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La problématique de la copie privée est l'une de celles qui reviennent fréquemment selon les périodes, d’une part parce qu'on la considère comme une question primordiale pour le financement de la culture, et d’autre part parce qu’elle symbolise la lutte à contre sens contre le monde de demain, avec une hausse toujours plus importante des possibilités de téléchargement. C’est un combat incessant qui semble s’approcher pas à pas de la fin. | La problématique de la copie privée est l'une de celles qui reviennent fréquemment selon les périodes, d’une part parce qu'on la considère comme une question primordiale pour le financement de la culture, et d’autre part parce qu’elle symbolise la lutte à contre sens contre le monde de demain, avec une hausse toujours plus importante des possibilités de téléchargement. C’est un combat incessant qui semble s’approcher pas à pas de la fin. | ||
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La problématique de la copie privée est l'une de celles qui reviennent fréquemment selon les périodes, d’une part parce qu'on la considère comme une question primordiale pour le financement de la culture, et d’autre part parce qu’elle symbolise la lutte à contre sens contre le monde de demain, avec une hausse toujours plus importante des possibilités de téléchargement. C’est un combat incessant qui semble s’approcher pas à pas de la fin.
Sommaire
[masquer]- 1 Le mécanisme de la rémunération pour copie privée (RCP)
- 2 l’exception de copie privée et le droit d’auteur
- 3 La copie privée au soutient de la lutte contre la contrefaçon
- 4 Les effets pervers de la copie privée
- 5 L’intervention du droit communautaire
- 6 L’arrêt Padawan, un coup de tonnerre sur le monde de la rémunération pour copie privée
- 7 L’arrêt Stichting de Thuiskopie vs Opus Supplies Deutschland du 16 juin 2011
- 8 Vers une copie privée européenne
- 9 Voir aussi
- 10 Liens externes
- 11 sources diverses
- 12 Notes et références
Le mécanisme de la rémunération pour copie privée (RCP)
la naissance de la rémunération pour copie privée
La rémunération pour copie privée est apparue en France en 1985 pour faire face à une pratique nouvelle, née de la possibilité de dupliquer des œuvres par le biais de cassette audio. C’est un mécanisme qui a pour but d’imposer une taxe, appelée redevance pour copie privée. Elle vient se greffer sur le prix d’un support, formellement désigné, qui permet de reproduire des œuvres sans le consentement de son auteur. Ce sont des supports vierges. La rémunération pour copie privée est la contrepartie de l’exception de copie privée. Elle vient compenser les pertes financières dues à ces copies privées.
Elle est établie par une commission dite Commission copie privée. Elle est issue de la Loi Lang du 3 juillet 1985. Elle fixe les supports assujettis à la redevance, le taux respectif à chaque support, ainsi que les modalités de versement. Cette Commission prend des décisions au fur et à mesure de l’évolution des pratiques et des technologies. La redevance pour copie privée française est encore à ce jour la plus élevée d’Europe. Ce sont les entreprises qui fabriquent et qui vendent ces produits taxés qui sont assujetties à la redevance. Seulement elle est répercutée sur le consommateur. C’est lui qui en supporte la charge.
Elle est collectée par deux organismes créés spécifiquement pour ça. Ils sont partagés entre le domaine du sonore et le domaine de l’audiovisuel. Ce sont respectivement la SORECOP et la COPIE France. Ils sont également chargés de reverser la redevance aux ayants droits de leurs secteurs respectifs.
La législation en vigueur
La copie privée est régie à différents niveau.
Au niveau français
le code de la propriété intellectuelle
- Article L122-5
- Article L331-9
- Article L311-3
- Article L311-4
- Article L311-7
- Article L311-8
- Article L335-4
- Article L331-9
L’ensemble des décisions de la Commission copie privée :
- Décision du 30 juin 1986 précisant notamment les modalités de déclaration et de paiement de la rémunération ; instauration d’une rémunération applicable aux supports analogiques amovibles (cassettes audio et vidéo).
- Décision n°1 du 4 janvier 2001 : instauration d’une rémunération applicable aux supports numériques amovibles (CD date et audio – DVD data – Minidiscs …) et révision de la rémunération pour les supports analogiques.
