Introduction Contrats informatiques allemands : Différence entre versions
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− | + | Il n'existe à proprement parler pas de contrats informatiques, mais des contrats « qui intéressent le secteur de l'informatique<REF>M. Vivant, C. Le Stanc, L. Rapp, M. Guibal, J-L. Bilon, ''Lamy droit de l'informatique et des réseaux'', Éditions Lamy 2000, n° 749.</REF> », « relatifs à l'informatique<REF>Ph. Le Tourneau, ''Théorie et pratique des contrats informatiques'', Dalloz, p. 2.</REF> » ou concernant la réalisation de prestations informatiques<REF>C. Zahrnt, ''Vertragsrecht für IT-Fachleute'', 5e éd., Heidelberg, Hütig 2002, p. 1.</REF>. En droit allemand, comme en droit français, il revient au droit commun de régler les problèmes posés par ces contrats, qui sont la plupart du temps des problèmes classiques<REF>Ph. Le Tourneau, ''op. cit.'', p. 1.</REF>. | |
− | + | Les contrats passés par l'administration en droit allemand sont en principe soumis au droit privé<REF>Sur le contrat de droit public en droit allemand, v. C. Autexier, ''Introduction au droit public allemand'', Puf 1997, p. 257, n° 246.</REF>, les exigences en matière de marchés publics étant établies par voie de règlement<REF>''Bekanntmachung der Neufassung der Verdingungsverordnung für Leistungen (VOL)'', Bundesanzeiger du 20 novembre 2002, n° 216a.</REF>. Nous n'examinerons pas ces règles, ni en droit français, ni en droit allemand. Toutefois, nous nous référerons aux règles posées par le Ministère fédéral de l'Intérieur pour les contrats informatiques passés par l'administration. Ces contrats doivent respecter les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques (EVB-IT) | |
+ | <REF>''Conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques'', Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a.</REF> et les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard (EVB-IT Pflege S)<REF>''Conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard'', Bundesanzeiger du 22 mars 2003, n° 57a.</REF>. Attestant de la similitude des problèmes posés par les contrats informatiques avec ceux du droit de la construction<REF>Ph. Le Tourneau, ''op. cit.'', p. 7.</REF>, ces conditions sont dérivées des règles posées en matière de droit de la construction. Ce sont en premier lieu les conditions contractuelles particulières (BVB) instituées depuis 1972<REF>''Instructions d'utilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques'', Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a, p 1.</REF>. Ces dernières ont été complétées par les conditions contractuelles complémentaires (EVB), puis par les EVB-IT, elles-mêmes entrées en vigueur le 1<SUP>er</SUP> mai 2002, puis ont été complétées par les EVB-IT Pflege S, entrées en vigueur le 1<SUP>er</SUP> mars 2003. | ||
− | + | L'influence sur la pratique de ces contrats-types est limitée. Les EVB-IT ont été négociées avec l'industrie informatique et montrent une bienveillance certaine à l'égard du cocontractant de l'administration | |
+ | <REF>N. Müller, lors d'un séminaire sur le thème : « ''Einführung in das EDV-Vertragsrecht anhang der anwaltlichen Begleitung eines EDV-Projektes»'' , organisé par MM. C. Paulus et R. Pawlak, Humboldt Universität, Berlin, 2003. Ces propos sont rapportés sous réserve de leur bonne compréhension.</REF>. Elles sont de ce fait peu employées entre entreprises. Par contre, leur utilisation est rendue obligatoire pour l'administration en vertu du règlement sur les marchés publics concernant les prestations, dans sa version du 17 septembre 2002<REF>V. note&nsp;6.</REF>. L'administration ne peut s'en écarter que dans des cas exceptionnels bien délimités et doit motiver sa décision<REF>Instructions d'utilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, ''loc.cit.''</REF>. Ces contrats-types font donc partie intégrante de la pratique. Leur modification récente est une conséquence des importantes réformes du droit allemand. | ||
− | + | En droit français, les règles applicables aux contrats informatiques sont contenues dans le Code civil et le Code de la propriété intellectuelle. En droit allemand, les règles concernant les contrats informatiques se trouvent dans le Code civil allemand (BGB), la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins (UrhG) et le Code du commerce allemand (HGB)<REF>C. Zahrnt, ''op. cit.'', p. 1.</REF>. | |
− | [[ | + | Enfin, il faut prendre en compte le droit de la Communauté européenne, qu'il s'agisse de la directive C 91/4 du 14 mai 1991 sur la protection juridique des programmes d'ordinateur, de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive 2001/29/CE du 22 juin 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, de la directive 1999/44 du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. |
