Utilisateur:Pepousette : Différence entre versions
(statut du PS en droit de la santé) |
|||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
+ | Auteur: Loic Blanchard | ||
+ | Consultant juridique et formateur en droit de la santé | ||
+ | Société: Health Angels | ||
+ | Diplomes: DESS droit de la science médicale (Paris V) | ||
+ | DEA droit de la santé (Paris VIII) | ||
+ | Maîtrise de droit privé à Paris II ASSAS | ||
+ | email: blanchard.loic@laposte.net | ||
+ | |||
Traditionnellement, la relation patient médecin se modélise sous la forme du triangle hippocratique. Ainsi le colloque singulier (relation patient médecin) est une relation à trois, patient médecin maladie. L’ensemble de la qualité de cette relation, repose sur la notion de confiance, dont le corollaire indispensable est l’obligation de secret médical qui repose sur le médecin. | Traditionnellement, la relation patient médecin se modélise sous la forme du triangle hippocratique. Ainsi le colloque singulier (relation patient médecin) est une relation à trois, patient médecin maladie. L’ensemble de la qualité de cette relation, repose sur la notion de confiance, dont le corollaire indispensable est l’obligation de secret médical qui repose sur le médecin. | ||
Le corps médical reste fortement attaché à cette définition, du rôle du soignant, qui n’intègre que l’aspect médical et ne prend pas en compte une quelconque notion de gestion financière. | Le corps médical reste fortement attaché à cette définition, du rôle du soignant, qui n’intègre que l’aspect médical et ne prend pas en compte une quelconque notion de gestion financière. |
Version du 13 novembre 2007 à 18:01
Auteur: Loic Blanchard Consultant juridique et formateur en droit de la santé Société: Health Angels Diplomes: DESS droit de la science médicale (Paris V) DEA droit de la santé (Paris VIII) Maîtrise de droit privé à Paris II ASSAS email: blanchard.loic@laposte.net
Traditionnellement, la relation patient médecin se modélise sous la forme du triangle hippocratique. Ainsi le colloque singulier (relation patient médecin) est une relation à trois, patient médecin maladie. L’ensemble de la qualité de cette relation, repose sur la notion de confiance, dont le corollaire indispensable est l’obligation de secret médical qui repose sur le médecin. Le corps médical reste fortement attaché à cette définition, du rôle du soignant, qui n’intègre que l’aspect médical et ne prend pas en compte une quelconque notion de gestion financière. Cependant, le droit, sous l’impulsion de l’évolution des mœurs, présente au médecin un modèle de relation qui a bien changé par rapport à ce modèle éthique. Il semble que l’on puisse isoler deux causes à cette évolution. Dans une première approche, il semble que l’évolution des mœurs sociales, n’acceptant plus que un dommage puisse exister sans être indemnisé (législation sur les accidents de la route, droit de la consommation, obligation de sécurité résultat…), pousse le juge et le législateur à organiser une indemnisation quasi systématique de l’accident médical. Ainsi, le juge est amené à rechercher la faute du praticien, et ce, quitte, parfois, à forcer les règles juridiques. L’affaire Perruche, en son temps largement médiatisé, en est un exemple flagrant. Comme nous le verrons, cette dynamique a pour effet de rapprocher le droit de la santé du droit de la consommation et de ses règles protectrices, changeant diamétralement la nature de la relation patient médecin. Dans une seconde approche, il semble que les dépenses croissantes de notre régime de sécurité sociale pousse le législateur à inventer de nouveaux mécanismes pour diminuer les dépenses. Les dernières évolutions législatives laissent apparaître la nouvelle stratégie adoptée par le législateur, à savoir, impliquer directement les soignants dans la gestion financière de leur activité. Ces deux approches vont donc nous mener à l’étude de la nouvelle place du soignant dans le système de soin, étude conduite en deux parties. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’évolution de la relation soignant/soigné. Relation qui évolue vers une relation de groupe à groupe, qui, comme nous le verrons, est fortement influencée par le rapprochement du droit de la santé avec le droit de la consommation. Dans un deuxième temps nous nous intéresserons au nouveau positionnement du professionnel de santé dans l’institution sanitaire elle-même. Le professionnel de santé est amené à y occuper une place de gestionnaire en plus de sa mission principale de délivrance des soins. Nouvelle place qui lui est dévolue par les récentes réformes hospitalières relatives à la tarification et à la nouvelle gouvernance.
