Utilisateur:Khales
Un avocat, pourquoi faire ? Plaidoyer pour une profession II- Les honoraires de l'avocat
Par Maître Khalid Khalès
Avocat au Barreau de Rabat-Maroc
Dans la première partie de notre étude, nous avons eu un aperçu succinct des difficultés du métier d’avocat et des différents rôles que joue ce dernier.
Nous rappelons que pour pouvoir bien exercer son métier, l’avocat a besoin de disposer d’un local décent et d’une infrastructure performante : bureaux, bibliothèques, photocopieuses, salle de réunion , archivages , ordinateurs, imprimantes, scaners, modems, internet, sémaphones, centrale téléphonique, téléphones mobiles, fax, voitures. Il a aussi besoin d’être tenu informé des dernières nouveautés en matière juridique : abonnement au Bulletin officiel, aux revues spécialisées, abonnement d’accès aux différentes banques de données juridiques existantes dans le pays ( Arthemis conseil, Masnaoui Mazars, prochainement « Juri-prême », etc.) ou étrangères ( Justel, Credoc, Judit, etc.. ), création d’une banque de données propre au cabinet ; achat d’ouvrages multiples, etc…Un minimum de 500.000,00 dirhams comme frais des immobilisations est indispensable s’il s’agit d’un loyer simple, de 1.500.000,00 dirhams environ, s’il s’agit d’une pleine propriété. Il faut également prévoir un fond de roulement d’au moins 100.000,00 dirhams.
Nous avons également souligné que bien avant de pouvoir s’installer, un avocat qui veut s’inscrire au stage du barreau de Rabat doit payer au jour de la rédaction de cet article au Conseil de l’Ordre des avocats la somme de 35.000,00 dirhams s’il vient directement de l’université et 70.000,00 dirhams s’il a déjà travaillé dans le secteur privé ou public. Le Conseil de l’Ordre apprécie souverainement le montant des droits d’inscription du candidat. Le juge n’a aucun droit de contrôle sur les tarifs que fixe le conseil de l’ordre ( Cour d’appel de Rabat, 24/1/2001, G.T.M n°88, p.155 ).
Une fois le stage terminé et afin de pouvoir être inscrit au Tableau, le candidat est invité encore une fois par le Conseil de l’ordre à payer des droits d’inscription qui dépassent les 8.000, dirhams.
Une fois inscrit au Tableau et une fois installé, de préférence dans les conditions indiquées plus haut, un avocat est également confronté au paiement d’autres charges permanentes : loyers, eau et électricité, téléphone, fax, internet, fournitures de bureau ( papier imprimantes, papier photocopieuses, toner, cartouches, etc).
L’avocat est également tenu de payer des cotisations au Conseil de l’Ordre des Avocats ainsi que les services rendus par ce dernier, des vignettes, des timbres.. et j’en passe. A titre d’exemple, un dossier de taxation coûte 400 dirhams à l’Ordre des Avocats de Rabat. Même une attestation de travail est payante…
D’autre part, plusieurs types d’assurances sont imposés à l’avocat. Outre les assurances des véhicules automobiles ( ou les vignettes de ces dernières), l’avocat doit s’assurer contre la responsabilité civile, contre les accidents de travail, contre l’incendie, contre l’inondation, contre le vol… La C.N.S.S est là aussi pour réclamer ses cotisations et rares sont les avocats qui payent des cotisations à la Caisse Nationale de Retraite faute de moyens.
Soulignons aussi que l’avocat paye, outre ces dépenses, la Taxe sur la Valeur Ajoutée ou T.V.A sur toute somme perçue. Là encore une remarque s’impose : Si les médecins ont défendu et obtenu l’exonération de cette même T.V.A devant le Parlement, les avocats n’ont rien entrepris dans ce sens. Le proverbe de chez nous ne se confirme-t-il pas : « boucher et il dîne avec les restes ! » ou plus exactement « avocats et ne sachant nullement se défendre ! ».
L’avocat paye également les frais de participation aux congrès ( nationaux et internationaux ), aux séminaires, les frais de transport et de séjour…
L’avocat paye aussi la taxe d’édilité arrêtée par la loi à 10% du montant du loyer.
Sur le chiffre d’affaires, l’avocat paye 6% au titre de la cotisation minimale et jusqu’à 44% au titre de l’Impôt Général sur le Revenu ou I.G.R.
Par ailleurs, l’avocat ne peut pas travailler seul devant le nombre impressionnant des juridictions de Rabat par exemple sans même parler des juridictions qui se trouvent dans les autres villes ou dans les pays autres que le Maroc. Il a besoin par conséquent d’avoir des associés responsables, des avocats collaborateurs, des avocats stagiaires, des secrétaires juridiques, des coursiers et des correspondants dans les autres villes.
S’il s’agit d’un Cabinet spécialisé, l’avocat a parfois recours à des personnes étrangères au Cabinet, tel des docteurs universitaires ou des spécialistes en fiscalité, pour faire des recherches sur un point précis de droit.
C’est dire que le cabinet d’avocat constitue à lui seul aujourd’hui une véritable entreprise qui pour bien fonctionner doit elle-même être bien structurée et composée de personnes qualifiées, à commencer par les avocats eux mêmes qui doivent se recycler à satiété, en passant par les collaborateurs, les secrétaires juridiques, etc…
Tout ce beau monde, et je n’ai cité que l’essentiel, a besoin d’être payé et bien payé pour mener à bien les tâches que le cabinet d’avocat lui confie.
Tout ce beau monde se déplace à longueur de journée, que ce soit à l’intérieur de la ville où se trouve le Cabinet ou en dehors de celle-ci entre les différents tribunaux et Cours ou entre les différentes administrations.
Par ailleurs, si le métier d’avocat reste des plus pénibles, il n’en demeure pas moins parmi les métiers les plus dangereux puisqu’il est à la tête des métiers dits de « confiance » ( le cabinet d’avocat manipule des fonds, des chèques, des effets de commerce, des reconnaissances de dettes, des documents ultra confidentiels, etc..) ; et en tant que tel, le personnel du cabinet d’avocat doit non seulement être trié sur le volet mais bien rémunéré.
