Publicité clandestine autour des réseaux sociaux à la télévision (fr)
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La publicité est un secteur très réglementé, à la télévision par exemple, les présentateurs ne peuvent pas dire tout et n'importe quoi. Le chemin parcouru par la publicité depuis son apparition est très évolutif, et ici encore, on peut se rendre compte que la loi a dû s'adapter à l'émergence des nouveautés technologiques.
La question qui va nous intéresser en l'espèce, est celle de la citation des réseaux sociaux à la télévision.
Après avoir été à des multiples reprises cités à la télévision, il semblerait que le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) ait voulu en finir avec cette pratique, jugée selon elle de "publicité clandestine". Il est vrai que dans n'importe quelles émissions, le nom des réseaux sociaux était cité régulièrement de par le "buzz" que ces réseaux créent.
A travers un bref résumé sur la notion de publicité, et particulièrement celle faite à la télévision, nous allons voir les raisons pour lesquelles le CSA a souhaité prendre ces mesures de sanctions à l'égard de ceux qui citent le nom des réseaux sociaux en questions à l'écran.
Sommaire
- 1 La définition de la publicité
- 2 Le CSA face à la publicité clandestine autour des réseaux sociaux
- 3 Les réseaux sociaux
- 4 La controverse causée par la décision de l'Assemblée plénière du 12 avril 2011
- 5 La publicité clandestine face à l’obligation pour le journaliste de citer ses sources
- 6 Liens externes
- 7 Réferences
- 8 Notes
- 9 Voir aussi
La définition de la publicité
La publicité est généralement l'action de faire connaître une information ou un produit au public. C'est aussi le moyen par lequel l'information est délivrée: spot-publicitaire à la radio ou à la télévision, annonce-presse dans un journal sont des publicités. La publicité est une technique de communication utilisée dans un but commercial le plus souvent et dont le but est de fixer l'attention du consommateur sur: un bien de consommation ou un service, une personne ou un groupe, un concept. Une publicité est subjective et la créativité est le coeur des publicités.
Le décret de 1992 définit la publicité en son article 2 de la façon suivante :
"Pour l'application du présent décret, constitue une publicité toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée.(...)". C'est sur ce décrêt que le CSA s'est appuyé afin de faire interdire la citation de Facebook et Twitter à la télévision.
La publicité sert également à promouvoir le produit et surtout à interpeller le consommateur. La publicité est l'action de "rendre public", son objectif est de vendre, inciter, faire agir les consommateurs. La publicité cherche à séduire.
La publicité est née le 16 juin 1836 avec la Révolution industrielle. Emile de Girardin fait insérer pour la première fois, des annonces commerciales dans son journal La Presse. Cette formule était révolutionnaire à l'époque et fût immédiatement copiée, la publicité média était née.
Les supports de publicité sont nombreux: télévision, radio, presse, cinéma, internet ...
L'apparition de la publicité à la télévision
Dans les années 1960, toute publicité était bannie de la télévision française par la ORTF (Office de Radiodiffusion et de Télévision Française). Une première loi de 1951 autorise la "publicité collective" ou "publicité compensée" qui sont réalisées conjointement par plusieurs annonceurs (les banques en priorité).
L'apparition de la publicité à la télévision date de 1968, où est diffusé sur la première chaîne deux petites minutes de publicité de marques (la toute première publicité de marque lancée par l’agence PUBLICIS pour la campagne Boursin). La loi autorisant la publicité de marque à la télévision fut adoptée le 1er octobre 1968.
Depuis cette date, la publicité n'a jamais cessé d'étendre son horizon.
L'apparition de cette publicité inquiète de nombreux secteurs et notamment ceux liés aux intérêts fondamentaux de l'économie nationale, d'où la censure des publicités pour les comapgnies aériennes (pour protéger Air France) par exemple.
Une commission de visionnage regroupant la RFP (Régie Francaise de Publicité), des annonceurs de l’Institut National de la Consommation, les services de la Répression des Fraudes mais aussi l’association des agences conseil en publicité (AACP)se regroupent afin de contrôler les spots publicitaires et de vérifier s’ils respectent un cahier des charges très précis.