1 UNE INCIDENCE FORTE DU DROIT DE LA CONSOMMATION. D’UNE APREHENSION INDIVIDUELLE DE LA RELATION MEDICALE A UNE APREHENSION D’UN ANTAGONISME DE GROUPE
Nous étudierons ici l’évolution du droit de la santé dans le cadre de son rapprochement de régime d’avec le droit de la consommation (A Laude : « le consommateur de soin »). La démonstration de cette proximité nous mènera à mettre en évidence la nouvelle nature du colloque singulier (relation patient médecin) que propose la « norme légale ». Comme nous le verrons, la norme légale génère un antagonisme entre deux groupes (soignants/soignés), là où l’éthique médicale et la tradition médicale préfèreraient une relation individuelle de confiance.
Nous commencerons donc nos développements par une présentation des principes et axes principaux du droit de la consommation. Nous mettrons ensuite en évidence l’évolution de la « cause subjective » du contrat médical.
Enfin, nous mettrons en évidence les éléments qui permettent de mettre en lumière la proximité entre ces deux branches du droit, ainsi que les conséquences de celle-ci sur la relation patient médecin.
1.1 CARACTERE DU DROIT DE LA CONSOMMATION
Le droit commun des contrats (droit applicable à tous les contrats à défaut de loi spéciale) prône une analyse individuelle de la relation contractuelle. A l’inverse, le droit de la consommation prône une approche concrète et collective des relations. Le but de ce droit étant de rééquilibrer des relations, perçues comme inégalitaire. Ainsi, la relation consommateur professionnel est rééquilibrée par des textes normatifs imposant des comportements et des obligations particulières aux professionnels au profit du consommateur.
De ce fait, le droit de la consommation se caractérise par une politique d’amplification des obligations du professionnel ainsi que par une politique de simplification de l’accès à la justice par le consommateur.
Le mouvement consumériste (politique de protection du plus faible dans une relation contractuelle, typiquement le droit de la consommation est un droit consumériste) se développe dans la deuxième moitié du XXem Siècle, plus particulièrement dans les années 70 . Il se développe en réaction aux excès et abus des professionnels, perçus comme cupide et sans scrupules. On ne peut s’empêcher déjà ici, relativement aux causes qui gouvernent à la naissance du droit consumériste, à comparer ce sentiment d’inégalité aux critiques maintenant unanimes contre le paternalisme médical dans le secteur de la santé.
Le rôle des associations de consommateurs n’est pas non plus négligeable dans la montée en puissance de ce nouveau droit. Là encore la similitude avec les associations de patients ne saurait échapper.
Le droit de la consommation se traduit par deux axes forts :
En premier lieu, l’axe de la protection individuelle. Il s’agit ici des obligations d’information particulières mises à la charge du professionnel au bénéfice du consommateur (information sur le fond et sur le coût). Il s’agit aussi du droit à la sécurité, on pense ici aux obligations de sécurité résultat qui pèsent sur les professionnels (obligations sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement).
En second lieu, l’axe consistant à une appréhension collective de la relation soignant soigné. Relation envisagée, donc, non plus individuellement, entre chaque co-contractant, mais comme une relation de groupe à groupe. Dans cette perspective un large rôle est dévolu aux associations de consommateurs. Ces dernières peuvent d’elle même protéger en justice les intérêts des consommateurs pris collectivement voir individuellement (on dit qu’elles ont qualité à agir). Elles sont aussi appelées à participer à de nombreuses instances, tel que le conseil national de la consommation.
Nous mettrons donc en lumière ces deux aspects dans le droit « de la consommation de la santé ». Cette similitude n’est d’ailleurs pas uniquement théorique, elle est parfois explicite, en témoigne un arrêt du conseil d’état (CE 27 avril 1998), où la cour qualifie le patient d’un chirurgien esthétique de véritable « consommateur ».
Avant de déterminer les caractères de droit de la consommation du droit médical nous commencerons par une analyse du changement de la cause du contrat médical. Changement qui est à la base du rapprochement du régime de ces deux droits.
1.2 EVOLUTION DE LA CAUSE DU CONTRAT DE SOIN
La cause à la base du contrat doit exister, c’est une condition de validité du contrat, mais elle doit aussi être légale (article 1108 du code civil).
En 1936 la cause du contrat de soin s’entendait du motif thérapeutique de l’intervention.
Dans l’analyse de la cause d’un contrat synallagmatique , la théorie juridique distingue entre la cause objective et la cause subjective de l’obligation.
