Bienvenue sur JurisPedia! Vous êtes invités à créer un compte et à contribuer après avoir confirmé votre adresse de courriel. Dès lors, vous pouvez ajouter un article en commençant par lui donner un titre en renseignant ce champ:

Les lecteurs et contributeurs ne doivent pas oublier de consulter les avertissements juridiques. Il y a actuellement 3 533 articles en construction permanente...

Extension de la protection de la liberté d'expression de l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme par la Cour européenne des droits de l'homme (int)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Aller à : Navigation, Rechercher

Présentation générale

Le 1er novembre 1998 est entré en vigueur le Protocole n°11 instituant ainsi la nouvelle Cour européenne des Droits de l'Homme qui siège de façon permanente et remplace les deux anciens organes de contrôle de la Convention, la Cour et la Commission. La Convention européenne des Droits de l"Homme consacre son article 10 à la liberté d'expression et d'information. La Convention, signée le 4 novembre 1950, est entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et a été ratifiée par les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe. L'article 10 dispose :

« Toute personne a droit à sa liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir une ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues à la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »


Historique

La liberté d'expression fait partie des droits appelés « droits classiques » ou « droits de la 1ère génération ». Elle est en outre une liberté fondamentale dans la mesure où, d'une part, elle bénéficie d'une protection constitutionnelle et conventionnelle, où d'autre part, elle est opposable à la loi et pas seulement à l'administration et où enfin, produisant des effets juridiques dans les rapports entre particuliers et pas seulement entre particuliers et pouvoirs publics, elle a un effet horizontal. La liberté d'expression se définit comme « la liberté de révéler sa pensée à autrui ». Les Révolutionnaires qui l'ont consacrée dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ont tout de suite voulu lui donner une portée universelle en affirmant qu'il s'agit d'un « des droits les plus précieux de l'homme » et en énumérant tous les modes d'expression qui sont alors connus : tout citoyen peut « parler, écrire, imprimer librement ». Cet article 11 posait le principe de la libre « communication » des « pensées et des opinions ». Ce n'est qu'avec la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 que sera ajouté la libre communication des « informations ». Avec Internet, nous sommes aujourd'hui face à un nouveau moyen de communication, non seulement par la technologie qui est mise en oeuvre mais aussi parce qu'il permet une communication mondialisée des idées, des opinions et des informations.

La jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme concernant cet article est abondante. La Cour a qualifié la liberté d'expression comme étant « l'une des conditions de base pour le progrès des sociétés démocratiques et pour le développement de chaque individu ». Dans l'arrêt Informationsverein Lentia et autres contre Autriche[1] du 24 novembre 1992, la Cour a éclairci le sens de la troisième phrase du premier paragraphe de cet article 10 en expliquant que cette disposition avait pour but de « préciser que les Etats peuvent réglementer, par un système de licences, l'organisation de la radiodiffusion sur leur territoire, en particulier ses aspects techniques... Pour importants que soient ces derniers, d'autres considérations peuvent, elles aussi, conditionner l'octroi ou le refus d'une autorisation, dont celles qui concernent la nature et les objectifs, d'une future station, ses possibilités d'insertion au niveau national, régional ou local, les droits et besoins d'un public donné, ainsi que les obligations issues d'instruments juridiques internationaux. Il peut en résulter des ingérences dont le but, légitime au regard de la troisième phrase du paragraphe 1, ne coïncide pourtant pas avec l'une des fins que vise le paragraphe 2. Leur conformité à la Convention doit néanmoins s'apprécier à la lumière des autres exigences de celui-ci. »

L'existence d'un but légitime ne suffit cependant pas à déclarer une ingérence conforme à la Convention. En effet, toute restriction à la liberté d'expression doit également être prévue par la loi. La Cour a par exemple conclu à la violation de l'article 10 dans l'affaire Herczegfaly contre Autriche du 24 septembre 1992. Elle a ici constaté l'absence de base légale pour les restrictions imposées à un requérant qui souhaitait accéder à des écrits, à la radio et à la télévision, ainsi que pour l'ingérence dans l'exercice de son droit de recevoir des informations pendant son traitement et son internement psychiatriques.

Par ailleurs, toute restriction à la liberté d'expression doit être « nécessaire dans une société démocratique ». Selon la jurisprudence de la Cour, l'adjectif « nécessaire » implique « un besoin social impérieux ». Pour juger de l'existence d'un tel besoin, les Etats membres jouissent d'une certaine marge d'appréciation soumise toutefois à un contrôle européen. La Cour a d'ailleurs précisé que « s'il s'agit d'une ingérence dans l'exercice des droits et libertés garantis dans le paragraphe 1 de l'article 10, ce contrôle doit être strict en raison de l'importance de ces droits, importance que la Cour a maintes fois soulignée. La nécessité de les restreindre doit se trouver établie de manière convaincante ».