C’est pour faire face à toutes ces contraintes et à toutes ces charges, que l’avocat doit ( c’est une obligation ) demander des honoraires justes et raisonnables. Mais là encore, la prestation de service n’étant pas encore bien ancrée dans les mentalités de chez nous, nombreux sont ceux qui prétendent que les coûts que représentent les services d’un avocat sont inabordables et rendent par conséquent difficile l’accès à la justice.
C’est du fatalisme pur et simple. Penser qu’un avocat coûte cher et par là abandonner et perdre ses droits est une grave erreur qui coûtera plus cher que de ne pas retenir les services d’un avocat. Si la personne considère que sa situation financière est vraiment précaire, il y a toujours la solution qui consiste à s’adresser à qui de droit pour obtenir « l’aide judiciaire » si elle est éligible.
En réalité plusieurs facteurs contribuent à la création de cette confusion et de cette suspicion.
Vient en premier lieu le libre jeu de la concurrence qui interdit la réglementation des honoraires par les Ordres d’Avocats et certaines dispositions légales qui ne sont plus de mise dans une phase où le Maroc s’est vu imposer l’entrée dans l’ère du G.A.T ou de l’Organisation Mondiale du Commerce.
En effet, si le Code de déontologie de la Profession laisse libre la fixation de la consultation, de la provision et même des honoraires, il interdit que soient fixés à l’avance des honoraires en fonction du résultat.
La disposition du libre choix des honoraires est faite dans l’intérêt non seulement de la concurrence ( une réglementation par le Conseil de l’ordre sera vite taxée de pratique anticoncurrentielle et soumise au Conseil de la Concurrence – dahir du 5 juin 2000, B.O n° 4810 du 6 juillet 2000, p. 1940 et s.) mais de l’avocat qui risque d’être surpris lui-même par le nombre des procédures qu’il serait conduit à engager ou à suivre lors d’une même affaire et par le temps que prendront ces procédures.
C’est dans ce sens que le législateur parle de la provision qui doit être versée dès l’acceptation du mandat.
C’est ensuite le manque d’information du client par l’avocat lui même. Le client a un droit légitime et élémentaire de savoir où il va. Il est par conséquent du devoir de l’avocat de l’informer du coût approximatif de ce que va lui coûter son intervention.
Or si les honoraires constituent la légitime rémunération du travail demandé à l’avocat, celui-ci doit, avant la fixation de ces honoraires ( qui doivent être justifiés par les circonstances et proportionnés aux services rendus ou à rendre ), tenir compte des facteurs suivants :
• son ancienneté et son expérience,
• la difficulté du problème soumis,
• la technicité ou la spécialisation de l’intervention,
• l’importance ou la hauteur des intérêts en litige,
• l’importance des devoirs accomplis,
• la célérité exceptionnelle,
• le temps consacré à l’affaire,
• la capacité financière de son client,
• le résultat obtenu.
Par ailleurs, si l’avocat doit éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre et de commercialité, il lui est strictement interdit de travailler à vil prix sans porter atteinte à la dignité de toute la profession. Il doit prendre en considération non seulement tous les éléments du dossier mais aussi se garder de descendre à certains chiffres dont l’acceptation constituerait un oubli flagrant de sa dignité. Plusieurs Barreaux de par le monde ont déféré des avocats devant leur conseil de discipline pour le seul fait d’avoir réclamé ou accepté des « à-comptes aussi peu conformes à l’usage ». L’avocat ne doit pas se sous-estimer ou sous-estimer sa science, son art et son travail sous peine de porter préjudice à tout le corps de la profession. Faute de trouver une jurisprudence marocaine en la matière, je me réfère à celle du tribunal de Fort-de-France qui a rendu en date du 20/10/1987 une décision fort éloquente sur la dignité de l’avocat en matière d’honoraires en considérant les honoraires proposés par la Compagnie d’assurances et acceptés par l’avocat indécents, inférieurs au tarif de l’aide judiciaire, déjà notablement insuffisant et au coût de l’affaire au cabinet de l’avocat. On peut même se demander si l’avocat qui aurait accepté ce type de tarif indécent, ne s’exposerait pas à des poursuites pour manquement à la dignité et si la convention ne pourrait pas être annulée sur le fondement de la prohibition du « dumping » ( Gaz.Pal, 2 fév.1989, p.18, note A. Damien ).
Au Maroc la situation est plus qu’alarmante. L’observateur n’a qu’à faire un tour dans les tribunaux et spécialement aux alentours des commissariats de police, de la gendarmerie, des parquets et des salles d’audience du flagrant délit ou du correctionnel en général pour constater le démarchage et la sollicitation à vil prix. Certains confrères qui acceptent la défense des prévenus à des prix dérisoires sans même ouvrir des dossiers ou consulter les pièces contenus dans les dossiers des tribunaux portent généralement atteinte aussi bien aux justiciables qui sont mal défendus ( des plaidoiries médiocres, non préparées…), mais aussi et surtout à tout le corps de la profession dont le sort, et par conséquent l’image, seront à court ou à long terme synonymes de médiocrité et de mendicité. Sans le savoir, certains confrères sont en train de bafouer la dignité de l’avocat au vu et au su des Conseils de l’Ordre et du parquet général. L’Etat lui même est lésé puisque ces dossiers échappent à toute fiscalité. Ils ne sont ni répertoriés ni contrôlés par le conseil de l’ordre.
Par ailleurs, l’avocat ne doit pas être à la merci du client de mauvaise foi qui, de parti pris, refuserait de lui régler ses honoraires tout en faisant appel à son concours, à son expérience, à son temps et à son labeur. C’est aller illico presto vers la paupérisation matérielle et intellectuelle de l’avocat et par là-même à la perte de son indépendance. Nombreux sont les confrères qui vivent actuellement et malheureusement cette situation car ils n’ont pas su ou pu gérer convenablement leurs cabinets.
Un client qui tergiverse ou qui refuse de payer les débours et honoraires à un avocat ne mérite pas d’être défendu et un avocat qui se laisse avoir par un client ne mérite pas d’être avocat.
Par conséquent, on ne saurait trop demander à l’avocat et à son client de déterminer les honoraires avec précision dans un mandat écrit de manière à éviter au client ce sentiment d’incertitude que peut constituer le mode de rémunération de l’avocat. Je ne saurais trop répéter à qui veut l’entendre le conseil du Bâtonnier Benslimane lors de mes premiers pas dans le Barreau de Rabat : « Ton client est ton premier adversaire…alors méfies-toi de lui ». Très sceptique sur ces propos au début de ma carrière, j’en ai fait les frais à mes dépens et à maintes reprises par la suite. Alors, pour éviter tout malentendu ou toute déception, un mandat doit être signé par les parties déterminant avec autant de précision que possible non pas la mission de l’avocat puisque ce dernier a un mandat ad-litem, mais surtout sa juste rétribution.
