Histoire du droit (ma) : Différence entre versions
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Version du 14 janvier 2005 à 03:08
Maroc
HISTOIRE, FONCTIONS, CONTRAINTES & PERSPECTIVES DU DROIT AU MAROC .
Sommaire
I. LHISTOIRE ET LEVOLUTION DU DROIT AU MAROC.
La présentation de lhistoire et de lévolution du droit, au Maroc, permet de dégager, à un moment de lhistoire un droit amazigh pluriel, un droit musulman et un droit « moderne » dessence occidentale. Du droit amazigh je retiendrai le droit rifain avant et pendant lavènement dAbdelkrim, mais au préalable il convient de sinterroger sur le rapport entre le droit et la société ainsi que sur lintérêt de lhistoire du droit.
===1. le rapport entre le droit et la société.=== Par définition, là où il y a la société il y a le droit, Ubi societas, ubi jus, et inversement là où il y a le droit il y a la société. Lhistoire du droit au Maroc est intimement liée à lhistoire de la société marocaine. Or, la société marocaine a connu des soubressauts divers, des structures multiples, des invasions, des cultures étrangères, Tout cela sest indéniablement répercuté et a rejailli sur lévolution, le contenu et la nature du droit.
2. Lintérêt de lhistoire du droit.
Lintérêt de lhistoire du droit est considérable pour qui veut connaître et comprendre lévolution de la société. La sociologie quant à elle nest pas en reste puisquelle nous permet de saisir et de comprendre ce quest la fonction du droit, ses rôles, sa raison dêtre,
Quel peut être aujourdhui lintérêt du droit ayant eu libre cours en pays amazigh ? La connaissance de ce droit est dabord historique certes mais aussi au delà de lhistoire cela nous permet de mieux comprendre notre passé, notre culture, de façon à mieux affronter et relever les défis de lavenir. Force est de dire que le droit amazigh est aujourdhui bien loin derrière nous au Maroc. Notons aussi que ce nest pas parce que ce droit est « amazigh » quil est forcément évolué ou meilleur. En ce qui concerne lévolution, vu ce quétaient les sociétés et tribus amazighes de lépoque, leurs droits ne pouvaient être ni bien évolués, ni moderne, ni développé.
Dans tout système juridique, on retrouve des éléments du droit passé, le droit positif en vigueur et les embryons du droit à venir. Au Maroc, à un moment donné de son histoire, le pays sest retrouvé avec un droit pluriel des pays Amazighs, un droit hébraïque, un droit musulman et un droit moderne dessence occidentale.
3. Le droit amazigh, le droit musulman et le droit « moderne ».
Entre le pays Siba et le pays Makhzen, on peut dores et déjà relever une dichotomie juridique. Et dans le Bled Siba lui même on peut relever en pays amazigh des tribus indépendantistes jalouses de leurs autonomies sociales et politiques et disposant de leurs propres corpus juridiques. Quelles sont les particularités et caractéristiques saillantes du droit amazigh : Des préceptes et règles simples coutumière ou même écrites.
La conquête musulmane du Maroc aura permis lintroduction du droit musulman. Notons cependant que le droit musulman ne sest jamais affronté à la coutume en pays berbère. Chaque fois que le droit musulman risquait de se retrouver en forte contradiction par rapport aux règles dusage en vigueur et ancrées en pays berbère, ce sont ces mêmes règles qui ont prévalu. Le droit musulman na eu droit de cité que pour autant quil était accepté et ne risquait pas dêtre contesté et remis en cause par la société.
