L'évolution vers la légalisation des sites de jeux payants (fr)
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Poker, backgammon, paris sportifs et hippiques… tous ces jeux d’argent en ligne sont interdits en France mais Bruxelles impose la libéralisation du secteur dès le printemps 2009. Cette nouvelle législation va bousculer le secteur des sites de jeux payants et mettre fin aux stratégies mises en place depuis des années par les casinotiers pour contourner la loi française.
Sommaire
- 1 L’illicéité des jeux d’argent en ligne en France
- 2 Le contournement de la loi par les casinos en ligne qui s’installent à l’étranger
- 3 Les joueurs sur ces sites bénéficient-ils d’une protection ?
- 4 L’ouverture à la concurrence des sites de jeux
- 5 Le nouveau visage des jeux d’argent en ligne après l’entrée en vigueur de la loi fixant les modalités d’ouverture à la concurrence
- 6 Sources
- 7 Liens externes
L’illicéité des jeux d’argent en ligne en France
En France, Les sites internet de jeux d’argents sont, pour quelques mois encore, interdits (comme dans neuf autres pays européens). En effet la loi française soumet les paris payants au monopole de l’Etat. La législation française s'appuie sur deux textes encadrant l'activité des « jeux avec espérance de gain dû au hasard » que cela soit par internet ou par le monde physique : la loi du 12 juillet 1983 sur les jeux de hasard, et une loi plus ancienne du 21 mai 1836 sur les loteries prohibées, toujours en vigueur. Le législateur a cependant accordé des dérogations à cette interdiction : Une loi du 31 mai 1933 a prévu que les loteries et les paris sportifs relèveraient d’un monopole d’Etat confié à la Française des jeux, société anonyme détenue à 72% par l’Etat. Une seconde dérogation est prévue par une loi de 1891 qui réserve les paris sur les courses de chevaux au Pari Mutuel Urbain (PMU). Mais ces législations ont été adoptées à une époque où internet n’existait pas. La question alors se pose de savoir si les lois françaises sur les jeux d’argent sont applicables aux sites de jeux en ligne ? On se trouve face à un conflit transfrontière puisque ces sites de jeux sont établis à l’étranger mais ils restent accessibles aux internautes français.
Le contournement de la loi par les casinos en ligne qui s’installent à l’étranger
Fin novembre 2008, Patrick Partouche, président du groupe de casinos Partouche a lancé, depuis Gibraltar, un site sur lequel les internautes peuvent jouer à une table de poker virtuelle ou bien parier sur des scores de matchs de football. En anticipant ainsi la libéralisation du marché imposée par Bruxelles, le premier casinotier du pays espère prendre une longueur d’avance sur ses concurrents. En effet le jeu d’argent en ligne brasse beaucoup d’argent, dans la profession on parle de « produit brut des jeux » (PBJ), soit la différence entre le montant des mises des joueurs et les sommes qui leur sont reversées. En 2008, le PBJ réalisé via internet s’est élevé à 550 millions d’euros pour le PMU et à 200 millions pour la Française des jeux. Il faut ajouter à ces chiffres les 400 millions dégagés par les sites comme celui de Partouche, qui œuvrent déjà en France malgré l’interdiction. Selon un avocat spécialisé dans les jeux sur internet, les endroits où les sites s’installent pour contourner la légalité comme Gibraltar, Alderney (dans les îles Anglo-Normandes), l’île de Man ou encore Malte, ont un cadre réglementaire plus sérieux. Les joueurs y sont en effet mieux protégés à l’inverse des sites installés dans des paradis fiscaux comme Belize, les îles Caïmans ou encore les Bahamas.
Les joueurs sur ces sites bénéficient-ils d’une protection ?