- Décision n° 2 du 6 décembre 2001 convertissant en euros les tarifs établis le 4 janvier 2001.
- Décision n° 3 du 4 juillet 2002 fixant les tarifs applicables aux baladeurs MP3 et appareils de salon musicaux à disque dur intégré ainsi qu’aux téléviseurs, décodeurs et enregistreurs audiovisuels à disque dur intégré.
- Décision n° 4 du 10 juin 2003 : Inclusion des collèges de l’écrit et des arts visuels et instauration d’une rémunération applicable aux disquettes informatiques 3 pouces et demi (« MFD »).
- Décision n° 5 du 6 juin 2005 modifiant le tarif applicable aux DVD Ram et DVD R et DVD RW Data.
- Décision n° 6 du 22 novembre 2005 modifiant le tarif applicable à l’ensemble des baladeurs sonores intégrant, soit un disque dur, soit une mémoire flash sous forme de clé USB musicale ou non, et aux appareils sonores Hi-fi de salon à disque dur.
- Décision n° 7 du 20 juillet 2006
- modifiant le tarif applicable aux DVD R, RW et Ram ;
- étendant le tarif applicable aux téléviseurs, enregistreurs numériques et décodeurs intégrant un disque dur ou une mémoire aux appareils de grande capacité (ceux de plus de 80 Go) ;
- fixant le tarif applicable aux baladeurs multimédia et appareils de salon multimédia (baladeurs et appareils mixtes audio/vidéo).
- Décision n°8 du 9 juillet 2007 : instauration d’une rémunération sur les cartes mémoires, les clés USB et les supports de stockage externes à disque utilisables directement avec un micro-ordinateur personnel (disque durs externes).
- Décision n° 9 du 11 décembre 2007 : instauration d’une rémunération sur les supports de stockage externes à disque dits « multimédia », c’est à dire les disques durs externes utilisables directement avec un téléviseur sans passer par un ordinateur, en prévoyant des rémunérations différentes selon que les disques durs étaient seulement dotés d’une sortie audio et/ou vidéo permettant de restituer des contenus audiovisuels directement sur un téléviseur ou aussi d’une entrée audio et/ou vidéo permettant d’enregistrer ces contenus directement à partir d’un téléviseur, sans passer par un ordinateur.
- Décision n° 10 du 27 février 2008 : instauration d’une rémunération applicable aux "baladeurs téléphoniques", c’est-à-dire les téléphones mobiles qui sont dotés des mêmes caractéristiques que les baladeurs numériques, tel l’iPhone.
- Décision n° 11 du 17 décembre 2008 :
- les copies effectuées depuis une source illicite doivent être exclues du calcul de la rémunération. Mais, parallèlement, l’augmentation des copies faites en format compressé par les particuliers et donc l’accroissement du volume d’oeuvres copiées sur les supports a été également pris en compte par la commission et à conduit celle-ci au final à ne pas modifier les tarifs précédents.
- instauration d’une rémunération pour les téléphones multimédias
- Décision n°12 du 20 septembre 2010
- Décision n°12 janvier 2010
Au niveau européen
- La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
Au niveau international
- articles 9 alinéa 2 de la Convention de Berne
- IV bis 2 de la Convention de Genève
- article 13 de l’Accord ADPIC
- article 10 du Traité OMPI sur le droit d’auteur
l’exception de copie privée et le droit d’auteur
Le droit d’auteur suppose un droit exclusif conféré à l’auteur de l’œuvre du seul fait de sa création. Ce droit se divise en deux : les droits patrimoniaux et le droit moral:[1]
- les droits patrimoniaux se divise en deux catégories : le droit de reproduction et le droit de représentation. Ces droits permettent d’aménager l’exploitation commerciale de l’œuvre. L’auteur jouit de ces droits toute sa vie durant, et ils perdurent 70 ans après sa mort. Ensuite ils tombent dans le domaine public.
- Le droit moral est une prérogative de l’auteur. Il est inaliénable, imprescriptible et incessible. Il se divise en quatre prérogatives : le droit de paternité, le droit au respect de son œuvre, le droit de retrait et de repentir, le droit de divulgation. Ce sont des droits transmissibles aux héritiers. Ne sont transmis que le droit au respect de l’œuvre, et celui de divulgation.