Mais la cause subjective est, elle, plus dure à cerner. Dans un premier temps, la cause subjective du contrat était constituée de la cause thérapeutique. Ainsi, seul la recherche d’un effet thérapeutique pouvait justifier l’atteinte au corps humain (ancien article 16 du code civil).
Mais, l’évolution des mœurs et de la pratique médicale ont imposé de réexaminer cette définition. Ainsi, la jurisprudence admet aujourd’hui les interventions chirurgicales de transsexualisme (dans le droit iranien le transsexualisme est admis si un médecin certifie qu’il s’agit d’une véritable maladie) alors que la cause ici ne peut s’analyser comme une cause thérapeutique (Cour d’Appel d’Aix en Provence 23 avril 1990). La cause du contrat médical ne peut dés lors plus être la cause thérapeutique, sinon en l’espèce la cause du contrat eut été illicite puisque non thérapeutique.
De plus, lors d’une réforme, on a substitué dans l’article 16 du code civil, le terme malade par le terme de patient. Cette substitution procède de la prise en compte, par le législateur, que nombre d’actes médicaux ne sont pas réservés aux seuls « malades » . Il en est ainsi des accouchements, de la chirurgie esthétique ou des pratiques de stérilisation médicales.
Or, le passage du malade au patient implique un regain de protection, il en fut ainsi, dans un premier temps, en matière de chirurgie esthétique avec le renforcement des obligations de résultats.
Plus généralement, ce changement de perception des acteurs du contrat médical pousse, comme nous allons le voir, à une poussée importante du consumérisme dans la matière médicale. En effet, passant de la seule cause thérapeutique à une médecine de convenance en certain cas, le patient devient demandeur d’actes médicaux non thérapeutiques. Le patient devient alors un véritable consommateur de soin, ce qui, à titre incident, n’est pas sans expliquer une certaine inflation des dépenses de santé.
1.3 LES ELEMENTS DE CETTE PROXIMITE
1.3.1 DANS LA RELATION INDIVIDUELLE
On s’intéressera ici à deux manifestations typiques du droit de la consommation.
En premier lieu, le droit de la consommation s’attache à instaurer une relation de confiance entre les parties. Les outils du droit de la consommation, pour y parvenir, sont l’obligation d’information, la protection du consentement et la protection particulière de la sécurité du consommateur, ici le consommateur de soin (Anne Laude)
Le droit particulier à l’information procède de la constatation du déséquilibre des connaissances entre les parties au contrat. Ainsi, pour rééquilibrer la relation, la loi instaure une obligation spécifique d’information à la charge du professionnel. . Ce déséquilibre de connaissance est évidemment le même dans la relation patient médecin que dans celle de professionnel à consommateur. En matière de soin on parle de protection du consentement mais aussi plus largement de l’assentiment du patient à tous les actes durant l’exécution du contrat (M Pitcho) (voir article 16 du code civil). En effet, le patient, hors urgence et inconscience, doit autoriser tous les actes pratiqués sur lui, cette autorisation doit être donnée en toute conscience, c'est-à-dire en ayant été largement informé. En droit médical, de la même manière que en droit de la consommation, le professionnel se voit tenu à une obligation d’information, en témoigne la jurisprudence abondante en la matière. En effet, depuis quelques années les cours de justice rappellent régulièrement aux professionnels leur obligation d’informer leur patient. La législation médicale, de la même manière que le droit de la consommation, spécifie des règles quant à l’information sur le prix de la prestation. En ce sens, on peut citer l’article L1111-3 du Code la Santé Publique, qui fait écho à l’article L113-2 du Code de la Consommation. On notera aussi, que la législation médicale emprunte aux droit de la consommations de nombreuses techniques de protection du consentement de la partie faible (ici le patient). Ainsi, il est prévu pour certains actes que le patient doive consentir selon un certain formalisme . De la même façon, le droit de la santé emprunte, au droit de la consommation, la notion de délais de rétractation pour le consentement à certains actes. Cette protection de la confiance par le droit n’est pas sans intriguer sur le positionnement que la loi entend donner au professionnel de santé. En effet, la législation semble considérer que sans ces interventions la confiance entre le patient et son médecin n’existerait pas. En tout état de cause, elle place le professionnel de santé dans une position similaire à celle du commerçant professionnel. Cette analogie n’est pas sans intriguer. En effet, la suspicion légale à l’égard du professionnel de santé peut laisser dubitatif. Dans un mouvement similaire la jurisprudence développe les obligations de résultat de sécurité du professionnel de santé envers son patient. Ainsi, pour certains actes tels que en matière de transfusion sanguine, d’infections nosocomiales le professionnel pourra être civilement responsable de tout dommage causé à son patient, et ce, même, sans qu’aucune faute de sa part ne puisse être démontrée. L’obligation de sécurité est une découverte que l’on doit à la jurisprudence civile du début du XXem siècle. Mais elle est devenue un outil caractéristique du droit de la consommation.
