tête du groupe. » - Il existait une politique économique commune et un contrôle effectif des résultats. Les orientations économiques étaient imposés par la société-mère à sa filiale. « L’activité économique de la SNC Continental France était entièrement sous la dépendance du groupe Continental, ce qui manifeste l’absence d’autonomie de la SNC Continental France quant à la gestion de ses activités. En effet, la centralisation de la décision au niveau de la division PLT, qui imposait unilatéralement les règles établies au niveau du groupe à sa filiale française, sous peine de désinvestissement, atteste de l’immixtion de Continental Aktiengesellschaft dans les décisions majeures affectant le fonctionnement de sa filiale. » « Si des directives de la maison-mère ne suffisent pas à caractériser l’immixtion de celle-ci dans la gestion de sa filiale, un suivi étroit, chiffré, accompagné de critères sociaux déterminés, revient à prendre les décisions stratégiques pour sa filiale et à la contrôler en la privant de budget essentiels à son fonctionnement si elle ne répond pas à ses exigences. » « Sur le plan industriel, la SNC Continental France n’avait pour clientèle que celle désignée par la maison-mère». - Continental Aktiengesellschaft réalisait des choix stratégiques au niveau du groupe en passant par la gestion des ressources humaines. « La participation même de Continental Aktiengesellschaft aux accords de méthode relatifs à sa filiale est révélatrice de la confusion des directions de la société-mère et de sa filiale. « Dès lors que la SNC Continental France n’a fait qu’exécuter des directives provenant de Continental Aktiengesellschaft tendant à la fermeture du site de Clairoix dans l’intérêt exclusif du groupe, la perte d’autonomie quant à la direction est caractérisée. » « La procédure de reclassement a été initiée par et au nom de M. W… Ceci va clairement au-delà de ce qui pourrait être attendu de la maison-mère, celle-ci orchestrant l’entière procédure de reclassement interne dans la mesure où la responsable RRH de la SNC Continental France n’est intervenue que pour retransmettre le courrier électronique de M. W et demander des réponses sur cette base.


VI.- Absence de co-emploi

• Il existait entre la filiale en redressement judiciaire et le groupe une simple communauté d’intérêts économiques et une interdépendance des organes de direction; ladite filiale disposait d’une clientèle propre et d’une autonomie de gestion à l’égard de son personnel et de l’organisation de ses vols et que ses salariés n’étaient pas soumis dans leur activité à la direction et au contrôle du groupe.

Soc. 26 juin 2008, n°07-41.294 • La société-mère italienne ne s’était pas substituée à l’employeur dans la conduite de la procédure d’information des représentants du personnel de sa sous-filiale française, qu’il n’y avait pas d’imbrication étroite entre ces deux sociétés, ni immixtion de la première dans la gestion de la seconde, ni confusion de leurs actifs.

Soc. 22 juin 2011, n°09-69.021 • La salariée n’avait eu aucune relation avec la société A et les trois sociétés avec lesquelles elle avait conclu successivement un contrat de travail étaient des entités autonomes, distinctes les unes des autres, et qu’il existait seulement au sein du groupe A, ensemble économique et financier, une culture de groupe se traduisant par des avantages et facilités de mobilité pour les salariés.

Soc. 22 octobre 2008, n°07-42.230 Arrêt Publicis, soc. 6 juillet 2011, n°09-69.689 : La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel aux motifs que : « pour décider que les sociétés Publicis dialog et Global Event Management avaient la qualité de co-employeurs de Mme X..., l'arrêt retient que les employeurs successifs appartiennent au même groupe, que la salariée y a accompli les mêmes tâches pour les mêmes clients, avec les mêmes interlocuteurs, que les relations avec la société Synthèse ont immédiatement succédé à celles avec la société Global Event System, que les changements de raison sociale des sociétés et la proximité des dénominations ou noms commerciaux utilisés démontrent l'imbrication étroite entre celles-ci qui constituent un seul et unique employeur », ce qui, pour la Cour de cassation, ne caractérisait pas une confusion d’activité, d’intérêts et de direction. • l’appartenance à un groupe, à une UES, autres (soc. 22/11/2000, n°98-42229; Soc. 6/7/2011, 09-69689) • Contrat de travail du dirigeant de la société employeur, conclu avec la société mère et stipulant que celle-ci conservait son pouvoir de direction + annonce par la société mère qu’elle ne présenterait pas de plan de continuation (soc. 25/9/2013, n°12-14353) • L’employeur avait pour client unique sa société mère, qui tenait sa compta, qui validait ses budgets, qui lui consentait des avances de trésorerie (soc 18/12/2013, n°12-25686).


VII.- Les effets de l’identification d’un co-emploi

1./ Qui est désigné comme co-employeur ? La société-mère au moins, pour autant qu’elle ait été appelée en cause. Noter que l’attribution de la qualification de co-employeur à une société mère ressortissante d’un autre Etat-membre de l’U.E. justifie, au regard de l’article 19 du règlement n°44/2001/CE du Conseil du 22/12/2000, sa mise en cause devant une juridiction française par un salarié travaillant sur le territoire français (Soc. 30/11/2011, n°1022964, aff. Jungheinrich n°2).