Cette présentation est minimaliste, mais elle est nécessaire pour comprendre l’intérêt de la copie privée. Cela permet de la situer dans la hiérarchie du droit d’auteur. Elle vient se loger dans l’exercice des droits patrimoniaux
Il existe peu de droits au profit des utilisateurs concernant le droit d’auteur. Il leur est reconnu une faculté, qui n’est pas un droit au sens strict, de faire une entorse aux règles du droit d’auteur. Comme ce n’est pas un droit, on ne peut pas l’invoquer devant le juge[2]. On appelle cela des exceptions. L’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle est le siège de ces exceptions. On y retrouve l’exception de copie privée.
Il y a eu une difficulté à surmonter lors de la transposition de la directive du 22 mai 2001. La directive fixait une liste limitative d’exceptions autorisées. Les Etats étaient libre de les transposer ou non, mais pour les exceptions déjà transposées, il fallait trouver une solution afin de les rendre conformes au droit européen. La directive intègre le test des 3 étapes de la convention de Berne. Ce test consiste à éprouver la validité d’une exception au regard de la convention. Pour cela, une exception ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, et elle ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. Toutes les exceptions de chaque pays ont dû passer ce test pour que soit validées les exceptions nationales.
La copie privée au soutient de la lutte contre la contrefaçon
Il y a eu une forte tendance, en France, à faire de la copie privée un cheval de bataille dans la lutte contre les reproductions frauduleuses. La Commission copie privée, consciente de la situation déplorable, pour elle, de la possibilité de réaliser des copies illicites, avait fixé une partie de l’assiette de la redevance sur toutes les copies effectuées, même illicites. Le but étant de compenser plus durement encore les pertes liées aux copies. Cependant le Conseil d’Etat a rectifié le tir. Les copies effectuées depuis une source illicite doivent être exclues du calcul de la rémunération de la redevance pour copie privée[3]: « La rémunération pour copie privée, exception au principe de consentement de l'auteur à son oeuvre, a pour unique objet de compenser la perte de revenus engendrée par l'usage fait licitement, mais sans autorisation, de copies d'œuvres fixées sur des phonogrammes ou vidéogrammes à des fins strictement privées. »
Mais la polémique ne s’est pas arrêtée là pour autant. En effet, la Commission pour Copie privée est parvenue à conserver le même taux de taxation grâce à l’utilisation d’un critère nouveau : la compression[4]. Cette dernière permet de stocker d’avantage de fichiers contrefaits sur un même espace de stockage. En tenant compte de cela, la Commission a maintenu le niveau de prélèvement. Mais l’impopularité qui en a découlé s’en est trouvée renforcée. Elle avait commencé en 2006.
Lors de la rédaction de la loi DADVSI du 1 aout 2006, une mesure a été insérée. Celle qui prévoyait la possibilité pour les producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes de pouvoir mettre en place des mesures techniques de protection, ou DRM en droit anglo-saxon. Cela consistait à pouvoir limiter la possibilité de réaliser des copies, voire l’interdire purement et simplement. Ce mécanisme s’est très vite vu appliqué, et avec l’amendement dit Vivendi, qui condamnait pénalement l’atteinte à ces DRM, le monde culturel pensait que les choses allaient s’améliorer. Bien au contraire, c’est le début de la médiatisation des règles du droit d’auteur, et de la copie privée, mais dans un contexte qui leur était totalement défavorable.