Un esprit nouveau doit donc être instauré, pour lequel la déontologie classique a besoin d’être rafraîchie.
En effet, si de par le monde, on accepte que le cabinet de l’avocat soit considéré comme une entreprise comportant des prises de risques et ayant pour but de dégager des profits, il y a lieu de considérer que les honoraires versés à l’avocat doivent lui permettre d’assurer sa contribution indispensable au service de la justice.
Il est donc mondialement admis aujourd’hui que les honoraires ont un double objectif : la couverture des frais de fonctionnement du cabinet et la rémunération de l’avocat.
Sur les honoraires perçus, 60% en moyenne servent à financer les charges inhérentes au fonctionnement du cabinet : loyer, personnel, charges sociales, frais de gestion, etc…( Bulletin du Bâtonnier de Paris « Spécial Honoraires », Alain Menard, oct.1996). Au Maroc la moyenne est beaucoup plus élevée ( d’après mon Cabinet ), mais, en l’absence de statistiques, je préfère garder comme référence celle du bâtonnat de Paris.
Durant presque vingt ans d’exercice, j’ai pu constater que la majorité écrasante des avocats et à leurs têtes leurs bâtonniers, ne sont pas très amis avec les chiffres.
C ’est pour cette raison que je préfère donner un exemple concret afin de me faire comprendre. Lorsqu’une personne ou une entreprise remet à l’avocat la somme de 5.000 dirhams au titre de ses honoraires pour une procédure par exemple, elle pense qu’elle l’a vraiment bien rémunéré. La réalité est toute autre. Car sur les 5000 dirhams il faut prélever 7% pour la T.V.A pour avoir 4650 dirhams sur lesquels il faut prélever 60% en tant que charges du Cabinet pour avoir un bénéfice net de 1860 dirhams. Sur ces 1860 dirhams il faut prélever 44% de l’I.G.R ( Impôt Général sur le Revenu ). Ce qui reste à l’avocat en tant que tel est 1041,60 dirhams. C’est tout ! Et pour cette somme il est obligé de rédiger, de se déplacer à la caisse du tribunal, d’assister aux audiences ( qui peuvent durer des années ), d’avertir le client à chaque fois ; de répliquer, d’aller chercher le prononcé du jugement ( parfois il revient bredouille car la prorogation a été décidée ), d’aller plusieurs fois pour avoir la Minute ou la Grosse ; de rédiger la demande de notification, d’aller à la caisse du tribunal et l’enregistrer, d’accompagner parfois l’huissier, lui compléter ses honoraires qui sont ridicules ( imaginez un huissier se déplaçant du Tribunal de Première Instance sis au quartier de l’océan où il a pris le pli à notifier à une personne habitant avenue Imam Malik à 10 km pour 15 dirhams d’honoraires … ), aller chercher le Certificat de notification et le visa sur la Grosse ; retourner au cabinet ; préparer la demande d’exécution, aller l’enregistrer au tribunal, accompagner l’huissier pour l’exécution, attendre qu’il ai versé le produit de l’exécution au tribunal, aller chercher la feuille de dépense, la remplir et la signer, préparer un reçu pour le Bureau des Notifications et des Exécutions Judiciaires ( B.N.E.J ), verser tous ces documents, revenir chercher le chèque et aller le verser au Compte de dépôt de la clientèle, recevoir le client et lui remettre son dû. Cet exemple qui ne concerne qu’un petit dossier de recouvrement ( qui prend parfois des années ) est en réalité très simple ( facile à dire ! ) en comparaison des dossiers qui nécessitent des recherches approfondies et des procédures compliquées et multiples.
Pourtant l’opinion que se fait le juge et le commun des mortels des avocats est des plus médiocres. Certes, s’il n’est pas aisé de convaincre le commun des mortels de la non cupidité de l’avocat, vu l’opinion bien ancrée dans les mentalités depuis des lustres, il faut avouer que les avocats peuvent défendre n’importe qui et n’importe quoi sauf leur profession. Pourtant un nombre considérable d’entre eux vivent au seuil de la pauvreté et n’arrivent pas, de nos jours, à honorer, ne serais-ce que leurs loyers. Ce qui est admirable c’est le fait que ces avocats ne s’abaissent pas, car le lucre n’est pas leur fort ni leur but. Pratiquement, tous suivent l’exemple de Maître Berryer, ce grand avocat du temps de Louis-Napoléon, répondant à un homme du monde. Celui-ci s’étonna qu’il n’ait pas fait fortune au cours de sa longue et glorieuse carrière « il vous eût suffi de vous abaisser pour ramasser cet argent qui vous eût mis à l’abri non seulement du besoin mais même de la médiocrité » et le célèbre défenseur de répliquer : « vous l’avez dit, il aura fallu se baisser ».
Assez rares sont ceux qui ont fait fortune à partir du métier d’avocat et la majorité écrasante d’entre eux vivote au jour le jour à cause non seulement d’une déontologie qui, en fait, ne protége pas l’avocat mais joue le rôle de goulot d’étranglement et que j’ai nommé à maintes reprises « La loi des Interdits » ( jetez un coup d’oeil sur la loi interne du Barreau de Rabat, vous serez sidéré ! ), mais aussi d’une grande partie de la clientèle qui croit que l’avocat « vend des paroles » et donc du « vent ». L’image du « bavard » est bien révolue depuis longtemps et nous avons démontré que le cabinet d’avocat est une véritable entreprise au service de la société qui, pour ne pas sombrer dans la faillite, dans la dépendance et peut-être un jour dans le salariat, a besoin de percevoir des honoraires justes et honorables.
En l’absence d’une réglementation, ne serait-ce qu’approximative, sur les honoraires, ( cette réglementation ne peut être établie puisque contraire au principe du libre jeu de la concurrence ), une véritable doctrine de la rémunération de l’avocat doit être établie.