• Eventuellement, toutes les sociétés du groupe (cas d’un cadre international qui, au cours de sa carrière, avait travaillé pour différentes sociétés du groupe Bata : Soc. 11/7/2000, n°98-40146). 2./ Malgré la dualité (ou pluralité) d’employeurs, le contrat est unique. Les actes de l’un des co-employeurs, tels qu’un licenciement, sont opposables à l’autre ou aux autres (Soc. 1/6/2004, n°0147165).

• Pour l’appréciation de l’effectif de l’entreprise en ce qu’il conditionne les droits du salarié, il y a lieu de prendre en compte la somme des effectifs de tous les co-employeurs (Soc. 1/6/1988, n°86-40174).

3./ Le co-employeur partage-t-il toutes les obligations de l’employeur nominal ? Sinon, lesquelles ?

• La cause économique d’un licenciement s’apprécie dans le cadre du secteur d’activité auquel les co-employeurs participent : « Lorsque le salarié a pour co-employeurs des entités faisant partie d'un même groupe, la cessation d'activité de l'une d'elles ne peut constituer une cause économique de licenciement qu'à la condition d'être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont elles relèvent » (Soc. 18/1/2011, n°0969199, aff. Jungheinrich n°1). Le co-employeur étant co-débiteur de l’employeur nominal, sur quelle convention collective le calcul des indemnités de rupture doit-il être fondé ? Le salarié est-il en droit de revendiquer le bénéfice de la plus favorable ?

• - Lorsque l’employeur nominal est l’objet d’une procédure collective, si l’AGS a fait l’avance aux salariés de salaires et d’indemnités, est-elle en droit de se retourner contre le(s) coemployeur(s) ? Le sujet est controversée en raison de l’apparence limitative de la liste des actions dont la loi envisage l’exercice par l’AGS (art. L.3253-16 C. Trav. ; v. G. Loiseau, JCP S. 2013, n°1439). Un autre auteur préconise de fonder cette action sur la répétition de l’indû (G. Auzero, JCP S. 2013, n°1440).

• - En cas de licenciement collectif, le coemployeur n’est-il pris en compte qu’au travers de ses « moyens » à l’aune desquels la suffisance du PSE doit être appréciée ? Est-il co-débiteur des engagements contenus dans le PSE ? Peut-il/doit-il participer à sa négociation ? La décision de la DIRECCTE lui est-elle opposable même si elle ne lui a pas été notifiée?

4./ Le co-employeur est-il responsable des actes de l’employeur nominal sur le fondement du contrat de travail ou à titre extra-contractuel (Soc. 15/2/2012, n°10-13897)? Est-il co-débiteur conjoint, solidaire, in solidum ? Jusqu’à présent, la Chambre Sociale n’a pas eu à se prononcer sur ce point; elle a jugé simplement, en cas de licenciement économique, que « chacun (des coemployeurs) doit en supporter les conséquences... » (Soc. 28/9/2011, n°10-12278, Metaleurop n°2).

5./ Le jugement produit un effet déclaratif : « Chacun des co-employeurs devait indemniser les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse, peu important que la qualité de co-employeur n'ait été reconnue qu'après les licenciements, dès lors que cette situation existait au moment de leur mise en oeuvre » (soc. 12/9/2012, n°11-12343, Metaleurop n°1). Conclusions

• Pour la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, la notion de co-emploi semble n’être qu’un moyen de sanctionner des comportements pathologiques, voire quasi-délictueux : « Celui qui méconnaît ainsi la nécessaire autonomie juridique de la société employeur, fût-elle sa filiale, c’est-à-dire sa capacité d’agir par elle-même, ne peut alors se cacher derrière le voile de la personnalité morale pour se soustraire aux conséquences sociales de ses agissements » (cf. Bailly, in SSL n°1600).

• Le « co-emploi » ne devrait-il pas traduire simplement l’appréhension du véritable auteur des décisions qui affectent une relation de travail subordonné lorsque ce décideur n’est pas l’employeur direct ?

• Que faut-il entendre, en effet, par « nécessaire autonomie juridique de la société employeur » ? Une norme, une présomption ? Cette formule ne dénote-telle pas une vision erronée des « groupes ». Comme s’il s’agissait de « groupements » de personnes autonomes et libres.

• Cependant, en soi, la personnalité juridique d’une société ne dit rien de son autonomie réelle.

Surtout dans un contexte de banalisation de l’organisation des entreprises sous forme de groupes. Au contraire, lorsqu’une société est contrôlée par une autre, c’est cette dernière qui devrait être présumée avoir le pouvoir de décision. Ceci est d’autant plus vrai depuis que les NTIC donnent à la société mère d’un groupe un pouvoir potentiel de pilotage illimité sur tout son groupe.

• Devraient donc, au moins, lui être imputées, sauf preuve contraire, et indépendamment de toute notion de faute, les décisions stratégiques, telles qu’un licenciement collectif ou, a fortiori, la cessation d’un soutien financier conduisant à un dépôt de bilan ou une cessation d’activité. A défaut, force serait de constater que l’organisation des entreprises en groupes de sociétés conduit à dissocier pouvoir et responsabilité.

Voir aussi

  • Trouver la notion co-emploi dans l'internet juridique français