4. Le droit rifain.
Emilio Blanco Izaga et David Montgomery Hart, chacun pour ce qui le concerne, ont pu nous rendre compte de ce quétaient au début du 20ème siècle le droit en vigueur dans certaines tribus du Rif. Quelles étaient les institutions les plus importantes à lépoque et comment se formait le droit régissant les rapports en société. La tribu, les alliances inter tribales, le marché « temple de la loi rifaine », lusage de leau,
Dans la tribu, lassemblée des paysans propriétaires, la « jmaat » établit le Canon avec les obligations et devoirs de chacun. Ce quil est permis de faire ou de ne pas faire, ainsi que les sanctions en cas dinfractions à la règle. Faut-il entrevoir dans la démocratie rifaine et dans le droit rifain de lépoque des séquelles du passage des romains, grands juristes sil en est ? Chaque « Jmaat » avait son propre code. La tribu quant à elle disposant dun canon de la mer, de celui des eaux, de celui de la chasse, outre le droit des alliances inter tribales.
A partir du moment où les règles sociales sont codifiées on délaisse le droit coutumier pour aller vers un droit écrit. Des codes simples, propres à telle ou telle tribu, ou des actes juridiques contractuels précisant les droits et obligations des différentes parties en présence et qui ont ceci de particulier quils recueillent lassentiment, le consentement direct ou indirect des concernés à travers des actes juridiques établis en langue arabe et retranscrits par des Adels.
5. Abdelkrim et le droit dans le Rif.
Toujours dans le Rif et au début du siècle dernier, Abdelkrim juriste de son état, une fois Émir de la confédération des tribus du Rif, révolutionna les structures dusage ainsi que le droit en vigueur dans le Rif. Lunification des tribus dans le cadre dune entité nouvelle ne pouvait manquer de se répercuter sur létat, la nature et la consistance du droit.
Le Rif ne connaissait pas de prisons avant Abdelkrim, ni les châtiment corporels, ni la peine de mort. Par contre les amendes, le bannissement, la saisie, la vendetta, lincendie des biens étaient sanctions dusage en cas dinfractions aux règles établies. Abdelkrim mis en place un droit nouveau prévoyant des sanctions inhabituelles : les amendes qui furent certes maintenues, côtoyèrent les peines dincarcération voire la peine de mort. Les gens navaient plus le droit de se faire justice eux mêmes et lautorité se faisait centralisée entre les mains du nouveau pouvoir. Lexpérience ne dura pas bien longtemps, mais elle fut dune grande utilité pour ceux qui allaient reprendre le pouvoir après Abdelkrim. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les réformes introduites par Abdelkrim servirent ladministration coloniale espagnole dans le Rif.
II. LES FONCTIONS DU DROIT ET LE DROIT FACE AUX CONTRAINTES ET CONTRADICTIONS.
Les fonctions du droit sont multiples et pas forcément celles apparentes à première vue. Le droit est intimement lié aux rapports intersociaux contradictoires qui lui donnent naissance et quil régit en retour. Enfin, le droit nest pas exempt de contraintes qui sont autant dentraves pour le développement économique, commercial, politique, culturel, civilisationnel, etc. Mais auparavant voyons ce quil en est de la relation entre le droit et les rapports intersociaux.
===1. Le droit et les rapports sociaux.=== Lorsque la société accepte un droit nouveau, lorsque la société ne remet pas en cause un droit nouveau cela signifie que les rapports sociaux ou intersociaux ayant donné et donnant naissance à la production de normes juridiques ont évolué. Ces rapports sociaux peuvent être des rapports économiques, des rapports de force, des rapports politiques, des rapports commerciaux,
2. Les fonctions du droit.
Le droit nest pas seulement un ensemble de règles qui régissent les rapports en société. Le droit est aussi le produit de rapports sociaux par définition contradictoires. Et la société a besoin de normes juridiques, précisément car les rapports sociaux ou intersociaux sont contradictoires. Si ce nétait la contradiction dans les rapports sociaux, le besoin quant aux normes juridiques devant régir ces mêmes rapports sociaux ne serait pas. Le droit a ainsi cette fonction ambivalente de représentation et doccultation des rapports sociaux lui ayant donné naissance. Lavènement du droit met entre parenthèse la contradiction qui lui donne naissance.
