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Droit des entreprises en difficulté (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Version du 9 octobre 2008 à 19:48 par Maugis (discuter | contributions)

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Le droit des procédures collectives est aussi appelé « droit des entreprises en difficulté ».

Trois objectifs :

- la prévention des difficultés des entreprises par divers mécanismes mis en place avec plus ou moins de succès

- le traitement de la difficulté en elle-même (Guyon « le droit des procédures collectives est un droit pathologique, un droit de l’échec »)

- la sanction du chef d’entreprise qui doit ses difficultés financières à la fraude, à son incompétence ou à sa malhonnêteté

C’est un droit où l’on trouve une jurisprudence abondante et beaucoup de textes législatifs (réforme d’à peine deux ans qui devrait être elle-même bientôt réformée). Il comprend des interrogations fondamentales qui demeurent malgré l’intervention législative :

- quelle est la finalité exacte du droit des procédures collectives (faut-il sauver l’entreprise à tout prix ? est-ce raisonnable ? ou faut-il laisser une sorte de régulation naturelle se faire ? divergences doctrinales)

- à propos de l’organisation elle-même des procédures (les dépôts de bilan seraient trop tardifs ? prise de conscience de plus en plus rapide des difficultés par le chef d’entreprise ?), le système actuel de prévention n’est pas assez efficace mais on ne sait pas par quoi le remplacer.

- l’articulation de cette branche du droit avec les autres domaines juridiques (interactions avec le droit des sûretés et surtout le mécanisme du cautionnement avec l’écran moral de la société, avec les contrats spéciaux, les régimes matrimoniaux, les voies d’exécution, etc.) pose lui aussi certains problèmes. Donc ce droit a un caractère pluridisciplinaire.

Toutes les entreprises sont susceptibles d’avoir un jour des difficultés financières. Les premières touchées sont statistiquement les PME voire les très petites entreprises (TPE) car elles sont sous-capitalisées (fragilisée au premier incident de paiement). Cela ne veut pas dire que les grandes entreprises ne le sont pas (Alitalia en ce moment), et la médiatisation de leur difficulté les rend plus difficile à régler.

Il y a eu une évolution du droit des procédures collectives et surtout de la nature des difficultés survenant dans les entreprises. Avant, le plus souvent, c’était la mauvaise gestion ou les malversations du chef d’entreprise qui était en cause. Aujourd’hui, en plus de ces causes, on trouve des difficultés liées à des éléments beaucoup plus conjoncturels (climat économique). On est donc passés d’un droit de la sanction (qui sanctionnait le mauvais comportement du chef d’entreprise) à un droit beaucoup plus souple qui privilégie un maintien de l’activité, une sauvegarde de l’entreprise sans forcément sanctionner le chef d’entreprise.


A. L’évolution historique

Il faut savoir que le droit des procédures collectives a plusieurs finalités mais ces finalités ne sont jamais exclusives les unes des autres (aujourd’hui, on sauvegarde mais on sanctionne aussi). La matière est donc devenue très complexe car on ne peut jamais donner totalement satisfaction à des finalités antinomiques (si l’entreprise est sauvegardée, c’est souvent au détriment des créanciers, ou le contraire).

Ce droit est donc en perpétuelle évolution (une réforme tous les 20 ans environ + toute la jurisprudence qui se crée dans l’intervalle). Ex : des décisions sont encore rendues sous le visa de lois de 1967 ou de 1985. La réforme de 2005 donne 3 lois qui s’appliquent depuis le 1er janvier 2006, mais certaines affaires sont toujours pendantes. Aujourd’hui, un projet d’ordonnance existe (lequel n’aboutira pas forcément) donc le droit tel qu’il existe aujourd’hui évoluera sans doute bientôt.


Le droit des procédures collectives existe depuis bien longtemps. On le retrouve dans le droit romain où il y avait des espèces de voies d’exécution collectives. Il est aussi présent dans l’Ancien droit mais c’était un droit dérogatoire très corporatiste (élaboré par les commerçants et appliqué par eux), il donnait surtout lieu à des sanctions.

On le retrouve ensuite dans les foires (le commerçant insolvable est alors considéré comme un véritable délinquant avec les châtiments qu’on imagine). C’est de là que vient le terme « banqueroute » : les commerçants étaient assis sur des bancs lors des assemblées des foires et lorsque l’un d’eux n’était pas solvable, on cassait son banc. Dans certains endroits, on l’obligeait à porter un bonnet vert ou orange pour prévenir ses contractants éventuels. En Italie, il devait s’auto flageller devant ses pairs.


