Droit des sûretés (fr)
Le droit des sûretés est un droit de léquilibre entre ceux qui financent lactivité et ceux qui ont consenti une sûreté. Il y a une création de nouvelles sûretés par le législateur mais aussi par les praticiens. Parfois le législateur supprime des sûretés.
Sommaire
Les principes essentiels du droit des sûretés
Principe de laccessoire
Toute sûreté est laccessoire de la créance quelle garantit. Il nexiste pas de définition légale ou jurisprudentielle de laccessoire mais on relève plusieurs caractéristiques :
- Laccessoire en soi nexiste pas, cest une relation entre deux éléments : laccessoire et le principal (laccessoire étant affecté au service du principal).
- Laccessoire sajoute au principal : cest une sorte de position indépendante entre lindépendance totale et lintégration au principal.
- Laccessoire est incomplet en lui-même ou par un acte de volonté le principal doit exister.
Il ny a pas de définition légale ou jurisprudentielle de la sûreté doù une recherche des caractères communs aux différentes sûretés :
- Confère un droit dagir : le droit de rétention nest pas une sûreté (Com. 20/05/97)
- La sûreté implique laffection, à la satisfaction dun créancier, dun bien, dun ensemble de biens ou dun patrimoine.
- La sûreté améliore la situation du créancier qui en bénéficie, sajoute aux droits puisés dans le contrat de base.
- La mise en uvre de la sûreté à pour effet lextinction totale ou partielle de la créance garantie.
- La sûreté est fondamentalement accessoire. Le régime de la sûreté suit celui de la créance, ce qui entraîne deux conséquences négatives pour le créancier : si la créance séteint, la sûreté disparaît et le donneur de sûreté doit pouvoir opposer au créancier toutes les exceptions que le débiteur principal peut opposer.
Ces principes connaissent aujourdhui des limitations par lapparition de nouvelles formes de sûretés.
La créativité jurisprudentielle face à lextinction de la sûreté à titre accessoire
Les professionnels sot parfois obligés de souscrire une garantie assortie dune garantie bancaire. Mais quand il y a des procédures collectives, les clients ne déclarent souvent pas leurs créances en temps voulu, la créance devrait alors être éteinte. Cest une question délicate qui connaît des réponses changeantes et divergentes. Cass. Ass. Plen. 4/06/99 : cette garantie professionnelle est une garantie autonome qui survit à lextinction de la créance garantie. Cette décision créée donc une nouvelle sorte de sûreté.
La créativité de la pratique face à lopposabilité des exceptions
La pratique bancaire a créé la garantie à première demande : en droit international cest le substitut dun dépôt de garantie. Le créancier accepte de renoncer au dépôt en contrepartie il bénéficie de lengagement dune banque de verser ce dépôt à première demande de sa part : il y a inopposabilité des exceptions (Com. 30/01/2001). On note un développement de la garantie à première demande dans les relations purement internes. Dans cette hypothèse, la distinction avec le cautionnement est souvent difficile à faire car la somme garantie est la totalité de la dette. La jurisprudence récente apporte des éléments de réponse : pour quil y ait garantie à première demande, le garant doit avoir expressément renoncé à opposer des exceptions tirées du contrat principal, mais il est disqualifié en cautionnement si lobjet de la garantie est défini par référence à ce que doit le débiteur principal (Com. 14/06/2000). Depuis Cass. 7/10/1997, la jurisprudence admet que la garantie à première demande puisse faire référence à lopération juridique à loccasion de laquelle elle a été donnée (Com. 18/05/1999 et Com. 30/01/2001)
Principe de proportionnalité
Il se manifeste différemment selon que la sûreté est réelle ou personnelle. Pour la sûreté personnelle, le principe se manifeste principalement au moment de la constitution de la sûreté alors que pour la sûreté réelle, le principe concerne principalement sa réalisation.
Proportionnalité et constitution des sûretés personnelles
Le principe est principalement invoqué pour le cautionnement. Il est apparu avec larticle L313-10 du Code de la Consommation qui interdit à létablissement de crédit de se prévaloir dun cautionnement quand il est conclu par une personne physique dont lengagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné par rapport à ses biens ou à ses revenus. Cette règle légale ne sapplique quau crédit à la consommation. La cour de cassation est intervenue dans un arrêt Macron (Com. 17/06/1997) et étends cette règle au cautionnement de la société par le dirigeant social, en réduisant lengagement à hauteur du patrimoine. Il sagit dune consécration du principe de proportionnalité en matière de cautionnement lors de la constitution de la sûreté.