En effet, ces DRM étaient très impopulaires car la population ne comprenait pas qu'une fois un disque acheté il ne pouvait pas le copier. De plus, un peu plus tôt, l’arrêt Mulholland Drive de la Cour de Cassation Civ. 1re, 28 févr. 2006, Bull. civ. I, n° 126[5] avait posé en principe que l'exception de copie privée ne peut pas faire obstacle à l'insertion de mesures techniques de protection anti-copie dans les supports, mais elle s'était fondée sur la règle du « triple test », sans prendre expressément position sur la nature de l'exception. Ce n'est qu'en 2008 qu'elle se prononcera sur la nature de la copie privée.[6]
Les effets pervers de la copie privée
Hormis les effets liés à son impopularité, elle a un effet très négatif sur le commerce, notamment le commerce électronique. Bien qu’étant une redevance nationale, elle est appliquée dans une très grande majorité dans l’Union Européenne (UE), et à des taux variables. Cela pose deux questions importantes : celle des marchés gris, et celle de l’effectivité de la redevance.
les marchés gris
Le marché gris est en fait le marché sur lequel les produits qui supportent la redevance vont se faire une concurrence du fait de la fiscalité entre États. Un État qui possède une fiscalité avantageuse sera plus compétitif vis-à-vis de ses voisins, du fait de tarifs plus avantageux. Un commerçant en ligne devra répercuter la redevance sur son client, et plus elle est élevée, plus la répercussion sera importante. Cela fausse le jeu de la concurrence, ce qui est contraire aux règles les plus élémentaires de l’UE concernant la protection du marché intérieur. Un pays qui pratique une fiscalité forte présentera un produit identique beaucoup plus cher que celui d'un pays où elle est faible.
L'effectivité de la redevance
Le deuxième problème est l’effectivité de la redevance. La redevance est dûe soit par l’importateur, soit par le fabricant. Mécaniquement, la personne qui ne déclare pas avoir acheté à l’étranger, ne paie pas de redevance. Cela va plus loin car, la redevance n’est pas correctement collectée, donc il y a une perte pour les ayants droits. C’est aussi une perte fiscale pour l’État en cause.
L’intervention du droit communautaire
L’UE a toujours été frileuse concernant les questions sur le droit d’auteur. Pour aboutir à la directive de 2001, il a fallu trois ans de débats très âpres. En effet, le droit d’auteur est une préoccupation nationale, même si celui-ci était assez méconnu du grand public. La directive de 2001 avait laissé beaucoup de latitude aux États membres de l’UE pour règlementer ces questions, tout en fixant un cadre tel que l’impossibilité de nouvelles exceptions sans le consentement de la Commission Européenne. Ce n’est que bien plus tard que l’UE va commencer à réagir, notamment avec l’essor fulgurant du commerce en ligne, et des risques de concurrence.
Ce n’est qu’en 2006 que les choses vont passer à la vitesse supérieure. En effet sous l’impulsion des industriels, et d’individus comme Charlie McCreevy qui milite pour la refonte et la constitution d’une véritable harmonisation européenne du droit d’auteur, différentes consultations vont avoir lieu. Cependant, les défenseurs de la copie privée auront su plaider leurs causes avec intérêt, soutenue par le premier ministre français de l’époque, Dominique de Villepin. Le président de la Commission a ainsi décidé de repousser à plus tard l’examen de l’étude qui devait être prévue à ce moment là. On a une cohabitation forcée de la copie privée et des DRM, qui sur le fond semblent êtres incompatibles.[7]
La copie privée ne reviendra pas avant longtemps dans les projets de la Commission Européenne. C’est sur le terrain du droit que désormais se déroule cette lutte. En effet, face à l’impasse devant les institutions européennes, c’est devant la Cour de Justice de la Communauté Européenne, désormais Cour de Justice de l’Union Européenne que la cause des industriels va se plaider. Tout d’abord cela va se passer devant les instances nationales, comme l’affaire Rue du commerce du 27 novembre 2008. La Cour ne pourra obliger les sociétés étrangères à payer la redevance pour copie privée, mais elle relèvera que le problème vient bien du domaine du législateur, et même de l’Europe. Elle soulignera que tant que l’harmonisation européenne n’est pas effectuée, le cybercommerçant étranger ne sera pas tenu de payer la redevance pour copie privée. Toutefois, elle reconnaitra sa culpabilité pour concurrence déloyale par captation de clientèle du fait d’un manque d’information pour le client français. Il devait être informé que la différence significative de prix était dûe à la variation de la redevance pour copie privée. En ne le faisant pas, il favorisait le fait que le client commettait un acte illégal en ne s’acquittant pas de la taxe.[8]
En 2008 le membre de la Commission Charles McCreevy relance les consultations sur la copie privée, sans toutefois vouloir la supprimer. Mais il insiste sur le fait qu’il faille assainir son mode de calcul, et lui donner une véritable cohérence et de la transparence. En effet, en 2008 en France le Conseil d’Etat annulera la décision numéro 7 du 20 juillet 2006 concernant la base de calcul. Elle ne doit tenir compte que des copies réalisées licitement. La même année marque le départ de la Commission copie privée en France des industriels. Suite à l’annulation de la décision numéro 7, ils étaient en droit d’attendre une baisse de la rémunération pour copie privée. Seulement la Commission a, à ce moment là, avancait l’idée de la compression pour maintenir le même montant de perception.