Même si les sites de jeux d’argent sont encore interdits pour quelques mois en France, l’Etat est bien en peine pour empêcher l’agissement de ces sites. Des milliers de français, majeurs ou pas, les fréquentent régulièrement. Il est d’ailleurs recommandé par les spécialistes de ventes en ligne, de vérifier l’adresse du site auquel les internautes confient leur numéro de carte bancaire. Nous l’avons vu, les endroits où s’installent les sites de jeux payants pour contourner la loi comme Gibraltar, l’île Anglo-normande d’Alderney, l’île de Man, ou encore Malte, ont un cadre juridique conséquent qui permet une protection efficace des internautes. Ces sites y respectent un certain nombre de principes concernant l’âge des joueurs, la prévention de l’addiction, ou encore la sécurisation des transactions. Les gains sont crédités directement sur le compte en banque de l’internaute ou payés par chèque. Toutes ces protections dont bénéficient les joueurs, garanties par ces législations, ne le sont pas sur les sites installés aux Belize, dans les îles Caïman, ou encore aux Bahamas où les législations sont très pauvres en matière de protection des internautes.
L’ouverture à la concurrence des sites de jeux
Cette ouverture à la concurrence n’a cessé d’être repoussée, sa mise en place dans les prochains mois va bouleverser un secteur qui brasse des millions d’euros.
Lancement du processus
Le 1er janvier 2010, il sera possible de parier en toute légalité sur une équipe de sport ou bien de se lancer dans une partie de poker sur internet. Le 5 mars 2009 le Ministre du Budget, Eric Woerth, a donné le coup d’envoi à l’ouverture du marché des paris sportifs et du poker en ligne en France. Le texte, présenté en Conseil des Ministres début avril, devrait être examiné par les parlementaires avant l’été 2009. L’objectif du Ministre est de soumettre aux taxes les 2 milliards d’euros joués par 5 % des français sur quelque 25 000 sites illégaux, autre que ceux de la Française des Jeux et du PMU, les seuls autorisés à ce jour. Pour Eric Woerth la fiscalité doit rester attractive pour convaincre les acteurs du secteur du jeu à demander une licence en France. Il propose ainsi un taux de prélèvement de 7,5 % des mises sur les paris sportifs et hippiques (au lieu des 10 % envisagés), et de 2 % sur le Poker. L’Etat veut préserver les 5 milliards d’euros de recettes fiscales qu’il tire aujourd’hui du secteur du jeu. Pour limiter les risques, le Ministre du Budget a refusé d’ouvrir le marché au-delà des paris hippiques, sportifs et du poker. Pourtant, les opérateurs en ligne et les casinos avaient bataillé ces derniers mois pour inclure dans la loi d’autres jeux de hasard (roulette, black jack, etc.) mais cela aurait eu pour effet de mettre en concurrence les jeux de grattage de la Française des Jeux. Répondant à une demande de la Ministre de la Culture, Eric Woerth a annoncé le reversement au centre des Monuments nationaux d’une part des recettes fiscales liées au Poker.
La répression
Jusqu’alors passif face à l’offre illégale, l’Etat a prévu la riposte, en créant une Autorité Indépendante de la Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), qui sera aussi chargée de l’octroi des licences. Des peines pour organisation illégale de jeux iront jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Encore faudra t-il pouvoir punir les sociétés basées à l’étranger. Le blocage des transactions financières et l’accès aux sites semblent plus efficaces. L’ARJEL, qui collaborera avec les Ministres de l’Intérieur et de la Justice, pourra aussi retirer la licence des opérateurs qui ne respectent pas la loi française.
Le nouveau visage des jeux d’argent en ligne après l’entrée en vigueur de la loi fixant les modalités d’ouverture à la concurrence
L’avantage accordé au Loto
La Française des jeux se dit sereine, il est vrai qu’elle s’en sort bien : le Parlement européen, sous la pression entre autres de la France et de la Grande-Bretagne, a exclu les loteries du champ d’application de la directive Bolkenstein sur la libre circulation des services. Pour certain ce favoritisme est dû au nombre d’anciens de Bercy qui figurent dans l’organigramme de La Française des jeux.
