Introduction Contrats informatiques allemands
Allemagne > Droit des contrats (de) > Droit des contrats informatiques
Sommaire
Définition du sujet
Il nexiste à proprement parler pas de contrats informatiques, mais des contrats « qui intéressent le secteur de linformatique1 », « relatifs à linformatique2 » ou concernant la réalisation de prestations informatiques3. En droit allemand, comme en droit français, il revient au droit commun de régler les problèmes posés par ces contrats, qui sont la plupart du temps des problèmes classiques4.
Les contrats passés par ladministration en droit allemand sont en principe soumis au droit privé5, les exigences en matière de marchés publics étant établies par voie de règlement6. Nous nexaminerons pas ces règles, ni en droit français, ni en droit allemand. Toutefois, nous nous référerons aux règles posées par le Ministère fédéral de lIntérieur pour les contrats informatiques passés par ladministration. Ces contrats doivent respecter les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques (EVB-IT)7 et les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard (EVB-IT Pflege S)8. Attestant de la similitude des problèmes posés par les contrats informatiques avec ceux du droit de la construction9, ces conditions sont dérivées des règles posées en matière de droit de la construction. Ce sont en premier lieu les conditions contractuelles particulières (BVB) instituées depuis 197210. Ces dernières ont été complétées par les conditions contractuelles complémentaires (EVB), puis par les EVB-IT, elles-mêmes entrées en vigueur le 1er mai 2002, puis ont été complétées par les EVB-IT Pflege S, entrées en vigueur le 1er mars 2003.
Linfluence sur la pratique de ces contrats-types est limitée. Les EVB-IT ont été négociées avec lindustrie informatique et montrent une bienveillance certaine à légard du cocontractant de ladministration11. Elles sont de ce fait peu employées entre entreprises. Par contre, leur utilisation est rendue obligatoire pour ladministration en vertu du règlement sur les marchés publics concernant les prestations, dans sa version du 17 septembre 200212. Ladministration ne peut sen écarter que dans des cas exceptionnels bien délimités et doit motiver sa décision13. Ces contrats-types font donc partie intégrante de la pratique. Leur modification récente est une conséquence des importantes réformes du droit allemand.
En droit français, les règles applicables aux contrats informatiques sont contenues dans le Code civil et le Code de la propriété intellectuelle. En droit allemand, les règles concernant les contrats informatiques se trouvent dans le Code civil allemand (BGB), la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins (UrhG) et le Code du commerce allemand (HGB)14.
Enfin, il faut prendre en compte le droit de la Communauté européenne, quil sagisse de la directive C 91/4 du 14 mai 1991 sur la protection juridique des programmes dordinateur, de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive 2001/29/CE du 22 juin 2001 sur lharmonisation de certains aspects du droit dauteur et des droits voisins dans la société de linformation, de la directive 1999/44 du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.
Ces directives ont une grande influence sur les droits nationaux des États membres de la Communauté européenne. La question de loption pour la « grande solution », cest-à-dire la modification en profondeur du droit civil, lors de la transposition de la directive sur la vente des biens de consommation se pose en droit français15. Cest celle du législateur allemand16. De même, la proposition de directive sur la brevetabilité des inventions mises en uvre par ordinateur pourrait amener des changements dans la protection du logiciel.
Les réformes récentes en droit allemand
Le droit allemand des contrats informatiques a été modifié par une réforme du droit des obligations, et par ladoption dune loi sur lamélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes. Ces deux réformes étaient préparées depuis longtemps. Elles tendent toutes deux à protéger la partie la plus faible, et qui peut être selon les cas lacheteur17 ou lauteurdune uvre18.
La réforme du droit des obligations
La réforme du droit des obligations, proposée depuis longtemps19, a été rendue nécessaire par lobligation de transposer la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Au cas contraire, « un droit particulier à la vente entre professionnels et consommateurs se serait rajouté aux différents droits de la vente existant, au nombre de trois : le droit de la vente du BGB, les règles complémentaires applicables aux ventes commerciales posées par le Code de commerce et le droit applicable aux ventes internationales des marchandises issu de la Convention de Vienne20 », et ce droit ne se serait pas bien intégré au droit existant21. Cest grâce à limpulsion donnée par la directive relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation que des normes consacrées aux groupes de contrat ont été introduites dans le BGB22.
Le droit civil allemand a été rendu plus lisible23. Des lois importantes pour le droit civil ont été intégrées au BGB : la « loi sur les conditions générales daffaires » (AGB), la loi sur les contrats conclus à distance (Fernabsatzgesetz), De même, des institutions prétoriennes ont été intégrées dans le BGB : culpa in contrahendo, « violation positive de créance » (pVV), « disparition du fondement contractuel » (Wegfall der Geschäftsgrundlage), l« action exercée par un cocontractant par une partie qui a agi pour le compte de tiers » (Drittschadenliquidation) et le « contrat en faveur de tiers » (Vertrag zugunsten Dritter).
Le droit applicable aux cas d« inexécution des prestations contractuelles » (Pflichtverletzung) laisse la place à un principe général sanctionnant la violation des obligations contractuelles24. En cela, le droit allemand se rapproche de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM)25. Il sen rapproche à un autre point de vue, puisque la conception du défaut ressemble fort à celle de lart. 35 de la CVIM26. Lapplication de leur droit national par les fournisseur allemands était préférée à celle de la CVIM parce que plus favorable au vendeur27. Selon Mme le Ministre fédéral de la justice, à linverse, la similarité des deux droits devrait contribuer à une application plus fréquente du droit allemand, puisque celui-ci est devenu plus accessible aux cocontractants étrangers28. Quoi quil en soit, le droit national reste applicable en matière de ventes internationales de marchandises, notamment en ce qui concerne le droit de la prescription.