3. Le droit face aux contraintes et contradictions.
Lorsque létat du droit est dépassé par rapport à lévolution des rapports sociaux lui ayant donné naissance, il devient un problème, une entrave, une contradiction, un blocage au développement économique, commercial, politique, culturel et autres. Doù lintérêt de veiller à revaloriser, revoir, développer le droit en fonction de lévolution des rapports sociaux et des besoins et aspirations de la société du moment.
On nimpose pas un droit à une société indépendamment de la nature des rapports sociaux. Le droit est le produit de la société et de ses rapports sociaux. Cest la société qui donne naissance aux règles sociales qui en retour vont régir les rapports sociaux. Mais la société comme on le rappelait évolue et le droit qui la régit doit évoluer aussi en conséquences. Le droit qui névoluerait pas en fonction de lévolution de la société devient un frein, une entrave, lobjet de contradictions et de litiges et sujet à violations non pas comme faits isolés mais comme faits de société.
III. CONSIDERATIONS FINALES : ETAT ET PERSPECTIVES DU DROIT AU MAROC.
Pour connaître des perspectives du droit, au Maroc, il faut, au préalable, savoir ce quil en est de létat du droit.
1. Létat du droit, au Maroc.
Il convient de rappeler quavec lavènement du protectorat, dès les premières années, on assiste à un véritable foisonnement dans la production législative. Une véritable frénésie dans lélaboration des codes et textes. A contrario, le Maroc indépendant, et cela est bien regrettable, naura pas poursuivi ce rythme, ni maintenu lintérêt du protectorat en ce qui concerne le droit et la production législative. Pire, aujourdhui encore, nombre impressionnant de textes qui nont jamais été abrogé, amendé ou revus sont dépassés voire font allusion à des institutions qui nexistent plus. Les statistiques sur le volume des textes qui devrait être amendés, au point de vue de la forme, [ne parlons même pas du fond], sont impressionnantes : les deux tiers.
Le droit moderne et le rapport de lEtat au droit ne semble pas vraiment avoir de tradition institutionnelle digne de ce nom dans notre pays. Certes, on assiste à loccasion à la production dun grand nombre de textes législatifs et réglementaires, mais néanmoins avec beaucoup de retards et sans que les nombreux professionnels et universitaires marocains du droit soient mis à contribution ou sollicités.
2. Les perspectives du droit, au Maroc.
Le discours officiel retient comme un leit motiv la notion dEtat de droit. Mais par définition, tous les Etats sont des Etats de droit. LEtat cest le droit et inversement. Le problème est dès lors ailleurs. Quel droit pour quel Etat ? Ce qui dès lors pose la question de la réforme de lEtat, des institutions et du droit.
La réforme de lEtat et des institutions passe par la réforme du droit. Or, la place, lintérêt et lutilité du droit ne semblent pas encore avoir acquis leurs lettres de noblesse au Maroc. Le règne du droit suppose que le droit soit débarrassé de livraie, que les institutions soient à lécoute des évolutions sociales et des besoins de la société, que le droit saccommode des standards minimum de civilisation, que le droit soit adapté et revalorisé en fonction des évolutions et besoins,
Le droit positif en vigueur, au Maroc, ne fait pas lobjet dune adaptation systématique aux besoins et évolutions de la société. On se retrouve ainsi avec un droit « moderne » arriéré et dépassé. Le mimétisme juridique intervient souvent avec retards de surcroît pour certains aspect de la vie en société seulement.
Le Maroc a ces dernières décennies souvent exprimé son souhait dun rattachement à lUnion Européenne. Force est de noter que lune des conditions requises se trouve être une mise à niveau juridique, lharmonisation et luniformisation, notamment en matière de droit des affaires et de droits de lhomme. Il sied aussi de constater quil ny a pas de réel débat et encore moins de projet de réforme de lÉtat du droit et des institutions au Maroc.
Mimoun CHARQI. charqi@hotmail.com