En effet l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne ne va pas avoir les mêmes répercutions pour tout le monde. La nouvelle réglementation ouvre des champs d’activité inédits à La Française des Jeux, sans la contraindre à ouvrir à la concurrence les loteries et tickets de grattage qui représentent 93% de son activité. Officiellement l’Etat explique qu’une ouverture à la concurrence des loteries aurait imposé le même traitement pour les machines à sous. Une option que refuse Eric Woerth, Ministre du budget, car il estime que les « bandits-manchots » sont trop addictifs. Sans attendre la future loi, la Française des Jeux a déjà pris de l’avance puisqu’elle exploite un site marchand à ses couleurs et développe des paris sportifs grâce à ses jeux Cote & Match et Loto Foot. Dans ces conditions l’entreprise détenue à 72 % par l’Etat français suscite déjà beaucoup de convoitises dans la perspective du désengagement de son actionnaire majoritaire dont le principe est déjà acté. Pour le PMU la situation est plus délicate, les courses hippiques promettent d’être soumises à une rude concurrence car elles sont incontournables dans l’offre de tous les grands sites de paris sportifs anglosaxons. Eric Woerth a apporté un soin particulier à préserver cette filière. Le projet de loi inclut une taxe de 8 % sur les paris hippiques en ligne pour financer la filière. Cela dit le PMU pour son avenir, devrait peut-être élargir son offre de jeux en ligne vers d’autres sports. Enfin les jeux de casinos, à l’exception du poker, resteront interdits sur le net. Les exploitants ne peuvent donc pas décliner leur savoir-faire sur Internet et ainsi trouver des relais de croissance à leur activité traditionnelle en berne (de l’ordre de 15 % en janvier et février). Partouche et Barrière ont tous deux lancé des sites en Angleterre. Mais ces opérations coûtent cher. « Il y aura des morts » prédit un casinotier. Eric Woerth a pris en considération les sérieuses difficultés des casinos et a annoncé une prochaine révision de leur fiscalité.
Une loi provoquant un bouleversement du secteur
Avec une progression de l'ordre de 30% par an du marché des jeux d’argent en ligne, la croissance est déjà explosive. Bien qu'illégale, l'offre s'est professionnalisée et étoffée. Certains acteurs comme Unibet, Betclick, Zeturf et de nombreux sites de pokers ont mis en place une offre attrayante et sont sûrs pour les joueurs. Tous ces éléments font que le nombre d'adeptes des jeux en ligne ne cesse de progresser. L'audience des sites Internet le prouve : ceux de poker enregistrent une hausse de 20% en moyenne par an de leur trafic et à certaines heures jusqu'à 20 000 joueurs jouent simultanément sur les principaux sites (Pokerstars, Full Tilt, Winamax…). L'ouverture du marché va aussi donner un nouveau coup d'accélérateur. Car les acteurs déjà existant, tout comme les nouveaux entrants, vont pouvoir lancer des campagnes de communication massives qui inciteront les consommateurs à franchir le pas.
Pour certains spécialistes, les contraintes légales et fiscales seront supportables pour les opérateurs à la condition que les autorités interdisent l’accès aux sites non autorisés. Se pose alors un problème technique concernant la surveillance et les blocages des adresses IP des joueurs et un problème légal car la France pourrait en effet être trainée devant la cour européenne pour entrave à la libre circulation des services.
Avec la libéralisation des jeux en ligne les opérateurs privés devront obtenir une licence d'exploitation de cinq ans renouvelable pour proposer leurs services en France. Pour obtenir une licence l'opérateur devra respecter un cahier des charges très rigoureux :
- plafonnement des mises,
- plafonnement de l'approvisionnement du compte joueur ,
- plafonnement du solde du compte joueur,
- versement automatique de gains sur le compte en banque à partir d'un certain montant ,
- indication du temps passé à jouer (présence d’une horloge) ,
- indication des pertes durant la session de jeu,
- possibilité d'auto exclusion du joueur ,
- application au jeu en ligne de la procédure des interdits de jeu.
Ainsi les opérateurs doivent prévoir des mesures spécifiques, dont certaines sont très critiquées, pour interdire l'accès aux mineurs et pour lutter contre les risques d'addiction.
Parmi les grands noms de l'industrie susceptibles de demander une licence pour opérer sur le territoire national une fois négociés les décrets d'application, on trouve bien entendu la Française des jeux et le PMU, qui détiennent pour l'instant un monopole sur ces activités en ligne, mais aussi d'autres grands groupes, qui se déclarent intéressés et qui sont à la recherche d'un partenaire technique pour se lancer directement sur le marché. Certains l'ont même déjà trouvé et n'attendent plus que l'attribution des licences. Les noms de TF1, M6 et Orange circulent de plus en plus.
Sources
- Lamy Droit des Médias et des Télécommunications, 2008