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+ | Ces directives ont une grande influence sur les droits nationaux des États membres de la Communauté européenne. La question de l'option pour la « grande solution », c'est-à-dire la modification en profondeur du droit civil, lors de la transposition de la directive sur la vente des biens de consommation se pose en droit français | ||
+ | <REF>P. Jourdain, ''Transposition de la directive sur la vente du 25 mai 1999 : ne pas manquer une occasion de progrès'', D. 2003, point de vue, n° 1, p. 4.</REF>. C'est celle du législateur allemand<REF>H. Däubler-Gmelin, ''Die Entscheidung für die so genannte Große Lösung bei der Schuldrechtsreform'', NJW 32/2001, p. 2281.</REF>. De même, la proposition de directive sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur pourrait amener des changements dans la protection du logiciel. | ||
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+ | =Les réformes récentes en droit allemand= | ||
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+ | Le droit allemand des contrats informatiques a été modifié par une réforme du droit des obligations, et par l'adoption d'une loi sur l'amélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes. Ces deux réformes étaient préparées depuis longtemps. Elles tendent toutes deux à protéger la partie la plus faible, et qui peut être selon les cas l'acheteur<REF>Cl. Witz, ''La nouvelle jeunesse insufflée par la réforme du droit des obligations'', D. 2002, I, p. 3159.</REF> ou l'auteur d'une œuvre<REF>BT-Druck, ''Entwurf eines Gesetzes zur Stärkung der Vertraglichen Stellung von Urhebern und ausübenden Künstler'', 23 novembre 2001, 14/6433, p. 7.</REF>. | ||
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+ | ==La réforme du droit des obligations== | ||
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+ | La réforme du droit des obligations, proposée depuis longtemps<REF>H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.</REF>, a été rendue nécessaire par l'obligation de transposer la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Au cas contraire, « un droit particulier à la vente entre professionnels et consommateurs se serait rajouté aux différents droits de la vente existant, au nombre de trois : le droit de la vente du BGB, les règles complémentaires applicables aux ventes commerciales posées par le Code de commerce et le droit applicable aux ventes internationales des marchandises issu de la Convention de Vienne<REF>Cl. Witz, op. cit. p. 937.</REF> », et ce droit ne se serait pas bien intégré au droit existant<REF>H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.</REF>. C'est grâce à l'impulsion donnée par la directive relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation que des normes consacrées aux groupes de contrat ont été introduites dans le BGB<REF>J. Bauerreis, ''L'action récursoire dans les chaînes de contrats : aspects de droit interne et de droit international privé'', RIDC 4/2002, p. 991.</REF>. | ||
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+ | Le droit civil allemand a été rendu plus lisible<REF>H. Brox/W.-D. Walker, ''Schuldrecht Besonderer Teil des BGB'', 28e éd., Verlag C.H.Beck 2003, p. LXIV.</REF>. Des lois importantes pour le droit civil ont été intégrées au BGB : la « loi sur les conditions générales d'affaires » (AGB), la loi sur les contrats conclus à distance (''Fernabsatzgesetz''),… De même, des institutions prétoriennes ont été intégrées dans le BGB : ''culpa in contrahendo'', « violation positive de créance » (pVV), « disparition du fondement contractuel » (''Wegfall der Geschäftsgrundlage''), l'« action exercée par un cocontractant par une partie qui a agi pour le compte de tiers » (''Drittschadenliquidation'') et le « contrat en faveur de tiers » (''Vertrag zugunsten Dritter''). | ||
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+ | Le droit applicable aux cas d'« inexécution des prestations contractuelles » (''Pflichtverletzung'') laisse la place à un principe général sanctionnant la violation des obligations contractuelles<REF>H. Däubler-Gmelin, ''op. cit.'', p. 2284.</REF>. En cela, le droit allemand se rapproche de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM)<REF>H. Däubler-Gmelin, ''op. cit.'', p. 2287.</REF>. Il s'en rapproche à un autre point de vue, puisque la conception du défaut ressemble fort à celle de l'art. 35 de la CVIM<REF>Cl. Witz, ''op.cit."", p. 3159.</REF>. L'application de leur droit national par les fournisseur allemands était préférée à celle de la CVIM parce que plus favorable au vendeur<REF>C. Zahrnt, ''op. cit.'', p. 27.</REF>. Selon Mme le Ministre fédéral de la justice, à l'inverse, la similarité des deux droits devrait contribuer à une application plus fréquente du droit allemand, puisque celui-ci est devenu plus accessible aux cocontractants étrangers<REF>H. Däubler-Gmelin, ''op. cit.'', p. 2289.</REF>. Quoi qu'il en soit, le droit national reste applicable en matière de ventes internationales de marchandises, notamment en ce qui concerne le droit de la prescription. | ||
