Réglementation des webradios (fr)
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Sommaire
Les webradios
Définition des webradios
Une webradio est une radio diffusée sur Internet, en « streaming », par le procédé technique de lecture en continu, technique consistant à segmenter et permettre l'écoute ou la visualisation d'un fichier au fur et à mesure du téléchargement temporaire des paquets le composant. Le streaming peut être statique ou dynamique.
Quel que soit le mode de diffusion adopté, les webradios peuvent être écoutées dans le monde entier, tandis qu'une radio hertzienne ne peut être écoutée que dans les zones couvertes par ses ondes. Aujourd'hui, techniquement, n'importe qui peut créer une webradio. Il peut donc assez facilement en exister des milliers, qu'elles soient généralistes ou au contraire à thème.
Historique
L’apparition des premières webradios remonte au milieu des années 90, avec l’utilisation de la technologie « multicast » qui permet d’émettre la même information à plusieurs destinataires en même temps, contrairement à la technologie « unicast ». La technologie utilisée jusque-là était assez rudimentaire... En effet, le programme de cette webradio était composé d'un seul CD audio, diffusé en boucle.
Aujourd'hui, les procédés utilisés sont beaucoup plus évolués, et les webradios se sont multipliées en proposant désormais aux internautes une offre radiophonique quantitativement inégalable. Les limites des radios hertziennes tiennent à la stricte régulation qui leur est imposée du fait de la rareté des fréquences radioélectriques. Les webradios, qui utilisent le réseau internet, ont quant à elles pu profiter du développement des réseaux de télécommunications (ADSL, WIFI, fibre optique, Wimax...) qui a facilité leur essor dans le monde entier.
Développement des webradios
L'intérêt qu'ont suscité les webradios n'a pas cessé de croître à mesure qu'Internet envahissait les foyers du monde entier. Ainsi, internautes mais aussi entreprises de presse ou d'audiovisuel, sociétés de gestion de droits d'auteur et pouvoirs publics se sont rapidement intéressés au potentiel de cette nouvelle voie de diffusion de contenu au public en ligne.
Et alors que les webradios étaient crées au début par des amateurs, pour un public bien déterminé et de ce fait souvent restreint, de plus en plus de webradios sont aujourd'hui gérées par des professionnels, sont extrêmement structurées avec des programmations précises, et doivent avoir obtenu une autorisation pour pouvoir diffuser de la musique en ligne.
Facilement accessibles et encore peu réglementées à l'époque, ces radios faciles à créer rencontrent un succès exponentiel auprès des internautes. Certaines rassemblent plusieurs dizaines de milliers d’auditeurs, en fonction de leur programmation, de leur renommée, de la popularité du site, et des capacités techniques de leurs serveurs, tandis que d’autres en rassemblent à peine quelques dizaines. Mais toutes séduisent les auditeurs et concurrencent sérieusement les radios FM, même si les audiences de ces dernières restent pour l'instant encore largement supérieures.
C'est au début des années 2000 que les radios FM déjà existantes prennent conscience des nouveaux horizons qu'ouvre la diffusion sur Internet, et certains grands groupes de médias n'hésitent pas à se lancer dans la création d'une webradio, à l'image de la chaîne franco-allemande ARTE, qui crée en 2002 la première webradio française de service public, « Arte Radio ».
« Simulcasting » et « webcasting »
Alors que certains éditeurs de programmes radiophoniques par voie hertzienne ont fait le choix de continuer à diffuser en ligne les mêmes programmes qu'ils diffusaient déjà sur les radios « traditionnelles » (c'est le « simulcasting »), certains ont misé sur une diversification de leur activité, en proposant l'écoute en ligne de nouveaux programmes spécialisés, ou crées spécifiquement pour une diffusion en ligne (« webcasting »).
Webradios « interactives » et webradios « semi-interactives »
Les premières webradios se contentaient finalement de diffuser une simple programmation musicale. Mais très vite, certaines ont innové en proposant à l'internaute d'interagir avec la programmation et de la personnaliser.
La semi-interactivité de certaines webradios permettait donc à l'internaute d'influencer sensiblement la programmation, selon qu'il appréciait ou non les titres qui étaient diffusés. La webradio ne diffuse plus ici une seule et même programmation, mais quasiment autant que d'internautes connectés.
Les webradios interactives proposent quant à elles à l'internaute de changer de musique au cours de la lecture de celle-ci s'il ne souhaite plus l'entendre, et de « voter » pour les titres qu'il souhaite entendre à nouveau.
D'un point de vue strictement juridique, ces deux catégories de webradios se ressemblent néanmoins, en ce qu'elles s'écartent totalement du mode de fonctionnement originel et totalement figé des radios traditionnelles.