Comme nous venons de le voir, le droit de la santé emprunte de nombreuses techniques au droit de la consommation. De la même manière que le droit de la consommation, le droit de la santé entend rééquilibrer la relation contractuelle qui lie le patient à son médecin. Rééquilibrage qui, de la même manière que en droit de la consommation, entend répondre à deux créances qui existeraient initialement dans le contrat : créance de confiance (l’information et la protection du consentement) et créance de sécurité (les différentes obligations de sécurité résultat). Le professionnel est ici placé dans une situation de suspicion où il peut même apparaître originellement dangereux. L’évolution légale le pousse donc vers une attitude de protection et de gestion du risque. Ce rapprochement d’avec le droit de la consommation ne se limite pas au seul aspect individuel, il est aussi palpable dans sa dimension collective. 1.3.2 DANS SA DIMENSION D’ANTAGONISME DE GROUPE Deux aspects sont ici à développer. Le droit de la consommation se caractérise, dans sa dimension de groupe, par un développement des voix de règlements alternatifs (recours simplifiés devant des organismes autres que des tribunaux, permettant de réduire le coût, le temps…), ainsi que par une volonté d’offrir une large place aux associations. 1.3.2.1 LES MODES DE REGLEMENT ALTERNATIFS Le but premier du droit de la consommation, réside dans la volonté de créer des modes alternatifs de règlement des litiges (Yves Picod) dans le but de promouvoir l’accessibilité à la justice du non professionnel. Le droit de la santé connaît aussi, depuis peu, le recours à ces voix alternatives de règlement des litiges. Ainsi la loi du 4 mars 2002 crée les Commissions Régionales d’Indemnisation des Accidents Médicaux (CRCI). Toute personne s’estimant victime d’un accident médical, postérieurement au 5 septembre 2001, peut déposer un recours devant cette commission. L’intérêt de cette procédure de spécifique, réservée aux patient souffrant d’un accident médical, réside dans le fait qu’elle est plus rapide, mais aussi dans le fait qu’elle est gratuite. Tous les frais de la procédure étant pris en charge par la commission (ce qui n’est pas le cas devant les tribunaux traditionnels). Ces commissions peuvent intriguer à plusieurs titres. En premier lieu, quant à la forme, l’article R790-41 relatif à la composition de cette commission inquiète. En effet, le nombre pléthorique des personnes de formation différentes que doit comporter cette commission ne manquera pas de poser de lourds problèmes pratiques . En second lieu, sur le fond, nombre d’auteurs s’interrogent sur l’intérêt d’une telle commission. Madame Bertola Geoffroy, fait par exemple remarquer, que les tribunaux traditionnels sont parfaitement en mesure de régler le contentieux médical et qu’une telle commission revient à favoriser un groupe de plaignant particulier au détriment de l’égalité des justiciables devant la justice. En tout état de cause, il s’agit là encore d’un élément de rapprochement du droit de la santé et du droit de la consommation. 1.3.2.2 LA PLACE DES ASSOCIATIONS : Nous avons déjà souligné l’importance des associations de consommateurs dans l’essor du droit de la consommation. De la même façon, en matière de santé, les associations ont eu un rôle moteur dans l’essor du droit des usagers du système de santé, on peut se souvenir ici, de l’importance du mouvement associatif dans les débats des états généraux de la santé, outil de la création de la loi du 4 mars 2002. Plus généralement le droit de la consommation reconnaît une place aux associations de consommateurs à deux niveaux. Les associations de consommateurs sont appelées à siéger dans des instances administratives tels que le conseil national à la consommation. Ces associations sont aussi appelées à assister le consommateur, à le défendre directement. En ce sens, les associations agrées, en certaine circonstance, peuvent agir en justice pour défendre les intérêts des consommateurs. La représentation institutionnelle des usagers, dans le domaine de la santé, est assez tardive dans notre pays. On peut en partie l’attribuer à la faiblesse des associations de patients, en terme de nombre de membre. L’ensemble des associations d’usagers de santé s’est constitué par « sédimentation successive » (Mme Esper). Les premières associations se constituent autour de pathologies spécifiques, sans aspirations globales d’appréhension des attentes de l’ensemble des