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Droit de la concurrence et navigateur (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Version du 15 juin 2009 à 22:11 par Benoit M (discuter | contributions)

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Le marché des navigateurs Internet a toujours été, depuis leur apparition, partagé entre un petit nombre d'éditeurs. Cette situation a notamment été renforcée par la position quasi-monopolistique que détient Microsoft sur le marché des systèmes d'exploitation, faisant de la question du respect du droit de la concurrence sur le marché des navigateurs un simple aspect d'un problème plus large.

Définition

Selon la définition publiée au journal officiel le 16 mars 1999 un logiciel de navigation permet à l'utilisateur, dans un environnement de type Internet, de rechercher et de consulter des documents, et d'exploiter les liens hypertextuels qu'ils comportent.

1993-1998 le développement d'Internet et l'apparition des premiers navigateurs

Le premier navigateur web, développé par le National Center for Supercomputing Applications, est apparu en 1993 sous l'appellation NCSA Mosaic. Ce navigateur gratuit fut le plus utilisé durant un an jusqu'à l'apparition en 1994 de Netscape Navigator, développé par Netscape Communications Corporation qui avait débauché la plupart des développeurs de NCSA Mosaic.

La Guerre Netscape Navigator/Internet Explorer (IE)

En 1995, face au succès d'Internet et de Netscape, Microsoft prit conscience du danger et du potentiel du web et créa Internet Explorer 1.0 qu'il inclut la même année dans le Pack Plus de Windows 95.

La guerre des navigateurs démarra alors et plusieurs versions d'Internet Explorer (IE) et de Netscape Navigator se succédèrent rapidement dans les années qui suivirent.

Dès le départ Microsoft va pouvoir bénéficier du quasi monopole qu'il détient sur le marché des systèmes d'exploitation pour imposer son navigateur et le placer dans une position dominante. En effet alors que Netscape Communications Corporation tirait la majeure partie de ses revenus de son navigateur et de ses dérivés, Internet Explorer était fourni gratuitement avec toutes les copies de Windows, tout en bénéficiant des énormes ressources de Microsoft pour son développement et son marketing. En outre, la présence même du mot « Internet » dans le nom du navigateur de Microsoft a clairement contribué à donner l'illusion aux utilisateurs inexpérimentés d'une assimilation entre IE et l'Internet à proprement parler.

D'autres pratiques furent également mises en œuvre par Microsoft afin d'asseoir encore plus sûrement sa position dominante dans le domaine des logiciels de navigation.

La société y parviendra notamment en ayant recours à des contrats de licence exigeant des fabricants d'ordinateurs qu'ils placent une icône sur le bureau pour Internet Explorer, et les pénalisant s'ils préinstallaient Netscape sur leurs ordinateurs, ou encore en acquérant un éditeur de sites web, Microsoft FrontPage, qui avait tendance à créer des pages ayant une meilleure apparence sous IE.

Cela conduira à la chute de Netscape en 1998, alors qu'à ses débuts son navigateur détenait 90% des parts de marché.

Cet événement marque la fin provisoire de la guerre des navigateurs et le début d'une période de monopole de Microsoft durant laquelle Internet Explorer détient 96% du marché des navigateurs. Cette situation aura pour conséquence un arrêt de l'innovation en matière de navigation, aucune nouvelle version d'Internet Explorer n'étant développée entre 2001 et 2006.

Les premières actions à l'encontre de Microsoft

Aux USA

Aux États-Unis, la première enquête contre Microsoft remonte à 1990, lorsque la Federal Trade Commission enquêta sur les pratiques de licences de logiciels proposées par l'éditeur aux équipementiers d'ordinateurs personnels.

La firme échappa à la poursuite mais dès 1994, le ministère de la Justice critiqua le monopole de Microsoft dans les logiciels de systèmes d'exploitation à la faveur de contrats de licence et de contrats de développement de logiciels.

