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Salarié inventeur et droit des brevets (fr)

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En France, le salarié inventeur a des droits, en matière de propriété industrielle, qu'il peut faire espérer faire valoir, mais aussi des obligations.

Le contexte juridique, d'un point de vue sommaire, est le suivant.

En premier lieu, le code de la propriété intellectuelle définit les grands principes juridiques en la matière. Il existe ensuite assez souvent, pour ce qui concerne donc le cas des salariés précisément, des conventions collectives ou accords d'entreprises qui peuvent prévoir, en faveur du salarié, des dispositions plus favorables que celles prévues dans les textes législatifs et réglementaires. Enfin, il peut également arriver que les contrats des salariés eux-mêmes, qui peuvent être « librement » négociés, contiennent des dispositions plus favorables que les normes supérieures précitées.

D'un point de vue général, le droit français affirme le principe que le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur ou à son ayant cause. Autrement dit, l'inventeur peut, théoriquement, espérer se voir reconnaître, en France par l'INPI, un droit de propriété sur son invention, du moment que celle-ci s'avère effectivement une invention au sens des définitions légales prévues. Cela signifie, notamment, que l'invention pourra être publiée sous son nom et que l'inventeur pourra espérer percevoir des revenus en cas d'exploitation commerciale, bénéficier d'un monopole.

Le Code de la propriété intellectuelle, après avoir affirmé ce principe général en son article L. 611-6, s'attache à résoudre... les problèmes et exceptions au principe que l'on peut rencontrer justement avec les inventeurs salariés.

Il convient de faire remarquer à ce sujet que cette situation concerne bien évidemment un nombre toujours plus croissant d'inventions, la situation d'un inventeur indépendant, dans le cadre de nos économies, devenant de plus en plus minoritaire: 90% d'inventions sont le fait de salariés d'entreprises ou de centres de recherche... Il est donc fondamental que le droit puisse encadrer une situation complexe. En effet, il s'agit de concilier les intérêts d'un inventeur dont le droit de propriété sur l'invention doit être affirmé et les intérêts, principalement économiques, de sociétés qui consacrent une part importante de leur chiffre d'affaire à la recherche et emploient, y compris dans ce seul but, des salariés.

Le droit concilie donc, mais peut avoir ses préférences ou priorités. Dans ce domaine, le droit français expose principalement deux hypothèses.

1°) Tout d'abord, l'article L 611-7 du CPI affirme que les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent par principe légal à l'employeur, sauf éventuel accord contraire des parties.

Dans ce cas, il apparaît donc que le droit reconnaît à l'employeur, par principe légal, des prérogatives plus importantes.

Cela peut s'expliquer parce que l'employeur a justement conclu un contrat de travail dont l'objet était de confier précisément une mission inventive au salarié ou de lui confier concrètement une mission d'étude et de recherche. La loi estime donc que la propriété de l'invention doit revenir à l'employeur parce que l'invention est intervenue dans un contexte organisé par l'employeur, qui précède la mission du salarié, l'employeur ayant investi et travaillé dans l'optique de la recherche et de la création d'inventions, mais également, plus prosaïquement, parce qu'il a rémunéré le salarié dans ce but et permis les conditions de son activité.

Dans ce cas, la propriété de l'invention doit revenir à l'employeur. Cela ne signifie pas que l'employeur est considéré comme l'inventeur; l'invention sera toujours réputée inventée par son auteur mais, en même temps, elle appartiendra à l'employeur qui pourra en percevoir les fruits éventuels, comme tout propriétaire.

Toutefois, le salarié, selon le droit, devra percevoir alors une « rémunération supplémentaire », du fait de son invention.

Les textes législatifs prévoient que les conditions dans lesquelles le salarié bénéficie de cette « rémunération supplémentaire » sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

Le droit entend donc donner priorité sur ce point aux négociations collectives, syndicales et aux parties elles-mêmes, lorsqu'elles concluent un contrat de travail. Les textes exposent également que si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à une commission de conciliation instituée par l'article L 615-21 du CPI au Tribunal de grande instance.

En conséquence, cela signifie que le salarié doit veiller très attentivement à préserver ses droits dans le cadre du contrat de travail qui lui est initialement proposé, même si cela n'est jamais aisé, bien évidemment: cela constitue le meilleur moyen de protection. Toutefois, en cas de litige avec son employeur sur ce point, il lui demeura possible, dans certaines circonstances donc, d'en appeler à une commission spéciale, ou bien de porter le contentieux devant le tribunal de grande instance.

Le rôle et le fonctionnement de cette commission est défini principalement à l'article L 615-21 du CPI, lequel prévoit que toute contestation portant sur l'application de l'article L 611-7 CPI sera soumise, à la demande de l'une des parties concernées, à une commission paritaire de conciliation (employeurs, salariés), présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire.

Il est prévu que dans les six mois de sa saisine la commission doit formuler une proposition de conciliation. Celle-ci vaudra accord entre les parties, si, dans le mois de sa notification, l'une d'elles n'a pas saisi le tribunal de grande instance compétent. Il est enfin prévu que les parties pourront se présenter elles-mêmes devant la commission et se faire assister ou représenter par une personne de leur choix; la commission pourra se faire assister d'experts qu'elle désignera pour chaque affaire.

L'institution de cette commission constitue donc un garde-fou non négligeable qu'il conviendra de saisir dans certaines hypothèses.