usagers du domaine de santé. L’émergence de la représentation des usagers s’effectue à l’hôpital public. En témoigne la loi du 31 juillet 1991 qui prévoit la désignation de représentants des familles dans les unités de long séjour des hôpitaux recevant des personnes âgées . L’ordonnance du 24 avril 1996 prévoit la désignation de représentants des usagers au sein des conseils d’administrations des établissements public de santé, ces derniers, siégeant aussi au sein des CLIN. Ces associations sont, dorénavant, aussi membres des commissions régionales d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) . La loi de 2002 aboutit la réflexion relative aux associations de patients, prévoyant une procédure d’agréments de ces associations (Article L1114-1) (sur les conditions de l’agrément voir le décret N°2005-300 du 31 mars 2005). La loi du 4 mars 2002 prévoit, à côté de ce rôle de représentation des patients dans des organes institutionnels, de donner à ces associations, dans certaines circonstances, la possibilité d’agir en justice pour défendre l’intérêt des patients. Comme Mme Esper le fait remarquer dans son ouvrage (Droit hospitalier, Dalloz cours 2005) cette disposition est directement inspirée du droit de la consommation. Il ressort de ces développements, que tant dans une perspective individuelle, que dans une perspective collective, le droit de la santé connaît un rapprochement évidant d’avec le droit de la consommation. Rapprochement qui ne peut qu’interroger quant à la relation patient médecin que le droit distille. Ce rapprochement semble ancrer la relation patient médecin dans une relation de consommation et de défiance, qui ne devrait pas être l’image de la relation de soin (M Memmeteau). Monsieur Sargos rappelle l’attachement que la cour de cassation montre, selon lui, à promouvoir une relation de confiance entre le patient et son médecin, mais aux vues des développements antérieurs, il apparaît pour le moins que cette volonté ne soit pas directement suivie d’effets. En tout état de cause il s’agit d’une révolution culturelle pour le professionnel de santé. Ces changement ne se limitent pas à la nature de la relation patient médecin. En effet, le soignant se trouve aussi, du fait des réformes récentes du monde hospitalier, impliqué dans la gestion financière de l’hôpital. Cette implication tente de répondre au deuxième objectif qui est de réduire les dépenses de santé par la responsabilisation de ses acteurs. 2 IMPLICATION DU PROFESSIONNEL DE SANTE DANS LA LOGIQUE DE GESTION DE L’ETABLISSEMENT. Comme nous l’avons développé antérieurement, la relation individuelle des professionnels de santé avec leur patient a largement évoluée. De la même manière, le professionnel de santé voit son positionnement évoluer dans sa relation avec les établissements de santé. Il passe ainsi d’un rôle de simple soignant à un rôle de soignant responsable de la gestion financière de l’activité. Ce nouveau positionnement répondant à la volonté de réduire les dépenses de santé. Nos verrons dans un premier temps le nouveau mode médicalisé de financement (T2A). Ce nouveau mode de tarification se traduit par une nouvelle organisation de l’hôpital, impliquant directement le soignant dans la gestion financière de la structure, il s’agit de la nouvelle gouvernance. 2.1 UN MODE MEDICALISE DE TARIFICATION : LA T2A La loi de financement de la sécurité sociale de 2003 modifie assez largement les modalités de financement des établissements de santé. Le but de cette réforme étant de médicaliser ce financement, d’introduire plus d’équité entre secteur public et privé et surtout de responsabiliser les acteurs (soignants et administratifs). Avant cette réforme deux grandes modalités de financement se côtoyaient. Les établissements publics et privés participant au service public de la santé, étaient dotés d’une enveloppe annuelle. On parlait de la dotation globale. Les établissements privés à buts lucratifs facturaient directement à l’assurance maladie des forfaits de prestation. La T2A est un mode de financement qui dépend directement de l’‘activité effective de l’établissement. Cette tarification s’articule autour de 5 modalités d’allocations différentes : o Le paiement au séjour (GHS et certaines autres prestations de soin) o Le paiement en sus du GHS de produits de santé (certains médicaments et dispositifs médicaux) o L’attribution de forfaits annuels o Les missions d’intérêt général (MIG) o L’aide à la contractualisation.
