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Enjeux relatifs au financement publicitaire de la presse gratuite (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
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L’accès à l’information est l’un des enjeux majeurs au sein d’un paysage toujours plus diversifié. Les économistes se basent sur les comportements humains pour dégager des concepts et c’est face au désir et habitude de gratuité croissant de la population qu’est crée le concept des journaux gratuits. Ce média est aujourd’hui particulièrement attractif, de par la proximité qui s’en dégage. Elle touche, en effet, cinquante pour cent de la population des grandes villes. Cette presse possède trois caractéristiques distinctives : - diffusion gratuite - faible contenu rédactionnel - couverture locale ou régionale

La parution des journaux gratuits représente une concurrence d’un type nouveau pour la presse quotidienne dite traditionnelle. Ce nouveau modèle économique, reposant sur la gratuité rompt avec les équilibres traditionnels de la presse quotidienne d’information politique et générale dite payante. La presse gratuite d’information est née sous l’impulsion du grand groupe de presse Métro International dont l’initiative fût reprise par la suite par d’autres groupes divers, tels que 20 minutes et le « réseau ville + ».

La presse gratuite d’information ne bénéficie pas du même régime économique que la presse payante. Elle est exclue des principales aides à la presse (l’aide au lectorat n’est accordée qu’aux publications vendues) elle ne bénéficie pas non plus des aides postales et fiscales (données à la presse politique, syndicale et des mutuelles à la condition de limiter leur surface publicitaire à 20% de la surface totale). En revanche la presse gratuite peut obtenir différentes aides comme l’affectation en franchise d’impôts d’une partie de ses profits, l’acquisition d’éléments et actifs nécessaires à son exploitation, elle peut également jouir d’un taux réduit de la TVA à 5,5% sur les travaux de composition et d’impression et elle est exonérée de la taxe professionnelle des « éditeurs de feuilles périodiques ». Enfin la presse gratuite d’information peut employer des journalistes bénéficiant du taux de compensation pour frais professionnels, de plus, l’obtention de la carte de journaliste n’est désormais plus limitée aux professionnels travaillant pour la presse payante. L’autre caractéristique majeure du régime économique de la presse gratuite est qu’elle est financée entièrement par des revenus publicitaires. De ce fait le rôle joué par les annonceurs est capital, la principale difficulté dans le lancement d’un gratuit d’information réside dans sa rentabilité. Le lancement d’un gratuit coûte entre 20 et 25 Millions d’euros et, afin de parvenir à être rentable il s’agit de séduire le plus grand nombre de lecteurs pour, par ricochet, séduire le plus grand nombre d’annonceurs. Les annonceurs veulent en effet disposer de chiffres d’audience incontestables avant d’investir. En principe le délai de rentabilisation serait de trois ans, cependant, il est très difficile pour ces entreprises d’atteindre la profitabilité comme en témoignent entre autre, les pertes du groupe Métro.

Financement publicitaire : Quid de l’indépendance et de la gratuité ?

Une indépendance relative

Financés uniquement par la publicité, les journaux gratuits d’information se proclament complètement indépendants, pourtant cette indépendance semble être remise en question. La publicité exerce en effet une influence important sur un quotidien gratuit non seulement par la dépendance financière de celui-ci à son égard mais également par son infiltration plus ou moins ouverte dans les articles. Il a en effet été prouvé que certains articles de la presse gratuite sont souvent en rapport direct ou indirect avec l’annonce publicitaire se trouvant sur la même page et, même si le nom de l’annonceur n’est pas cité son activité a un lien avec le sujet, le but étant de créer un climat favorable à la vente. Ainsi plus qu’aux lecteurs les éditeurs s’intéressent aux consommateurs qui sommeillent en chacun de nous. C est également souvent la publicité qui donne le rythme d’un gratuit. Le nombre de pages varie en effet d’un jour sur l’autre en fonction des surfaces publicitaires et la surface rédactionnelle dépend donc de ce qui reste une fois que toute la publicité a été placée. L’information ne sert ainsi qu’à combler des vides laissés entre les surfaces publicitaires.