2°) Par ailleurs, l'article L 611-7 du CPI prévoit que, hors le premier cas de figure précédemment exposé, « toutes les autres inventions appartiennent au salarié. »

Si la formulation générale (et apparemment généreuse) du texte laisse supposer que le salarié se retrouve alors dans une situation avantageuse, après avoir dû céder par principe la propriété de son invention à l'employeur, il s'avère que le code de la propriété intellectuelle va immédiatement apporter des tempéraments pour le moins non négligeables, en affirmant :

« Toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié. »

À la seule lecture du texte, on se rend compte des nombreuses possibilités de conflits pouvant exister en la matière et des interprétations diverses qui pourront s'entrechoquer, du fait des intérêts en jeu et des points de vue nécessairement différents, voire des méfiances réciproques. En effet, il suffit que l'invention intervienne dans « le domaine des activités de l'entreprise », ce qui peut s'avérer parfois relativement flou, ou au moyen de « données procurées par elle », ce qui peut se concevoir très souvent, pour que l'employeur ait le droit de se faire attribuer ou la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention.

Il s'agit alors de se faire attribuer une propriété ou une jouissance, alors que dans l'hypothèse précédente la propriété de l'invention appartient par principe à l'employeur, ce qui est tout à fait différent d'un point de vue juridique et stratégique. On peut concevoir qu'en cas de propriété par principe au profit de l'employeur, les conflits éventuels auront tendance à moins se rencontrer puisqu'ils devront être actionnés à l'initiative du salarié, lequel ne se retrouve pas dans une situation égalitaire, en raison de son statut de salarié précisément. En revanche, l'employeur aura davantage tendance à souhaiter se faire attribuer en justice la propriété d'une invention d'un salarié qui lui échapperait, du moment que celle-ci se rapproche de son domaine d'activité, même si l'inventeur salarié estime que sa découverte n'entre pas dans le cadre de sa mission salariée.

Pour le cas où l'employeur décide de se faire attribuer la propriété de l'invention, le code de la propriété intellectuelle affirme au bénéfice du salarié le droit d'en obtenir « un juste prix ».

À ce sujet, il convient de remarquer immédiatement que la notion de juste prix n'intervient que dans cette hypothèse, alors que dans l'hypothèse précédemment évoquée, celle où l'invention est considérée comme appartenant par principe à l'employeur, seule la notion de « rémunération supplémentaire » est légalement prévue, ce qui, bien évidemment, peut conduire à des conséquences économiques différentes.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord, est fixé par cette même commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou par le tribunal de grande instance. Il est prévu que ceux-ci doivent prendre en considération tous éléments qui pourront leur être fournis pour calculer le juste prix, tant en fonction des apports initiaux de l'une et de l'autre partie que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.


Pour terminer, il faut préciser que la loi prévoit toute une procédure d'information au sein de l'entreprise, lorsque le salarié estime avoir créé une invention.

L'article L 611-7 du CPI prévoit que le salarié auteur d'une invention doit en informer son employeur, lequel doit en accuser réception.

Tous deux devront se communiquer tous renseignements utiles sur l'invention et s'abstenir de toute divulgation de nature à compromettre l'exercice des droits conférés par la loi.

Il est prévu dans les textes règlementaires que toute déclaration ou communication sur l'invention émanant du salarié ou de l'employeur doit être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen permettant d'apporter la preuve qu'elle a été reçue par l'autre partie. Bien évidemment, cela n'est pas susceptible d'accroître le climat de confiance entre les parties, d'un certain point de vue.

L'article R611-1 du CPI énonce de façon quelque peu autoritaire: « Le salarié auteur d'une invention en fait immédiatement la déclaration à l'employeur. » Il convient donc, apparemment, de ne pas perdre une minute. Un salarié qui ne respecterait pas cette obligation pourrait donc être théoriquement sanctionné.

Par ailleurs, la déclaration du salarié devra contenir les informations suffisantes pour permettre à l'employeur d'apprécier le classement de l'invention dans l'une des catégories prévues aux paragraphes 1 et 2 de l'article L 611-7 CPI, savoir les deux hypothèses que nous avons évoquées supra. En effet, il s'agit, tout d'abord, d'éviter que le salarié occulte une invention à son employeur ; il s'agit ensuite de permettre à l'employeur de savoir « immédiatement » si l'invention créée par son salarié est de celle qui lui appartiennent par principe, ou de celles dont il pourrait revendiquer la propriété ou la jouissance.

Il convient donc de remarquer que le droit prévoit une obligation générale d'information incombant au salarié pour toute invention qu'il pourrait créer, les textes ne précisant pas qu'il en serait dispensé dans le cas d'une invention n'ayant aucun rapport avec son activité salariée: ce sera à l'employeur d'en décider, puis à la justice éventuellement...


En conclusion, on pourra relever que le droit tient à protéger, en pratique, les intérêts économiques des employeurs, même si les formulations de principe du code de la propriété intellectuelle semblent toujours vouloir privilégier les inventeurs, avec leurs inventions.

Cette possible préférence de la loi en faveur de l'employeur peut notamment s'expliquer par l'origine et le fondement du droit de la propriété industrielle: faire bénéficier l'inventeur d'un monopole d'exploitation; traduire en droit de propriété opposable à tous et en résultats économiques concrets le fruit d'une pensée inventive, intellectuelle. Mais à partir du moment où les fruits d'une invention interviennent après... fabrication, application et commercialisation de l'invention, il est obligatoire que des personnes différentes se superposent et se substituent aux inventeurs initiaux: des entreprises de droit privé, la plupart du temps, ou des personnes morales de droit public, dans un contexte économique concurrentiel.

Si l'inventeur est salarié, il doit donc accepter par avance qu'il travaille pour autrui; qu'en conséquence, son invention est également un « produit du travail ». Mais un produit pas tout à fait comme les autres, privilégié d'un point de vue juridique, que le droit et les juges entendent protéger dans les conflits, contre les contrefacteurs, mais également, si nécessaire, les employeurs abusifs.


Voir aussi

Auteurs

Avocat au Barreau de Bayonne
www.portail-avocat.com