Le paiement par GHS (Groupe Homogène de Soin) est le critère principal de la réforme. L’état définit une liste de GHS. Le financement des établissements n’est plus ici enfermé dans une enveloppe globale (qui ne prenait pas en compte l’activité réelle de l’établissement) mais en fonction de l’activité réelle de l’établissement, selon le nombre des GHS qu’il déclare à l’assurance maladie. Un GHS est un prix de revient forfaitaire qui est alloué à une pathologie, ou à un groupe de pathologie. L’établissement doit qualifier toute hospitalisation par un GHS en fonction des actes et de la pathologie que le patient présente. Du nombre de GHS déclaré à l’assurance maladie dépend donc le financement de l’établissement. Des mécanismes régulateurs étant prévus. En effet, est applicable un cœfficient géographique pour certaines régions, de plus, certains médicaments coûteux peuvent se voir rembourser en sus du GHS.
La T2A présente de nombreux intérêts. En premier lieu, il responsabilise les acteurs. Les financements de l’établissement n’étant plus bloqués par une dotation globale, l’établissement est poussé à améliorer sa gestion et son activité. Ainsi, cette tarification aura un fort impact sur la réflexion stratégique ainsi que sur le projet d’établissement. La mission ministérielle sur la T2A considère en ce sens que ce nouveau mode de tarification aura un fort impact sur le management interne de l’établissement. En terme de décentralisation de la gestion, partage d’information entre soignants et administratifs, gestion des ressources humaines… En dernier lieu, la T2A est aussi un outil de planification. En effet, à côté du SROS (Schéma Régional d’Organisation Sanitaire) la valorisation qui sera faite des différents GHS permettra de mener des politiques incitatives auprès des acteurs de santé pour les pousser à développer certains services.
Ce nouveau mode de tarification implique directement l’activité médicale et, comme nous l’avons souligné, annonce clairement le but de servir au rapprochement entre soignants et administratifs. Il invite à développer une comptabilité analytique au sein de l’établissement. On passe ici, du point de vue de la gestion, d’une politique de résultat à une politique de moyen. Cette réforme de la tarification s’accompagne de nouvelles modalités d’organisation des établissements de santé. On parle de nouvelle gouvernance. Comme nous le verrons, cette nouvelle gouvernance augmente, elle aussi, le rôle de gestionnaire du professionnel de santé. 2.2 LA NOUVELLE GOUVERNANCE HOSPITALIERE : VERS UN MEDECIN GESTIONNAIRE D’UN SYTEME CONCENTRE ET EN VOIX DE PRIVATISATION JURIDIQUE.
2.2.1 DECRET DU 2 MAI 2005 RELATIF A LA NOUVELLE GOUVERNANCE : VERS UNE COMPTABILITE ANALYTIQUE ET UNE PRIVATISATION, AU MOINS JURIDIQUE, DU SYSTEME DE SANTE PUBLIC. En premier lieu, on notera que l’ensemble du pouvoir financier est donné au directeur de l’hôpital sous le contrôle de l’ARH (Agence Régionale de l’Hospitalisation). Cette diposition répond à la volonté de donner plus d’autonomie aux établissements de santé dans la gestion de leur budget. Ce qui répond directement à la logique de la T2A. L’établissement gère le budget qu’il a directement généré par son activité. Le décret prévoit que, en cas de déficit sur le budget, l’hôpital peut être mis sous « administration provisoire », géré par un mandataire nommé par l’ARH. Cette procédure inédite en droit public rapproche le système public du système privé. En effet, cette procédure est directement inspirée des procédures de liquidation judicaire des entreprises privées. La mesure principale à noter est la mise en place des pôles d'activité : les services qui sont déjà un regroupement d'unités médicales, vont, à leur tour, se regrouper au sein de pôles. Ce nouveau découpage de l'hôpital répond avant tout à une logique économique. Il s'agit de mutualiser les ressources afin de limiter les dépenses. Les hôpitaux sont libres de constituer les pôles à leur convenance, afin de mieux répondre aux réalités techniques de chacun. On peut trouver par exemple un pôle de médecine regroupant les services de cardiologie, néphrologie, oncologie, etc. ou encore un pôle de chirurgie avec les services de chirurgie viscérale, cardiaque, etc. Plusieurs approches sont possibles suivant que l'on penche vers une logique d'organe ou une logique de prise en charge du patient. Les pôles sont en grande partie dirigés par les soignants eux-mêmes, en effet le responsable de pôle, personnel élu, sera un soignant. De ce fait, les pôles étant indépendant financièrement, les soignants se trouveront plus impliqués dans la gestion financière. Le budget propre de chaque pôle sera calculé en fonction du nombre de GHS qu’il aura facturé. Le pôle devra gérer seul son budget. Ils passeront des contrats d’objectifs et de moyens avec la direction de l’hôpital (cette mesure est directement inspirée des contrats d’objectifs et de moyens que les hôpitaux passent déjà avec les ARH), afin de pouvoir prévoir des budgets complémentaires, par exemple des budgets d’investissements. Le budget ayant une incidence directe sur l’activité il apparaît clairement que la motivation principale de cette mesure, outre la volonté de concentration, est d’impliquer les professionnels de santé dans la gestion financière de leur activité.