Se pose ainsi un problème éthique : comment en de telles circonstances garantir une information de qualité ? Le lien entre le journal et les annonceurs va même plus loin qu’une certaine dépendance au niveau de l’information : c’est par cette publicité que les lecteurs « payent » des journaux qu’ils pensent «gratuits ».

Une apparence de gratuité

L’information est un bien et comme tous les biens il engendre des coûts à produire, il faut en effet la collecter, la mettre en forme et la porter à disposition du public. Comment peut-on ainsi assister à l’émergence d’une presse dite « gratuite » alors que la théorie standard de la firme révèle que tous les coûts doivent être répercutés dans les prix. Comme le disait Friedman : » il n’y a pas de repas gratuit » Si cette presse est gratuite c’est qu’un agent économique en finance l’intégralité. On pourrait penser que cet agent est l’annonceur mais il s’agit en réalité bel et bien du lecteur, client des produits achetés aux entreprises qui choisissent cette presse comme vecteur d’information sur leurs produits.


Le « gratuit » a connu au fil des années une expansion croissante, basé en effet sur un concept spécifique d’information brute et un financement exclusivement publicitaire, le « gratuit » a su se créer une place à l’intérieur du paysage médiatique français car, il a avant toute chose su trouver son public en allant lui-même à sa rencontre pour entrer dans le cercle de ses habitudes. Depuis 2008 cependant la presse gratuite rencontre des difficultés et s’essouffle. De nombreux facteurs contribuent à ce déclin de l’assise des « gratuits » comme de la presse écrite en général tant et si bien que c’est l’avenir de ce type de presse qui est aujourd’hui remis en cause. On peut en effet se demander si face aux premières critiques et difficultés qu’elle rencontre celle-ci pourra survivre et demeurer pérenne ou si elle sera condamnée à s’éteindre.

La course aux financements publicitaires

La bataille pour la publicité

La dépendance financière des « gratuits » vis à vis de la publicité inquiète la presse classique, cette dernière craignant de voir s’accentuer la crise du marché publicitaire dont elle dépend aussi. En effet la publicité commerciale représente une part croissante du revenu des journaux quotidiens en France, hors, l’irruption des « gratuits » a eu un effet de captation de la publicité. Le marché publicitaire étant loin d’être extensible, l’arrivée des « gratuits » a tout de même affecté la part relative des acteurs de ce secteur. Ce phénomène s’est de plus doublé d’un effet pervers de baisse des coûts des insertions publicitaires car, pour se constituer au départ un panel d’annonceurs les « gratuits » n’ont pas hésité à accorder des rabais parfois très importants, réduisant ainsi une bonne part des revenus publicitaires. Alors que la presse traditionnelle peinait à se vendre et à trouver des annonceurs, la presse gratuite était, elle, en pleine effervescence. De janvier à mai 2005, la presse gratuite d’information pèse 33% du volume publicitaire investi dans les quotidiens nationaux selon TNS Média Intelligence. Si l’on en croit les chiffres de l’institut de recherche et d’études publicitaires (IREP) en 2004, la presse gratuite, toute famille confondue représentait 10% des investissements publicitaires après une croissance de 9,2% sur un an. Face à ces nouveaux concurrents les quotidiens nationaux traditionnels ont triste mine avec seulement 3,8% de part de marché. Cependant tandis que le marché publicitaire se rétrécissait, les journaux ont vu leur modèle économique fragilisé. Une vingtaine de titres parmi les plus vulnérables sur un dixième du total ont déjà cessé de paraître en 2007 et, une dizaine ont suivi en 2008. Ces difficultés financières ont révélé que les « gratuits »subissaient eux aussi les lois du marché.