De nouveau, Microsoft échappa à une condamnation judiciaire par une transaction avec les autorités, a consent decree (United States v. Microsoft Corp., 1995-2, Trade Case p. 71, 096 (D.D.C. 1995)) aux termes de laquelle l’entreprise acceptait de limiter ses accords de licence et en particulier, Microsoft ne pourrait plus conditionner ou «lier » (tie) les licences de son système d’exploitation aux licences d’autres produits ; toutefois l’accord acceptait que Microsoft puisse continuer de développer des produits « intégrés ».

L'année 1998 fut marquée par la sortie d'Internet Explorer 1.0, présenté par Microsoft comme un logiciel intégré, ce que dénonça le Département de la Justice qui considérait lui que la combinaison du système d'exploitation Windows et du navigateur était constitutif d'une vente liée, contraire au consent decree et au Sherman Act.

En 2000, le juge constata les violations du droit antitrust et ordonna la scission de l'entreprise en deux entités, d’une part pour les systèmes d’exploitation d’ordinateurs personnels, d’autre part pour les logiciels d’application.

La Cour d’appel réforma le jugement en substituant l’application de la règle de raison à l’interdiction per se des ventes liées, mais elle considéra que Microsoft était fautif de maintien de monopolisation (Section 2 du Sherman Act ; United States v. Microsoft Corp., 253 F. 3d 34, 85, D.C. Cir. 2001). L'affaire fut alors renvoyée devant un autre juge, et une transaction fut finalement négociée avec le Departement of Justice.

En Europe

En décembre 1998 l'éditeur de logiciels Sun Microsystems porte plainte contre Microsoft auprès de la Commission européenne. Selon Sun, Microsoft l'évincerait du marché en refusant de lui donner les informations qui permettraient l'interopérabilité entre ses logiciels et les produits Microsoft.

Cette plainte sera suivie en février 2000 par l'annonce de l'enquête lancée par la Commission sur un abus de position dominante du groupe américain dans le cadre du lancement de Windows 2000.

En août de la même année, Bruxelles envoie à Microsoft une première liste de griefs basée sur la plainte de Sun, suivie par des listes plus exhaustives, d'abord en août 2001, dans laquelle Bruxelles dénonce l'intégration dans Windows du logiciel Media Player, puis en août 2003 où des mesures coercitives sont proposées.

Le 24 mars 2004, la Commission reconnaît Microsoft coupable d'abus de position dominante tant sur le volet interopérabilité que sur le volet Media Player. Elle inflige à l'entreprise une amende record de 497 millions d'euros et demande des "mesures correctives".

Après une série de recours, le Tribunal de première instance de la Cour de Justice des Communauté Européenne confirmera les trois points majeurs de la décision de la Commission (interopérabilité, vente liée et amende).

Cette première condamnation de Microsoft ne concerne donc pas directement son navigateur Internet Explorer, mais elle n'est que la première étape d'une succession d'actions engagées par les instances européennes à l'encontre de l'éditeur américain pour entrave au droit de la concurrence.

Le renouvellement du marché des navigateurs

Le lancement de nouveaux navigateurs

La deuxième guerre des navigateurs démarre en 2004 avec le lancement de Firefox, lui-même basé sur le moteur du navigateur de Netscape. Ce projet, se structurant autour de la fondation Mozilla, fut lancé par des anciens employés de Netscape et des membres de la communauté des développeurs de logiciels libres.

Depuis, Firefox n'a cessé de gagner des parts de marché, jusqu'à atteindre 31% sur trente deux pays d'Europe en juin 2008.

Au même moment, le lancement de Firefox 3 établissait un nouveau record du logiciel le plus téléchargé en 24 heures avec 8,3 millions de téléchargements.

Parallèlement, d'autres navigateurs vont émerger comme Safari (Apple), Opera (développé par Opera Software) ou Konqueror (issu du projet KDE), et relancer l'innovation, avec notamment l'introduction par Opera du système de la navigation par onglets, reprit depuis par Firefox et IE. Chrome, développé par Google, est le dernier né des navigateurs et a été lancé en 2008.

Cette nouvelle concurrence fait chuter les parts de marché d'IE qui n'atteignent alors plus que 59% en Europe. Microsoft réagira en 2006 en sortant IE 6 qui propose de nombreuses nouvelles fonctionnalités jugées indispensables par les utilisateurs.