Le droit de la prescription a été réformé, ce qui avait déjà été prévu quatre ans auparavant lors de la réforme du droit commercial29. Le délai de droit commun de la prescription du [Code civil Art.195 (de) |§ 195 BGB] est passé de trente à trois ans. En matière de vente de choses autres que les immeubles, le délai est de deux ans (§ 438 al. 1er n° 3 BGB) à partir de la délivrance (§ 438 al. 2 BGB). Laction issue dun contrat dentreprise portant sur un ouvrage autre quun immeuble est de deux ans à compter de la réception ou de la découverte du vice. Un délai spécial de deux ans est prévu par le BGB, entre autres, pour les commerçants (§ 196 n° 1)30.
De manière générale, la position de lacheteur est renforcée par la réforme. Le même souci a inspiré limportante réforme du droit de la propriété littéraire et artistique31.
La réforme du droit de la propriété littéraire et artistique
La loi sur lamélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes sest fait longuement attendre. Les rédacteurs de la loi de 1965 sur les droits dauteurs et les droits voisins avaient préconisé ladoption dune loi tendant à renforcer la position de lauteur aliénant ses droits32. Étant donné la différence de puissance entre les parties, les contrats conclus avec les artistes tendent à dépouiller ces derniers de leurs droits dexploitation sans juste contrepartie33. Cest pourquoi la nouvelle version de la loi sur le droit dauteur dispose en son § 11 phrase 2 qu « il [le droit dauteur] sert également à garantir une rémunération proportionnée à lutilisation de luvre ». Les nouveaux §§ 32 et 32a UrhG créent des actions, lune exercée ex ante, lautre ex post, afin de demander à lutilisateur une indemnisation proportionnée à lexploitation de luvre. Une autre réforme a admis la licéité des dispositifs techniques de protection dune uvre et sanctionne le fait de retirer intentionnellement ces protections.
Annonce du plan
En Allemagne et en France, la doctrine est divisée sur la qualification du logiciel. Pour les uns, le logiciel serait immatériel et le seul régime alors applicable serait la protection du droit de la propriété intellectuelle ou celle du droit de la propriété industrielle. Pour les autres, luvre intellectuelle est une chose qui peut faire lobjet des contrats classiques du droit civil. Le droit allemand sest prononcé pour la seconde solution, en qualifiant de chose matérielle le logiciel au sens du droit civil. On lui applique par conséquent le droit de la vente, plutôt que celui dun contrat sui generis ou celui du contrat dentreprise. Nous verrons que le droit français a du mal a établir une solution aussi claire.
Dans une première partie, nous présenterons les règles générales applicables aux contrats informatiques, en étudiant la partie générale du BGB et la qualification du logiciel, puis, dans une seconde partie, nous verrons la réforme du contrat de vente et celle du contrat dentreprise.
- M. Vivant, C. Le Stanc, L. Rapp, M. Guibal, J-L. Bilon, Lamy droit de linformatique et des réseaux, Éditions Lamy 2000, n° 749.
- Ph. Le Tourneau, Théorie et pratique des contrats informatiques, Dalloz, p. 2.
- C. Zahrnt, Vertragsrecht für IT-Fachleute, 5e éd., Heidelberg, Hütig 2002, p. 1.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 1.
- Sur le contrat de droit public en droit allemand, v. C. Autexier, Introduction au droit public allemand, Puf 1997, p. 257, n° 246.
- Bekanntmachung der Neufassung der Verdingungsverordnung für Leistungen (VOL), Bundesanzeiger du 20 novembre 2002, n° 216a.
- Conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a.
- Conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard, Bundesanzeiger du 22 mars 2003, n° 57a.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 7.
- Instructions dutilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a, p 1.
- N. Müller, lors dun séminaire sur le thème : « Einführung in das EDV-Vertragsrecht anhang der anwaltlichen Begleitung eines EDV-Projektes », organisé par MM. C. Paulus et R. Pawlak, Humboldt Universität, Berlin, 2003. Ces propos sont rapportés sous réserve de leur bonne compréhension.
- V. note&nsp;6.
- Instructions dutilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, loc.cit.
- C. Zahrnt, op. cit., p. 1.
- P. Jourdain, Transposition de la directive sur la vente du 25 mai 1999 : ne pas manquer une occasion de progrès, D. 2003, point de vue, n° 1, p. 4.
- H. Däubler-Gmelin, Die Entscheidung für die so genannte Große Lösung bei der Schuldrechtsreform, NJW 32/2001, p. 2281.
- Cl. Witz, La nouvelle jeunesse insufflée par la réforme du droit des obligations, D. 2002, I, p. 3159.
- BT-Druck, Entwurf eines Gesetzes zur Stärkung der Vertraglichen Stellung von Urhebern und ausübenden Künstler, 23 novembre 2001, 14/6433, p. 7.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.
- Cl. Witz, op. cit. p. 937.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.
- J. Bauerreis, Laction récursoire dans les chaînes de contrats : aspects de droit interne et de droit international privé, RIDC 4/2002, p. 991.
- H. Brox/W.-D. Walker, ""Schuldrecht Besonderer Teil des BGB"", 28e éd., Verlag C.H.Beck 2003, p. LXIV.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2284.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2287.
- Cl. Witz, op.cit."", p. 3159.
- C. Zahrnt, op. cit., p. 27.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2289.
- H. Däubler-Gmelin, op. cit., p.énbsp;2282.
- Concernant les critiques que lon peut adresser au nouveau droit allemand de la prescription, Cl. Witz, Les nouveaux délais de prescription du droit allemand applicables aux ventes internationales de marchandises régies par la Convention de Vienne, D. I, p. 2860 et s.
- V. note 18.
- V. note 18.
- V. note 18.