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+ | Le droit de la prescription a été réformé, ce qui avait déjà été prévu quatre ans auparavant lors de la réforme du droit commercial<REF>H. Däubler-Gmelin, ''op. cit.'', p.énbsp;2282.</REF>. Le délai de droit commun de la prescription du [Code civil Art.195 (de) |§ 195 BGB] est passé de trente à trois ans. En matière de vente de choses autres que les immeubles, le délai est de deux ans ([[Code civil Art.438 (de)|§ 438 al. 1<SUP>er</SUP> n° 3 BGB]]) à partir de la délivrance ([[Code civil Art.438 (de)|§ 438 al. 2 BGB]]). L'action issue d'un contrat d'entreprise portant sur un ouvrage autre qu'un immeuble est de deux ans à compter de la réception ou de la découverte du vice. Un délai spécial de deux ans est prévu par le BGB, entre autres, pour les commerçants (§ 196 n° 1)<REF>Concernant les critiques que l'on peut adresser au nouveau droit allemand de la prescription, Cl. Witz, ''Les nouveaux délais de prescription du droit allemand applicables aux ventes internationales de marchandises régies par la Convention de Vienne'', D. I, p. 2860 et s.</REF>. | ||
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+ | De manière générale, la position de l'acheteur est renforcée par la réforme. Le même souci a inspiré l'importante réforme du droit de la propriété littéraire et artistique<REF>V. note 18.</REF>. | ||
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+ | ==La réforme du droit de la propriété littéraire et artistique== | ||
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+ | La loi sur l'amélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes s'est fait longuement attendre. Les rédacteurs de la loi de 1965 sur les droits d'auteurs et les droits voisins avaient préconisé l'adoption d'une loi tendant à renforcer la position de l'auteur aliénant ses droits<REF>V. note 18.</REF>. Étant donné la différence de puissance entre les parties, les contrats conclus avec les artistes tendent à dépouiller ces derniers de leurs droits d'exploitation sans juste contrepartie<REF>V. note 18.</REF>. C'est pourquoi la nouvelle version de la loi sur le droit d'auteur dispose en son § 11 phrase 2 qu'« il [le droit d'auteur] sert également à garantir une rémunération proportionnée à l'utilisation de l'œuvre ». Les nouveaux §§ 32 et 32a UrhG créent des actions, l'une exercée ''ex ante'', l'autre ''ex post'', afin de demander à l'utilisateur une indemnisation proportionnée à l'exploitation de l'œuvre. Une autre réforme a admis la licéité des dispositifs techniques de protection d'une œuvre et sanctionne le fait de retirer intentionnellement ces protections. | ||
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+ | En Allemagne et en France, la doctrine est divisée sur la qualification du logiciel. Pour les uns, le logiciel serait immatériel et le seul régime alors applicable serait la protection du droit de la propriété intellectuelle ou celle du droit de la propriété industrielle. Pour les autres, l'œuvre intellectuelle est une chose qui peut faire l'objet des contrats classiques du droit civil. Le droit allemand s'est prononcé pour la seconde solution, en qualifiant de chose matérielle le logiciel au sens du droit civil. On lui applique par conséquent le droit de la vente, plutôt que celui d'un contrat sui generis ou celui du contrat d'entreprise. Nous verrons que le droit français a du mal a établir une solution aussi claire. | ||
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+ | Dans une première partie, nous présenterons les règles générales applicables aux contrats informatiques, en étudiant la partie générale du BGB et la qualification du logiciel, puis, dans une seconde partie, nous verrons la réforme du contrat de vente et celle du contrat d'entreprise. | ||
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Version actuelle en date du 1 mars 2014 à 18:58
Allemagne > Droit des contrats (de) > Droit des contrats informatiques
Sommaire
Définition du sujet
Il n'existe à proprement parler pas de contrats informatiques, mais des contrats « qui intéressent le secteur de l'informatique[1] », « relatifs à l'informatique[2] » ou concernant la réalisation de prestations informatiques[3]. En droit allemand, comme en droit français, il revient au droit commun de régler les problèmes posés par ces contrats, qui sont la plupart du temps des problèmes classiques[4].