En effet, si le principe est que l’honoraire est fixé librement en fonction de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de la structure de son cabinet, de sa notoriété, de sa spécialisation, des diligences accomplies et de la situation financière du client, la transparence est néanmoins requise pour essayer de dissiper cette idée pré-conçue sur la question et l’avocat a le devoir d’informer son client sur les honoraires et débours prévisibles de l’affaire. La transparence permet d’éviter par la suite le marchandage et fait gagner à l’avocat un temps considérable, qu’il utiliserait à mieux étudier les dossiers et à préparer ses plaidoiries.
Plusieurs formules peuvent être envisagées concernant les honoraires, mais procédons par étapes en fonction des différents rôles de l’avocat.
Le premier contact qui a lieu suite au premier rendez-vous consiste à ce que le client expose son affaire à l’avocat qui donne son avis verbal. C’est ce que l’on appelle « la consultation ». Celle-ci se doit d’être payante. Le client a été reçu par l’avocat, lui a pris un temps non négligeable, lui a soumis des documents dont il a pris connaissance. L’avocat prodigue des conseils lors de cette consultation. Ces conseils évitent les litiges ou aident à les résoudre. Le client est éclairé sur ses droits sinon orienté. Par conséquent la première consultation doit être payante. Ne pas se faire payer du client par l’avocat lors de cette première consultation est impardonnable et contraire à la dignité même de la profession. Que d’avocats n’avons-nous pas entendu donner des consultations dans les couloirs ou même dans les prétoires des tribunaux ! Que d’avocats le font dans les cafés de commerce ou lors d’un mariage . C’est effarent ! L’avocat doit garder une certaine dignité dans ces rapports avec la clientèle. Je me rappelle ici une anecdote sur le grand Bâtonnier Bouhmidi qui, au bain maure ( dans un bain public ), s’est vu accosté par l’un de ses clients. Après les salamalecs d’usage ce dernier demanda : « Où en est mon affaire Monsieur le bâtonnier ? » et le Bâtonnier de répliquer « est-ce que tu as sur toi le reçu du cabinet ?». « Non » dit le client. « Eh bien moi non plus, je n’ai pas ton dossier ici ! passes au Cabinet et on t’informera Inchallah.. ».
C’est effarent de voir des confrères solder leur savoir dans les cafés de commerce ou lors de cérémonies diverses en prodiguant gratuitement des conseils. C’est comme si des médecins spécialistes ou autres commençaient à examiner des gens dans les cafés et lors des mariages.., à leur donner des prescriptions ou des ordonnances, ou comme si des architectes commençaient à faire leurs plans dans les mêmes conditions. C’est un manquement à la dignité que de continuer dans cette voie, qui ne fait que détruire la profession toute entière et enfoncer l’avocat encore plus dans la misère, car un client potentiel, conseillé dans un café, est un client perdu pour l’avocat qui l’a conseillé ou pour tout autre confrère qui lui aurait fait payer à juste titre ses conseils.
Si nous n’avons aucun critère sur le plan interne pour la fixation du coût de la simple consultation, nous pouvons néanmoins nous aligner sur celle d’un médecin spécialiste de la ville de Casablanca et la fixer à un minimum de 300 dirhams. Il reste bien évident que ce taux peut être plus élevé en fonction de la difficulté du cas d’espèce, qui peut nécessiter des recherches et une étude plus approfondie.
En France la consultation simple démarre avec un minimum de 50 Euros-. En Belgique et par décision du 23 avril 1987, le Conseil National de l’Ordre des Avocats avait adopté une résolution permettant de fixer le montant des honoraires pour un premier conseil à la somme de 1.000 FB ( 24,78 Euros ), mais comme cette décision remontant à quinze ans, le tarif a du subir des révisions depuis. Plus, cette résolution du Conseil National entrant dans les pratiques anti-concurrentielles a été sûrement annulée ou abandonnée et nous ne l’avons cité que pour orienter l’avocat sur la nécessité de se faire payer à chaque consultation. Un cabinet d’avocats de Charleroi pratique les honoraires suivants pour les consultations : 1500 F maximum pour la consultation simple au cabinet, 2000 à 3500 F pour la consultation écrite simple, entre deux mille et 5.000 F l’heure pour la consultation, écrite ou non, ayant nécessité des recherches et des études préalables… Aux Etats Unis , la majorité des cabinets fixent leurs honoraires de consultation en fonction d’un tarif horaire qui varie en fonction de la réputation et de l’ancienneté de l’avocat. Ce tarif horaire démarre aux environs de $100 US. Dès que le client met le pied dans le bureau de l’avocat-conseil ( et non dans le cabinet ), le chronomètre se met en marche. Il en va de même pour la consultation par téléphone, où les secondes sont comptabilisées et la facture immédiatement adressée au client. Au Canada certains cabinets suivent les mêmes pratiques qu’aux Etats Unis tandis que d’autres fixent des honoraires forfaitaires qui démarrent à partir de $ 85 canadien par consultation.
En Allemagne une consultation simple, verbale ou écrite ne doit pas dépasser 350 DM ( en 1998 ). La consultation écrite détaillée (exposé des faits, analyse juridique et solution) donnent lieu évidemment à des honoraires très supérieurs, sous réserve d’une convention écrite.
L’avocat dans le cadre de la consultation juridique verbale ou écrite ne joue pas le rôle de l’avocat mais du consultant. C’est son analyse et son conseil qui sont rétribués.
Dans le cadre de la rédaction des actes, les honoraires peuvent être alignés sur ceux des notaires. Un contrat de bail simple peut être fait à partir de 1000 dirhams. Le contrat de vente d’immeuble à partir de 5.000 dirhams ou 1% de la valeur du bien, etc.
Assister l’entreprise dans la conclusion d’un accord ou essayer de trouver une solution négociée et éviter par là le contentieux mérite également rétribution. Celle-ci peut être calculée en fonction de la difficulté de la tâche, du temps passé et même du résultat obtenu.
Cela ne signifie nullement qu’en cas d’échec l’avocat ne serait pas rémunéré. Ce dernier n’a en effet qu’une obligation de moyen et non de résultat, contrairement à ce que pense une bonne partie de la clientèle. Par conséquent l’avocat doit bien préciser cette donne dans le mandat écrit qu’il conclut avec son client, bien qu’elle soit d’ordre public.
