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Histoire du droit (ma)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
Version du 4 janvier 2005 à 17:40 par CHARQI (discuter | contributions)

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HISTOIRE, FONCTIONS, CONTRAINTES & PERSPECTIVES DU DROIT AU MAROC .

Monsieur le Recteur de l’IRCAM, Monsieur le Directeur de l’ISM, Monsieur le Directeur du Centre d’études anthropologiqes et sociologiques de l’IRCAM, Mmes et MM. les professeurs, chers amis,…

Avant toutes choses, je voudrais remercier les organisateurs d’avoir bien voulu m’inviter à participer à ce colloque. Le thème du rapport entre le droit et la société au Maroc a déjà été traité de par le passé dans notre pays au moins par deux fois. Néanmoins, le sujet demeure inépuisable. Et la question est d’autant plus intéressante lorsque c’est l’anthropologie qui s’y intéresse. Le droit au Maroc est surtout abordé du point de vue positif, accessoirement du point de vue de la sociologie du droit, rarement du point de vue de l’histoire du droit, de la théorie générale et de la philosophie du droit ou de l’anthropologie du droit. D’où l’intérêt que peut revêtir le thème de ce colloque et surtout l’angle d’approche.

Je me propose de vous entretenir, dans cette communication, selon deux axes essentiels à savoir, d’une part, l’histoire et l’évolution du droit au Maroc et, d’autre part, les fonctions et contraintes du droit ainsi que son rapport aux contradictions, avant d’en venir au titre de considérations finales aux perspectives du droit au Maroc.

I. L’HISTOIRE ET L’EVOLUTION DU DROIT AU MAROC. La présentation de l’histoire et de l’évolution du droit, au Maroc, permet de dégager, à un moment de l’histoire un droit amazigh pluriel, un droit musulman et un droit « moderne » d’essence occidentale. Du droit amazigh je retiendrai le droit rifain avant et pendant l’avènement d’Abdelkrim, mais au préalable il convient de s’interroger sur le rapport entre le droit et la société ainsi que sur l’intérêt de l’histoire du droit.

1. le rapport entre le droit et la société. Par définition, là où il y a la société il y a le droit. [Ubi societas, ubi jus], et inversement là où il y a le droit il y a la société. L’histoire du droit au Maroc est intimement liée à l’histoire de la société marocaine. Or, la société marocaine a connu des soubressauts divers, des structures multiples, des invasions, des cultures étrangères,… Tout cela s’est indéniablement répercuté et a rejailli sur l’évolution, le contenu et la nature du droit.

2. L’intérêt de l’histoire du droit. L’intérêt de l’histoire du droit est considérable pour qui veut connaître et comprendre l’évolution de la société. La sociologie quant à elle n’est pas en reste puisqu’elle nous permet de saisir et de comprendre ce qu’est la fonction du droit, ses rôles, sa raison d’être,…

Quel peut être aujourd’hui l’intérêt du droit ayant eu libre cours en pays amazigh ? La connaissance de ce droit est d’abord historique certes mais aussi au delà de l’histoire cela nous permet de mieux comprendre notre passé, notre culture, de façon à mieux affronter et relever les défis de l’avenir. Force est de dire que le droit amazigh est aujourd’hui bien loin derrière nous au Maroc. Notons aussi que ce n’est pas parce que ce droit est « amazigh » qu’il est forcément évolué ou meilleur. En ce qui concerne l’évolution, vu ce qu’étaient les sociétés et tribus amazighes de l’époque, leurs droits ne pouvaient être ni bien évolués, ni moderne, ni développé.

Dans tout système juridique, on retrouve des éléments du droit passé, le droit positif en vigueur et les embryons du droit à venir. Au Maroc, à un moment donné de son histoire, le pays s’est retrouvé avec un droit pluriel des pays Amazighs, un droit hébraïque, un droit musulman et un droit moderne d’essence occidentale.

3. Le droit amazigh, le droit musulman et le droit « moderne ». Entre le pays Siba et le pays Makhzen, on peut d’ores et déjà relever une dichotomie juridique. Et dans le Bled Siba lui même on peut relever en pays amazigh des tribus indépendantistes jalouses de leurs autonomies sociales et politiques et disposant de leurs propres corpus juridiques. Quelles sont les particularités et caractéristiques saillantes du droit amazigh : Des préceptes et règles simples coutumière ou même écrites.