Les contrats passés par l'administration en droit allemand sont en principe soumis au droit privé[5], les exigences en matière de marchés publics étant établies par voie de règlement[6]. Nous n'examinerons pas ces règles, ni en droit français, ni en droit allemand. Toutefois, nous nous référerons aux règles posées par le Ministère fédéral de l'Intérieur pour les contrats informatiques passés par l'administration. Ces contrats doivent respecter les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques (EVB-IT) [7] et les conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard (EVB-IT Pflege S)[8]. Attestant de la similitude des problèmes posés par les contrats informatiques avec ceux du droit de la construction[9], ces conditions sont dérivées des règles posées en matière de droit de la construction. Ce sont en premier lieu les conditions contractuelles particulières (BVB) instituées depuis 1972[10]. Ces dernières ont été complétées par les conditions contractuelles complémentaires (EVB), puis par les EVB-IT, elles-mêmes entrées en vigueur le 1er mai 2002, puis ont été complétées par les EVB-IT Pflege S, entrées en vigueur le 1er mars 2003.
L'influence sur la pratique de ces contrats-types est limitée. Les EVB-IT ont été négociées avec l'industrie informatique et montrent une bienveillance certaine à l'égard du cocontractant de l'administration [11]. Elles sont de ce fait peu employées entre entreprises. Par contre, leur utilisation est rendue obligatoire pour l'administration en vertu du règlement sur les marchés publics concernant les prestations, dans sa version du 17 septembre 2002[12]. L'administration ne peut s'en écarter que dans des cas exceptionnels bien délimités et doit motiver sa décision[13]. Ces contrats-types font donc partie intégrante de la pratique. Leur modification récente est une conséquence des importantes réformes du droit allemand.
En droit français, les règles applicables aux contrats informatiques sont contenues dans le Code civil et le Code de la propriété intellectuelle. En droit allemand, les règles concernant les contrats informatiques se trouvent dans le Code civil allemand (BGB), la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins (UrhG) et le Code du commerce allemand (HGB)[14].
Enfin, il faut prendre en compte le droit de la Communauté européenne, qu'il s'agisse de la directive C 91/4 du 14 mai 1991 sur la protection juridique des programmes d'ordinateur, de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive 2001/29/CE du 22 juin 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, de la directive 1999/44 du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.
Ces directives ont une grande influence sur les droits nationaux des États membres de la Communauté européenne. La question de l'option pour la « grande solution », c'est-à-dire la modification en profondeur du droit civil, lors de la transposition de la directive sur la vente des biens de consommation se pose en droit français [15]. C'est celle du législateur allemand[16]. De même, la proposition de directive sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur pourrait amener des changements dans la protection du logiciel.
Les réformes récentes en droit allemand
Le droit allemand des contrats informatiques a été modifié par une réforme du droit des obligations, et par l'adoption d'une loi sur l'amélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes. Ces deux réformes étaient préparées depuis longtemps. Elles tendent toutes deux à protéger la partie la plus faible, et qui peut être selon les cas l'acheteur[17] ou l'auteur d'une œuvre[18].