En dehors des frais de première consultation, s’il est sollicité pour suivre ou engager un procédure judiciaire, l’avocat doit exiger du client le paiement des frais du dossier. Ces frais, qui ne peuvent en aucun cas être considérés comme des honoraires comprennent normalement :
• Les frais d’ouverture du dossier qui englobent l’encodage, la constitution, l’archivage et les frais de conservation des archives durant cinq ans - art. 49 du dahir du 10/9/1993- ( d’après nos recherches sur les tarifs les plus bas ces frais peuvent être fixés entre 250 à 500 dirhams en fonction de l’importance de l’affaire et de la situation matérielle du client ) ;
• Les correspondances c’est-à-dire les lettres et fax envoyés par l’avocat au client, à l’adversaire, au tribunal, aux experts et à tout intervenant dans l’affaire ( le cabinet qui pratique les plus bas prix est un cabinet belge : 7 Euros par pièce )
• Les frais de saisie et de tirage sur ordinateur comprenant les pièces de procédure c’est à dire requêtes, citations, conclusions et notes, sont comptés par ce même cabinet belge à 7 Euros par feuillet.
Il est possible de convenir d’un montant fixe pour les frais de dossier mais attention à la sous-estimation des dépenses futures. Il est toujours conseillé de demander une avance et une fois épuisée d’en réclamer une autre.
L’avocat doit également sensibiliser le client et l’informer sur les frais de justice qui ne sont jamais compris, sauf stipulation contraire, dans les honoraires. Ces frais de justice comprennent entre autres :
• Les droits d’enregistrement et de timbre,
• Les frais des tribunaux ( droits d’introduction ou de plaidoirie, frais de copie de dossiers, de pièces…),
• Les vignettes,
• Les frais de traduction,
• Les frais d’huissier, etc.
Si le dossier est cité en dehors de la ville où exerce l’avocat, ce dernier doit faire supporter au client non seulement les frais des déplacements, de séjour ou autres mais une indemnité compensatrice spéciale si le déplacement se fait vers une destination lointaine nécessitant l’absence de l’avocat de son cabinet pendant 24 heures ou 48 heures par exemple.
Les honoraires proprement dits sont librement fixés entre l’avocat et son client ( article 43 du dahir du 10/9/1993 ). Il n’est nullement utile de répéter les critères sur lesquels doit se baser l’avocat pour la fixation de ses honoraires. En réalité il est pratiquement impossible de déterminer quel sera à la suite d’un litige l’état global de frais et honoraires. En effet, tout est lié à l’importance du travail à réaliser. Une simple ordonnance du Président du Tribunal de Première instance n’est nullement comparable à un arrêt obtenu après quatre ans de procédures, deux degrés de juridictions, 60 pages de conclusions, la présence de l’avocat lors des expertises ou des constats, des déplacements, des courriers, des mesures de sûreté et d’exécution…
Les avocats peuvent fixer forfaitairement ou au temps passé leurs honoraires. Dans les pays développés le taux horaire est admis. Nous prenons l’exemple d’un Cabinet d’avocats belges qui pratique un taux horaire qui démarre à 82,76 Euros mais qui peut être augmenté en fonction des critères déjà énumérés. Nous prenons aussi l’exemple de ce cabinet d’avocats installé à Nice et qui pratique les taux horaires suivants : 228,67 Euros de l’heure en droit public ; 182,93 Euros de l’heure en droit immobilier ; 152,44 Euros de l’heure en toute autre matière. Un cabinet d’avocats de Charleroi ( Belgique ) travaille au taux horaire de 2.000 à 5.000 FB ( tarif de 1987 ). Si ces tarifs peuvent paraître parfois quelque peu excessifs, il suffit de les adapter au contexte marocain, mais à notre avis la mentalité de chez nous n’est pas encore prête pour un tarif horaire.
Le tarif forfaitaire est le plus couramment pratiqué au Maroc, mais là encore la liberté est laissée aux parties. A titre indicatif voici les tarifs d’un cabinet d’avocats français qui continue à pratiquer des honoraires forfaitaires :
• devant le tribunal d’instance, à partir de 3.000 FF ( hors taxe ),
• devant le tribunal de grande instance, à partir de 6.000 FF( H.T)
• devant le tribunal de commerce, à partir de 4.000 FF ( H.T ),
• devant la Cour d’appel, à partir de 6.000 FF ( H.T ),
• devant le tribunal de police, à partir de 2.500 FF(H.T ),
• devant le tribunal correctionnel, à partir de 4.000 FF ( H.T ),
• devant la Cour d’assises, à partir de 20.000 FF ( H.T ),
Il faut entendre par les tarifs ci-dessus indiqués qu’ils s’appliquent par procédure et par degré de juridiction. Une affaire devant le tribunal de première instance et la même affaire devant la Cour d’appel donnent lieu à deux honoraires distincts sauf accord contraire.
En Allemagne le barème de 1998 ( qui est devenu lui-même contraire au principe du libre jeu de la concurrence ) fixe les honoraires de l’avocat pour l’audience devant la juridiction pénale en fonction du degré de chaque juridiction entre 100 et 2540 DM pour le premier jour et entre 100 et 1270 DM pour chaque audience supplémentaire. Au cours de l’instruction préparatoire le coût varie entre 85 et 1270 DM. Il est d’usage de demander des honoraires supérieurs à l’honoraire légal et également d’usage de demander, sans justificatifs, le remboursement forfaitaire des frais de port et de téléphone ne pouvant dépasser 15% de l’honoraire légal et un plafond de 30 DM.
Dans les affaires civiles, commerciales ou autres et qui tendent au recouvrement d’une somme d’argent ( à la suite d’une créance, d’un dommage causé, etc…), un honoraire complémentaire dit de résultat peut être réclamé et obtenu par l’avocat. Certes, la loi prohibe le pacte de « quota litis » ( aux Etats Unis on parle de « success fees, parfaitement licites ) qui consiste à quantifier l’honoraire de l’avocat uniquement en fonction d’un pourcentage sur le résultat qui sera obtenu ( art. 44, al.1 du dahir du 10/9/1993 ). Mais ce pacte est parfaitement licite quand il constitue le solde d’honoraires par rapport aux honoraires de gestion déjà prévus ou perçus. L’honoraire de résultat est convenu avec le client mais n’est payable qu’au moment du paiement effectif par la partie adverse des sommes ayant été mises à leur charge. Cette pratique, connue sous le nom de « palmarium », consiste à associer directement et exclusivement l’avocat aux chances du procès. Elle est différente du pacte de quota litis qui lie les honoraires exclusivement au résultat. La France qui déclarait ce dernier illicite a adopté par la loi du 10 juillet 1991 le « palmarium » en déclarant « qu’était licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’honoraires complémentaires en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ». C’est en fait une protection de l’avocat lui-même qui risque après plusieurs années de travail et de frais de voir son client débouté.
