Dol général (fr)
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Qu'est-ce que le dol général ? Depuis longtemps, la doctrine estime que le dol général est le fait de commettre une infraction en connaissances de cause ; c'est la conscience d'accomplir un acte interdit par la loi (« faire exprès »). Cette définition de la doctrine a été reprise par la Cour de cassation depuis le (nouveau) Code pénal: « le dol général est la violation en connaissance de cause d'une prescription prescrite par un règlement ou une loi».
Dans l'immense majorité des cas, ce dol général existe. Il faut simplement signaler qu'il y a dol général dès que l'auteur de l'infraction agit en connaissance de cause, quel que soit le mobile, qu'il soit honorable ou non. Au niveau de la peine, le juge peut prendre en compte le motif.
Le dol spécial est presque une exception. Il y a cependant des sanctions où un individu accomplit un acte incriminé sans avoir connaissance de la violation d'une prescription de la loi. C'est le cas lorsqu'un individu commet une erreur, qui peut être une erreur de fait ou une erreur de droit.
L'erreur de fait
L'erreur de fait est une erreur sur la matérialité de l'acte accompli (bonne foi). Il n'y a donc pas de dol général. L'erreur de fait supprime le dol général. Ex: le fait de s'emparer d'une chose dont on se croit propriétaire. Matériellement, le vol est accompli. Ch. crim. 2 avril 1967 ; relation au délit d'outrage à un agent de la force publique. Ch. crim. 1963 ; enlèvement d'un mineur de moins de dix-huit ans.
La preuve de l'erreur est une question de fait : la Cour de cassation ne dit donc rien là dessus.
On peut faire ici trois observations :
- La preuve de l'erreur de fait est laissée à l'appréciation des juges du fond
- Seule une erreur portant sur un élément de la définition de l'infraction (l'élément matériel) supprime le dol général. En matière de meurtre, est indifférente une erreur sur l'identité de la victime ;
- Dans certains cas, une erreur de fait qui supprime le dol général constitue néanmoins une faute d'imprudence qui permet de reprocher à l'auteur de l'acte une erreur non-intentionnelle. Ex: pharmacien qui donne de la mort-au-rat au lieu de donner un médicament. Ex: accident de chasse.
L'erreur de droit
L'erreur de droit est une erreur qui porte sur l'existence ou l'interprétation d'une règle pénale. Lorsqu'un individu commet une infraction en ignorant que c'est réprimé, son erreur de droit annule-t-elle le dol général ? C'est une question délicate. D'une part, compte tenu de la définition du dol général, il faudrait répondre positivement, mais, d'autre part, l'adage « nul n'est censé ignorer la loi » doit logiquement exclure toute erreur de droit. À l'époque du gouvernement Rocard on a recensé les textes en vigueur : 7 000 lois et 70 000 décrets. Il est donc impossible de connaître la loi dans son ensemble.
Dans un cas particulier, un décret-loi du 5 novembre 1870, abrogé en 2004, admet l'exception d'ignorance. Un tribunal peut acquitter un individu qui a commis une infraction trois jours après la publication du texte qui l'incrimine. C'est facultatif.
Pendant longtemps, la jurisprudence a eu à résoudre ce dilemme. Elle a passé par trois phases.
La première a duré jusqu'à 1950. Pendant cette période, la Chambre criminelle a systématiquement fait prévaloir l'adage « nul n'est censé ignorer la loi ». Certaines juridiction d'appel étaient favorables à l'erreur de droit. Cour d'appel de Paris 2 décembre 1924 : un individu avait découvert un trésor et se l'était approprié. Il était poursuivi pour vol parce qu'il n'avait pas remis la moitié du trésor au propriétaire du terrain. Pour sa défense, il invoquait son ignorance de l'art. 716 du Code civil. Il a été condamné.
La deuxième phase va de 1950 à 1964. Pendant cette phase, la Cour de cassation a admis une erreur de droit lorsqu'elle était invincible, c'est-à-dire lorsque, avant d'accomplir l'acte, un individu s'est renseigné auprès d'une autorité administrative qui lui a donné carte blanche. Si une erreur de droit est invincible, elle supprime le dol général et donc l'élément intentionnel. Ch. crim. 2 octobre 1958. Dans cette affaire, un employeur était poursuivi pour n'avoir pas convoqué un délégué syndical au conseil d'entreprise. L'employeur avait préalablement consulté le ministère du travail. La Cour de cassation ne l'a pas sanctionné « au motif qu'il a pu croire en toute bonne foi que la non-convocation était légitime et par conséquent qu'il n'avait pas conscience d'accomplir un acte fautif ». En revanche, durant cette phase, les erreurs de droit non-invincibles étaient toujours écartées.
La troisième phase débute en 1964. La Cour de cassation revient à sa position initiale : nul n'est censé ignorer la loi. Une erreur de droit, même invincible, n'annule pas le dol général. Ch. crim. 26 février 1964. Un agriculteur a construit une serre sans permis de construire, alors que, préalablement, il s'était renseigné auprès de la mairie.
Le (nouveau) Code pénal a réglé la question de l'erreur de droit par l'art. 122-3: « N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ». Cela revient à admettre l'erreur de droit invincible.
Depuis la mise en vigueur du (nouveau) Code pénal, l'erreur de droit n'a été qu'exceptionnellement admise par les tribunaux. Cour d'appel de Douai 26 septembre 1996. La chambre criminelle a toujours refusé de reconnaître l'erreur de droit, mais il ne s'agissait jamais d'espèces où il y avait une véritable erreur de droit. C. cass. 5 mars 1997 : la Cour de cassation refusait dans cette espèce une erreur de droit portant sur un article du Code du travail parce que la personne poursuivie n'avait pas consulté l'inspection du travail. A contrario, cela semble signifier que la Cour de cassation aurait sans doute admis l'erreur de droit si elle avait été invincible. Ch. crim. 9 juin 1999.