La réforme du droit des obligations
La réforme du droit des obligations, proposée depuis longtemps[19], a été rendue nécessaire par l'obligation de transposer la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Au cas contraire, « un droit particulier à la vente entre professionnels et consommateurs se serait rajouté aux différents droits de la vente existant, au nombre de trois : le droit de la vente du BGB, les règles complémentaires applicables aux ventes commerciales posées par le Code de commerce et le droit applicable aux ventes internationales des marchandises issu de la Convention de Vienne[20] », et ce droit ne se serait pas bien intégré au droit existant[21]. C'est grâce à l'impulsion donnée par la directive relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation que des normes consacrées aux groupes de contrat ont été introduites dans le BGB[22].
Le droit civil allemand a été rendu plus lisible[23]. Des lois importantes pour le droit civil ont été intégrées au BGB : la « loi sur les conditions générales d'affaires » (AGB), la loi sur les contrats conclus à distance (Fernabsatzgesetz),… De même, des institutions prétoriennes ont été intégrées dans le BGB : culpa in contrahendo, « violation positive de créance » (pVV), « disparition du fondement contractuel » (Wegfall der Geschäftsgrundlage), l'« action exercée par un cocontractant par une partie qui a agi pour le compte de tiers » (Drittschadenliquidation) et le « contrat en faveur de tiers » (Vertrag zugunsten Dritter).
Le droit applicable aux cas d'« inexécution des prestations contractuelles » (Pflichtverletzung) laisse la place à un principe général sanctionnant la violation des obligations contractuelles[24]. En cela, le droit allemand se rapproche de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM)[25]. Il s'en rapproche à un autre point de vue, puisque la conception du défaut ressemble fort à celle de l'art. 35 de la CVIM[26]. L'application de leur droit national par les fournisseur allemands était préférée à celle de la CVIM parce que plus favorable au vendeur[27]. Selon Mme le Ministre fédéral de la justice, à l'inverse, la similarité des deux droits devrait contribuer à une application plus fréquente du droit allemand, puisque celui-ci est devenu plus accessible aux cocontractants étrangers[28]. Quoi qu'il en soit, le droit national reste applicable en matière de ventes internationales de marchandises, notamment en ce qui concerne le droit de la prescription.
Le droit de la prescription a été réformé, ce qui avait déjà été prévu quatre ans auparavant lors de la réforme du droit commercial[29]. Le délai de droit commun de la prescription du [Code civil Art.195 (de) |§ 195 BGB] est passé de trente à trois ans. En matière de vente de choses autres que les immeubles, le délai est de deux ans (§ 438 al. 1er n° 3 BGB) à partir de la délivrance (§ 438 al. 2 BGB). L'action issue d'un contrat d'entreprise portant sur un ouvrage autre qu'un immeuble est de deux ans à compter de la réception ou de la découverte du vice. Un délai spécial de deux ans est prévu par le BGB, entre autres, pour les commerçants (§ 196 n° 1)[30].
De manière générale, la position de l'acheteur est renforcée par la réforme. Le même souci a inspiré l'importante réforme du droit de la propriété littéraire et artistique[31].
La réforme du droit de la propriété littéraire et artistique
La loi sur l'amélioration de la situation contractuelle des artistes et des artistes interprètes s'est fait longuement attendre. Les rédacteurs de la loi de 1965 sur les droits d'auteurs et les droits voisins avaient préconisé l'adoption d'une loi tendant à renforcer la position de l'auteur aliénant ses droits[32]. Étant donné la différence de puissance entre les parties, les contrats conclus avec les artistes tendent à dépouiller ces derniers de leurs droits d'exploitation sans juste contrepartie[33]. C'est pourquoi la nouvelle version de la loi sur le droit d'auteur dispose en son § 11 phrase 2 qu'« il [le droit d'auteur] sert également à garantir une rémunération proportionnée à l'utilisation de l'œuvre ». Les nouveaux §§ 32 et 32a UrhG créent des actions, l'une exercée ex ante, l'autre ex post, afin de demander à l'utilisateur une indemnisation proportionnée à l'exploitation de l'œuvre. Une autre réforme a admis la licéité des dispositifs techniques de protection d'une œuvre et sanctionne le fait de retirer intentionnellement ces protections.
