Publicité et protection de la santé publique (fr)
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France > Droit de la publicité >
Le législateur souhaite protéger le téléspectateur/ consommateur en insérant des messages de prévention lors de la diffusion de publicités de produits nocifs ou pouvant l’être.
Il s’agit de l’inciter à avoir une meilleure hygiène de vie.
Il est vrai que la publicité est un moyen de communication à part entière et peut être propice à la diffusion de messages portant atteinte aux intérêts privés et à l’intérêt public. La réglementation de tels produits tient au fait que toute incitation à la consommation de ces produits apparaît a priori de nature à augmenter la demande et ainsi détériorer la santé d’individus de plus en plus nombreux.
Sommaire
Un nombre croissant de produits concernés
Les premières règlementations
Un premier pas avait déjà été effectué avec la mise en place de règles particulières pour la publicité de produits ou services considérés comme sensibles vis à vis de la collectivité ou de l’ordre public, tels que l’alcool, le tabac et les médicaments.
Le tabac
La règlementation française à l’égard de la publicité date des années 70 à la suite d’une initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé, préconisant de « restreindre ou d’interdire sous toutes leurs formes, la publicité et la promotion des ventes du tabac ». La première loi française de lutte contre le tabagisme est la loi du 9 juillet 1976 ou "loi Veil". Cette loi limite la publicité en faveur du tabac à la seule presse écrite. Elle interdit le parrainage des manifestations sportives par les cigarettiers. Mais le gouvernement français décide de renforcer son intervention dans la lutte contre le tabagisme et vote la loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin. L’ensemble est intégré dans le Code de la santé publique, notamment à l’article L. 3511-3. Elle lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme et prévoit ainsi des règles spécifiques en matière de publicité La dernière règlementation remonte à 2006, avec le décret du 15 novembre 2006 et la circulaire du 29 novembre 2006. Ces textes prohibent le tabagisme dans les établissements publics.
L’alcool
La loi Evin a également eu pour ambition de réglementer la publicité des produits alcoolisés. Mais cette dernière subit des restrictions depuis 1940. Aujourd’hui, les dispositions de la loi Evin sont insérées dans le code de la santé publique. Cette règlementation est appliquée de manière stricte par la jurisprudence, puisque par deux décisions du 19 décembre 2006, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que seuls les alcools des catégories autorisées à être distribuées peuvent faire l’objet d’une publicité par le distributeur, et que le recours à des procédés tendant à valoriser une boisson alcoolisée peut caractériser l’illicéité de la publicité.
Les médicaments
La publicité pour les médicaments est effectivement réglementée. Elle fut interdite en 1941 pour les médicaments à l’attention du grand public. Elle est autorisée auprès du corps médical après obtention d’un visa administratif depuis 1963. Mais ce n’est que dans les années 90 que la publicité pour le grand public est autorisée pour certains types de médicaments. Elle fait l’objet d’un examen a priori pour les publicités destinées au grand public et a postériori pour les publicités destinées aux professionnels de la santé. Ce contrôle est opéré par l’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé, après avis de la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon usage du médicament. Il faut se référer ici aux articles L5122-1 et R5045 et suivants du nouveau code de la santé publique. Ces dispositions ont été complétées par la loi du 18 janvier 1994. Si une publicité ne répond pas à certaines obligations, la commission peut proposer son interdiction.
La volonté des pouvoirs publics d’aller au delà : la réglementation de l’agroalimentaire
Depuis le décret de mars 2007, qui découle de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, les produits agroalimentaires doivent également être accompagnés de messages sanitaires. Les annonceurs qui refusent de diffuser ces messages devront s’acquitter du paiement d’une taxe de 1,5% de leurs dépenses de publicité au profit de l’INPES. Le monde de la publicité n’a de cesse de devoir s’adapter aux exigences de notre société. En effet, il s’agit ici d’améliorer l’équilibre alimentaire et de prévenir l’obésité. Certains produits de l’agroalimentaire échappent cependant à l’obligation de diffusion de messages sanitaires : le thé, l'eau, les tisanes, le café, le lait, certains jus de fruits, les produits découpés, emballés et naturels. A l’origine de ces nouvelles mesures : la lutte contre le fléau de santé publique qu’est l’obésité, et qui concerne 6 millions de Français. Des négociations difficiles caractérisent ces nouvelles dispositions en raison des pressions du marché publicitaires et du lobbying des industriels de l’agroalimentaire (rappelons que l’alimentation est l’un des principaux secteurs du marché publicitaire français avec près de 8% des investissements médias en 2006.
Les règles applicables
La protection de la santé publique, par le biais de messages sanitaires, s’applique à tous les supports publicitaires : télévision, radio, presse, affichage. Mais il existe quelques différences selon le produit concerné.