La conquête musulmane du Maroc aura permis l’introduction du droit musulman. Notons cependant que le droit musulman ne s’est jamais affronté à la coutume en pays berbère. Chaque fois que le droit musulman risquait de se retrouver en forte contradiction par rapport aux règles d’usage en vigueur et ancrées en pays berbère, ce sont ces mêmes règles qui ont prévalu. Le droit musulman n’a eu droit de cité que pour autant qu’il était accepté et ne risquait pas d’être contesté et remis en cause par la société.

4. Le droit rifain. Emilio Blanco Izaga et David Montgomery Hart, chacun pour ce qui le concerne, ont pu nous rendre compte de ce qu’étaient au début du 20ème siècle le droit en vigueur dans certaines tribus du Rif. Quelles étaient les institutions les plus importantes à l’époque et comment se formait le droit régissant les rapports en société. La tribu, les alliances inter tribales, le marché « temple de la loi rifaine », l’usage de l’eau,…

Dans la tribu, l’assemblée des paysans propriétaires, la « jmaat » établit le Canon avec les obligations et devoirs de chacun. Ce qu’il est permis de faire ou de ne pas faire, ainsi que les sanctions en cas d’infractions à la règle. Faut-il entrevoir dans la démocratie rifaine et dans le droit rifain de l’époque des séquelles du passage des romains, grands juristes s’il en est ? Chaque « Jmaat » avait son propre code. La tribu quant à elle disposant d’un canon de la mer, de celui des eaux, de celui de la chasse, outre le droit des alliances inter tribales.

A partir du moment où les règles sociales sont codifiées on délaisse le droit coutumier pour aller vers un droit écrit. Des codes simples, propres à telle ou telle tribu, ou des actes juridiques contractuels précisant les droits et obligations des différentes parties en présence et qui ont ceci de particulier qu’ils recueillent l’assentiment, le consentement direct ou indirect des concernés à travers des actes juridiques établis en langue arabe et retranscrits par des Adels.

5. Abdelkrim et le droit dans le Rif. Toujours dans le Rif et au début du siècle dernier, Abdelkrim juriste de son état, une fois Emir de la confédération des tribus du Rif, révolutionna les structures d’usage ainsi que le droit en vigueur dans le Rif. L’unification des tribus dans le cadre d’une entité nouvelle ne pouvait manquer de se répercuter sur l’état, la nature et la consistance du droit.

Le Rif ne connaissait pas de prisons avant Abdelkrim, ni les châtiment corporels, ni la peine de mort. Par contre les amendes, le bannissement, la saisie, la vendetta, l’incendie des biens étaient sanctions d’usage en cas d’infractions aux règles établies. Abdelkrim mis en place un droit nouveau prévoyant des sanctions inhabituelles : les amendes qui furent certes maintenues, côtoyèrent les peines d’incarcération voire la peine de mort. Les gens n’avaient plus le droit de se faire justice eux mêmes et l’autorité se faisait centralisée entre les mains du nouveau pouvoir. L’expérience ne dura pas bien longtemps, mais elle fut d’une grande utilité pour ceux qui allaient reprendre le pouvoir après Abdelkrim. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les réformes introduites par Abdelkrim servirent l’administration coloniale espagnole dans le Rif.


II. LES FONCTIONS DU DROIT ET LE DROIT FACE AUX CONTRAINTES ET CONTRADICTIONS. Les fonctions du droit sont multiples et pas forcément celles apparentes à première vue. Le droit est intimement lié aux rapports intersociaux contradictoires qui lui donnent naissance et qu’il régit en retour. Enfin, le droit n’est pas exempt de contraintes qui sont autant d’entraves pour le développement économique, commercial, politique, culturel, civilisationnel, etc. Mais auparavant voyons ce qu’il en est de la relation entre le droit et les rapports intersociaux.

1. Le droit et les rapports sociaux. Lorsque la société accepte un droit nouveau, lorsque la société ne remet pas en cause un droit nouveau cela signifie que les rapports sociaux ou intersociaux ayant donné et donnant naissance à la production de normes juridiques ont évolué. Ces rapports sociaux peuvent être des rapports économiques, des rapports de force, des rapports politiques, des rapports commerciaux, …

2. Les fonctions du droit. Le droit n’est pas seulement un ensemble de règles qui régissent les rapports en société. Le droit est aussi le produit de rapports sociaux par définition contradictoires. Et la société a besoin de normes juridiques, précisément car les rapports sociaux ou intersociaux sont contradictoires. Si ce n’était la contradiction dans les rapports sociaux, le besoin quant aux normes juridiques devant régir ces mêmes rapports sociaux ne serait pas. Le droit a ainsi cette fonction ambivalente de représentation et d’occultation des rapports sociaux lui ayant donné naissance. L’avènement du droit met entre parenthèse la contradiction qui lui donne naissance.