Annonce du plan
En Allemagne et en France, la doctrine est divisée sur la qualification du logiciel. Pour les uns, le logiciel serait immatériel et le seul régime alors applicable serait la protection du droit de la propriété intellectuelle ou celle du droit de la propriété industrielle. Pour les autres, l'œuvre intellectuelle est une chose qui peut faire l'objet des contrats classiques du droit civil. Le droit allemand s'est prononcé pour la seconde solution, en qualifiant de chose matérielle le logiciel au sens du droit civil. On lui applique par conséquent le droit de la vente, plutôt que celui d'un contrat sui generis ou celui du contrat d'entreprise. Nous verrons que le droit français a du mal a établir une solution aussi claire.
Dans une première partie, nous présenterons les règles générales applicables aux contrats informatiques, en étudiant la partie générale du BGB et la qualification du logiciel, puis, dans une seconde partie, nous verrons la réforme du contrat de vente et celle du contrat d'entreprise.
- ↑ M. Vivant, C. Le Stanc, L. Rapp, M. Guibal, J-L. Bilon, Lamy droit de l'informatique et des réseaux, Éditions Lamy 2000, n° 749.
- ↑ Ph. Le Tourneau, Théorie et pratique des contrats informatiques, Dalloz, p. 2.
- ↑ C. Zahrnt, Vertragsrecht für IT-Fachleute, 5e éd., Heidelberg, Hütig 2002, p. 1.
- ↑ Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 1.
- ↑ Sur le contrat de droit public en droit allemand, v. C. Autexier, Introduction au droit public allemand, Puf 1997, p. 257, n° 246.
- ↑ Bekanntmachung der Neufassung der Verdingungsverordnung für Leistungen (VOL), Bundesanzeiger du 20 novembre 2002, n° 216a.
- ↑ Conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a.
- ↑ Conditions contractuelles complémentaires pour la fourniture de prestations informatiques concernant la maintenance de logiciel standard, Bundesanzeiger du 22 mars 2003, n° 57a.
- ↑ Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 7.
- ↑ Instructions d'utilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, Bundesanzeiger du 7 juin 2002, n° 102a, p 1.
- ↑ N. Müller, lors d'un séminaire sur le thème : « Einführung in das EDV-Vertragsrecht anhang der anwaltlichen Begleitung eines EDV-Projektes» , organisé par MM. C. Paulus et R. Pawlak, Humboldt Universität, Berlin, 2003. Ces propos sont rapportés sous réserve de leur bonne compréhension.
- ↑ V. note&nsp;6.
- ↑ Instructions d'utilisation des conditions contractuelles complémentaires pour la prestation de fournitures informatiques, loc.cit.
- ↑ C. Zahrnt, op. cit., p. 1.
- ↑ P. Jourdain, Transposition de la directive sur la vente du 25 mai 1999 : ne pas manquer une occasion de progrès, D. 2003, point de vue, n° 1, p. 4.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, Die Entscheidung für die so genannte Große Lösung bei der Schuldrechtsreform, NJW 32/2001, p. 2281.
- ↑ Cl. Witz, La nouvelle jeunesse insufflée par la réforme du droit des obligations, D. 2002, I, p. 3159.
- ↑ BT-Druck, Entwurf eines Gesetzes zur Stärkung der Vertraglichen Stellung von Urhebern und ausübenden Künstler, 23 novembre 2001, 14/6433, p. 7.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.
- ↑ Cl. Witz, op. cit. p. 937.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2283.
- ↑ J. Bauerreis, L'action récursoire dans les chaînes de contrats : aspects de droit interne et de droit international privé, RIDC 4/2002, p. 991.
- ↑ H. Brox/W.-D. Walker, Schuldrecht Besonderer Teil des BGB, 28e éd., Verlag C.H.Beck 2003, p. LXIV.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2284.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2287.
- ↑ Cl. Witz, op.cit."", p. 3159.
- ↑ C. Zahrnt, op. cit., p. 27.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p. 2289.
- ↑ H. Däubler-Gmelin, op. cit., p.énbsp;2282.
- ↑ Concernant les critiques que l'on peut adresser au nouveau droit allemand de la prescription, Cl. Witz, Les nouveaux délais de prescription du droit allemand applicables aux ventes internationales de marchandises régies par la Convention de Vienne, D. I, p. 2860 et s.
- ↑ V. note 18.
- ↑ V. note 18.
- ↑ V. note 18.