La baisse des recettes publicitaires

Les recettes publicitaires des médias français ont baissé de 12,5% en 2009, soit 1,5 milliard d'euros de moins, un recul historique depuis cinquante ans, selon le bilan publié mercredi 17 mars par l’institut de recherche et d études publicitaires (IREP) et France Pub Ces recettes nettes, calculées après les négociations de prix entre annonceurs, agences et médias, se sont élevées à 10,3 milliards d'euros. En 2008 elles avaient déjà commencé à souffrir de la crise, affichant une baisse de 2,2%. Pour l'IREP, qui mesure le marché depuis 1959, "on n'a jamais connu une telle décélération", a expliqué son directeur délégué Philippe Legendre lors d'une conférence de presse. Ainsi, en 1993, année de crise économique et de la loi Sapin (qui restreignait les règles du secteur), les recettes publicitaires n'avaient baissé que de 5% en France. En 2001, l'éclatement de la bulle internet avait entraîné un recul de 4,8%. Mais la reprise semble s'amorcer, car le second semestre 2009 a été meilleur que le premier, où le marché avait fondu de 18,1%. Sur l'ensemble de l'année, la presse a été le média le plus touché, avec des recettes en chute de 18,1% à 3,8 milliards, les journaux spécialisés (-19,3% à 418 millions) et les magazines (-18,1% à 1,2 milliard) souffrant particulièrement. En ce qui concerne la presse gratuite d’information, comme au premier semestre, celle ci tire son épingle du jeu, avec des recettes en hausse de 5%, à 117 millions, mais les gratuits en général (y compris les journaux de petites annonces) s'effondrent de 28,3%, à 799 millions. Les quotidiens nationaux et régionaux voient quant à eux leurs recettes respectives fondre de 17,6%, à 260 millions, et de 10,2%, à 984 millions. La télévision a été affectée par l'arrêt de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques, qui ne s'est pas reportée entièrement sur les autres chaînes, et par la montée en puissance de la TNT, où les prix sont bas. Ses recettes reculent de 11% à 3,1 milliards, les chaînes historiques glissant de 13% et celles de la TNT grimpant de 50%.

On connaît l’importance vitale des recettes publicitaires pour la presse gratuite et même pour la presse en général, cependant le marché publicitaire ne peut s’étendre à l’infini, au contraire il se restreint devant l’apparition de nouveaux média toujours plus attractifs. Parmi ceux-ci internet apparaît comme un concurrent de poids, peut-être le concurrent de trop.

La concurrence d’Internet

Internet représente un nouvel enjeu pour les journaux, en effet la plupart d’entre eux migrent désormais vers « la toile » afin d’élargir leur audience nationale et internationale. La publicité sur internet a augmenté de 32,5% en 2007 et de 200% entre 2003 et 2007. Cette croissance provient en grande partie des Etats-Unis, d’Europe de l’ouest et de la région Asie Pacifique. Si la recherche sur internet avec les liens sponsorisés reste la première source de revenus sur le Web, les recettes de publicité commerciale sur internet dépassent désormais les revenus des petites annonces. Les recettes publicitaires récoltées par les sites Web des journaux ne suffisent pourtant pas à compenser les pertes dues au manque d’investissements publicitaires dans les éditions imprimées.


Les prévisions de croissance indiquent un doublement des revenus publicitaires liés à Internet pour atteindre 12% de recettes publicitaires totales des journaux, d’ici à 2011, ce qui est un signe à la fois rassurant et encourageant. Même si les journaux n’y trouvent à l’origine pas leur compte, ils sont obligés de s’exporter vers Internet, nouveau média attractif, pour rester compétitif et concurrentiel sur le marché de l’information mais également car c’est désormais là que se situe la majorité des perspectives publicitaires. Cette prise d’assaut de l’internet par les journaux pourrait se faire à terme au détriment des éditions papier. Il y a en effet désormais un intérêt croissant des publicitaires pour Internet car c’est là que se situe massivement le consommateur, l’information y est en effet plus accessible et de manière plus rapide. Les investissements publicitaires émigrent progressivement vers internet, avec 488 Millions d’Euros de recettes publicitaires en 2007, internet représente désormais 4 ,2% du marché publicitaire des grands média. Depuis 2006, le montant des recettes publicitaires d’Internet Dépasse celui des quotidiens nationaux. Parmi les sites informatiques, on trouve désormais les sites dits « compagnons » qui sont des moyens de transition des journaux vers « la toile » et les « pure players » qui sont des sites directement natifs de « la toile ».