Enfin, au niveau de la direction de l’hôpital, est créé le comité exécutif (CE) composé du directeur, des représentants administratifs et des responsables de pôles : l’idée ici est d’assurer une collaboration entre les administratifs et les soignants au niveau central de l’hôpital. Il s’agit ici d’une véritable révolution culturelle au sein de l’hôpital. En effet, traditionnellement les soignants n’étaient pas associés à cette partie financière. Elle était dévolue aux seuls administratifs, les soignants se chantonnant dans leur rôle de professionnels de santé. De plus, ces deux organes (soignants administratifs) étaient très indépendants. A ce titre, ils ne dépendent pas de la même fonction publique. Ainsi, le directeur de l’hôpital n’a aucune compétence hiérarchique sur le personnel soignant. La volonté d’impliquer les soignants dans la gestion de l’hôpital répond à une préoccupation de réduction des coûts. En effet, ils sont la source principale des dépenses au sein de l’hôpital. Mais cette révolution culturelle ne se fera pas sans poser quelques problèmes. 2.2.2 LES PROBLEMES PREVISIBLES DANS LA MISE EN OEUVRE En premier lieu, on notera, que le décret organise, au profit du responsable de pôle, une délégation de pouvoir du directeur pour la gestion de son pôle. Cette notion, inexistante en droit public (droit applicable aux hôpitaux publics) laisse imaginer que le directeur restera personnellement responsable des décisions prises par les responsables de pôles. En effet, cette notion de délégation n’existant pas dans le droit public elle ne saurait être appliquée par les juges. Ici, une notion de droit privé, impacte le fonctionnement institutionnel de l’hôpital. Le législateur laisse apparaître sa volonté d’organiser une certaine privatisation, au moins juridique, du système de soin.
En second lieu, la composition des pôles pose déjà de nombreux problèmes, devant la difficulté de rapprocher des services déjà très autonomes. Une autre question d’ordre hiérarchique ne manquera pas de se poser. En effet, les responsables de pôles doivent assurer
la direction de leur pôles, donc des services qui le composeront. On peut s’interroger sur la façon dont s’organisera la relation entre le responsable de pôles et les chefs de service. Ainsi, le responsable de pôle élu devra diriger l’activité de services, dirigés par des chefs de services nommés directement par décret ministériel. Ces chefs de services n’ont donc aucune responsabilité hiérarchique, du moins aujourd’hui, envers le responsable de pôle.
En dernier lieu, et c’est le plus important. Il convient de souligner que la réussite de la réforme repose entièrement sur l’adhésion du corps soignant à ces principes. S’agissant d’une véritable révolution institutionnelle du rôle des soignants, il apparaît que cette réforme se fera sur le long terme et nécessitera un fort accompagnement du personnel soignant.
3 CONCLUSION : En conclusion on constate que le positionnement du professionnel de santé a été largement bouleversé. Dans sa relation individuelle avec le patient, il est aujourd’hui perçu, en plus de son rôle de soignant, comme un prestataire de service. Qui, en tant que tel, comme un commerçant, est redevable envers son « client », d’obligations largement inspirées du droit de la consommation. Dans sa relation avec les établissements de santé, il est appelé à participer à la gestion financière de l’activité et à ne plus rester cantonné uniquement dans son rôle de soignant. Ces deux aspects du nouveau positionnement du professionnel de santé laisse apparaître un mouvement de marchandisation de la santé, mouvement étonnant dans ces périodes de recherche de réduction des coûts.