En 1971, la publicité envahit d'autres chaînes de télévision en commencant par la seconde chaîne. Petit à petit, la publicité commence à générer d'importantes recettes: 5% en 1968 et 24% en 1970. L'arrivée de la télévision en couleurs en 1972 va également favoriser l’ascension de la publicité télévisée de marques en France.
L'éclatement de l'ORTF avec la loi du 7 août 1974, va marquer le point de départ du véritable bouleversement de la publicité à la télévision qui va devenir un véritable enjeu marketing et financier.
En 1982, les plafonds des recettes publicitaires ne sont plus plafonnés, ce qui va permettre l'irruption du secteur privé, rendant possible et alléchante la privatisation d'une chaîne publique.
La réglementation de la publicité
La publicité est réglementée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui veille à ce que celle-ci soit respectueuse de la valeur morale et de la valeur fondamentale de l'homme. Le CSA impose des règles très strictes pour les publicités. Ainsi, les messages publicitaires "dits interdits" ne peuvent pas faire l'objet d'une diffusion à la télévision. Hormis les secteurs nuisibles à la santé publique tels que les produits alcoolisés de plus de 1.2 degrè, le tabac ou encore les médicaments prescrits sur ordonnance, les règles de la publicité télévisée interdisent également les messages publicitaires clandestins, mensongers et sublimaux ainsi que ceux portant atteinte aux mineurs .
Les messages publicitaires clandestions sont ceux qui vont nous intéresser dans le cadre de la publicité faite autour des réseaux sociaux à la télévision.
La publicité clandestine
- La loi de 1992
La publicité clandestine se définit comme "la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d'un producteur de marchandises ou d'un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire"[1].
C'est l’article 9 du décret du 27 mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui fixe les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat."La publicité clandestine est donc la présentation en dehors des écrans publicitaires de biens, services ou marques dans un "but publicitaire" , c'est-à-dire dans le but, non pas d'informer mais de promouvoir.
L'infraction de publicité clandestine est fréquente sur les écrans de télévision. En effet, il arrive souvent que le consommateur, à travers un message publicitaire soit induit en erreur entre un message d'information et un message publicitaire. Le consommateur doit pouvoir identifier le message publicitaire afin d'éviter cette confusion (article L.121-1 du code de la consommation).
Le CSA face à la publicité clandestine autour des réseaux sociaux
Les problèmes posés par cette publicité à la télévision
"Retrouvez-nous sur notre page Facebook", voilà le genre de message diffusé à la fin des spots publicitaires télévisés que vous ne pourrez plus entendre. Il faudra désormais dire "Rejoignez-nous sur les réseaux sociaux".
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a publié le 27 mai 2011 [2] une décision dans laquelle il considère que "le renvoi des téléspectateurs ou des auditeurs à la page de l’émission sur les réseaux sociaux sans les citer présente un caractère informatif, alors que le renvoi vers les pages en nommant les réseaux sociaux concernés revêt un caractère publicitaire qui contrevient aux dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 prohibant la publicité clandestine."
Cette décision fait suite à une question posée par "une grande chaîne de télévision" qui demandait au CSA de prendre position.
Citer Facebook, Twitter à la télévision est désormais banni tout comme les grandes marques telles que Coca-Cola par exemple.
Ce qui semble avoir motivé le CSA dans sa décision sont les enjeux financiers autour des réseaux sociaux qui sont aujourd’hui énormes. Facebook et Twitter demeurent, derrière leurs fonctions de communications, des entreprises à part entière qui dégagent d’importants bénéfices grâce au trafic et à la publicité. Leurs objectifs n'est simplement d'être des outils de communications mais également de formidables outils marketing, motivés pour "grignoter" les parts de marché de leurs concurrents.
Le favoritisme crée par cette publicité
Certains considèrent que le fait de citer le nom des réseaux sociaux à la télévision constitue un favoritisme par rapport à d'autres sites.