Les « sites compagnons »

Près de quinze ans après le lancement des premiers sites Web, la quasi totalité des sites de presse d’information est présente sur Internet. Le Web est devenu un élément primordial de la stratégie des journaux bien que les revenus qu’il génère soient encore très faibles. Les éditeurs développent désormais des lien entre la version papier et les sites Web, la plupart d’entre eux après expérimentation sont revenus à des services au moins partiellement payants, donnant accès à des données d’informations complémentaires. Certains sites ont cependant vu leur audience chuter depuis qu’ils sont devenus payants, mais ceux-ci avaient l’obligation de concilier nécessité d’être sur le Web et rentabilité. En effet, il est difficile mais capital pour ces journaux d’être présent sur internet tout en maintenant leur version papier qui est alors toujours leur principale source de revenus.

A côté de ces sites « compagnons », on trouve des natifs de « la toile »,fruits d’initiatives individuelles, ce sont des « pure players ».

Les « pure players »

Natifs de « la toile », sans équivalent imprimés, ils allient journalisme traditionnel et culture du Web. Face à la crise de la presse imprimée, de nombreux journalistes quittent leurs journaux respectifs pour tenter l’aventure. En France, le pionnier dans ce domaine est le site d’informations et d’enquêtes « Bakchich » lancé en 2006 par Xavier Monnier. Celui-ci a adopté un modèle économique mixte, considérant que l’exclusivité de l’information a un prix. Les recettes publicitaires étant quasiment inexistantes, l’équilibre financier n’est pas envisagé avant trois ans. En mai 2007, le site « Rue 89 » vient rejoindre « Bakchich », celui-ci propose une information à « trois voies » : une rédaction classique, l’avis d’experts et l’avis des internautes. Enfin en mars 2008, Edwy Plenel, ancien patron de la rédaction du journal « Le Monde » lance «  MédiaPart » un site d’information en ligne payant. Lancés par des journalistes issus de la presse écrite traditionnelle, ces trois sites partagent un même objectif, à savoir celui de revenir aux fondamentaux du journalisme. Cependant quelque soit le modèle économique choisi, la rentabilité de ces sites Web se fera attendre au sein d’une économie fragilisée et d’un marché publicitaire en berne. Le succès de ces nouveaux média d’information indique cependant qu’un seuil a été franchi, comme l’affirme Pascal Riché Rédacteur en chef de « Rue 89 » : « Il sera de plus en plus difficile de parler à l’avenir de la presse écrite : texte, son et vidéo peuvent désormais se marier (même sur du papier, lorsqu’il sera électronique). Il deviendra également de plus en plus difficile de parler d’un « article ». Sur un médias qui utilise a plein les possibilités d internet, l’article, comme produit fini de la presse, tend en effet a disparaître au profit d’un processus sans début ni fin ».

Internet offre donc une grande diversité de choix et d’accès à l’information entre les « sites compagnons » et les « pure players ». Il est également plus attractif par son interactivité qui permet à l’internaute de participer en temps réel à l’information. Internet représente donc un média riche, accessible et à résonance internationale, de cela découle une attention toute particulière et un intérêt sans cesse croissant des publicitaires. On peut craindre à terme un abandon progressif du support papier par les annonceurs publicitaires et donc une fin d’investissement dans la presse écrite qui ne serait plus capable de suivre face à la nécessité de se maintenir sur Internet. Pour les journaux gratuits basés uniquement sur des recettes publicitaires, l’asphyxie semblerait inévitable et aurait pour finalité leur disparition.