Avec étonnement, le rapport du GESAC datant de 2007 proposait des solutions pour permettre l’effectivité de la taxe. Seulement, il a été peu entendu malgré des propositions constructives:
- Une redevance déclarée par les importateurs dès que le produit franchit la frontière et non pas lors de sa mise en circulation. Le paiement de la rémunération interviendrait seulement au franchissement de frontière.
- L’accès aux documents fiscaux en vue du contrôle : les sociétés chargées de la collecte pourraient avoir accès aux informations fiscales détenues par les autorités de la TVA et des douanes de l’UE.
- La responsabilité des sites d’e-commerce : le rapport demande à ce que la responsabilité en cas de non-paiement de la rémunération par un importateur, soit étendue aux intermédiaires (Distributeurs, détaillants, etc.) intervenant dans la commercialisation des produits.
- Faire payer la rémunération dans les mains du vendeur et en fonction de la destination finale (lieu où se trouve le consommateur). Un vendeur luxembourgeois devrait reverser la redevance aux organismes français si le consommateur en ligne est français...
- Pénalisation du non-paiement de la redevance : le non-paiement de la rémunération pour copie privée doit être considéré « comme une infraction pénale soumise à des sanctions ayant un effet véritablement dissuasif. »
- Filtrage des sites d’e-commerce : le GESAC demande que soit envisagé le blocage de l’accès aux sites sur lesquels des produits sont vendus sans que soit effectué le paiement de la rémunération pour copie privée.
L’arrêt Padawan, un coup de tonnerre sur le monde de la rémunération pour copie privée
La solution Padawan et ses effets
Il est nécessaire d’opérer une distinction très importante dans notre perception sur la rémunération pour copie privée. C'est l'arrêt Padawan du 21 octobre 2011, une date historique. En effet, cette date marque le tournant de la copie privée telle que nous la connaissons. Il y a un avant, et un après Padawan.
En 2009, est posée à la CJCE, par les juridictions espagnoles, une question préjudicielle. Cette affaire restera le tournant de la copie privée en Europe. En effet, une société espagnole qui vendait sur internet des disques vierges a été poursuivie par la SGAE, qui est une société de gestion collective telle que notre SACEM. La société Padawan sera poursuivie pour défaut de paiement de la copie privée.
La question préjudicielle tourne autour de la notion de « compensation équitable », afin de déterminer si c’est bien une notion communautaire. Ensuite est posée à la CJCE la question de savoir si cette compensation peut s’appliquer quand un professionnel réalise des achats de supports taxés en vue, non pas de réaliser des copies privées, mais dans un but purement professionnel. C’est toute la question de la nature même de la redevance pour copie privée en Espagne comme en France.
La France, durant la phase qui permet aux États d’adresser des observations, a fait part de son intérêt pour cette question à la CJUE. Elle a défendu très clairement la copie privée à la française, car le but est non seulement de compenser le préjudice subit, mais également de permettre une rémunération appropriée pour les auteurs.
La copie privée est un mécanisme qui vient rétablir un équilibre biaisé par les reproductions non autorisées, mais tolérées faute de pouvoir les contrôler. Elle compense un préjudice, même potentiel. Or dans le cas des professionnels, il est peu probable que ces derniers utilisent des supports taxés pour réaliser de la copie privée. Il n’y a pas de préjudice, donc on ne pouvait pas parler de compensation équitable dans ce genre de cas. La Cour est claire sur ce point là : « un lien est nécessaire entre l’application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l’égard des équipements, des appareils ainsi que des supports de reproduction numérique et l’usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée » . la Cour confluera sur cette note :« l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29 ».