Le favoritisme est défini comme "la tendance à accorder des faveurs injustifiées". Ainsi, le fait de citer le nom des réseaux sociaux à la télévision accorderait une nette préference à ceux régulièrement cités tels que Facebook et Twitter.
Il faudra désormais que les présentateurs rusent et rivalisent d’imagination pour faire comprendre aux téléspectateurs et auditeurs la présence de telle ou telle émission sur les différents réseaux sociaux.
L'évincement de la concurrence
Citer à l'écran, les noms de réseaux sociaux reviendrait à privilégier un réseau social par rapport à un autre et pourrait être vu comme une tentative d’évincer la concurrence, ce qui est interdit en pratique.
Toutefois, si l’on suit la logique du CSA, il ne faudrait donc plus citer Google ou Yahoo, de manière à ne pas orienter le téléspectateur sur un moteur au détriment d’un autre.
Evincer la concurrence en citant ces sites reviendrait à maintenir des avantages sur le marché aux réseaux sociaux les plus régulièrement cités.
Jugée grotesque par beaucoup, la mesure prise par le CSA devra cependant être respectée. Il faudra rester subtil dans la manière d’aborder les réseaux sociaux à l’avenir, les présentateurs télé devront sans doute jouer sur les mots pour reformuler le renvoi aux téléspectateurs vers ces sites sans les citer.
Les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux, marques protégées ?
La citation du nom "Facebook" dans les médias devient donc un délit avec cette réforme.
Le problème rencontré avec cette mesure prise par le CSA est que celle-ci reviendrait à considérer le nom des réseaux sociaux en tant que marque. Le CSA place donc les réseaux sociaux au même niveau que les grandes marques.
Le CSA semble oublié que ces réseaux sociaux sont aussi des médias d’information. Il serait donc possible de citer LeFigaro, RTL ou France 2 mais pas Twitter ni Facebook. Cette décision semble incohérente sur ce point.
Dans la mesure où citer des marques à la télévision est interdit en France par le CSA, pourquoi interdirait-on de citer le nom de ces réseaux sociaux, qui, à la base sont des outils de communication et des médias à part entière.
La controverse causée par la décision de l'Assemblée plénière du 12 avril 2011
D'après certains commentateurs, la décision du CSA apparaît "étrange", d'une part, les réseaux sociaux étant considérés au premier abord comme des moyens de communications, il semble difficile de faire interdire la prononciation de leurs noms à l'écran. Ensuite, il paraît évident que les présentateurs télé vont jouer de subterfuges afin de détourner l'interdiction du CSA et ainsi faire sous-entendre le réseau social en question.
Un internaute s'étonne même que "que le CSA fasse référence à un décret qui date de 20 ans, une époque où personne ne pouvait imaginer qu’internet d’abord, les réseaux sociaux ensuite, existeraient et occuperaient la place qu’ils ont aujourd’hui dans nos vies d’internautes." [3]
Ce débat a été seulement suivi dans deux pays qui sont la France et la Pologne (qui n'a pas encore eu le courage de l'appliquer) qui sont les seuls à s'être inquiétés de l'omniprésence de ces réseaux dans les médias. Cette décision du CSA a même suscité un débat sur le site du New York Times [4].
Dans les autres pays cette décision de la France apparaît "incompréhensible" et démontre un refus de la France d'avancer avec les nouvelles technologies qui sont sans cesse montrer du doigt et mises en cause dès lors qu'un fait divers arrive dans notre pays. Nous l'avons vu récemment dans l'affaire de la jeune fille de 13 ans tué par le grand frère d'une de ces camarades de classe, où Luc Chatel met en cause les réseaux sociaux [5], mais également dans bien d'autres affaires.
Ce qui semble également étonnant, c'est que les deux seuls réseaux sociaux à avoir été interdits de citation par le CSA sont Facebook et Twitter, alors que nous savons qu'il existe des centaines de réseaux sociaux dans le même genre qui eux, n'ont fais l'objet d'aucune mesure de censure.
