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Illégalité d'un acte administratif (fr)

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Généralités

Il s'agit de déterminer quels sont les moyens juridiques par lesquels on peut constater la légalité d'un acte administratif. On appelle ces moyens les « cas d'ouverture » du recours en excès de pouvoir. Mais ces moyens sont également invocables à l'appui d'un recours en plein contentieux ou d'un recours en application de légalité, ou d'un recours adressé à l'administration elle-même. On distingue habituellement cinq modalités de l'illégalité : l'incompétence, le vice de procédure, le vice de forme, la violation de la loi et le détournement de pouvoir.

On peut aussi distinguer les moyens suivant qu'ils sont ou non d'ordre public (un moyen d'ordre public peut être soulevé d'office par le juge). Sont d'ordre public l'incompétence de l'autorité administrative auteur de la décision ou signataire du contrat ; la méconnaissance du champ d'application de la loi ; l'inexistence juridique d'un acte ; la rétroactivité illégale d'un règlement administratif ; la contrariété d'une décision à une annulation prononcée sur recours pour excès de pouvoir ; la nullité d'un contrat.

La distinction se fait également entre moyens de légalité internes et externes. Elle a des conséquences importantes : tant que le délai de recours n'est pas terminé, le requérant invoquer à l'appui de son recours sur tous les moyens à sa disposition. Une fois le délai expiré, le requérant ne peut plus invoquer que des moyens de la même catégorie (internes ou externes) que ceux initialement évoqués (moyens d'ordre public exceptés). Par ailleurs, l'annulation d'une décision pour cause d'illégalité externe n'empêche pas l'administration de reprendre la même décision, dans des formes légales, alors que c'est exceptionnel après annulation pour cause d'illégalité interne.

Illégalité externe

Il s'agit d'une illégalité portant non sur le contenu de la décision, mais sur la manière dont elle a été prise.

L'incompétence

Il y a incompétence lorsqu'une autorité administrative prend une décision sans avoir qualité pour le faire. On distingue trois variété d'incompétence :

  • incompétence ratione materiæ (incompétence matérielle) : l'autorité intervient dans une matière étrangère à ses attributions. C'est le cas quand l'autorité prend une décision relevant du législateur ou du juge (usurpation de pouvoir), ou quand elle empiète sur le champ de compétences d'une autre autorité administrative.
  • incompétence ratione loci (incompétence territoriale) : l'autorité se trouve dans un autre lieu que celui où elle devrait signer (très rare) ; l'autorité décide relativement à des affaires étrangères à sa circonscription
  • incompétence ratione temporis (incompétence temporelle) : l'autorité n'était pas encore compétente, ou au contraire elle ne l'est plus.

Certains vices de procédure sont assimilés par la jurisprudence à de l'incompétence. C'est le cas d'un gouvernement qui n'aurait pas respecté une obligation de ne décider qu'après avis du Conseil d'État. De la même façon, c'est le cas d'une autorité administrative ayant méconnu son obligation de ne décider que sur avis conforme d'un organisme consultatif.

Quelques circonstances autorisent une autorité incompétente à prendre une décision. C'est le cas de l'urgence. Par ailleurs, les décisions d'un fonctionnaire irrégulièrement nommé ne sont pas entachées d'incompétence. Enfin, il faut préciser qu'une décision entachée d'incompétence est parfois régularisable par l'autorité compétente. Exemple : une mesure prise par décret alors qu'elle aurait dû l'être par arrêté ministériel, dès lors que le décret porte le contreseing du ministre.

Le vice de procédure

Il résulte de la méconnaissance d'une ou plusieurs règles organisant la procédure de décision. Le vice de procédure n'est pas régularisable, une réfection correcte est nécessaire (édiction régulière d'une nouvelle décision).

On peut distinguer trois règles majeures reconnues par la jurisprudence.