L’impact de cette décision est très important, le gouvernement espagnol a dû en urgence reconstruire complètement le mécanisme de la rémunération pour copie privée. En France, dès la publication de la décision, l’ensemble des acteurs industriels comme culturels, saluèrent une victoire promise à leurs idées. Néanmoins, la proximité du système français avec le système espagnol laissait suggérer qu’il faudrait revoir le mécanisme en France également. Le mécanisme français fonctionnait sur celui de la mutualisation de la perception. En effet, tout le monde paye la taxe en même temps et avec les mêmes montants, avec quelques aménagements très légers cependant. Pour justifier la taxation au professionnel, le système prévoyait un abattement au profit des professionnels pour atténuer la perception de la redevance.
la solution Padawan en France
Lors de la prise de la décision numéro 11 de la Commission copie privée, et de son principe de taxation par rapport à la compression, les industriels saisirent le juge administratif par le biais du Conseil d’Etat pour annuler cette décision. Entre temps il y a eu l’arrêt Padawan, et il fit sienne la jurisprudence de la CJUE : « en décidant que l’ensemble des supports concernés par la rémunération pour copie privée seraient soumis à la rémunération, sans prévoir la possibilité d’exonérer ceux des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée, la commission avait méconnu les principes ainsi énoncés. Il a estimé qu’un système d’abattement forfaitaire et général par type de support ne serait pas de nature à répondre à l’exigence d’exonération des usages autres que la copie privée.» Il a pris la décision de différer dans le te temps les effets de cette solution. Il a laissé un délai de 6 mois avant que celle-ci ne soit applicable. Il a refusé que la décision soit rétroactive afin d’éviter que les ayants droits ne reversent des sommes très importantes aux industriels.
L’arrêt Stichting de Thuiskopie vs Opus Supplies Deutschland du 16 juin 2011
Cet arrêt-ci est lui aussi d’une importance capitale. Au même titre que l’arrêt Padawan, il amorce l’impulsion nécessaire pour que la situation passablement compliquée de la rémunération pour copie privée progresse.
En effet, dans cet arrêt c’est la question des marchés gris elle-même qui est au centre de l’affaire. C’est l’exemple d’un acheteur néerlandais qui achète des produits taxés au titre de la copie privée en Allemagne, pays où la taxe est très faible. La société allemande qui vendait ces produits ne payait pas la redevance car elle n’y était pas soumise. C’est toujours le même effet mécanique : si l’importateur ne déclare pas la redevance, personne ne va la payer.
Dans cette affaire du 16 juin 2011, sont opposés la Stichting de Thuiskopie, société de gestion collective chargé de récolter la redevance, et la société Opus Supplies. Cette société faisait du commerce en langue néerlandaise afin de viser spécifiquement ce public ; tout était fait pour que le public néerlandais puisse avoir un interlocuteur dans son pays. Seulement le siège social de la société est en Allemagne, là où la rémunération pour copie privée est très faible. C’est donc légalement un exportateur, qui a tout d’un importateur. C’est donc cette notion d’importateur qui fut au centre de la question préjudicielle des juridictions néerlandaises. L’ « importateur » était considéré par tous comme étant l’acheteur, et c’était à lui de déclarer ces achats transfrontaliers.
Cet arrêt est lui aussi un véritable coup de tonnerre dans la rémunération pour copie privée. En effet, il avance comme principe qu’un vendeur établi à l’étranger était redevable de la RCP, même si la loi interne ne cible que l’importateur ou le fabricant. La compensation des artistes est une obligation. La Cour va extrêmement loin dans son analyse. Elle affirme que les États sont tenus d’une obligation de résultat quand à la perception de la RCP, et cela quelque soit la localisation géographique du vendeur. L’acheteur ne peut être taxé compte tenu de la difficulté pratique engendrée. Ainsi les sociétés de gestion qui ont la charge de la perception de la RCP doivent aller la récupérer auprès des clients finaux, si ce n’est pas possible, c’est auprès des vendeurs. Elle impose donc une RCP effective.
