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Creation salariée (jo)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
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LA CREATION SALARIEE (France-Jordanie)


La question de la titularité du droit concernant les créations salariées a été posée depuis longtemps. La création d’une œuvre par un employé dans l’exercice de ses fonctions est possible soit dans le secteur public soit le secteur privé, mais quels sont les droits attachés à cette création ? Et quels sont les droits attribués à l’employeur sur cette création ? Les réponses apportées à ces questions sont différentes d’un pays à l’autre, mais on peut remarquer qu’il y a deux grands courants principaux dans le monde qui règlent cette question de la titularité en donnant le droit d’auteur soit à l’employé, soit a l’employeur.


- Le premier courant considère que le droit d’auteur sur la création salariée qui est créée par un employé dans l’exercice de ses fonctions, revient 0 cet employé, et lui seul peut exercer tous les droits afférents à cette création. Plusieurs juridictions ont adopté ce courant, elles s’appuient sur le fait que l’employé est la personne qui a crée cette oeuvre.


L’un des pays qui a adopté ce courant, est la France. Dans l’article L111.1 al 3e CPI le législateur francais a posé le principe selon lequel l ‘existence d’un contrat de travail [n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit]. Cet article signifie que le droit d’auteur sur une œuvre créée par un employé lui appartient, et cela même si la création a été réalisée dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi la cession des droits à l’employeur ne peut résulter que d’une convention comportant les dispositions prévues par l’article L131-3 al 1er du CPI.


On peut d’abord s’interroger sur le sens à donner au mot employé, qui paraît plus large que celui de salarié. Il est admis cependant que les deux termes doivent être tenus pour synonymes. Mais la seule qualité de mandataire social ne pourrait fonder l’application de la règle dérogatoire.


La cession des droits patrimoniaux au profit de l'employeur ne doit pas priver l'auteur salarié des dispositions protectrices de la législation sur le droit d'auteur. Toutefois, à défaut de pouvoir prouver une telle cession, l'employeur peut soutenir devant un tribunal qu'il a bénéficié d'une cession automatique des droits en se fondant sur l'une des exceptions prévues par la loi.

En effet, s’il y a une cession des droits patrimoniaux, il faut qu’elle soit expresse. Cette cession doit respecter les règles impératives posées par le Code de la propriété intellectuelle :

- La clause de cession doit identifier précisément la ou les contributions objets de la cession et délimiter les droits cédés, quant à leur étendue, leur durée, leur destination (modes d'exploitation autorisés), et quant à la zone géographique concernée (art. L. 131-3 du C.P.I). La cession étant d'interprétation restrictive, tout ce qui n'aura pas été expressément cédé sera réservé au profit du salarié. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris a décidé que la cession des droits d'auteur portant sur un logo et expressément limitée à un site Internet n'autorisait pas l'entreprise cessionnaire à utiliser ce logo lors de sa campagne publicitaire que ce soit à la télévision, au cinéma, ou sur tout autre support (TGI Paris, ord. réf., 18 juillet 2000, Christèle M. c/ SA Koobuy.com. Cette affaire concernait une œuvre de commande, mais la solution peut être transposée aux cessions de salariés.)

- Il n'est pas possible d'insérer dans un contrat de travail une clause organisant la cession des droits sur l'ensemble des créations à venir d'un salarié. En effet, cela serait contraire au principe de la prohibition des cessions globales des œuvres futures (art. L. 131-1 C.P.I). Une telle clause, assez fréquente en pratique, entraîne la nullité de la cession. La solution la plus sûre consiste donc à procéder à des cessions au fur et à mesure des réalisations du salarié.

- En principe, la rémunération due à l'auteur doit être proportionnelle aux recettes d'exploitation, sauf dans les quelques cas visés par la loi (art. L. 131-4 C.P.I) dans lesquels le forfait est admissible. Notons que cette rémunération doit être distincte du salaire versé au salarié car elle porte sur l'acquisition des droits et non sur son travail.

Même si les droits d'exploitation sont attribués à l'employeur qui emploie l'auteur salarié, ce dernier reste titulaire de ses prérogatives tirées de son droit moral, droit inaliénable et perpétuel.


En revanche en ce qui concerne la création de logiciel, le texte adopté par le législateur francais en 1985 a assuré une certaine maîtrise de ce dernier par l’employeur, en parlant de dévolution des droits à l’employeur. La règle communautaire le faisant différemment en parlant d’habilitation, article 2-3 directive CEE14 mai 1991 dispose que [lorsqu’un programme d’ordinateur est crée par un employé dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur, seul l’employeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents au programme d’ordinateur ainsi créé, sauf dispositions contractuelles contraires.] Ainsi le législateur francais a été amené a réagir. Ce qu’il fit en 1994 avec la rédaction de l’article L113-9 du CPI qui dispose que [sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leurs documentations créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions au d’après les instructions de leur employeur est dévolu à l’employeur qui est seul habilité a les exercer.]