Le droit d'auteur et les webradios
Le droit de reproduction
C'est la « fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte ». (L 122-3 du Code de la propriété intellectuelle). Préalablement à sa diffusion sur internet, l'œuvre doit être reproduite sur le serveur de la webradio sous forme numérique. Cette opération, pouvant impliquer la numérisation de l'œuvre et son encodage dans un format de fichier particulier, est un acte de reproduction, et nécessite donc une autorisation préalable depuis une affaire du TGI de Paris du 5 mai 1997, dite affaire « Queneau », où les juges ont conclu que la numérisation est un acte de reproduction.
Le droit de représentation
C'est la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque » (art L 122-2 du Code de la propriété intellectuelle). La diffusion d'œuvres par une webradio constitue une télédiffusion telle qu'elle est définie à l'article L 122-2 du même code, comme étant « la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données et de messages de toute nature ». Cette représentation est donc soumise à l'autorisation de l'auteur de l'œuvre. A défaut d'obtenir une autorisation de l'auteur pour la représentation de ses œuvres, l'éditeur d'une webradio est coupable d'acte de contrefaçon et de violation des droits d'auteur au sens de l'article L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Les contrats passés avec la SACEM
Pour les webradios associatives
Le contrat prévoit que les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique dont les œuvres sont diffusées par des webradios associatives, seront rémunérés à hauteur de 6% de l’ensemble des recettes de cette radio, avec pour toute webradio dont :
- le budget annuel est inférieur à 15.000€, un minimum de 60 € par mois pour les trois premiers canaux de diffusion,
- le budget annuel est inférieur à 40.000€, un minimum de 120 € par mois pour les trois premiers canaux de diffusion.
Pour les webradios commerciales
Pour celles-ci, la SACEM ainsi que le SESAM et la SDRM propose plusieurs contrats qui dépendent du modèle économique de chaque webradio. Il n'existe donc pas véritablement de contrat « type » concernant toutes les webradios commerciales. Dans tous les cas, les contrats proposés couvrent seulement la diffusion en streaming.
La SACEM propose par exemple un contrat « d'autorisation pour l'exploitation d'œuvres musicales sur un service de radiodiffusion personnalisée en ligne ».
La rémunération prévue pour les auteurs est ici aussi proportionnelle, généralement autour de 6%, et dépend des recettes réalisées par la webradio. Les contrats prévoient néanmoins un montant de rémunération minimale mensuelle, qui oscille entre 200 € et 400 €.
Droits voisins et webradios
Les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes disposent de droits voisins sur leurs œuvres. Leur autorisation est donc également nécessaire pour la diffusion de contenu musical sur Internet, car il s'agit d'un acte de communication au public.
La licence légale
Mécanisme prévu à l'article L 214-1 de Code de la propriété intellectuelle (instauré par la Loi du 3 Juillet 1985 et modifié par la Loi du 1er Août 2006).
Elle permet, sans avoir à recueillir préalablement l'autorisation des titulaires de droits voisins, la radiodiffusion, la cablô-distribution et la communication dans un lieu public de phonogrammes du commerce, en contre-partie d'une rémunération équitable. Celle-ci est répartie proportionnellement aux artistes-interprètes et producteurs représentés par l'ADAMI, la SPEDIDAM, la SPPF (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France) et la SCPP (Société civile des producteurs de phonogrammes).
C'est la SPRE ( Société pour la perception et la rémunération équitable) qui perçoit cette rémunération et qui la répartit ensuite. La SCPP et la SPPF proposent des contrats types aux éditeurs de services de webradios, comme par exemple le contrat général d'intérêt commun « Webcasting ».
Il en résulte que les webradios ne diffusant que sur le réseau Internet doivent négocier au cas par cas les différentes autorisations dont elles doivent s'acquitter, suivant le modèle de diffusion qu'elles utilisent.
France Webradios
Il s’agit de l’« Association Nationale des Web radios », qui a été créée en février 2006. Cette association s'est fixé comme objectif de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour permettre le développement et la promotion, nationale et internationale, des programmes radio diffusés sur le réseau Internet.
Selon ses propres mots, visibles sur son site internet ([1]), l'association a pour objectif de « fédérer et de représenter l'ensemble des opérateurs radio sur le web ». « Interlocuteur privilégié parmi les différents acteurs du paysage musical sur Internet, France Webradios compte bien participer à l’expansion de ce moyen de communication qui a indéniablement sa place au cœur des nouvelles technologies ».
Toutes ces autorisations à obtenir et ces redevances à verser font que certaines petites radios associatives ne peuvent pas survivre. Certaines sont donc menacées de disparition.
Représentées par l'Association des webradios nationales, les plus petites ont essayé de discuter avec les sociétés de perception de droits d'auteur, mais les tarifs restent toujours élevés pour certaines webradios.
Et même si les tarifs obtenus sont le fruit d'âpres négociations qui ont abouti à la signature des premiers accords, la situation des webradios est restée dans le flou juridique pendant plusieurs années.