Lors de la naissance du code de commerce en 1807, ce droit reste très rigoureux. On ne connaissait à cette époque que la « faillite », seule procédure, qui consistait en la répartition des biens du commerçant entre les créanciers et cela d’une manière aussi égale que possible. L’entreprise disparaissait, la clientèle aussi, il n’y avait donc pas de redressement ni de continuation possible et le commerçant était incarcéré. Les droits du conjoint n’étaient pas du tout protégés et tous les biens du couple étaient concernés.

En cas de fraude, le commerçant était passible des travaux forcés. Du coup, cela avait des effets pervers : les commerçants en faillite cachaient leurs difficultés, leur insolvabilité, donc il n’y avait pas de prévention possible car lorsqu’elle était découverte, c’était trop tard. Paradoxalement, c’était un droit qui n’était pas du tout adapté dans la mesure où il ne faisait que sanctionner mais ne prévoyait rien pour l’avenir. Une fois que les créanciers avaient été désintéressés, le commerçant pouvait se réinstaller. C’était donc un droit sévère mais qui n’allait pas au bout de sa logique en prévoyant l’après faillite.

La procédure n’était pas du tout efficace pour les créanciers. Les créanciers nommaient un syndic dont l’honnêteté était souvent remise en cause car les créanciers versaient des pots-de-vin pour être servis en premier.


Par la suite, le droit des procédures collectives a suivi l’évolution du droit des sociétés. Elle a ensuite été le lot de la bourgeoisie d’affaires qui a œuvré pour faire disparaître les dispositions les plus sévères. Une loi de 1938 a adouci ces dispositions : le syndic n’était plus nommé par les créanciers mais par le juge donc on pouvait en attendre plus d’impartialité.

Après la crise 1929, on a vu un certain retour à la rigueur. Ex : un décret-loi de 1935 soumet au droit des PC les dirigeants des sociétés. Avant, seuls étaient concernés les commerçants personnes physiques. Finalement, ce droit-là était assez mal appliqué.

Une nouvelle réforme en 1958 ne dissociait pas le chef d’entreprise de l’entreprise elle-même et on a commencé à se rendre compte qu’on pouvait tout à fait remplacer le chef d’entreprise qui s’était rendu coupable de fraude ou de mauvaise gestion.


Le droit moderne des procédures collectives : loi du 13 juillet 1967 (quelques décisions sont encore rendues sous ce visa). Cette loi a mis en place plusieurs régimes qui sont les ancêtres de nos régimes actuels. C’est la première fois qu’on dissocie le sort de l’entreprise et le sort du chef d’entreprise débiteur. On va donc regarder si l’entreprise est viable, auquel cas elle ne disparaît pas (procédure pour la sauver), ou non (et là elle disparaît). D’autres critères subjectifs vont aider à qualifier le comportement du chef d’entreprise, certains sont encore utilisés aujourd’hui (bonne foi, fautes d’imprudence, de négligence, fraude, etc.). Les solutions sont donc adaptées à ces différents comportements. Cette distinction entreprise/chef d’entreprise a donc perduré mais ont été critiquées par certains auteurs qui disent que l’entreprise ne fait que refléter l’homme qui la dirige.

Cette loi de 1967 est également devenue inadaptée à cause de la conjecture économique car les années 1960s sont des années d’expansion économique. La dépression des chocs pétroliers a changé la donne et entraîné une modification de la législation :

- loi du 1er mars 1984 sur la prévention des difficultés des entreprises (1ère loi en matière de prévention) qui remplace la loi de 1967.

- loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire.

- loi du 10 juin 1994 modifiant la loi de 1985

Ces textes ont été codifiés par l’ordonnance de 2000 dans le code de commerce et ont ensuite été abrogés par la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises (décret d’application datant du 28 décembre 2005). Enfin, il existe un projet de réforme de cette loi de 2005 (remaniement des règles justifié par le contexte économique).


