Droit de réponse sur l'internet (fr)
Consacré par l’article 13 de loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse le droit de réponse permet à un individu dont le nom apparaît dans une publication d’obtenir une tribune pour exposer son point de vue. Ce droit se concrétise par la publication sur le même support d’un encart dans lequel il peut s’exprimer en réponse à la précédente publication dont il a fait l’objet. Comme son nom l’indique, l’utilité de ce droit est donc d’offrir à une personne mise en cause dans une publication le droit de répondre à cette mise en cause en exposant ses arguments en bénéficiant du même mode de communication qui a antérieurement été utilisé à son encontre. Initialement prévu pour le droit de la presse, il a ensuite été étendu à d’autres médias : l’audiovisuel avec la loi du 29 juillet 1982 et internet avec la loi du 21 juin 2004.
L’étude de ces trois textes font apparaître une certaine continuité dans l’exercice du droit de réponse. En effet même si il est à chaque fois adapté au média en cause, les différents modes d’exercices du droit de réponse restent assez similaires sur certains points essentiels (responsabilité, délai pour agir), en particulier pour le droit de réponse sur internet qui reprend quasi intégralement le régime du droit de réponse de la presse papier.
L’internet est pourtant un média bien particulier car beaucoup plus accessible que la presse papier ou le domaine audiovisuel. Il est également très facile d’y publier un contenu, en particulier écrit, dans lequel on peut associer des propos orduriers et une personne nommée. La jurisprudence a refusé d’appliquer le droit de réponse réservé à la presse ainsi que celui destiné à l’audiovisuel en estimant que les dispositions de ces lois ne sont pas adaptées à la communication au public en ligne. Le législateur est donc intervenu pour combler de nombreux vides juridiques relatifs à internet avec la « loi pour la confiance dans l’économie numérique » (souvent désignée par l’acronyme LCEN) qui va prévoir un droit de réponse spécifique pour les infractions du droit presse commises en ligne.
Sommaire
Le droit de réponse dans la loi du 29 juillet 1881
La mise en place d’un cadre législatif
La loi du 29 juillet 1881 a mis en place les bases du droit de réponse qui seront plus tard reprises pour le droit de réponse dans l’audiovisuel puis sur internet. Elle pose ainsi les fondements du droit de réponse sur trois points : les infractions commises par voie de presse, la responsabilité de ces infractions et enfin le mode d’exercice du droit de réponse.
Les infractions commises par voie de presse
Elles sont décrites dans le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881. Outre la provocation aux crimes et aux délits (§1) ainsi que les délits contre la chose publique (§2), on y trouve l’infraction qui va permettre la mise en œuvre du droit de réponse : le délit contre les personnes (§3). Le délit contre les personnes est prévu par l’article 29 de la loi de 1881. Il peut s’exprimer de deux façons toutes deux décrites par l’article. Ainsi le fait d’ attribuer une action ou un discours susceptible de porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne constitue un acte de diffamation. L’injure quant à elle se caractérise par des termes irrespectueux ou humiliants qui eux ne renferment aucune attribution de faits. L’amende prévue pour les délits contre les personnes est de 15000 euros d’amende lorsque ces délits visent un particulier, l’amende peut augmenter jusqu’à atteindre 45000 euros lorsque sont mis en cause une ethnie ou une population clairement désignée (l’amende est alors assortie d’une peine de prison d’un an maximum).
La responsabilité des infractions commises par voie de presse
Elle résulte d’un système original puisque ce n’est pas le responsable de l’écrit litigieux qui sera directement retenu comme responsable. En effet l’article 42 de la loi de 1881 désigne le directeur de publication comme auteur principal du délit ou du crime résultant de la publication d’un contenu illicite par voie de presse. L’auteur lui ne sera poursuivi que comme complice. Ce régime de responsabilité dérogatoire au droit commun a pour nom responsabilité en cascade et il oblige le directeur (ou le co-directeur) de publication à veiller à ce qu’aucun contenu publié ne tombe sous le coup de la loi pénale.
C’est également au directeur de publication qu’échoit la tâche de faire publier le démenti, et ce dans les trois jours (24h durant les période d’élection) qui suivent la réception du courrier de la personne mise en cause sous peine de devoir payer une amende de 3700 euros, et ce « sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l'article pourrait donner lieu ».
En cas de refus de citation, le tribunal compétent peut statuer en dix jour sur l’obligation d’insertion et même la déclarer exécutoire sur la minute. En cas d’appel, les juges du fond ont dix jours de délai pour statuer.
la mise en œuvre du droit de réponse
- les bénéficiaires :
Sont visés toutes les personnes ou corps désigné ayant fait l’objet de diffamation ou d’injure au sens de l’art 29 de la loi de 1881. Le droit d’agir est également ouvert aux associations luttant contre le racisme et l’esclavagisme, or les cas ou la personne visée individuellement par des propos outranciers envers ses origines ou son appartenance à une ethnie le refuse.
- la mise en œuvre concrète :
Le droit de réponse présent dans la loi de 1881 est destiné à la presse papier. Ainsi l’article 13 vise les journaux ou les périodiques quotidiens ou non quotidiens.
L’exercice du droit de réponse répond à un formalisme strict : la réponse devra être publiée dans la même publication et sous la même forme que l’article litigieux. La réponse peut occuper plus d’espace que l’article mis en cause, dans une limite de deux cent lignes.
Le délai pour agir est de trois mois à compter de la publication du contenu illicite. La loi du 15 juin 2000 a opéré une unification des délais en la matière. En effet le délai pour agir était initialement d’un an pour les publications périodiques et trois mois pour les infractions de presse.