Les supports concernés
Pour le tabac
L’UDA est une association fondée en 1916. Elle est en France l’unique organisation représentative des annonceurs. Ces derniers sont « des entreprises, des collectivités ou des organismes qui recourent aux différentes techniques de communication pour promouvoir leur notoriété, leur image, leurs produits ou leurs services ». L’UDA a différentes missions. D’une part, défendre les intérêts et faire valoir les positions des annonceurs auprès de leurs interlocuteurs professionnels et de leur environnement économique, social et politique français et européen. D’autre part, permettre à ses adhérents d’optimiser, en efficacité et en coût, leurs investissements en communication. Sa dernière, et non moins importante mission, est d’élaborer et promouvoir des pratiques loyales et éthiques pour une communication responsable. L’UDA participe donc à assurer l’autodiscipline dans la profession, et dispose pour se faire d’une commission particulière. Cette dernière mission de l’UDA a été illustrée récemment. En effet, le 4 décembre 2007, l’UDA a présenté devant près de 200 personnes (annonceurs, agences,…) sa charte d’engagement des annonceurs pour une communication responsable. Les annonceurs sont à l’origine de toutes les actions de communication.
Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP)
Le BVP est le plus récent. Organisme d’autodiscipline de la publicité en France, il s’agit d’une association interprofessionnelle privée, au sens de la loi de 1901. A ce titre, elle est totalement indépendante des pouvoirs publics et ne dépend que de ses adhérents. Le BVP est administré par un conseil d’administration composé de 24 membres. Le Bureau a fait l’objet d’une grande évolution.
Dans sa toute première forme, le BVP est apparu en 1935. À cette époque, il s’intitule l’Office de Contrôle des Annonces (OCA). L’OCA réunit à la fois les publicitaires, les professionnels de la presse et les éditeurs. Elle a pour but de s’assurer de la sincérité de la publicité et de la moralité des annonces qui lui sont soumises.
Après la seconde guerre mondiale, et plus précisément en 1953, l’OCA change de nom et devient le Bureau de Vérification de la Publicité.
Le BVP a pour objet de mener une action en faveur d’une publicité loyale et saine: il a donc un rôle très important dans l’autodiscipline professionnelle. C’est d’ailleurs la principale organisation l’assurant. Pour ce faire, il a sollicité l’adhésion d’agences de publicité, de médias, d’annonceurs. Il exerce un contrôle, tant a priori (réponse aux questions formulées par les annonceurs, les agences. qui peuvent avoir des doutes quant à la conformité de leurs campagnes et émission d’un guide de recommandations) qu’à posteriori (une demande de cessation de diffusion est possible).
Dans les années 70, le directeur du BVP crée le concept des recommandations. Ces dernières constituent des règles du jeu, des documents de référence pour tous les acteurs de la publicité. En 1968, le BVP obtient un siège à la commission de visionnage de la Régie Française de la Publicité. Il entre alors dans le processus relatif à la publicité télévisée qui vient d’être autorisée. A partir de 1992, le BVP donne un avis avant la diffusion de tout film publicitaire télévisé : cet avis est obligatoire. En 2000, le BVP crée un département télévision regroupant à la fois conseils facultatifs et avis obligatoires. Mais le BVP n’a pas fini d’évoluer. En effet, il a fait l’objet de nombreuses critiques de la part notamment des associations environnementales, et ce, lors du grenelle de l’environnement. Ainsi, le conseil d’administration du BVP s’est réuni le 3 décembre 2007 pour adopter de nouvelles règles d’autodiscipline.
Le but premier du BVP est d’améliorer l’image de la publicité en France. La nécessité d’évolution du BVP s’explique par la mission à laquelle il répond. En effet, ce dernier a pour but de « mener une action en faveur d'une publicité loyale, véridique et saine dans l'intérêt des professionnels de la publicité, des consommateurs et du public ».
La mission du BVP est donc de concilier d’une part la liberté d’expression publicitaire et d’autre part, le respect des consommateurs. Cela se manifeste de plusieurs manières : tout d’abord, par l’élaboration d’un code de bonnes pratiques. C'est-à-dire que le BVP, avec tous les acteurs de la publicité, détermine la déontologie de leur profession. Il s’agit de règles d’autodiscipline que les professionnels se donnent volontairement, en plus de l’application des lois qui réglementent déjà la matière. Ensuite, par le développement de l’autodiscipline. Autrement dit, le BVP veille au respect des règles déontologiques.
Mécanismes classiques de contrôle de la publicité
Le contrôle a priori exercé par le BVP
La question se pose de savoir comment le BVP contrôle l’application des règles de déontologie que la profession s’est elle-même fixée. Pour cela, il faut distinguer trois étapes principales : avant la finalisation des publicités, juste avant leur diffusion, et pour finir, après la diffusion de ces dernières.
Le BVP exerce son contrôle avant la finalisation des publicités. A cet instant, il s’agit pour ce dernier de conseiller les médias. Ainsi, par an, il examine en conseil plus de 13 000 visuels différents, et à peu près un projet sur deux fait l’objet d’une demande de modification de sa part.