B. Le droit contemporain

1) Les traits généraux du droit des entreprises en difficulté

Quelques thèmes récurrents dans la loi actuelle et celle de 1985 ainsi que dans les projets de réforme :

a. Le problème de la prévention

On sait que la première loi l’ayant traitée est de 1984 et elle a mis en place une procédure de « règlement amiable » remplacé par la procédure de « conciliation » de 2005. Pour inciter les entreprises à recourir à la prévention, un mouvement général tente d’améliorer le sort du débiteur et plus on agit tôt, mieux cela marche. Le débiteur ne peut, par exemple, pas être dessaisi de la conduite de son entreprise (ce qui l’incite à ne pas cacher ses difficultés et à se placer sous les procédures collectives).

Autre idée, on essaie de tenir compte de la taille des entreprises : procédure générale (+ de 50 salariés, + 3 millions d’euros donc grandes entreprises) et procédure simplifiée dans la loi de 1985 (selon le nombre de salariés et le chiffre d’affaire). La loi de 2005 a supprimé cette distinction, il y a un régime unique mais certaines règles à l’intérieur sont soumises à des effets de seuils (donc droit toujours à deux vitesses selon taille de l’entreprise).

Elle a aussi mis en place une procédure de liquidation simplifiée pour les petites entreprises en un an. Les liquidations duraient beaucoup trop longtemps, parfois 7-8 ans pendant lesquels les créanciers ne sont pas payés et le chef d’entreprise ne peut créer de nouvelle affaire car les bénéfices seraient reversés aux créanciers, bref paralysie de la création d’entreprise et de l’activité économique. Cette liquidation simplifiée a été un fiasco dont on reparlera plus loin.

b. La dédramatisation ou l’humanisation du droit des procédures collectives

Les sanctions sont devenues moins infâmantes (flagellation, galères, etc.). On essaie de retirer le caractère infâmant des procédures collectives. La loi actuelle cherche, à l’exemple du droit américain (là-bas, on dit qu’il faut au moins deux faillites pour faire un bon chef d’entreprise), à dédramatiser ces procédures. Paradoxalement, le commerçant en faillite se sent souvent perdu dans la procédure, il ne sait vers quel interlocuteur se tourner (juge du tribunal de commerce ?).

Finalement, la seule personne vers laquelle il peut se tourner est le représentant du créancier (les mandataires liquidateurs). Ce sont les seuls professionnels à qui demander des conseils (s’il ne s’adresse pas à un avocat dont il fait souvent l’économie).

c. Ces procédures ont eu longtemps un caractère judiciaire très marqué

C’était le tribunal qui avait de nombreuses compétences comme la décision d’ouverture de la procédure, c’est lui qui nomme les organes de cette procédure, qui définit leurs pouvoirs, bref c’est lui qui prend les décisions les plus importantes (délais pour les créanciers, plan de cession ou de continuation, choix du repreneur, etc.). Cette judiciarisation a pour but de renforcer la protection des créanciers, le juge étant garant de l’impartialité vis-à-vis de l’égalité des créanciers (égalité relative car nombreux sont ceux qui passent avant comme les salariés ou l’Etat, et sacrifice le plus souvent des créanciers chirographaires).

Cela a plusieurs conséquences :

- la procédure est lourde et lente (délais, convocations, etc.)

- un recul du droit alors que le juge intervient de plus en plus.

En effet, son rôle a été modifié par les lois récentes et il a acquis un rôle économique qu’il n’avait pas avant car il prend toutes les décisions économiques de l’entreprise. Il statue donc, non pas en droit, même pas en équité, mais en opportunité (donc recul de l’application stricte de la règle de droit par rapport à la réalité économique du moment). Le droit des PC est donc devenu un droit de la négociation entre le chef d’entreprise et le juge.

Aujourd’hui, avec la loi de sauvegarde, on a retiré certains pouvoirs au juge pour les transférer au procureur de la république pour plusieurs raisons : problème d’impartialité (ex : le juge pouvait se saisir d’office de certains problèmes, contraire à l’art. 6 CEDH), le juge du TC n’est que consulaire alors que le procureur est un professionnel du droit, etc.


2) Les perspectives du droit des procédures collectives

Diverses critiques ont été faites.

C’est un droit forcément mouvant et toujours en évolution car il doit suivre les évolutions du droit des affaires (on peut s’en plaindre mais c’est inévitable).

