Codification du droit de la communication (fr)
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Plusieurs chantiers ont été lancés au cours de ces vingt dernières années dans le but de parvenir à une codification du droit de la communication. L’objectif était et demeure de répondre aux attentes d’une plus grande accessibilité et d’une meilleure intelligibilité du droit de la communication. Dans cette optique, l'Assemblée générale du Conseil d'Etat a examiné en 2006 une étude commandée par le Premier ministre destinée à analyser l'opportunité de reprendre après deux projets de lois rejetés en 1993 et 1996, le travail de codification du droit de la communication.
Sommaire
Les tentatives ratées de codification
Le projet de 1993
Le premier projet de codification date de 1993. Mais il n'avait pu être inscrit à l'ordre du jour des débats parlementaires en raison notamment des réticences de parlementaires de la majorité à adopter à droit constant des dispositions du droit de l’audiovisuel qu’ils avaient combattues lors de la précédente législature. Il est rapidement devenu obsolète en raison des modifications législatives qui sont intervenues depuis dans le domaine de la communication (notamment, en ce qui concerne l'audiovisuel, les lois n° 94-88 du 1er février 1994 et n° 96-659 du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications et, en ce qui concerne le cinéma, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement du commerce et de l'artisanat). A cela s’est rajoutée la modification des codes existants notamment le nouveau code pénal et l'évolution du code général des impôts.
Autre difficulté posée par le projet de code déposé en 1993, il possédait quelques imperfections mineures mais très lacunaires :
• Les dispositions concernant l'affichage et la publicité avaient été insérées dans le livre Ier, qui contient les règles applicables à l'ensemble des moyens de communication. Or, l'affichage est en fait un mode de communication spécifique, auquel il convient de réserver un livre particulier, à l'égal de ce qui est prévu pour l'écrit, l'audiovisuel ou le cinéma.
• La présence dans le livre Ier de dispositions relatives à l'emploi de la langue française était également problématique, dans la mesure où le champ d'application était beaucoup plus vaste que celui du code proprement dit.
• Le régime des agences de presse figurait dans le livre consacré à l'écrit. Or, une part importante de l'activité de ces organismes s'exerce dans le domaine audiovisuel.
• Le livre III consacré à l'audiovisuel omettait des dispositions techniques relatives notamment à l'installation des antennes de réception pour la télévision.
• Le code ne comporte aucune disposition concernant les territoires d’outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte. Cela conduisait à ne pas abroger complètement les textes codifiés puisqu'il était nécessaire de les maintenir en vigueur en tant qu'ils restaient applicables outre-mer.
Le projet de 1996
Le 30 octobre 1996, le gouvernement dépose au bureau du Sénat un second projet de loi portant sur le code de la communication et du cinéma. Le projet de code reprenait pour l’essentiel le plan de 1993 en codifiant également les dispositions relatives à l’outre mer. Comme en 1993, le projet de code n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. Cette fois, le projet n’a pas été « examiné, sans doute en raison de la grande sensibilité politique des matières qu’il traite, de l’instabilité chronique du droit de l’audiovisuel et à l’inverse du caractère symbolique de la grand e loi de 1881 sur la presse à laquelle les milieux intéressés demeurent très attachés malgré les modifications profondes et nombreuses qu’elle a subies en un siècle ».
Plusieurs remarques méritent cependant d’être faites sur ce projet de code :
• Le choix avait été fait d’une codification à droit constant. Ce projet était suiveur par rapport à un nombre significatif de codes (civil, pénal, procédure pénal, santé publique, consommation, travail, Code générale des impôts, Code générale des collectivités territoriales). Cela traduit la richesse mais aussi l’imprécision de la notion de communication présente dans de nombreux domaines.
• Le projet de 96 développait le droit selon trois axes : o assujettissement des nouveaux moyens d’expression à un droit spécifique, o développement des mesures préventives, o multiplication des infractions de presse en dehors de la loi de 1881.
• Seuls deux thèmes ont fait l’objet de fortes hésitations et finalement d’une exclusion du périmètre du projet de code : o La loi n°94-665 du 4 aout 1994 relative à l’emploi de la langue française au motif que les dispositions de cette loi concernant bien davantage le droit de la consommation, le droit du travail et le droit des affaires, plutôt que le droit de la communication proprement dit. o Le gouvernement a exclu les dispositions relatives à la publicité déjà codifiées dans le code de la consommation, le code de la santé publique et le code des débits de boissons alors en vigueur.
Le projet de 2006
Le rapport du Conseil d'Etat
Le Conseil d'État, sur la demande du Premier Ministre a préparé un rapport sur l’opportunité de reprendre ce travail de codification du droit de la communication, après les deux tentatives infructueuses de 1993 et 1996. À cet effet, la plus haute juridiction administrative a procédé à un inventaire méthodique de ce droit, en rapide évolution. Ce rapport, après de longs développements sur la notion de « communication », un inventaire complet et méthodique de l'ensemble des éléments relevant du droit de la communication. Au-delà du droit des médias, construit autour de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et dont le champ est délimité par le critère de publication, l’inventaire a pour fil directeur le parcours de l’information. Il touche également le droit des communications électroniques, le droit de la protection du secret et des informations relatives aux personnes, ainsi que le droit de l'information dans son rapport à la décision publique (accès aux documents administratifs et diffusion des données publiques).
L'étude fait trois préconisations :
• Avoir, a minima, une codification autour du droit des médias (presse écrite, télévision et audiovisuelle).
• Mettre en commun le droit des médias avec le droit des communications électronique dans le cadre de la codification de façon à refléter la convergence numérique (avoir dans un même code, le droit des médias, la LCEN et le Code des postes et communications électroniques expurgé de sa partie "postale").