Le cadre réglementaire des webradios
La question qui se pose ici est de savoir laquelle de la Loi du 30 septembre 1986 ou de la Loi LCEN va s'appliquer aux webradios. Une webradio entre dans le cadre d'une communication électronique, laquelle distingue les correspondances privées (qui doivent ici être exclues), de la communication au public par voie électronique.
La communication au public par voie électronique opère elle-même une autre distinction entre la communication audiovisuelle (à laquelle s'applique la Loi du 30 Septembre 1986) et la communication au public en ligne (à laquelle s'applique la LCEN).
Application de la Loi du 30 Septembre 1986 relative à la liberté de communication
Sont ici visés les services de radio ou s'opère une communication d'un point d'émission unique vers une multitude de points de réception, recevant le même contenu, au même moment.
Le simulcasting en fait partie (diffusion d'un programme radiophonique sur internet, de manière intégrale et simultanée à la diffusion hertzienne), mais aussi le webcasting (programmation propre à Internet, indépendamment de toute diffusion sur les ondes hertziennes), seulement s'il n'y a aucune possibilité pour l'internaute d'influer sur la programmation.
Obligations à respecter pour les services de webradios en simulcasting, contenues dans la Loi de 1986:
- toutes les obligations s'appliquant aux services de radios sur la bande FM contenues dans cette loi,
- respecter le pluralisme des courants de pensée et d'opinion dans les programmes,
- veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne,
- ne pas nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs,
- ne pas contenir d'incitation à la haine ou à la violence en raison de la race, du sexe ou de la religion,
- employer la langue française dans les émissions et la publicité,
- respecter les quotas de diffusion d'œuvres musicales d'expression française,
- tenir à disposition du public les informations sur leur dénomination sociale, l'adresse de leur siège social, le nom du directeur de la publication,
Si le service de webradio en simulcast constitue la reprise intégrale et simultanée de la programmation de cette même radio par voie hertzienne, le régime de conventionnement par le CSA qui octroie l'autorisation d'émettre n'est pas nécessaire ici.
En ce qui concerne le webcasting, l'article 33-1 de la Loi du 30 Septembre 1986 dispose que les services de radio qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée d'un service bénéficiant d'une autorisation d'émettre sur les voies hertziennes doivent conclure une convention avec le CSA pour pouvoir être diffusées par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le CSA (câble, satellite, ADSL...)
Néanmoins, les services de radio dont le budget annuel est inférieur à 75.000 euros sont dispensés de convention et sont uniquement soumis au régime déclaratif, qui est moins contraignant. Les obligations à respecter dans le cadre du webcasting dépendent de celles qui découlent des contrats passés entre le CSA et l'éditeur de la webradio.
Application de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique, dite LCEN, du 21 Juin 2004
Les webradios interactives et semi-interactives entrent dans le champs d'application de cette loi. Mais il convient de noter que tout site web est un service de communication au public en ligne, donc la LCEN s'applique aussi aux sites de simulcasting et de webcasting sans interactivité, même si son application se sera pas la même.
Les webradios interactives et semi-interactives, parce que les titres qu'elles diffusent doivent être stockés sur leurs serveurs en ligne, se voient appliquer les dispositions de la LCEN en qui concerne le statut d'hébergeur, et ont l'obligation de conserver toutes les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création de contenu. Elles doivent aussi tenir à la disposition du public les informations sur leur dénomination sociale, l'adresse de leur siège social, et le nom du directeur de la publication.
Le régime de responsabilité des hébergeurs de l'article 6.I.2 de la LCEN leur est aussi applicable, et ils seront exonérés de leur responsabilité civile ou pénale du fait des infractions commises par des utilisateurs de leur site, s'ils démontrent qu'ils n'avaient pas eu connaissance au moment des faits du caractère illicite de ce contenu, ou s'ils démontrent que dès le moment ou ils en ont eu connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ce contenu du site et rendre son accès impossible.
En pratique, qu'elles soient interactives, semi-interactives, en simulcasting ou en webcasting sans intervention de l'internaute, les contenus proposés sur tous ces types de webradios sont très proches entre eux, ainsi que des radios traditionnelles.
Pourtant, elles n'ont pas les même régimes, ni les mêmes obligations, et sous soumises aux dispositions de deux textes différents.
A terme, l'idéal serait d'unifier tous les régimes pour éviter de trop grandes différences de fonctionnement étant donné que les webradios « 2.0 » sont vouées à un avenir radieux.
D'ailleurs, le CSA a mené une réflexion sur la transposition dans notre droit national de la directive SMA (Services de Médias Audiovisuels) du 11 Décembre 2007, dans laquelle elle envisageait de soumettre les services non-linéaires (services à la demande, VOD), à la Loi du 30 Septembre 1986.
Il s'agit peut-être là du premier pas franchi vers une unification du régime applicable à l'ensemble des webradios...