Une tribune sur Rue89, faisait remarquer que "pour qu'il y ait publicité clandestine, il faut rétribution d'une manière ou d'une autre, ce qui n'est assurément pas le cas de Facebook et Twitter qui n'ont pas besoin de ça pour progresser, y compris en France." Elle ajoutait que "Si les télévisions ne tiennent pas compte de ce phénomène, il se développera sans elles, au lieu de le faire avec elles."
L'avocat Maître Eolas ne comprend pas non plus cette mesure "en estimant qu'elle aligne la France sur l'Iran et la Libye." Ces propos sont durs à l'égard de la décision du CSA, ils paraissent pourtant justifiés dans une société qui évolue, où le CSA ne semble pas prendre en compte cette évolution consistant pour les chaînes télé à renvoyer le public sur leur propre réseau social permettant à ces derniers de pouvoir interagir en direct avec l'émission.
La critique également faite au CSA est que sa décision ne respecte pas ce que dit l'article 2 du décrêt [6], dans le sens où la publicité faite pour une marque doit être faite dans un but publicitaire contre rémunération ou contrepartie de la part des titulaires de la marque.
Il semble que ce vieux décrêt ne soit pas véritablement applicable au cas d'espèce et que le CSA aurait mieux fait d'adopter un texte précis visant l'évocation du nom des réseaux sociaux à l'écran ou à la radio, afin que la mesure "colle" davantage à la situation.
De plus, on ne comprend pas très bien pourquoi le renvoi ou le fait de citer des noms de journaux tels que le Figaro, Le Monde etc comme il est régulièrement fait à la télévision, ne reviendrait-il pas à la même chose que citer Facebook et Twitter.
Il semble que ces questions seront démontrées avec le temps dans l'application qui sera faite de la décision du CSA.
La publicité clandestine face à l’obligation pour le journaliste de citer ses sources
L'interdiction de faire de la publicité "clandestine" pour les réseaux sociaux à la télévision parait difficilement concililable avec l'obligation pour le journaliste de citer ses sources.
Le CSA a considéré que "le renvoi des téléspectateurs ou des auditeurs à la page de l'émission sur les réseaux sociaux sans les citer présente un caractère informatif, alors que le renvoi vers ces pages en nommant les réseaux sociaux concernés revêt un caractère publicitaire".
Il apparait difficile pour le journaliste de respecter cette mesure, lui qui est tenu de "citer précisement ses sources" afin de respecter les règles déontologiques propres à la profession. En la suivant à la lettre, cela reviendrait sans doute à interdire la citation de l'Express ou du journal Le Monde en les remplaçant par "des quotidiens nationaux".
Selon François Dufour, journaliste, "Quand il s'agit d'information, le décret ne s'applique pas. Le journaliste doit impérativement citer ses sources. Donc si un journaliste donne des informations sur Twitter ou sur Facebook, il faut citer le journaliste(...)."[7] Ainsi, cette phrase pourrait sous-entendre que la récente décision du CSA aura uniquement pour conséquence de réglementer la pratique consistant à renvoyer expressément vers les pages Facebook, Twitter et autres de l’émission lorsque le seul but de l’animateur, du chroniqueur ou du journaliste est de générer du trafic vers ledit réseau social et non pas de donner une véritable information.
Liens externes
Réferences
- [1] Renvoi sur les pages des réseaux sociaux : analyse du CSA
- [2] Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié, relatif à la publicité, au parrainage et au téléachat
- [3] L'interdiction aux chaînes TV de citer leurs pages Facebook et Twitter
Notes
- ↑ http://www.csa.fr/actualite/dossiers/dossiers_detail.php?id=22341&chap=2607
- ↑ http://www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=133542
- ↑ http://www.desaunay.com/CSA-interdiction-d-antenne-pour-Facebook-et-Twitter_a1381.html
- ↑ http://www.nytimes.com/roomfordebate
- ↑ http://www.01net.com/editorial/534680/violence-a-l-ecole-chatel-met-en-cause-les-reseaux-sociaux/
- ↑ http://www.csa.fr/infos/textes/textes_detail.php?id=5934
- ↑ http://www.lefigaro.fr/medias/2011/05/27/04002-20110527ARTFIG00564-francois-dufour-invite-du-buzz-media-orange-le-figaro.php