D’autres pays pratiquent la rémunération en fonction de la valeur de l’affaire, soit un pourcentage sur les affaires qui mettent en jeu une somme d’argent. Les taux varient généralement entre 10 et 30 % en dehors des frais de dossier, d’une provision sur honoraires et des débours ( Iraq : 20%, Egypte 20%, Jordanie 25%, etc.. voir Rissalat Al Mouhamat n°11-12, p.387 ). En réalité, il serait vain de dresser un tableau complet des honoraires qui peuvent en réalité varier d’un dossier à un autre en fonction de l’affaire elle-même et du cabinet de l’avocat ( structure, notoriété, etc..); l’affaire est-elle évaluable en argent, s’agit-il d’une créance non contestée ou d’une créance contestée ; s’agit-il d’une affaire non évaluable en argent et devant quelle juridiction ?, etc … ; le cabinet de l’avocat est-il bien structuré, l’avocat a-t-il une grande expérience et une certaine notoriété ?, etc.
Il est parfaitement permis à chaque cabinet d’établir de façon autonome et en fonction de ses coûts propres, un barème qu’il peut porter à la connaissance de ses clients.
Un autre mode de rémunération parfaitement licite consiste en un contrat d’abonnement au cabinet d’avocat ( art.47 de la loi interne ). Il peut être combiné avec le cas par cas. Généralement ce genre de contrat est conclu avec les administrations, les établissements publics et les personnes morales de droit privé. Une question peut se poser concernant un tel contrat avec une administration, un établissement public ou un conseil municipal ou communal. S’agit-il d’un contrat administratif ou d’une simple convention de droit privé ? La réponse a été consacré par le tribunal administratif d’Oujda qui en date du 10/3/1999 s’est déclaré incompétent pour connaître d’un litige opposant un avocat à une commune rurale, tous deux liés par une convention de droit privé dont la non exécution est soumise aux tribunaux de droit commun ( Al Ichaa, n°21, 2000, p.231 ). Ce genre de contrat se conclut généralement avec une personne morale ou physique qui a souvent recours à l’avocat pour des consultations et éventuellement pour le contentieux. L’avocat acceptera dans ce cas des honoraires annuels versés par mensualités et destinés à assurer le service juridique dont l’entreprise ( ou une personne physique ) a besoin, et éventuellement un certain nombre de dossiers à suivre sur le plan judiciaire. En réalité une convention de ce genre, si elle n’est pas limitative, comporte des risques pour l’avocat si elle inclut et le juridique et le judiciaire. L’avocat peut être surpris par le nombre des consultations verbales ou écrites et par le nombre des dossiers qu’il se voit obligé de suivre devant les instances judiciaires. Nous conseillons par conséquent à ce qu’il y ait des honoraires pour l’avocat en tant que conseiller, c’est le volet juridique et des honoraires du cas par cas pour le contentieux, c’est le volet judiciaire en plus des frais de dossier, des dépens et des frais des déplacements.
En dehors des cas où l’avocat perçoit des sommes d’argent au profit d’un mineur et où le recours au bâtonnier pour la taxation est obligatoire ( art.55 qui pose en fait un véritable problème puisqu’il impose un délai de 15 jours pour déposer les sommes perçues après prélèvement des débours et honoraires ; le plus logique serait de déposer les sommes perçues 15 jours après la décision du bâtonnier… ) et en dehors des cas où une convention a été conclue entre les parties, le problème de la transparence et du manque d’information peut conduire à un différend entre l’avocat et son client sur les honoraires. Si l’avocat n’a pas informé son client des sommes éventuelles qu’il serait conduit à débourser soit au cours soit à la fin d’une procédure, si aucun accord écrit n’a été conclu et si le différend persiste, le client de l’avocat peut dans les trois mois qui suivent l’arrêt des comptes et la fin du mandat recourir au bâtonnier pour fixer les honoraires et les débours de l’avocat ( art.50 du dahir du 10/9/1993 ). La décision du bâtonnier de Rabat rendue le 29/12/2000 dans le dossier de taxation n° 220/2001 et confirmée par le vice-président de la Cour d’appel de Rabat en date du 25/10/2001 ( voir Journal Al Alam n° 18918 du 3 mars 2002, page 3 ) va à l’encontre de l’article 50 précité. D’après les faits rapportés par le journal, le client de l’avocat, neuf mois après l’arrêt des comptes et l’encaissement du chèque, s’est adressé au bâtonnier pour la baisse des honoraires prélevés. Le plus grave c’est l’interprétation donnée par le vice-président de la Cour d’appel de Rabat, qui dans l’un des attendus de la décision stipule « qu’il ne ressort nullement de la rédaction de l’article 50 que la non observation du délai ( délai de trois mois ) est assortie de la déchéance de la demande. » ( sic ). Or il s’agit bien là d’un cas de prescription extinctive, puisque le législateur fixe un délai pour l’exercice d’un droit pendant un temps déterminé, qui est de trois mois, au delà duquel, le droit est éteint. La Cour Suprême n’aura pas l’occasion d’examiner cette décision puisque l’article 92 du dahir de 1993 ne permet aucun recours contre la décision du Président de la Cour d’appel ayant trait aux honoraires.
