Mississippi Burning (1988)
Droit et cinéma
Réalisé par : Alan Parker
Avec : Gene Hackman, Willem Dafoe, Frances McDormand, Brad Dourif, R. Lee Ermey, Gailard Sartain, Stephen Tobolowsky, Michael Rooker, Pruitt Taylor Vince, Badja Djola, Kevin Dunn, Frankie Faison, Tom Mason, Geoffrey Nauffts, Rick Zieff.
Sommaire
Résumé
L'action se juin 1964, à Jessup County, Mississippi.
Au cours de ce que l'on a appelé « l'été de la liberté », en 1964, des milliers de jeunes se rendent dans le Sud alors ségrégationniste pour aider les Noirs à s'inscrire sur les listes électorales. Parmi eux, James Chaney, un jeune Noir de 21 ans accompagné de deux jeunes juifs new-yorkais, Michael Schwerner, 24 ans, et Andrew Goodman, 20 ans. Les trois militants pour les droits civiques organisent une réunion dans une église de Philadelphia afin d'y inciter les noirs à se prévaloir de leurs droits civiques (à cette époque, seulement 5 % des noirs étaient alors inscrits).
En juin 1964, les trois militants disparaissent mystérieusement alors qu'ils étaient de passage à Jessup County dans le Mississipi.
Le FBI (police fédérale) dépêche alors sur place deux agents pour retrouver les corps. Deux fédéraux, personnages antinomiques, Rupert Anderson (Gene Hackman), le vieux flic, et Alan Ward (Willem Daffoe), seulement 3 ans d'expérience, sont en charge de l'enquête. Le film est traité sous l'angle de vision de chacun des deux policiers aux méthodes antagonistes.
Anderson qui est originaire d'une petite ville du Sud fait preuve de souplesse vis-à-vis des réactions des habitants de la bourgade où les noirs sont traités comme des moins que rien. Ward, venu du Nord, impétueux et respectueux des procédures d'investigations, ne tarde pas à comprendre l'horreur des coutumes de la région : peu de temps après avoir interrogé en public un jeune témoin noir, celui-ci est violement battu.
On se retrouve dans un monde où règne la terreur menée par un groupuscule de membres du Ku Klux Klan, une organisation raciste prônant la suprématie blanche. La violence, attisée par le Klan, règne dans la bourgade : des églises et des maisons sont brûlées, un homme est lynché.
Malgré leurs techniques différentes, Ward et Anderson sont prêts à tout pour découvrir l'effroyable vérité et faire appliquer la loi. Ward fait appel à d'importants moyens en hommes et organise des fouilles intensives.
Les agents soupçonnent le shérif Stuckey et son adjoint Pell d'être les incendiaires, mais celui-ci est couvert par sa femme. Celle-ci, écœurée par tous ces évènements et les agissements du KKK, se résout finalement à parler et révèle à Anderson l'endroit où se trouvent les corps des trois disparus. Les corps criblés de balles, sont finalement retrouvés dans une retenue d'eau, 44 jours après leur assassinat. Le maire commence alors à paniquer et donne des indications au FBI qui débouchent sur l'arrestation des coupables : Swilley, Cowens, Bailey, Stuckey et Pell.
Arrêtés sous un prétexte futile par la police locale (infiltrée par le KKK) le 21 juin 1964, les trois militants avaient été relâchés en pleine nuit avant de tomber dans une embuscade organisée par des membres du Ku Klux Klan cagoulés, sur la route de Philadelphia. Les trois jeunes hommes furent sauvagement lynchés et abattus par balles.
Après ces meurtres, près d'une vingtaine de membres du Klan, dont Edgar Ray Killen, furent interpellés. La Cour Suprême des Etats-Unis du alors statuer pour que le tribunal se saisisse du dossier. Sept personnes furent finalement condamnées en 1967 à des peines de prison, n'excédant pas six ans, pour « violation des droits civiques » des trois victimes. En effet, les jurés, composés de « petits blancs du Sud », étaient plutôt des sympathisants du Klan, les peines furent donc clémentes. Killen fut jugé mais acquitté car une des membres du jury refusa de le condamner du fait qu'il soit pasteur et qu'elle ne souhaitait pas condamner un serviteur de Dieu. Killen, alors employé de scierie était, en effet, pasteur baptiste à ses heures perdues.
Alan Parker offre, sur trame d'enquête policière, un film sans concession sur le Klan, sa loi du silence, son omnipotence, ses pressions et son enrôlement des petites gens d'un Sud raciste. Le film reçut un oscar en 1988 pour la meilleure photographie.