La liberté des médias

Le rôle et le pouvoir de la presse

Le premier arrêt rendu par la Cour concernant la liberté d'expression et d'information par voie de presse concerne le journal Sunday Times et date du 26 avril 1979. Selon la Cour, il y a eu violation de l'article 10 due à une injonction qui empêchait la publication d'un article et les procès qui en résultaient. Cette mesure n'a pas été considérée comme « nécessaire dans une société démocratique ».

C'est dans l'affaire Linguens contre Autriche du 8 juillet 1986 que la Cour a précisé la portée des principes à l'égard de la presse : « si elle ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection de la réputation d'autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur les questions débattues dans l'arène politique, tout comme celles qui concernent d'autres secteurs d'intérêt public. A sa fonction qui consiste à en diffuser, s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir ».

Des précisions sur la liberté de la presse ont été apportées par la Cour dans l'arrêt Castells contre Espagne du 23 avril 1992. La requête concernait la condamnation d'un requérant, militant basque et membre du Parlement espagnol, pour insultes au gouvernement après la publication d'un article où il avait accusé celui-ci de soutenir ou tolérer des attaques de groupes armés contre des Basques. La Cour a considéré que l'article 10 avait été violé et a rappelé : « il ne faut pas oublier le rôle éminent de la presse dans un Etat de droit. (…) La liberté de la presse fournit aux citoyens l'un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes de leurs dirigeants. Elle donne en particulier aux hommes politiques l'occasion de refléter et commenter les soucis de l'opinion publique. Elle permet à chacun de participer au libre jeu du débat politique qui se trouve au coeur même de la notion de société démocratique ».

De la même manière, la Cour a rendu un arrêt de violation de l'article 10 dans l'affaire Jersild contre Danemark du 23 septembre 1994 qui consacre la liberté de la presse. En l'espèce, un journaliste avait été condamné par les juridictions internes danoises pour avoir accordé une interview à un groupe de jeunes durant laquelle ils ont exprimé des propos racistes. Pour la Cour, le reportage ne pouvait objectivement avoir pour finalité la propagation d'idées et d'opinions racistes « un compte rendu objectif et équilibré peut emprunter des voies fort diverses en fonction entre autres du moyen de communication dont il s'agit. Il n'appartient pas à la Cour, ni aux juridictions nationales d'ailleurs, de se substituer à la presse pour dire quelles techniques de compte rendu le journaliste doit emprunter ». Selon la Cour, « sanctionner un journaliste pour avoir aidé à la diffusion de déclaration émanant d'un tiers dans un entretien entraverait gravement la contribution de la presse aux discussions de problèmes d'intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses. »


Les limites à la liberté d'expression par voie de presse

La Cour n'a pas manqué de préciser que la liberté d'expression par voie de presse était soumise à certaines limites en rendant la décision Prager et Oberschlick contre Autriche du 26 avril 1995. La Cour a conclu que la condamnation d'un journaliste et d'un éditeur pour diffamation d'un juge, à la suite de publications de commentaires critiques, n'était pas constitutive d'une violation de l'article 10. Malgré le « rôle éminent » joué par la presse dans un Etat de droit, celle-ci doit observer certaines limites. Les critiques très sévères contre l'intégrité personnelle et professionnelle du magistrat exprimées par le requérant manquaient de bonne foi et ne respectaient pas les règles de l'éthique journalistique. Pour la Cour, une telle ingérence dans la liberté d'expression, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la marge d'appréciation laissée aux Etats, ne s'est pas révélée disproportionnée à la protection de la réputation d'autrui et à la sauvegarde de l'autorité du pouvoir judiciaire. Dès lors, cette ingérence peut être considérée comme nécessaire dans une société démocratique.


L'importance des sources journalistiques

La jurisprudence de la Cour ne s'est pas contentée de délimiter la liberté de la presse, elle s'est aussi employée à consacrer l'importance des sources journalistiques. Le 27 mars 1996, la Cour a conclu à une violation de l'article 10 dans l'arrêt Goodwin contre Royaume‑Uni. L'affaire concernait une ordonnance enjoignant au requérant, un journaliste, de révéler ses sources d'information. La Cour a considéré que « la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». L'importance de cette protection a été soulignée par de nombreux codes déontologiques nationaux, par la Résolution sur les libertés journalistiques et les Droits de l'Homme, et par la Résolution du Parlement européen sur la non-divulgation des sources journalistiques. Seul un « impératif prépondérant d'intérêt public » pourrait justifier une atteinte à la protection des sources. En l'espèce, ni l'ordonnance de divulgation ni l'amende consécutive au refus d'obtempérer ne se justifiaient par des motifs suffisants au regard de l'article 10, paragraphe 2.
Erreur de citation Des balises <ref> existent, mais aucune balise <references/> n’a été trouvée.; $2