La détermination de l’employeur s’opère conformément aux règles du droit social. Si l’employeur est un entrepreneur de travail temporaire au sens de l’article L124-1 du code du travail, c’est à lui que doivent être attribués les droits, et non à celui que la loi appelle l’utilisateur, même si le bon sens plaide en faveur de solutions contractuelles plus conformes à la réalité économique de l’opération.


Le dispositif légal n’a vocation à s’appliquer que si l’auteur du logiciel a la qualité d’employé au moment de la création.


En ce qui concerne la fonction publique, l’article L113-9 al 3, étend expressément aux agents de l’état, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif, la solution posée pour les employés relevant du droit privé. Le terme agents montre bien que la solution n’est pas limitée aux fonctionnaires.


Le texte réserve des dispositions statutaires ou stipulations contraires. Les stipulations contraires pourront, par exemple, permettre d’organiser au profit du salarié un droit à une rémunération supplémentaire. Contrairement au jugement apporté par la cour de Lyon dans un arrêt du 16 sept 1997 (CA LYON 3e ch. 16 sept 1997, JCP éd, E 1999, p 909 n°3, obs VIVANTet LE STANC, Juris-Data n°056028.)

La Jordanie aussi a adopté ce courant. En effet, le droit jordanien dans son article 820 du code civil dispose que [la création salariée qui est créée par un employé dans l’exercice de ses fonctions, revient à cet employé et l’employeur n’a pas de droit sur cette création sauf dans les conditions suivantes :

1- si la nature du travail effectué par l’employé consiste en la réalisation de cette création.


Le législateur jordanien, dans ce cas a donné à l’employé le droit de participer avec l’employeur au revenu de la création par un pourcentage qui ne dépasse pas 50 %, et en respectant la capacité scientifique de l’employé et l’aide donnée par l’employeur pour réaliser ce travail.


2- si le contrat de travail prévoit une clause qui transfère le droit de la création du salarié à l’employeur.

3- si l’employé a créé l’œuvre d’après les instructions et par des matériels fournis par son employeur pour réaliser ce travail.]


Le droit jordanien indique également que si la création salariée dans les trois cas précis, a une grande importance économique, l’employé peut demander une indemnité spéciale pour ce travail en respectant l’aide donnée par l’employeur pour réaliser celui-ci.


En effet, le législateur jordanien a voulu réaliser plus d’équilibre entre l’employeur et l’employé en ajoutant quelques autres règles dans le code de travail article 20 qui dispose que [dans le cas ou le droit revient à l’employé, l’employeur a la priorité pour acheter la création salariée créée par son employé, en payant un prix juste, et en respectant l’aide donnée par l’employeur].

On remarque clairement dans cette démarche du législateur jordanien, une volonté de reconnaître d’une part le travail intellectuel fait par l’employé, et d’autre part, les conditions d’aide financière et matérielles données par l’employeur pour réaliser ce travail.


Au regard ces deux droits, on peut arriver à un résultat commun qui poserait comme principe la dévolution du droit d’auteur à l’employé , avec cependant quelques exceptions pour des cas précis.


On remarquera dans ce courant qu’il y aura une présomption de droit concernant la charge de la preuve en faveur de l’employé en cas de litige. Toutefois cette présomption se renversera au profit de l’employeur dans certains cas précis par la loi.


- Le deuxième courant considère que le droit d’auteur sur les créations salariées qui est créée par l’employé dans l’exercice de ses fonctions, revient à l’employeur .Ce courant se base sur la réalité : la création salariée créée par l’employé a été effectuée d’après un travail rémunéré et en vertu d’un contrat de travail. Il y a plusieurs pays qui ont adopté ce courant comme le législateur anglais dans son droit d’auteur de 1988 articles 11 et 79, ou encore le législateur américain dans son droit d’auteur de 1976 article 20. B.


En effet, ce courant nous informe que l’employeur est la seule personne qui dirige le travail. C’est lui qui donne les instructions pour créer cette œuvre, et c’est lui qui finance le projet, donc il peut seul profiter de ces avantages économiques. Le plupart des systèmes juridiques qui adoptent ce courant limite la dévolution du droit à l’employeur à son activité ordinaire seulement.


- Il existe aussi un troisième courant minoritaire qui considère que le droit d’auteur sur les créations salariées (qui sont créées dans l’exercice de ses fonctions), revient aux deux parties dans le même temps –employeur et employé-. Certains pays ont adopté ce courant comme le droit brésilien qui dispose dans son droit d’auteur de 1973 article 61 que ces droits reviennent aux deux parties sauf stipulations contractuelles contraires.


Il apparaît clairement au regard de ces différents courants, une nécessité de mettre des règles qui assurent la conformité entre les différentes tendances.


Shadi MURTADA