Cette affaire fut relancée en 1998 lorsque l'un des condamnés de 1967 mit en cause Edgar Ray Killen, permettant de rouvrir le dossier. Ce n'est donc que 41 ans après les faits, et grâce à la mobilisation d'associations antiracistes, que fut possible l'ouverture de ce nouveau procès, dans un Etat très conservateur où les blocages locaux sont forts.
Procès d'Edgar Ray Killen
Mercredi 15 juin 2005 :
Ouverture à Philadelphia du procès d'Edgar Ray Killen, âgé de 80 ans, ancien responsable du Ku Klux Klan, soupçonné d avoir organisé l assassinat des trois jeunes militants dans le Mississippi en juin 1964.
Killen avait déjà été jugé lors du premier procès, mais il avait été acquitté. Depuis, il y a eu quelques tentatives pour conduire en justice des responsables du Ku Klux Klan, sans succès, tant les pressions locales sont fortes. D'ailleurs, la plupart des jurés tirés au sort pour se second procès se sont défilés en prétextant des excuses professionnelles. Ils auraient subi des intimidations.
De plus, il a fallu requalifier le chef d'accusation, un criminel ne pouvant être jugé deux fois pour le même crime aux Etats-Unis. En effet, dans le droit pénal des États-Unis, qui a pour fondement la Constitution des États-Unis, le cinquième amendement établit le principe de « l'autorité de la chose jugée », qui fait qu'un accusé ne peut être jugé plus d'une fois pour le même délit par les mêmes autorités.
La première fois, le jugement s'est fait sur une « participation à des disparitions ». Lors de ce second procès, Killen comparaissait pour assassinat.
En France, la notion de prescription criminelle aurait pu être invoquée. La prescription criminelle correspond à la durée au cours de laquelle les poursuites doivent être menées à bien, le délai expiré (3 ans les contraventions, 5 ans les délits, 10 ans les crimes), il n est plus possible de poursuivre l auteur d un crime, il est alors exempt de toute condamnation.
Le jury de ce second procès était composé de quatre noirs et treize blancs. Le procureur, Mark Duncan, a demandé aux jurés de ne pas tenir compte du fait que l'accusé soit occasionnellement pasteur : « Nous sommes tous pécheurs, n'est-ce pas? Certains pires que d'autres », a-t-il déclaré. Il leur a également demandé de ne pas tenir compte de l'âge de l'accusé et du fait qu'il se déplace en chaise roulante. Killen ayant besoin d'un appareil d'aide respiratoire, la défense a mis en avant sa santé fragile pour accélérer les témoignages.
L avocat de l'accusé, Mitch Moran, a reconnu que son client fut membre du KKK, mais que cela n'était pas le sujet du procès. Pendant 41 ans, Killen a ainsi vécu tranquillement à quelques kilomètres du lieu du crime. Celui-ci a affirmé ne rien regretter, il n'a exprimé aucun remords et a choisi de plaider non coupable, risquant ainsi la peine de mort.
L'accusation a affirmé que Killen avait orchestré les meurtres. Cependant, les hommes qui ont assassiné les militants n'étant aujourd'hui plus en vie et la plupart des témoins de cette affaire étant décédés, les membres du jury ont dû essentiellement se contenter de témoignages posthumes pour se forger une opinion sur la culpabilité de l'accusé. De plus, Killen avait un alibi : le soir où a eu lieu l'embuscade sur la route de Philadelphia, celui-ci se trouvait dans une maison de pompes funèbres, ce qu'a confirmé l'ancien maire de la bourgade. Celui-ci a ajouté que le Klan avait malgré tout « fait de bonnes choses » en aidant les familles blanches dans le besoin.
Au cours du procès, Killen a du être hospitalisé après avoir eu un malaise lors du témoignage de Rita Bender, la veuve de Michael Schwerner, un des jeunes gens assassinés en 1964. Le procès s est tout de même poursuivi en l'absence de l'accusé.
Jeudi 23 juin 2005 :
Condamnation d'Edgar Ray Killen à trois fois vingt ans de réclusion (60 ans) pour l'assassinat, en 1964, des trois militants des droits civiques au Mississippi. Il a été reconnu coupable de « meurtres sans préméditation » à l'encontre des trois jeunes militants. L'accusation n'a pas réussit à convaincre les jurés qu'Edgar Ray Killen avait donné l'ordre de tuer. Non reconnu coupable d assassinat prémédité, il échappe à la peine de mort.
