Révocation des fonctionnaires (dz)
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Algérie > Droit administratif
Sommaire
I - De l'objet.
Par l' ordonnance n° 06-03, promulguée le 15 juillet 2006[1], l’Algérie s’est dotée d’un Statut général de la fonction publique (SGFP) -lequel statut, avec son entrée en vigueur, suite à la publication de ses décrets exécutifs, a abrogé et remplacé le Décret n° 83-59 (du 23 mars 1985) portant Statut-type des travailleurs des institutions et administrations publiques. Par cet évènement, il doit y avoir eu –tout au moins, en principe- un acquis incontestable pour les fonctionnaires, et, plus profondément encore, une avancée (législative) certaine dans la construction de l’État. Par ailleurs, pour relativiser tout jugement en termes de temps mis pour y arriver, remarquons que l’État français –dont l’histoire remonte incontestablement plus loin, dans le passé, et dont l’importance de la fonction publique, quant à la part (quantitative) qu’elle occupe dans l’emploi global, est l’une des plus importantes au monde- ne s’est dotée du texte équivalent qu’une vingtaine d’années plus tôt.
Dans les lignes qui suivent, et ainsi que l’annonce le titre, nous nous intéresserons à ce que ledit statut contient en matière de révocation (des fonctionnaires), à ce qu’il en dit. Nous le ferons, plus précisément, en nous concentrant sur ce qu’on appelle « la révocation pour abandon de poste », et, si nécessaire, voici une première raison (suffisante) d’une telle option: autant dans cette catégorie, elle semble rompre avec la loi qu’elle remplace, autant dans les autres –qu’il s’agisse du reste des cas de révocations disciplinaires, ou qu’il s’agisse de ce que la tradition française nomme « licenciements »- l'ordonnance de 2006 maintient (du moins, pour l’essentiel) l’ancienne norme. Une seconde raison, et qui est plus importante, apparaitra ci-dessous.
La chose n’est pas, chacun pourrait en convenir, d’importance secondaire; ceci d’une part. De l’autre, il s’agit d’un domaine où il ne parait point aisé de tout englober –ou, au moins, d’être suffisamment explicite- dans un texte de quelques lignes. À l’appui de cette dernière observation, on peut relever combien, dans des États munis d’une législation remarquablement plus ancienne –et, eux-mêmes, autrement plus vieux que l’État algérien-, des magistrats n’ont pas cessé d’annuler des décision de révocation qui semblaient, pourtant, on ne peut plus prises conformément à la loi en vigueur -et combien on n’a pas cessé de légiférer.
Notre présent souci, plus explicitement, est qu’il semble que le SGFP (algérien) -dans ce qu’il dit de la révocation en question- peut faire l’objet d’interprétations les plus opposées …ce qui serait une caractéristique bien plus radicale -et, potentiellement, bien plus lourde de conséquences- que le fait, pour un texte législatif, d’être plus pu moins susceptible de prêter à équivoque. Nous en avons concrètement fait l’expérience, en en posant –à des professionnels- la question des conditions et de la procédure: alors que pour certains, la sanction est prise sans les (classiques) garanties disciplinaires, pour d’autres, tout au contraire, rien ne distingue entre cette procédure et celle relative aux fautes (professionnelles) du quatrième degré –c’est-à-dire: obligation de traduction de l’affaire devant la commission paritaire -siégeant en conseil de discipline- et droit (du fonctionnaire) de se défendre et de se faire défendre; obligation de transmission de son dossier, au travailleur concerné; obligation d’annulation de toute sanction (ou volonté de sanction), dès que certains délais –explicitement déterminés- n’ont pas été strictement respectées… C’est cette opposition qui nous a conduit à consulter, par nous-mêmes, le texte –et c’est, de cette consultation, que nous tirons la lecture qui suit.
II - Du point de vue de la cohérence (interne) du Statut.
Il semblerait que notre Statut général pose que la révocation, pour raison d’abandon de poste, peut être prononcée dès le quinzième (15°) jour d’une absence irrégulière et dès que la formalité de la mise en demeure a été faite. Autrement-dit, au vu de la législation en vigueur, dès le seizième (16°) jour, tout fonctionnaire s’exposerait à se voir envoyé la décision prononçant sa révocation …..et, par la-même, étant donné l’art. 185, lui interdisant tout nouvel accès aux emplois de la fonction publique. À l’appui d’une telle interprétation, on peut se contenter de citer l’art. 184 (du SGFP), lequel -il peut être essentiel de le souligner- semble bien être, de surcroit, le seul -dans les 224 articles qui constituent la totalité de l’ordonnance, et hormis le 185 (cité ci-dessus)- à traiter de la sanction en question.