¤ L’internationalisation des échanges demanderait une vue d’ensemble de la gestion des faillites (au moins au niveau européen) mais ce n’est pas à l’ordre du jour. On n’a donc pas réussi à harmoniser les différentes législations nationales (plusieurs conventions communautaires ont été signées mais elles ne sont jamais entrées en vigueur). Il y a eu quand même un règlement communautaire du 29 mai 2000 sur les procédures d’insolvabilité qui est entré en vigueur en 2002. Cependant, il n’unifie pas les procédures mais coordonne tout de même les instances qui peuvent se dérouler dans différents pays d’Europe. Ainsi le risque de « forum shopping » en fonction des règles de procédure collective plus ou moins souples selon les pays est encore très présent (atout de la France : le fonds de garantie pour les salaires des employés).

¤ L’interventionnisme étatique est de moins en moins important à cause, notamment, de la politique communautaire (distorsions de concurrence condamnées par l’Europe donc recul des aides étatiques aux entreprises). Le droit des PC doit donc évoluer pour tenir compte de cela. Il existe donc un impératif de modernisation du droit commercial et donc du droit des PC qui fait qu’ils seront amenés obligatoirement à changer.

Dans 95% des cas, les procédures collectives se terminent par une procédure de liquidation entraînant la disparition de l’entreprise. La loi de 2005 n’a pas changé ce constat car la mentalité des entreprises n’a pas été changée et les procédures sont toujours ouvertes trop tard alors qu’il n’est plus possible de sauver l’affaire. Il n’existe malheureusement pas de mesure législative pouvant y remédier.

L’autre alternative pour les chefs d’entreprises en difficulté est de céder l’affaire à un tiers, on remplace le(s) dirigeant(s) en la faisant racheter (décision du juge quel que soit la volonté du chef d’entreprise). Certains auteurs critiquent beaucoup cette possibilité comme Bernard Swan (directeur de la revue « Procédures collectives », ancien mandataire liquidateur). Ce dernier dit qu’une trop grande part est faite à cette possibilité, il pense que l’entreprise devrait continuer avec son propre chef d’entreprise car il considère que la cession forcée par le juge est une méthode d’expropriation (il n’a pas tort mais c’est la conséquence logique de la distinction entreprise / chef d’entreprise). Il insinue que le juge aura tendance à la facilité en décidant la cession (plus efficace puisque les dettes sont apurées par le prix de cession et que l’entreprise efface donc ses dettes pour repartir de zéro avec un autre dirigeant à sa tête) au lieu de faire un vrai plan de redressement (plus long, plus compliqué). Encore faut-il trouver un repreneur car rares sont ceux qui acceptent de payer un prix pour récupérer une entreprise qui ne va pas bien même si ses dettes ont été effacées (critique toujours actuelle).

Autre critique : la répartition des pouvoirs entre les organes de la procédure collective. Finalement aujourd’hui, plus personne ne sait qui fait quoi car certains de leurs pouvoirs empiètent sur ceux des autres et les règles de partage des pouvoirs rendent la procédure illisible (on ne sait pas à qui s’adresser, c’est le moins grave, mais on multiplie aussi les actions en responsabilité contre tel ou tel organe de la procédure).

Les principales innovations de la loi actuelle :

¤ Elle a étendu le champ d’application des procédures actuelles : les professions libérales peuvent faire l’objet d’une PC (au départ, ce n’était que les commerçants, puis les artisans, les agriculteurs, les dirigeants de sociétés et enfin les professions libérales).

¤ La loi a mis en place une procédure de sauvegarde qui n’existait pas avant. Avant, les choses étaient claires : soit l’entreprise était en état de cessation de paiement et relevait alors du droit des PC, soit elle ne l’était pas et pouvait demander l’ouverture d’un règlement amiable. Le stade de difficulté appelé « état de cessation des paiements » était donc le déclencheur de la procédure collective.

Avec cette loi, tout a changé. On a garde l’état de cessation de paiement mais il ne déclenche plus la PC. La procédure de sauvegarde est une procédure judiciaire et collective (pouvoir de coercition du juge sur les créanciers, à l’inverse du règlement amiable) du traitement de la difficulté et néanmoins, il ne faut pas être en état de cessation de paiement pour pouvoir en profiter. Une entreprise en état de cessation de paiement va pouvoir néanmoins bénéficier de la procédure de conciliation (qui est pourtant une mesure de prévention et non un traitement collectif de la difficulté). Ce n’est pas logique.