Doctrine (fr) : Différence entre versions
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Version du 5 juillet 2006 à 10:02
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Sommaire
Définitions
Dans le fameux Vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant, dirigé par le Professeur Gérard CORNU, la doctine est définie en quatre points :
- « Doctrine
- Lact. docrina, de docere: enseigner.
- Opinion communémment professée par ceux qui enseignent le Droit (communis opinio doctorum), ou même ceux qui, sans enseigner, écrivent sur le Droit.[1]. En ce sens, doctrine s'oppose à juriprudence. V. doctrinal, autorité, source.
- Ensemble des ouvrages juridiques. Syn. littérature (mais c'est un germanisme du XXe s.).
- Ensemble des auteurs d'ouvrages juridiques. Syn. les auteurs, les interprètes (mais les tribunaux peuvent être compris dans les interprètes).
- En des sens restreints : opinion exprimée sur une question de Droit particulière. En ce sens, peut désigner les motifs de droit sur lesquels repose une décision de justice (ex. la doctrine d'un arrêt); conception développée au sujet d'une institution ou d'un problème juridique. En ce sens, peut désigner des une affirmation de principe émanent de gouvernants; ex. la doctrine Monroë en Droit international public. NB: il semble que les trois termes - thèse, théorie, doctrine - puissent se classer selon la généralité croissante de l'objet (une doctrine touche davantage aux principes, à la philosophie; ex. les doctrines du Droit naturel). V. raisonnement juridique, science, interprétation, technique juridique ».
Ces très riches définitions ouvrent des voies de réflexion, et suggèrent des développements sur les sources du droit, la méthode, la valeur et la portée de la doctrine. Des développements comparatifs montreront comment la doctrine est envisagée dans le monde.
Éléments historiques
La doctrine a réellement pris sa place à l'époque romaine, avec les plaidoyers de jurisconsultes, tels ceux de Cicéron au Ier siècle av. J.-C.[2], les consultations des deuxième et troisième siècles, reprises par Justinien (Institutes, 533, Digeste, 534 et Code, 534)[3], sans omettre Julien (codification de l'Édit du préteur, 131), Gaius, au IIe siècle, Papinien, en 212, Ulpien, en 223, et le Code Théodosien sous le Bas-Empire, en 438[4].
M. le Professeur François Terré, Membre de l'Institut, rappelle opportunément[5] que les bases du Code Napoléon, dans le Discours préliminaire de Portalis sont fondées sur le rapprochement des sentences des tribunaux et des doctrines des auteurs, lesquelles ne se confondant pas, et que selon l'éminent Jurisconsulte "c'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application". Il existe par ailleurs "un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines qui s'apure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires. Il est trop heureux que la jurisprudence (lato sensu)[6] forme une science qui puisse fixer le talent, flatter l'amour propre et éveiller l'émulation" [7]".
L'Ancien Droit français, n'en a pas moins laissé des empreintes après la Révolution, sous les plumes de Beaumanoir (Coutumes de Beauvaisis, 1283), de Jacques d'Ableiges (Le grand coutumier de France, 1380), de Dumoulin au XVIe siècle, de Pothier (1699-1772), ou encore d'écrivains et juristes tels que Beaumarchais et Montesquieu au XVIIIe siècle, pour ne citer que les plus célèbres.
Le XIXe siècle est naturellement marqué par les codifications napoléoniennes; le Code civil des Français est à ce point respecté que la doctrine en suit la lettre sans grande considération de la jurisprudence naissante. C'est le temps de l' Ecole de l'Exégèse[8], étudiant les articles du Code Napoléon pour en extraire, par cette méthode, des principes généraux. Cette fidélité au texte est lisible dans l'oeuvre de Troplong, de Toullier, de Demolombe ou de Laurent. Comme le note M. François Terré, bien que respectueux de la méthode interprétative, Aubry et Rau, dans leur Cours de droit civil (1838-1847), ces deux célèbres Professeurs sont parvenus à transcender l'exégèse pour construire des théories dont l'écho résonne encore en ce début du XXIe siècle.[9]
A l'ornière des XIXe et XXe siècles, la doctrine s'est désemparée du Code pour mieux investir les prétoires; ainsi sont apparues les "notes" ou "commentaires" d'arrêts, fondés non plus seulement sur la matrice juridique napoléonienne, mais enrichie par la sociologie, la philosophie, l'économie et le droit comparé, notamment[10].
Les auteurs contemporains ont fait de la "doctrine" un sujet à la mode: la doctrine écrit sur la doctrine. Les rédacteurs du Traité de droit civil, sous la direction de Jacques Ghesin, Introduction générale, préviennent que cette attitude peut sembler égocentrique[11]. Il faut en effet s'en défier et telle n'est pas la démarche entreprise dans cette contribution pédagogique.
Notion lato sensu de doctrine
Outre les ouvrages d'universitaires, il faut compter sur les travaux des magistrats[12], certainement moins bien répandus qu'aux États-Unis d'Amérique[13], par exemple, ou, suivant les préceptes d'Alexis de Tocqueville, le système constitutionnel confère aux juges un pouvoir équivalant aux pouvoirs exécutif et parlementaire, tandis qu'en France il n'est question que d' autorité judiciaire, réminiscence du rejet de l'Ancien droit et des arrêts de règlement (le juge législateur) que la révolution française a fait disparaître... dans une certaine mesure.
Il n'en reste pas moins que les arrêts de Hautes juridictions, surtout les arrêts de principe[14], les conclusions des avocats généraux ou autres membres du ministère public, celles des commissaires du gouvernement auprès du Conseil d'État, le plus souvent publiées, apportent énormément à la doctine[15].
Méthodologie
Quelle place la doctrine occupe-t-elle dans la hiérarchie des normes? Tout est question de méthode: pour certains, force est de constater qu'en aucun cas une doctrine, même majoritaire voire unanime, ne doit influencer le juge à moins qu'il ne s'approprie l'entier raisonnement du ou des auteur(s) l'ayant influencé[16] dans le respect de la loi. Contra: J. Ghetin et alii, "la doctrine est une source du droit", op. cit., op cit, n° 574 et s.Cela n'est pas infréquent, mais il faut "que la doctrine assume sa fonction d'oracle et d'augure du droit positif, afin de veiller à rendre le droit plus cohérent et mieux adéquat aux exigences sociales".[17]. En revanche, la doctrine peut être un "guide" pour les magistrats[18], ainsi que pour le législateur... au besoin pour l'empêcher de "nuire"[19], ou de l'aider à améliorer l'état du droit[20]. Le droit est une science plus qu'un art, même si de prestigieux auteurs signent des ouvrages d'une qualité rare dans les sciences humaines. Mais il s'agit d'une science approximative, en ce sens que la doctrine se préoccupe souvent de questions polémiques, et qu'elle prête à controverses[21].
Source du droit et force de loi
Affirmer que la doctrine est "source du droit" paraît assez hautain de la part d'auteurs de doctrine. Néanmoins, sans elle, des revirements de jurisprudence ainsi que des sources d'inspiration pour le législateur, plus modestement au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg, (loi sur les accidents de la circulation, 1985), tirée des prétoires et, avant eux, des recherches d'auteurs de doctrine. De fait, le Code civil du Québec de 1994 s'est essentiellement nourri de doctrine français, dont celle de J. Ghestin en matière d'obligations contractuelles. Pour M. F.Terré, "il n'en reste pas moins que la doctrine est consubstantielle au droit"Erreur de citation Clôture </ref>
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