Dans la section en cours, nous essayerons de montrer en quoi –à notre humble sens- cette position est mise en difficulté dès qu’on la considère en rapportant l’art. 184 à la place qu’il occupe dans l’intégralité du texte.
L’article 184 se situe dans le Titre VII, intitulé « Régime disciplinaire » -lequel contient le chapitre consacré aux « sanctions disciplinaires » tout autant que celui relatif aux « fautes professionnelles ». Il en est de même de l’article 185, qui, ainsi que nous l’avons déjà dit, le complète. Ceci devrait suffire à nous faire dire que, pour le SGFP, l’absence traitée par l’art. 184 est une faute professionnelle, et la révocation, à laquelle elle pourrait donner lieu, une sanction disciplinaire …qui ne pourrait être prononcée sans qu’aient été respectées, préalablement, toutes les normes imposées par le même titre VII (dont l’exigence de l’avis de la commission paritaire). Si le législateur avait vraiment voulu qu’il en soit autrement, pourquoi n’a-t-il pas situé le litigieux article ailleurs ? N’avait-il pas la possibilité de le positionner dans le chapitre (IX) « Congé – Absences » ou dans celui (X) « Cessation d’activité » -lesquels se trouvent dans un titre autre que le VII- ? Chacun de ces chapitres n’était-il pas mieux adapté à l’option que, ici, nous critiquons ? Pourquoi n’a-t-il pas pris le soin de mentionner, dans l’art. 184, que la révocation en question serait prononcée sans la procédure disciplinaire ? Pourquoi n’a-t-il pas, dans l’article (160) qui ouvre le « Régime disciplinaire » et détermine les faits et actes passibles de sanctions (disciplinaires), souligné la moindre exception de l’absence susceptible de conduire à la révocation ? Ceci aurait été d’autant plus utile qu’il se serait agi de rompre avec toute la tradition en la matière.
Il n’a rien fait de tout cela. Le fait est qu’il n’en a rien fait -et nul n’a le droit de vouloir …là où seule la Volonté du législateur est de droit ! Ceci étant, on peut ajouter qu’il est intéressant d’observer ceci: si ce qui justifie la lecture en termes de révocation sans procédure judiciaire réside dans le fait que le traitement de l’abandon de poste se limite à l’art. 184 (complété par le 185), il demeure que la situation de ce dernier s’oppose à ladite lecture.
Une absence irrégulière est, certainement, un manquement au devoir professionnel. Que l’on préfère les nuances, éventuellement, rendues par l’expression d’« atteinte à la discipline », ou par les termes de « faute » ou d’« irrégularité » (commise) ne change rien au fait que pour l’art. 160, il est toujours question -quel que soit le vocabulaire utilisé- d’une faute passible de châtiment disciplinaire: « Tout manquement aux obligations professionnelles, toute atteinte à la discipline, toute faute ou irrégularité commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l’exercice de ses fonctions constitue une faute professionnelle et expose son auteur à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, de poursuites pénales ».
Ne s’arrêtant pas là, à la suite immédiate de cet article et tout au long de seize (16) autres (du 161 au 176), le SGFP expose la procédure disciplinaire –autrement-dit, les formalités et les règles qui s’imposent à l’autorité dotée du pouvoir de sanctionner. Ce faisant, il exprime, avec une netteté particulière, le souci de faire respecter les droits de la défense: obligation de saisir la commission paritaire (dès un certain niveau de la sanction projetée), qui aura à agir à titre de conseil de discipline; obligation de transmission du dossier (au concerné) …avec, en outre, des délais particulièrement stricts -et remarquablement protecteurs du fonctionnaire.