Il bénéficiera des mesures d'isolement prévues pour les détenus qui s'exposent à d'importants risques de représailles. L'avocat de la défense, James McIntyre, a déclaré que le jury est parvenu à un « compromis » sans reconnaître l'assassinat parce qu' « Il n'y avait pas de preuve pour meurtres avec préméditation ». Il a annoncé que son client allait faire appel. Killen est donc le premier et seul condamné pour meurtre dans cette affaire qui a bouleversé l'Amérique et a inspiré le film Mississippi Burning.
Avec la condamnation d'un homme de 80 ans, c'est la rupture avec un certain Sud que le procès a consacré, un Sud qui tentait jusqu'à ces dernières années d'effacer son passé ségrégationniste. Depuis 1989, la justice répare les « négligences » des années 1960. 22 procédures ont ainsi été rouvertes en Louisine, en Alabama, en Floride et au Mississippi.
L'Etat du Mississippi où l'esclavage et la ségrégation ont été importants et violents, a été avec l'Alabama, le cœur du Klan et le plus résistant à l'instauration de droits civils pour les Noirs. Le droit a permis une certaine évolution grâce aux lois sanctionnant les actes racistes. En revanche, les mentalités évoluent lentement, surtout dans les campagnes. Ainsi les structures sociales ont peu changées : les grands propriétaires terriens sont toujours blancs et les ouvriers, sous leurs ordres, noirs.
Depuis la fin des années soixante, la surveillance policière et judiciaire a porté atteinte au KKK qui est aujourd'hui explosé en petits groupes. Il s'agit désormais de groupuscules extrêmement divisés et composés de blancs pauvres. Aujourd'hui l'extrême droite américaine se compose de groupes, souvent paramilitaires, qui reprennent des thématiques nazies. Ils mènent parfois des actions violentes, comme l'attentat sanglant d'Oklahoma city en 1995. Le Klan fait parti de l'Histoire des Etats-Unis, les cagoules continuant à hanter la mémoire collective.
Parallèlement à cette affaire, le Sénat américain s'est officiellement « excusé », lundi 13 juin 2005, d'avoir renoncé à interdire explicitement les lynchages, crimes racistes qui ont fait quelque 4750 morts, pour les trois quarts des Noirs, entre 1881 et 1964. Le nombre des victimes pourrait même être estimé à environ 10 000 morts si on prenait en compte les victimes anonymes d'avant 1881. A l'image des complices de Killen, moins de 1% des responsables de lynchages ont été condamnés, selon une association ayant milité pour les excuses sénatoriales.
Le porte parole de la Maison Blanche a déclaré que « C'est un sombre et terrible chapitre de notre histoire », il a également souligné que dans la matinée le président George W. Bush avait expliqué à cinq chefs d'Etat étrangers reçus à la Maison Blanche : « nous travaillons à progresser au-delà de la part d'ombre de notre propre histoire ». La sénatrice de Louisiane, Mary Landrieu, une démocrate, a déclaré, quant à elle : « Le Sénat a trahi ces Américains, si nous voulons vraiment avancer, il faut reconnaître cet échec et en tirer un enseignement ».
Sources et liens externes
- « Mississippi Burning : Killen accusé 41 ans plus tard », Radio Canada, 13/06/05. Disponible à l'adresse suivante (date consultation le 29/06/05) :
- Document vidéo : « Joyce Napier explique que le crime hante l'État du Mississippi. »
- N'DIAYE, Pap : « Le Ku Klux Klan est un objet d'Histoire », NouvelObs.com, 14/06/05. Disponible à l'adresse suivante (date de consultation le 29/06/05) :
- « Crimes racistes : les USA s'excusent », NouvelObs.com, 16/06/05. Disponible à l'adresse suivante (date de consultation le 29/06/05)
- « Procès du "Mississippi Burning" : un jury sélectionné », NouvelObs.com, 17/06/05
Disponible à l'adresse suivante (date consultation le 29/06/05) :
- LESNES, Corine : « Au Mississippi, le meurtre de trois militants antiracistes, en 1964, a désormais un coupable », Le Monde, 23/06/05, p.4
- SOULE Anne-Laure : « E.R.Killen jugé coupable d homicides », La Croix, 23/06/05, p.20
- « Mississippi : trois peines de 20 ans de prison pour Edgar Ray Killen », Le Monde.fr, 29/06/05. Disponible à l'adresse (sur abonnement).
- Cinquième amendement et sur Wikipedia
- http://www.imdb.com/title/tt0095647
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