L’avocat peut également s’adresser au bâtonnier pour lui exposer toute difficulté dans ce domaine et lui présenter une demande de taxation des honoraires et débours. Le législateur ne lie pas l’avocat au délai de trois mois, contrairement à ce qu’a jugé le vice-président de la Cour d’appel de Rabat dans l’une de ces décisions. L’action naissant de l’obligation n’est éteinte pour l’avocat que suivant l’article 387, qui prévoit une prescription de 15 ans et non celle d’une année comme il se plait à certains de l’arguer sur la base de l’article 389-1, puisque le texte qui était rédigé en français à l’époque parle des Oukil c’est-à-dire les anciens défenseurs agréés, et non pas des avocats en tant que tels ( voir dans ce sens : Cour d’appel de Rabat, 17/2/1934, R .A.C.A.R, T.IX, p.518, voir aussi Cour d’appel de Rabat, 17/2/1938, R.A.C.A.R,T.IX, p.518 et Cour d’appel de Rabat, 9/12/1938, R.A.C.A.R, T.X, p.57 ). Certains vont même plus loin et affirment que du moment que la profession est réglementé par un texte spécial qui est muet sur la question, l’avocat n’est nullement tenu par un délai et peut demander la taxation à tout moment ( Jean Paul Razon, « Les institutions judiciaires et la procédure civile au Maroc, 1988, p.80 ).
Le bâtonnier n’intervient qu’en l’absence d’une preuve écrite ou d’un aveu formel de l’une ou l’autre des parties sur leur accord concernant les honoraires ( Cour d’appel de Marrakech, décision du Premier Président n°556 du 11/2/1987, dossier n°22/87 ; in Al Mourafaa, décembre 2000, p.177 ). En cas d’accord écrit conclu entre l’avocat et son client, la compétence revient aux juges du fond ( ou au Président du Tribunal s’il s’agit d’une reconnaissance de dette ), auxquels les parties peuvent s’adresser pour réclamer l’exécution de l’obligation et non au bâtonnier ( Cour d’appel de Rabat, décision n°2526, 25/12/1992, Al Ichaa n°8, 1992, p.106, voir aussi Cour d’appel de Rabat, décision du Président n° 2526, 25/5/1992, Rissalat Al Mouhamat, n°11-12, p.383 ).
Le bâtonnier, s’il le juge utile, peut entendre les dires des uns et des autres dans un délai de 15 jours de la réception de la demande de taxation ( art.50 al.3 ) ; il doit rendre sa décision dans le délai d’un mois ( al.4 ), laquelle décision est notifiée à l’avocat et à son client dans le délai de 15 jours ( al.5 ). Le législateur est muet sur le cas où le bâtonnier ne rend pas sa décision dans le délai de 30 jours, ce qui laisse la porte ouverte aux abus et au laisser aller. Certains dossiers de taxation ont connus la moisissure pendant des années dans les Bâtonnats du Maroc. Le Président de la Cour d’appel de Rabat a estimé qu’on ne peut pas considérer comme un refus tacite le fait que le bâtonnier n’ait pas rendu sa décision de taxation dans les délais de l’article 90 qui ne parle que des délais de recours contre les décisions du conseil de l’ordre ; le texte applicable étant l’article 92 qui ne fixe pas de délai au bâtonnier en matière de taxation ( Cour d’appel de Rabat, décision N° 1964,11/3/1999, in Rissalat Al Mouhamat n°9, oct.1999, p.96 ). En France, si le bâtonnier ne rend pas sa décision dans un délai de 3 mois, il est dessaisi du pouvoir de le faire et l’affaire est directement portée devant le Premier Président. La partie la plus diligente, dans le mois qui suit l’expiration de ce délai, saisit le Premier Président par lettre recommandée avec accusé de réception ( art.176 ).
L’intervention du bâtonnier se limite en fait à une conciliation à laquelle le législateur, en cas de succès, c’est à dire si aucune des parties ne la conteste dans les délais, confère un effet exécutoire. Elle n’est pas exécutoire de plein droit comme une décision judiciaire mais peut être rendue exécutoire – passé le délai de l’appel - par le Président du Tribunal de Première instance de la ville où se trouve le siège du Conseil de l’Ordre ( art. 51 ).
En France l’article 77 du décret du 27 novembre 1991 précise que ce n’est pas la décision du bâtonnier qui est déférée devant le Premier Président de la Cour d’appel mais « la contestation d’honoraires ». En droit marocain cette délicatesse n’est pas observée puisque l’article 92 stipule que la décision du bâtonnier concernant les honoraires peut faire l’objet d’un recours devant le Premier Président de la Cour d’appel dans le délai de 15 jours à compter de sa notification. Le texte reste muet sur les modalités et les formalités de la notification de la décision de taxation. Notons par ailleurs que la décision du Premier Président n’est susceptible d’aucun recours ( art.92 al.3 ). La Cour Suprême en date du 4/1/1996 a eu l’occasion de faire jouer cette disposition ( arrêt n°27, in Rissalat Al Mouhamat, n°13, oct.1993, p.73 ).
Concernant la taxation des honoraires ou des débours du bâtonnier en exercice, elle est faite par l’ex-bâtonnier de l’Ordre et en cas de carence, par le membre le plus ancien du Conseil de l’Ordre ( art.50, al.6 ). La France prévoit dans le même cas d’espèce le recours devant le Président du Tribunal de Grande Instance ( art . 179, décret du 27 novembre 1991 ), qui statue selon les règles établies dans les articles 177 et 178.
La décision du bâtonnier concernant les honoraires peut faire l’objet d’un recours auprès du Premier Président de la Cour d’appel. Le délai du recours est fixé à 15 jours ( art.92 ) à dater de la notification. Ce recours doit être exercé par un avocat inscrit à l’un des tableaux du barreau du Maroc sous peine d’irrecevabilité ( art.31 ). C’est ainsi que le Premier Président de la Cour d’appel de Kénitra a déclaré irrecevable le recours intenté personnellement contre la décision du bâtonnier fixant les honoraires d’un avocat par le client de ce dernier ( Cour d’appel de Kénitra, décision n°29/99, en date du 9/11/1999, dossier de taxation n°29, Al Ichaa, décembre 2001, p.152 ; voir aussi Cour d’Appel d’Asfi, décision n°1004, 14/4/1999, in Rissalat Al Mouhamat n°14, 1999). Un problème peut se poser dans le cas où un avocat est mandaté par un client pour attaquer la décision de taxation contre un confrère. En effet l’article 18 de la loi interne du Barreau de Rabat dispose que « Tout avocat chargé d’intenter une action contre un confrère qu’il soit du même barreau ou d’un autre barreau doit, avant d’entamer quoi que ce soit, obtenir l’autorisation écrite du bâtonnier ». Cette disposition, si elle est appliquée à la lettre et devant le cours délai de l’article 92 ( 15 jours ), risque de porter de graves préjudices aux justiciables. Mais en fait c’est la décision du bâtonnier qui est l’objet du recours et non le confrère en tant que tel. Par conséquent, l’autorisation n’a pas lieu d’être.