Le droit de réponse dans la loi du 29 juillet 1982
Le droit de réponse destiné à l’audiovisuel est sensiblement identique au droit de réponse prévu pour la presse papier. Il bénéficie tout de même de modifications mineures pour adapter le droit de réponse au mode de diffusion de l’information.
Mise en œuvre
Le droit de réponse prévu pour l’audiovisuel doit se faire dans des conditions techniques équivalentes au contenu diffusé en premier lieu. La réponse ne peut donc pas excéder la longueur du message incriminé (article 6).
Le délai de trois mois de présentation de la demande d’exercice du droit de réponse peut être renouvelé si il apparaît qu’une personne désignée comme coupable lors d’une procédure pénale a été par la suite blanchie. Le nouveau délai commencera à courir à partir de la décision de relaxe ou d’acquittement
Si le directeur de publication ne donne aucune réponse dans les six jours après réception d’une demande, la personne citée dans un message peut saisir le tribunal compétent qui doit statuer sur cette demande dans les six jours (vingt-quatre heures en période électorale).
Responsabilité du message
Comme dans le droit de la presse, le droit de l’audiovisuel prévoit qu’un directeur de publication doit être nommé au sein de l’entreprise de communication audiovisuelle afin que soit mis en œuvre le régime de responsabilité dit « en cascade ». Une différence notable toutefois : si le directeur de publication est un parlementaire (de ce fait couvert par l’immunité parlementaire prévue à l’article 26 de la constitution, il doit obligatoirement désigner un co-directeur de publication.(art 93-2)
Le droit de réponse dans la loi LCEN du 21 juin 2004
Après avoir été adapté à l’audiovisuel, le droit de réponse va être inséré dans la loi du 24 juin 2004 pour pouvoir être appliqué à internet. Le web, de par ses caractéristiques, emprunte aux deux régimes précédant sans toutefois y correspondre parfaitement. Une décision du TGI de Paris (5 juin 2002) écarte en effet l’application de l’article 13 de la loi de 1881 à internet car internet ne revêt pas, de par sa nature, de caractère périodique. Le tribunal écarte également le régime de la loi de 1982 qui constate que la communication sur internet ne peut se voir appliqué les conditions matérielles de diffusion de la réponse dans le régime audiovisuel, l’internet se rapprochant plus de l’écrit dans ce domaine. Le législateur a donc inséré dans la loi du 21 juin 2004 un article 6 qui prévoit un droit de réponse destiné à internet.
Une filiation directe avec la loi de 1881
Le droit de réponse sur internet présente en effet de fortes similitudes avec la mouture réservée au droit de la presse, ceci étant du au fait que dans les deux cas le droit de réponse s’exerce par un écrit en réponse à un autre écrit.
- Tout d’abord le droit de réponse vise «Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne», formulation similaire à la loi de 1881. Cette formulation permet l’exercice du droit de réponse sur un blog si ce dernier est ouvert au public. Dans ce cas le responsable du blog est assimilé au directeur de publication
- Les infractions de presse présentes dans la loi de 1881 ainsi que les procédures pour sanctionner ces abus sont applicables aux infractions de presse commise par voie de communication électronique au public en ligne.(art 6-V)
- On peut relever que le droit de réponse sur internet bénéficie de la même capacité d’extension du droit de réponse ( «sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service»), chose impossible dans le droit de réponse audiovisuel.
- Les similitudes sont également présente dans la désignation d’un responsable ainsi que dans le mode de mise en œuvre du droit de réponse. Le directeur de publication est ainsi toujours responsable du contenu et c’est également lui qui doit répondre sous trois jours à la demande en droit de réponse. Le refus injustifié étant puni de 3750 euros d’amende. L’insertion de la réponse est toujours gratuite.
- Le délai pour exercer son droit de réponse est de trois mois, reconductible pour la même durée si le site ne satisfait à des conditions d’identifications prévues par l’article 6 VI de la LCEN (nom de la soc qui édite le site, dénomination sociale ect). [1]
Ce délai commence à courir au jour de la mise en ligne du message litigieux. Le point de départ initialement prévu était le jour de la supression du message mais le Conseil Constitutionnel a déclaré lors de l’examen de la loi que cette disposition contrevenait au principe d’égalité [2] .
- Le décret du 24 octobre 2007 apporte des précisions sur l’exercice du droit de réponse sur internet. Il prévoit, dans son article 1er, que le droit de réponse en ligne ne peut s’exercer lorsque « les utilisateurs sont enmesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu’appelle de leur part un message qui les met en cause ».(chat sans modérateurs par exemple)
- La principale différence entre le droit de réponse pour la presse et celui de la loi LCEN réside dans l’absence de l’exigence de périodicité pour le droit de réponse sur internet ainsi que la durée de la réponse sur internet, qui dure tant que le support (le site ou le blog) est en ligne.
Le professeur Lepage (CF article) estime que «la loi du 29 juillet 1881 n’en finit pas de faire preuve d’une remarquable capacité d’innovation technologique», on ne que lui donner raison lorsqu’on regarde les dispositions de la loi du 21 juin 2004 qui sont pour la plupart une transcription fidèle du droit de réponse contenu dans la loi du 29 juillet 1881 tout en prenant en compte la spécificité d’internet.
Liens
-http://www.acrimed.org/rubrique38.html
-http://www.journaldunet.com/juridique/juridique060620.shtml
Textes
-Loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse
-Article 26 de la constitution
Notes
- ↑ C.App de Paris, 9 octobre 2009
- ↑ Décision n° 2004-496 DC, 10 juin 2004
Références
- LEPAGE (A).,Le droit de réponse sur l’internet et la loi de 1881: entre émancipation et filiation, in Légicom,n° 35, janvier 2006, p 91 à 97, 2006.
- KESSLER (G)., Aspects juridiques du blog, in Recueil Dalloz 2006, p.446,2006.