Ensuite, le Bureau exerce un contrôle juste avant la diffusion de la publicité. Cette prérogative reconnue au BVP résulte d’une décision du 25 juillet 1991 par laquelle le CSA confie à celui-ci le contrôle systématique, avant diffusion, des publicités télévisées. A cette étape du contrôle, la publicité est finalisée, et il appartient au BVP, qui est de fait devenu le principal interlocuteur des annonceurs et des agences publicitaires, de procéder à l’examen de l’intégralité de la production publicitaire. Ce qu’il est important de souligner ici, est que toute publicité diffusée à la télévision doit impérativement être visionnée par le BVP. Une fois la publicité visionnée, il émet un avis. En effet, le Bureau a pour mission de donner un avis préalable sur la compatibilité des publicités avec les textes réglementaires. Mais s’il incombe impérativement au BVP de donner son avis avant la diffusion de toute publicité télévisée, il apparaît que ce dernier ne peut donner qu’un avis consultatif sur la publicité en presse et en affichage.
La dernière étape du contrôle qu’exerce le BVP, intervient après la diffusion des publicités. Ainsi, s’il constate le non-respect des règles déontologiques, ce dernier s’autosaisie et s’arroge le droit de demander, selon la gravité de la violation, une modification de la campagne publicitaire, ou même une « cessation de la diffusion ». Depuis 1992, le BVP est membre fondateur d’une association internationale : l’Alliance Européenne pour l’Ethique en Publicité (AEEP). Cette dernière rassemble des organismes d’autodiscipline publicitaire de différents pays (comme par exemple les États-Unis, le Canada, ou encore de nombreux pays européens). Cette association a pour but de promouvoir l’autodiscipline non seulement en Europe, mais également hors Union Européenne.
Le contrôle a posteriori exercé par le CSA
Depuis la loi du 17 janvier 1989[1], le conseil supérieur de l’audiovisuel a compétence pour contrôler la publicité télévisée. L’article 14 de la loi précitée lui confie « une mission de contrôle sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées sur les antennes ». Depuis sa décision du 25 juillet 1991, il exerce son contrôle a posteriori.
Il est intéressant de souligner que, contrairement au BVP, le CSA dispose d’un pouvoir de sanction. En effet, le BVP peut demander, s’il constate le non respect des règles de déontologie, une modification de la campagne publicitaire et, si la violation des règles s’avère plus grave, une cessation de la diffusion de la campagne. De la même manière, en application de l’article 2 de la décision du 25 juillet 1991 , le CSA peut demander la suspension d’une campagne publicitaire. Mais l’article va au-delà puisque qu’il lui donne la possibilité d’infliger aux chaînes télévisées de fortes amendes. En revanche, le CSA n’a aucun pouvoir à l’encontre des annonceurs et des agences publicitaires.Le CSA a vocation à intervenir pour différentes raisons mais dans tous les cas, il se fonde sur le non respect de la réglementation, comme par exemple la diffusion de messages publicitaires pour des secteurs interdits, pour des raisons économiques ou déontologiques.
Mais l’intervention du CSA en matière de contrôle publicitaire reste occasionnelle. En effet, on remarque que de manière générale, les annonceurs, qui ne veulent pas voir la diffusion de leur spot publicitaire interdite, se conforment aux avis préalables rendus par le BVP.
Une nécessaire adaptation de l'autorégulation liée aux enjeux des nouvelles technologies
La mutation la plus importante à laquelle doit se confronter le dispositif d’autorégulation est celle des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’autodiscipline publicitaire, très adaptée au mode de diffusion classique (TV, affichage, presse, radio) doit à l’heure actuelle développer des modes de contrôles pleinement efficaces pour les nouveaux supports.
En effet, le développement de nouveaux supports tels que la Télévision Mobile Personelle (TMP) engendre une nécessaire adaptation de l'autorégulation. A côté des mécanismes classiques de contrôle de la publicité adaptés aux supports TV, affichage, presse doit se développer un contrôle pour la publicité sur internet ou encore la TMP. Pour ce faire, les relations avec les professionnels de ce secteur se sont resserées ces dernières années. C'est ainsi que le Syndicat des Régies Internet (SRI) a adhéré au BVP ainsi que l'association des professionnels de la publicité sur les téléphones mobiles. L'adhésion de ces acteurs au BVP a permi à ce dernier d'élaborer en 2001 des règles déontologiques au travers de sa Recommandation Internet [2]
Cette recommandation mise en place en 2001 a été actualisée en 2005.
Conclusion
Ce mode de régulation choisi par le secteur publicitaire tend à se développer de plus en plus en France tout comme en Europe. Il se caractérise par sa capacité à s'adapter rapidement et constamment à des réalités très mouvantes: sensibilités du public, pratiques publicitaires, innovations technologiques, enjeux sociétaux... Le principe fondamental de l'autorégulation est celui de l'adaptation du dispositif aux mutations. Ce principe d'autorégulation s'incarne différemment au fil des mutations des époques qu'il traverse.
Notes et références
Notes
Références
- La correspondance de la publicité, Quotidien d'information et de Documentation Professionnelles
- Greffe, Pierre, Greffe François, La publicité et la loi, 10ème édition, Paris : Litec, 2004, 1230 p. ISBN 2-7110-0359-0