Le recours doit donc être formulé par un avocat inscrit au Tableau par une requête écrite respectant les formes exigées pour toute requête d’appel. Cette requête est soumise au paiement d’une taxe judiciaire.
Au recours, s’il est présenté par l’avocat, doit être joint le dossier du cabinet de ce dernier afin de permettre au Président de la Cour d’appel d’apprécier le travail et les services accomplis par l’avocat au profit de son client. Le président de la Cour d’appel de Casablanca, après avoir mis en demeure un avocat de produire le dossier de son cabinet et devant le fait qu’il ne s’est pas exécuté ne lui permettant pas de connaître exactement les travaux et services accomplis au profit de son client a annulé la décision de taxation du bâtonnier ( voir G.T.M n°83 année 2000, p. 151 ).
L’audience est tenue à huit clos. C’est normal vu le volet du secret professionnel qui doit entourer l’affaire. Seuls sont autorisés à être présents à l’audience en dehors du Président de la Cour d’appel ou la personne mandaté par lui, le procureur général du Roi, les mandataires des parties qui peuvent d’ailleurs se contenter de conclusions écrites.
L’avocat qui décide de prendre la suite d’une affaire en cours doit s’assurer que le confrère a reçu ses honoraires ou tout au plus obtenir son autorisation écrite. La non-observation de cette règle constitue une violation de l’art.20 de la loi interne du Barreau de Rabat ( Cour d’appel de Rabat, 19/11/1999, Al Ichaa, N°22, 2000, p.192 ).
Par ailleurs, les honoraires de l’avocat constituent une créance privilégiée et nonobstant les phases du redressement judiciaire de l’entreprise ( Cour commerciale d’appel de Casablanca, arrêt n°1510/2000/11, 10/10/2000, G.T.M n°88, p.168 ).
Je tiens aussi à souligner que l’avocat, même s’il a reçu une provision sur honoraires, peut décider de ne pas poursuivre sa mission sans justifier sa décision. Le législateur lui impose seulement de le faire connaître à son client par lettre recommandée avec accusé de réception en temps utile pour lui permettre de pourvoir à la défense de ses intérêts ( art.46 ). Il en va de même du client, qui peut révoquer son mandat à tout moment de la procédure à condition de payer à l’avocat les honoraires et les frais dus pour les missions remplies dans son intérêt.
Si j’ai estimé utile de parler du contentieux des honoraires en l’abordant du côté procédural ( ce sujet barbant mérite à lui seul tout un ouvrage ! ), c’est pour attirer l’attention et de l’avocat et du client sur la nécessité de l’éviter en ayant recours à la transparence et au mandat écrit. Certains avocats vont crier à l’hérésie concernant l’appel à un mandat écrit, du moment qu’au Maroc l’article 29 du Code de déontologie spécifie qu’en dehors des cas du faux, du serment et de la représentation d’une partie lors de la conclusion d’un contrat, l’avocat a une procuration générale, même si elle n’est pas écrite. C’est le mandat ad-litem. Je suis peut-être plus jaloux que tous mes confrères de cette prérogative, qui marque toute la confiance placée dans les avocats par la société. Mais tout en gardant cette prérogative, tout en la défendant corps et âme je réitère mon appel pour qu’un accord écrit soit dressé entre l’avocat et son client et concernant seulement la référence de l’affaire et les honoraires convenus. Cet accord restera secret et ne sortira de l’ombre qu’en cas de non-paiement par le client ou en cas de prélèvement excessif et dépassant l’accord par l’avocat. Cela évitera les surprises et les frictions entre les avocats et leurs clients. Cela évitera aux bâtonniers de perdre un temps fou à compulser les dossiers des confrères au vu de les taxer. Cela évitera de dévoiler le dossier du client et par conséquent de préserver le secret professionnel même vis à vis du bâtonnier, du Président de la Cour d’appel et du Procureur général. Ceci évitera également de mobiliser des juridictions, d’encombrer les Présidents des Cours d’appel, des procureurs généraux inutilement. Cela ramènera enfin la confiance et la sérénité qui se perd de jour en jour entre les avocats et leurs clients.
Je ne peux que le répéter : « En cas d’accord écrit sur le montant des honoraires, la seule voie qui permet à l’avocat en tant que mandataire le recouvrement de ses honoraires est de s’adresser au juge compétent pour demander l’exécution d’une obligation. Le bâtonnier n’est pas compétent pour ratifier les honoraires déjà fixés entre l’avocat et son client » ( Al Ichaa, 1992, p.106 ).
D’autre part, on ne peut plus considérer les honoraires comme une « rétribution » de l’honorabilité telle que définie au début du siècle dernier, mais bel et bien comme la rémunération d’un service rendu dont 60% vont pour les charges du cabinet et sur le reste sont prélevés 44% pour l’I.G.R. Un avocat non rémunéré ou mal rémunéré est un avocat non motivé devant l’ampleur de la tâche qu’on lui demande et on ne peut nullement exiger de lui « qu’il observe, dans sa conduite professionnelle les principes d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité, de dignité, d’honneur et tout ce qu’exigent les bonnes mœurs » tels qu’énumérés à l’article 3 du dahir de 1993.
Le bâtonnier doit donc tenir compte, au moment de la taxation, de la charge qui pèse sur le cabinet de l’avocat. Un dossier mal taxé ou sous-taxé engendre des frustrations et même des rancunes dont l’avocat peut bien se passer. Pire, la frustration encourage des pratiques qui sont contraires aux principes d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité, de dignité, d’honneur que nous avons eu l’occasion d’aborder précédemment. Le rôle du bâtonnier est d’être juste et responsable. C’est à cette condition qu’il peut exiger des avocats d’observer les principes déjà énumérés.
Le rôle du Président de la Cour d’appel lors de l’examen des honoraires déjà fixés est également des plus importants. Le président de la cour d’appel peut contribuer aussi et à l’instar du bâtonnier soit à l’instauration d’un équilibre entre l’avocat et son client en cas d’absence d’un accord préalable sur les honoraires soit à l’instauration d’un climat de frustration dont les conséquences sont préjudiciables à la profession d’avocat et au monde judiciaire d’une manière générale.