  1. Quand une autorité administrative décide volontairement de se soumettre à une procédure particulière, elle est ensuite tenue de respecter cette procédure. Exemple : un ministre de saisir volontairement un organisme consultatif.
  2. La jurisprudence refuse un formalisme excessif. La méconnaissance de « formalités non substantielles » (prescriptions procédurales qui n'ont pas d'incidence sur la décision à prendre et/ou qui ne confèrent pas de garanties à ceux que cette décision concernera) est insusceptible de provoquer l'illégalité de la décision prise. Au contraire, on nomme « formalité substantielle » une disposition destinée à garantir les droits des administrés. Le juge peut même considérer, compte tenu des circonstances de l'espèce, une décision comme non entachée de vice de procédure malgré l'inobservance de règles substantielles : c'est le cas si le manquement à la règle était en l'espèce insusceptible d'avoir eu une influence sur la décision prise si le respect des règles était en l'espèce impossible, ou si l'observation des règles était, en l'espèce, inutile si la procédure prescrite a été remplacée par une procédure au moins équivalente.
  3. Parfois, il s'écoule un certain temps entre l'achèvement du processus d'élaboration des décisions et l'édiction de la décision. Il n'est nécessaire de recommencer la procédure que si les circonstances ont changé.

Le vice de forme

Il a été longtemps confondu avec le vice de procédure. Or, le vice de procédure affecte le processus de l'élaboration d'une norme tandis que le vice de forme concerne le contenant de la norme (instrumentum) par opposition à son contenu (negotium).

Les règles de forme concernant les actes administratifs sont assez peu nombreux. On peut citer la signature de l'acte par son auteur, la motivation de l'acte, les contreseings des actes du président de la République et du premier ministre. Il n'y a de substitut possible ni à la signature ni aux contreseings. En revanche, il est possible en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles de ne pas motiver l'acte.

Illégalité interne

Illégalité en raison du contenu de l'acte

C'est ce qu'on appelle « la violation directe de la loi. » Exemple : un décret d'application d'une loi contenant des dispositions incompatibles avec celles de la loi. Le cas est rare.

Illégalité en raison des motifs de l'acte

On distingue trois motifs différents :

Erreur de droit

Il s'agit d'une erreur quant à la base légale de la décision (mise en œuvre d'une norme inexistante ou inapplicable), du rattachement des dispositions édictées à une norme illégale, ou du rattachement des dispositions à une norme applicable ou régulière mais mal interprétée. Exemple : annulation pour excès de pouvoir d'un refus de l'administration d'admettre au concours de l'ENA des étudiants communistes, sur le fondement de leurs opinions politiques[1].

Erreur de qualification juridique des faits

Le contrôle de cette erreur remonte à l'arrêt CE 4 avril 1914 Gomel[2] : une demande de permis de construire en bordure de la place Beauvau à Paris est refusée par le préfet de la Seine au motif que la construction en projet porterait atteinte à une perspective monumentale. Le Conseil d'État détermine que la place Beauvau n'est pas une perspective monumentale, et annule donc la décision du préfet.

Le juge se substitue à l'appréciation de l'administration. C'est un contrôle qui confine à l'opportunité.

Erreur de fait

Le contrôle de cette erreur remonte à l'arrêt CE 14 janvier 1916 Camino[3] le gouvernement révoque un maire au motif qu'il n'a pas veillé, comme la loi lui en fait obligation, à la décence d'un convoi funèbre. Le Conseil d'État détermine qu'« il lui appartient de vérifier la matérialité des faits», constate leur inexactitude et annule la sanction.

Illégalité en raison du but de l'acte

Il s'agit de ce qu'on appelle le détournement de pouvoir. La forme la plus simple consiste en l'accomplissement d'un acte en raison de préoccupations d'ordre privé. Mais il peut y avoir aussi détournement de pouvoir même en cas de prise en considération d'un intérêt public. Exemple : le maire de Biarritz prend un arrêté interdisant aux baigneurs de se déshabiller et de s'habiller ailleurs que dans les établissements de bains situés sur la plage. Or, il ne s'agissait pas de préserver la moralité publique mais d'augmenter les revenus de ces établissements, source de revenus pour la ville[4].

Notes et références

  1. CE, 28 mai 1954 - Barel - Rec. Lebon p. 308
  2. C.E., 4 avril 1914 - Gomel - Recueil Lebon p. 488
  3. CE 14 janvier 1916 - Camino, Recueil Lebon p. 15
  4. CE 4 juillet 1924 - Beaugé - Recueil Lebon p. 641

Voir aussi

Liens externes