Malgré cette arrivée sur le marché de plusieurs concurrents, IE détient toujours une position dominante, aujourd'hui dénoncée par ces nouveaux opérateurs devant les instances européennes.

L'action d'Opera Software

Le 12 décembre 2007, l'éditeur Opera Software porte plainte contre Microsoft devant la Commission européenne car selon lui « Microsoft abuse de sa position dominante (sur les OS) en associant son navigateur Internet Explorer à Windows et en entravant le développement de l'interopérabilité (sur le Net) en ne suivant pas les standards du Web ». La société norvégienne réclame à Bruxelles l'obtention du découplage entre IE et Windows, ou tout au moins la possibilité de faciliter la préinstallation de navigateurs concurrents.

Il faudra un an à la Commission pour examiner la plainte d'Opera et livrer les conclusions de son enquête. Dans la « communication des griefs » envoyée le 15 juin 2007 à la firme de Redmond, l'exécutif européen estime que la vente liée du navigateur Web avec le système d'exploitation «dominant» Windows pour PC clients est «contraire aux règles du traité CE relatives à l'abus de position dominante» (article 82).

Une fois de plus, Bruxelles conteste donc l'intégration systématique d'un logiciel Microsoft dans Windows. « La vente liée de l'Internet Explorer avec Windows, qui a pour effet d'équiper de l'Internet Explorer 90 % des PC dans le monde, porte préjudice à une concurrence par les mérites entre navigateurs Web concurrents dès lors qu'elle confère à l'Internet Explorer un avantage artificiel en matière de distribution, avantage que les autres navigateurs Web sont incapables d'offrir », écrit la Commission européenne.

La Commission déclare s'inquiéter du fait que cette vente liée « permet à Microsoft de soustraire l'Internet Explorer à une concurrence directe avec d'autres navigateurs, ce qui porte préjudice au rythme de l'innovation et à la qualité des produits que les consommateurs obtiennent en fin de compte ». Elle avance également un autre grief : cette situation de monopole « incite artificiellement les fournisseurs de contenu et les développeurs à concevoir des sites Web ou des logiciels essentiellement pour Internet Explorer, ce qui risque, à terme, de compromettre la concurrence et l'innovation en matière de fourniture de services aux consommateurs. »

Au cours de la procédure qui a suivi ces accusations, la Commission européenne a, dans un premier temps, invité la fondation Mozilla à lui fournir son expertise technique en lui attribuant le statut de « tierce partie intéressée ». Dans un second temps c'est Google, l'éditeur de Chrome, qui obtiendra ce statut et viendra appuyer l'action de la Commission contre Microsoft et dénoncer « l'avantage déloyal dont dispose Internet Explorer sur les autres navigateurs ».

La Commission a indiqué le 24 février 2009 qu'elle « pourrait envisager d'ordonner à Microsoft de donner à ses utilisateurs une chance effective de choisir quel navigateur concurrent ils veulent installer dans Windows à la place, ou en remplacement, d'Internet Explorer, et lequel ils veulent avoir par défaut ». Microsoft est également menacé une fois de plus de se voir infliger une amende et des mesures coercitives si la Commission juge son analyse préliminaire confirmée.

Microsoft a d'ores et déjà pris les devants en annonçant que son nouveau système d'exploitation, Windows 7, offrira la possibilité de désactiver Internet Explorer grâce à une simple manipulation. Cette annonce lui a permis d'obtenir un délai supplémentaire pour répondre aux griefs dont il est accusé mais le plaignant reste dubitatif et réclame maintenant l'intégration d'autres navigateurs dans Windows afin que l'utilisateur puisse réellement faire son choix.

Microsoft est donc loin d'être tiré d'affaire, d'autant plus que les accusations concernant l'éditeur ne se limite pas seulement au navigateur fourni avec Windows, un second volet de l'enquête concerne en effet la vente liée du système d'exploitation et de la suite de logiciels bureautique MS Office.

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