La France avait eu une analyse similaire à celle-ci dans l’affaire Rue du Commerce c/ DABS de la Cour de Cassation du 27 novembre 2008, mais sans imposer une obligation de résultat. La seule obligation était que le vendeur étranger devait informer le client français de l’existence de cette taxe, sinon il pratiquait une captation de clientèle ce qui est contraire à la libre concurrence. D'ailleurs à ce propos, les choses semblent en mouvement en France. Il semblerait que l'idée d'afficher la redevance pour copie privée sur les produits revienne prochainement à l'étude devant la Commission copie privée.[9]
L’objectif de cette jurisprudence est de lutter contre les marchés gris. En imposant une telle obligation de résultat, la CJUE cherche à palier de force aux carences des systèmes nationaux.
Vers une copie privée européenne
Bien qu’à la suite des relances des négociations de 2008 et son échec en 2010, la Commission Européenne est bien décidée à ne plus abandonner ce sujet hautement sensible, qui au bout d’une décennie à fini par arriver à saturation. L’objectif avoué des futures réunions des différents acteurs de la RCP est de l’harmoniser une bonne fois pour toute. La tâche est loin d’être aisée. Autant du point de vue juridique qu’économique (assiette, montant et produit concernés par la RCP).
Voir aussi
- Trouver la notion Redevance pour copie privée dans l'internet juridique de l'Union européenne
Liens externes
- Commission Européenne
- Cour de Justice de l'Union Européenne
- Conseil d'Etat
- Cour de Cassation
- SORECOP COPIE FRANCE
- Legifrance
- Commission copie privée
- GESAC
- La culture avec Copie privée
sources diverses
- « Taxe » copie privée : Bruxelles veut revoir le système, 01.net
- rumeur:vers une copie privée européenne
- communication de la Commission Européenne du 24/05/2011
- Comment la France a milité pour la taxation des supports pro, PC INpact
- La Commission européenne suspend le projet de réforme de la copie privée, article Zdnet
- Taxe pour copie privée : la Commission Européenne fait sa timide, article de Numerama
- Réunion sous pression de la Commission Copie Privée, article de PC INpact
- Le marché gris, poison de la taxe copie privée en Europe, article de PC INpact
- CJUE : les professionnels n'ont pas à payer la copie privée, article PC INpact *Copie privée : l’impact de la décision de la CJUE sur la France, article PC INpact
- Vendeur étranger ou non, l'UE exige une 'taxe' copie privée effective, article PC INpact
Notes et références
- Aller ↑ voir article L122-1 et L122-1
- Aller ↑ Legalis.net arrêt de la Cour de Cassation du Civ. 1re, 27 nov. 2008 UFC Que Choisir c/ Sté FNAC
- Aller ↑ Conseil d'Etat 20 juillet 2008 N°298779 - Syndicat de l'industrie de matériels audiovisuels électroniques
- Aller ↑ voir Décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la Commission copie privée
- Aller ↑ [1]
- Aller ↑ cf: note de bas de page numéro 2
- Aller ↑ RTD Com. 2008 p. 747 Exception de copie privée. Rémunération pour copie privée. Calcul. Prise en compte des copies illicites. Décision n° 7 du 20 juillet 2006 de la Commission de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle. Frédéric Pollaud-Dulian, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), Directeur du Master « Propriété industrielle et artistique
- Aller ↑ Recueil Dalloz 2009 p. 131 Copie privée. Nature juridique. Rémunération pour copie privée. Concurrence. Devoir d'information (Civ. 1re, 27 nov. 2008, pourvoi n° 07-15.066, arrêt n° 1184 FS-P+B, Sté Rue du Commerce c/ Sté DABS, D. 2008. AJ. 3081, obs. C. Manara ; Civ. 1re, 27 nov. 2008, pourvoi n° 07-18.778, arrêt n° 1191 F-D, UFC Que Choisir c/ Sté FNAC) Frédéric Pollaud-Dulian, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), Directeur du Master Recherche « Propriété industrielle et artistique »
- Aller ↑ "Taxe" copie privée affichée sur les étiquettes : le retour PC INpact