• Développer un portail numérique destiné à améliorer, hors de toute codification formelle, l'accessibilité et l'intelligibilité de ce droit de la communication. La création d’un tel portail internet serait une démarche différente d’une entreprise de codification elle en serait un complément utile et non une alternative.
Les objectifs
Les objectifs de cette codification sont doubles :
o Rapprocher des dispositions connexes dispersées mais appelées à évoluer, sous l’influence des évolutions des modes d’information et de la convergence numérique, qu’il s’agisse notamment de l’accès à l’information, de certaines dispositions afférentes au droit d’auteur et aux droits voisins ou à la mémoire de l’information.
o Contribuer à la clarté et l’intelligibilité du droit en vigueur au delà des dispositions codifiées en favorisant une vision d’ensemble de celui-ci propice aux simplifications et mises à jour.
Il est intéressant de noter que les projets de codification du droit de la communication ne souhaitent pas intégrer les dispositions relatives au droit de la propriété intellectuelle. Est-ce dû au fait qu’un code existe déjà en la matière, ou cela signifie-t-il que ce n’est pas de la « communication » ? La question reste entière, même si ses conséquences pratiques n’ont que peu d’importance.
La démarche utilisée
Les scénarios proposés par le Conseil d'Etat
En ce qui concerne la démarche de codification proprement dite, le Conseil d ‘Etat a étudié quatre scénarios, ne recommandant toutefois que les deux premiers :
• Un scénario rassemblant les dispositions afférentes aux médias dont le volet audiovisuel fait l’objet d’une attente clairement manifestée • Un scénario élargi aux communications électronique et rapprochant utilement les dispositions sur l’information numérique des textes sur les médias
• Un scénario proposant d’ajouter aux précédents les textes relatifs à la protection des données personnelles. • Un ou des scénarios, sur le principe du code pilote et du code suiveur, offrant des liens avec le droit de la propriété intellectuelle, mais aussi avec les dispositions relatives à l’accès aux archives publiques et aux documents administratifs ainsi qu’à la réutilisation des informations publiques.
Si les deux premiers scénarios ont aux yeux du Conseil d’Etat la cohérence nécessaire à la constitution d’un code, les deux autres en revanche n’ont pas paru pertinents du fait que le droit de la protection des données est trop éclaté ce qui nécessite une trop grande importance des dispositions suiveuses et elle génèrerait un périmètre restreint du Code. Concernant l’adjonction de liens relatifs aux autres droits de l’information, la plupart de ces dispositions étant déjà codifiées, un simple renvoi suffirait.
Méthodes de codification
La méthode de codification par ordonnance permet de contourner l’encombrement du calendrier parlementaire. Le processus de codification peut se faire selon deux méthodes différentes :
- La codification à droit constant
Cette codification consiste à reprendre tout le droit existant et le répartir dans un code structuré. Cette méthode est en soi réformatrice, car elle permet d’améliorer la cohérence rédactionnelle des textes, d’harmoniser l’état du droit et d’assurer le respect de la hiérarchie des normes, selon la finalité qui lui a été assignée. Le champ de l’habilitation à droit constant comprend donc nécessairement les réformes de fond nécessaires à la mise en conformité des dispositions en vigueur avec la constitution et le droit international ou communautaire.
- La codification évolutive
Il s’agit ici de profiter de cette codification pour réviser ou réformer le droit de la communication. Cette méthode avait été envisagée au cours des précédentes tentatives de codification, mais la question de son opportunité dans la codification actuelle demeure, car la codification à droit constant est actuellement la méthode la plus utilisée pour la production de codes.
Les difficultés de la codification
Problème relatif au périmètre de code
L’un des premiers problèmes du code est d’en définir le périmètre précis. En effet, cette codification est destinée à des usages et des catégories d’usagers très différents dont les attentes ne sont pas homogènes : les administrations, les professionnels du droit, les professionnels de la communication, les acteurs de la communication notamment ceux issus du monde de l’interne et enfin l’internaute/consommateur/citoyen.
D’autres interrogations portent sur la création d’un code communautaire des médias et des communications électroniques rassemblant la directive TVSF et les six directives du paquet Telecom qui mettraient en péril toute codification antérieure. Certains auteurs prônent l’attente de la stabilité du cadre communautaire du droit de la communication avant de s’engager dans sa codification.
Problème relatif à la codification
Le problème fondamental concernant la codification du droit des communications vient de la forte dispersion des sources. L’état des lieux est difficile à faire, compte tenu de l'éparpillement des textes en de multiples dispositions disséminées dans le code pénal, la loi du 29 juillet 1881, la loi du 30 septembre 1986, etc. L’élaboration d’un code de la communication permet d’éviter cette dispersion, mais elle n’est pas encore accomplie.
Autre problème relatif à la codification, le droit de la communication est marqué par l’importance des disproportions réglementaires prises par des autorités administratives indépendantes (CSA, CNIL, ARCEP) ou par d’autres autorités (CNC). Le droit de la communication apparaît de plus comme un droit déjà en partie codifié.
Les accomplissements déjà effectués
En marge de ce travail imposant de codification, des avancées ont malgré tout été faites notamment la publication par les éditions Dalloz (sous la direction de J. Huet et H. Maisl) de la 1ère édition du « code de la communication 2000 ». Ce code, sans opérer de modifications substantielles du droit de la communication, palie le problème de la dispersion en rassemblant de nombreux textes épars. Ce mérite est d'autant plus grand que l'ouvrage regroupe les dispositions régissant non seulement les médias et les infrastructures de communication, mais également l'information (données publiques, publicité, vie privée, présomption d'innocence...). Toutefois, il ne s'agit pas d'un travail de codification officiel mais bien d'un faux code, à savoir une compilation de textes non codifiés.