3. Le droit face aux contraintes et contradictions. Lorsque l’état du droit est dépassé par rapport à l’évolution des rapports sociaux lui ayant donné naissance, il devient un problème, une entrave, une contradiction, un blocage au développement économique, commercial, politique, culturel et autres. D’où l’intérêt de veiller à revaloriser, revoir, développer le droit en fonction de l’évolution des rapports sociaux et des besoins et aspirations de la société du moment.

On n’impose pas un droit à une société indépendamment de la nature des rapports sociaux. Le droit est le produit de la société et de ses rapports sociaux. C’est la société qui donne naissance aux règles sociales qui en retour vont régir les rapports sociaux. Mais la société comme on le rappelait évolue et le droit qui la régit doit évoluer aussi en conséquences. Le droit qui n’évoluerait pas en fonction de l’évolution de la société devient un frein, une entrave, l’objet de contradictions et de litiges et sujet à violations non pas comme faits isolés mais comme faits de société.

III. CONSIDERATIONS FINALES : ETAT ET PERSPECTIVES DU DROIT AU MAROC. Pour connaître des perspectives du droit, au Maroc, il faut, au préalable, savoir ce qu’il en est de l’état du droit.

1. L’état du droit, au Maroc. Il convient de rappeler qu’avec l’avènement du protectorat, dès les premières années, on assiste à un véritable foisonnement dans la production législative. Une véritable frénésie dans l’élaboration des codes et textes. A contrario, le Maroc indépendant, et cela est bien regrettable, n’aura pas poursuivi ce rythme, ni maintenu l’intérêt du protectorat en ce qui concerne le droit et la production législative. Pire, aujourd’hui encore, nombre impressionnant de textes qui n’ont jamais été abrogé, amendé ou revus sont dépassés voire font allusion à des institutions qui n’existent plus. Les statistiques sur le volume des textes qui devrait être amendés, au point de vue de la forme, [ne parlons même pas du fond], sont impressionnantes : les deux tiers.

Le droit moderne et le rapport de l’Etat au droit ne semble pas vraiment avoir de tradition institutionnelle digne de ce nom dans notre pays. Certes, on assiste à l’occasion à la production d’un grand nombre de textes législatifs et réglementaires, mais néanmoins avec beaucoup de retards et sans que les nombreux professionnels et universitaires marocains du droit soient mis à contribution ou sollicités.

2. Les perspectives du droit, au Maroc. Le discours officiel retient comme un leit motiv la notion d’Etat de droit. Mais par définition, tous les Etats sont des Etats de droit. L’Etat c’est le droit et inversement. Le problème est dès lors ailleurs. Quel droit pour quel Etat ? Ce qui dès lors pose la question de la réforme de l’Etat, des institutions et du droit.

La réforme de l’Etat et des institutions passe par la réforme du droit. Or, la place, l’intérêt et l’utilité du droit ne semblent pas encore avoir acquis leurs lettres de noblesse au Maroc. Le règne du droit suppose que le droit soit débarrassé de l’ivraie, que les institutions soient à l’écoute des évolutions sociales et des besoins de la société, que le droit s’accommode des standards minimum de civilisation, que le droit soit adapté et revalorisé en fonction des évolutions et besoins,…

Le droit positif en vigueur, au Maroc, ne fait pas l’objet d’une adaptation systématique aux besoins et évolutions de la société. On se retrouve ainsi avec un droit « moderne » arriéré et dépassé. Le mimétisme juridique intervient souvent avec retards de surcroît pour certains aspect de la vie en société seulement.

Le Maroc a ces dernières décennies souvent exprimé son souhait d’un rattachement à l’Union Européenne. Force est de noter que l’une des conditions requises se trouve être une mise à niveau juridique, l’harmonisation et l’uniformisation, notamment en matière de droit des affaires et de droits de l’homme. Il sied aussi de constater qu’il n’y a pas de réel débat et encore moins de projet de réforme de l’Etat du droit et des institutions au Maroc.

Mimoun CHARQI. charqi@hotmail.com