Or, la révocation dont on traite, dans le présent papier, a, pour cause, une absence irrégulière ….qui se prolongerait en abandon de poste, c’est-à-dire: une des fautes susceptibles de sanction disciplinaire –et de la sanction la plus lourde qui soit. Maintenant, oublions que l’art. 184 se situe dans le Titre VII (Régime disciplinaire) et dans le chapitre faisant suite aux dix-sept (17) articles exposant les obligations en matière de sanction. Ceci étant, trouve-t-on, tout au long des cent cinquante-neuf articles qui composent le SGFP, un seul qui traite d’une sanction (disciplinaire) qui pourrait être décidée extérieurement aux règles imposés par les articles 161 à 176 ? Nous n’en voyons pas –considérer comme sanction (disciplinaire), les retenues de salaire dont parle l’article 207, serait un non-sens; il en est de même de la cessation d’activité, conséquence « de la perte ou de la déchéance de la nationalité algérienne » ou « de la déchéance des droits civils ». Quant à ce qu’on peut faire dire à l’art. 184, nous en traiterons dans la section qui suit.
III - L’article 184, en soi.
Faisons abstraction de tout ce qui précède, et considérons l’art. 184 isolément de tout ce qui l’entoure et de la position qu’il occupe. En voici le contenu : « Lorsqu'un fonctionnaire est absent depuis au moins quinze (15) jours consécutifs, sans justification valable, l'autorité investie du pouvoir de nomination engage la procédure de révocation pour abandon de poste, après mise en demeure, selon des modalités fixées par voie réglementaire. »
Il y est clairement dit que la chose consiste en toute une procédure et que celle-ci, plus que ne se réduisant pas à la formalité de la mise en demeure, ne la contient pas. Une procédure est une suite d’actions, d’étapes, de moments –et « engager », ici, est synonyme de: lancer, entamer, commencer. Que, pour s’y engager, l’autorité –ayant pouvoir de révocation- doive attendre, au strict minimum, le seizième (16°) jour …laisse comprendre ceci: la procédure ne peut s’ouvrir qu’une fois que le fonctionnaire concerné a reçu la mise en demeure et a eu le temps d’y répondre –ou, à défaut, lorsque ladite autorité est légalement autorisée à agir en faisant comme si c’était le cas; nous savons combien la norme, en cas d’absence irrégulière, est de mettre en demeure dès le lendemain du second jour. Maintenant, force est de se demander en quoi pourrait bien consister la procédure en question -à défaut de quoi on risquerait de s’exposer à l’ironie du genre: la secrétaire saisit (à la machine) la décision que le responsable aura, préalablement, rédigée à la main; ensuite, la secrétaire pose, sur le bureau du responsable, la décision saisie; enfin, le responsable, après vérification de la saisie, et s’il n’y trouve aucune erreur, signe la décision.
Selon les règles élémentaires de la langue écrite, la virgule mise avant « selon des modalités fixées par voie réglementaire » montre que lesdites modalités concernent la procédure qui nous préoccupe -et ne sont pas celles de la mise en demeure, que, dans le meilleur des cas, elles peuvent englober. De deux choses l’une: soit il s’agit des obligations énoncées dans le chapitre « Les sanctions disciplinaires » du même SGFP –ce qui nous ramène, entre autres, à la traditionnelle exigence du Conseil de discipline- soit il faudra trouver le texte dans lequel seraient explicitées lesdites modalités. Il n’y a pas de troisième solution –à moins qu’on revienne à l’ironie relevée ci-dessus.
IV - En guise de conclusion.
L’ordonnance n° 03-06, portant SGFP[2], n’est certainement pas –dans ce qu’elle énonce relativement à la révocation pour raison d’« abandon de poste »- indemne de toute possibilité d’interprétation équivoque. Toutefois, de ce qui précède, nous pensons qu’il est largement fondé de conclure comme suit. Premièrement: On ne peut défendre la lecture selon laquelle la révocation serait à prononcer sans nulle nécessité d’assurer les garanties disciplinaires -exposées dans le chapitre 2 de la loi- exigées pour toutes les sanctions du 3° et 4° degrés, sans mettre en sérieuse difficulté, du point de vue de sa cohérence interne, le texte dans sa globalité –et, plus particulièrement, le rapport de l’art. 184 au reste du Titre VII. Secondement: l’art. 184, par ce que lui-même énonce, ne peut –à moins qu’on en fasse une règle fondamentalement contradictoire- valider la position ci-dessous.
Voir aussi
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Notes et références
Article écrit par Dr Mourem, universitaire, et mis en forme par les soins de M. Remus, administrateur (de JurisPedia).