=Proportionnalité et réalisation de la sûreté réelle
Le principe de proportionnalité veut que le débiteur ne subisse pas un préjudice disproportionné injustifié. Il existe un risque de spoliation dans deux hypothèses : lorsque le bien garanti est attribué en propriété au créancier alors que la valeur du bien est supérieure à la somme due, mais aussi lorsque la vente du bien ne permet dobtenir quun prix inférieur à la valeur réelle. Dans le premier cas, le débiteur est protégé par linterdiction du pacte commissoire (Art. 2078 Cciv) interdisant lattribution du bien sans contrôle judiciaire et sans avoir à reverser une soulte. Cette règle est justifiée par le caractère accessoire de la sûreté et concerne donc toutes les sûretés y compris les nouvelles fondées sur lexercice du droit de propriété : le créancier ne pourra pas conserver la propriété du bien sans évaluation du prix de celui-ci et sans devoir payer une éventuelle soulte (Com. 5/03/1996 pour la réserve de propriété). La règle na de sens que si la valeur du bien nest pas déterminée, dans lhypothèse contraire (somme dargent, ) il sagit dune simple compensation (Com. 17/11/1998 sur le chèque de garantie.) Dans le second cas, il existe un risque pour le débiteur lors de la vente aux enchères : la loi prévoit linterdiction de la clause de bois paré (vente à lamiable) qui exige une vente aux enchères publiques, mais la mise à prix est fixée par le créancier (cest en général la somme due), ce qui entraîne la possibilité que le bien soit à adjugé à une valeur dérisoire. Ce risque est pris en compte depuis quelques années : le créancier doit laisser au débiteur un délai pour rechercher un acquéreur à lamiable du bien. Cette règle a été introduite dans un décret du 21/05/1987 relatif à la location-vente par un consommateur, puis une loi du 9/07/1991 à fait de cette règle un principe général pour toutes les ventes forcées de meubles corporels. Dans un avis du 5/05/1995 la cour de cassation considère quen matière de gage de véhicule automobile, lancien article 93 du code de commerce est totalement abrogé par la réforme des procédures civiles dexécution. Cette règle sétends-t-elle aux saisies immobilières et aux sûretés immobilières ? Le problème sest posé lors des travaux préparatoires de la loi du 23/01/1998 relative à la protection des surendettés, le législateur na pas souhaité aller dans ce sens, mais il existe un autre mode de protection qui va dans le même sens : il est possible pour le débiteur de contester la mise à prix fixée par le créancier quand la vente concerne son logement principal, dans ce cas le juge fixe une nouvelle mise à prix en fonction de la valeur vénale de limmeuble.
Les nouvelles distinctions du droit des sûretés
Distinction de la préférence et de lexclusivité
Pendant longtemps, les sûretés réelles ont été basées sur le système de classement fixé par le législateur, en fonction du mérite des créanciers ou de la politique du crédit (par exemple : art. L621-32 Code de Commerce, article 98 de la loi du 25/06/1999 sur lépargne), cette conception est remise en cause par la multiplication des situations juridiques ou le créancier est en mesure, non seulement de primer les autres créanciers an concours, mais aussi dexclure tout concours, il se retrouve dans une position dexclusivité, ces situations sont multiples :
- Droit de rétention : la loi du 2/07/1996 créée le gage de compte dinstruments financiers et admet le droit de rétention sur un bien incorporel.
Action directe : comme celle accordée au sous-traitant (loi 31/12/1975) ou aux transporteurs routiers (loi 6/02/1998)
- Droit de propriété : les garanties fondées sur le droit de propriété ont vu leur efficacité renforcée et leur domaine accru :
renforcement des droits du crédit-bailleur,
*loi du 10/06/1994 sur la revendication sur les biens fongibles, *loi du 17/07/1996 prévoyant que la clause de réserve de propriété peut être stipulée unilatéralement par lacheteur, *loi du 1/01/1981 sur la cession Dally dont la jurisprudence a renforcé lefficacité : même conclu en période suspecte pour le paiement antérieurement contracté, elle échappe aux nullités de la période suspecte. (Com. 28/05/1996 pour les nullités obligatoire et Com. 26/04/2000 pour les nullités facultatives). Une limite a été posée par Com. 26/04/2000 : le jugement douverture de la procédure collective fait obstacle aux droits de la ?????? sur les créances nées de la poursuite dun contrat à exécution successive après le jugement douverture. *Le domaine dapplication sétends notamment pour le transfert de la propriété dun bien en garantie : la fiducie-sûreté. Loi du 31/12/1993, loi MAF du 2/07/1996 et loi 2/07/98 : se développe, pour quasiment tous les échanges interbancaires, le législateur fait référence à la fiducie sûreté, or ceci concerne des sommes considérables. La jurisprudence étends la fiducie-sûreté en dehors des textes : Cass. 1°Civ. 20/03/2001 admet une cession de créance de droit commun effectuée à titre de garantie. Concerne principalement les rapports entre professionnels.
La différenciation du particulier et du professionnel
La différence principale réside dans un choix différent entre les sûretés : les garanties nouvelles sont essentiellement utilisées entre professionnels, à linverse les garanties traditionnelles sont utilisées par les particuliers. Seul le cautionnement est donné par les professionnels et les particuliers, mais il existe quand même une différenciation car le régime juridique va évoluer : un dirigeant social ne peut pas invoquer la réticence dolosive de la banque alors que le particulier le peut, ce dernier peut aussi invoquer lincomplétude de la mention manuscrite ou le défaut de lobligation de conseil de la banque, (Com 23/06/1998 : faute du crédit-bailleur qui réclame un cautionnement à des profanes alors que lopération nétait pas viable : la banque est tenue dun devoir de conseil), une personne physique ne peut sengager solidairement que si la somme est déterminée. Cette différenciation peut parfois disparaître, par exemple en matière dobligation dinformation avec lextension des règles protectrices de la caution profane au profit de la caution dirigeant social : obligation du créancier davertir la caution de la défaillance du débiteur principal des le premier incident de paiement (article L313-9 du Code de la Consommation), le législateur létends à la caution du locataire pour le bail dhabitation. Les loi du 21/07/1994 et du 29/07/1998 contre lexclusion généralisent cette obligation, notamment en létendant aux cautions personnes physiques dune société.