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Eisenmann, Charles : Différence entre versions

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Charles Eisenmmann (1903 – 1980), successivement chargé de cours à la [[Faculté de droit (fr)|Faculté de droit]] de Caen, puis [[professeur (fr)|professeur]] dans les Facultés de droit de Strasbourg et enfin Paris est un [[Droit public (fr)|publiciste]] dont la juste célébrité occulte cependant une œuvre complexe et exigeante.
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Charles Eisenmann (1903 – 1980), successivement chargé de cours à la [[Faculté de droit (fr)|Faculté de droit]] de Caen, puis [[professeur (fr)|professeur]] dans les Facultés de droit de Strasbourg et enfin Paris est un [[Droit public (fr)|publiciste]] dont la juste célébrité occulte cependant une œuvre complexe et exigeante.
  
 
Eisenmann est d’abord et fondamentalement un théoricien du droit, le principal introducteur de [[Kelsen, Hans|Kelsen]] en France et son disciple critique. Mais son œuvre de théoricien a certainement souffert d’une assimilation trop rapide de ses propres idées à celles du maître qu’il introduit et qui invitait inévitablement alors à lire l’original plutôt que la copie. Traducteur d’une partie de l’œuvre kelsenienne, d’un extrait de sa théorie de l’État en 1928, de son texte sur La démocratie, sa nature, sa valeur, en 1929, de la Théorie générale du droit international public en 1932, de la deuxième édition de la Théorie pure du droit en 1962, Charles Eisenmann est incontestablement influencé par Kelsen. Mais beaucoup moins métaphysicien que le maître autrichien, il n’a pas l’ambition d’une construction systématique et reste constamment ouvert à la sociologie, à l’histoire ou à la pratique. Or cette disposition d’esprit jouera un grand rôle dans les deux disciplines dans lesquelles il excellera, le droit constitutionnel et le droit administratif, le conduisant à défendre des principes ou des théories assez éloignées des conceptions kelseniennes ou néo-kelseniennes.
 
Eisenmann est d’abord et fondamentalement un théoricien du droit, le principal introducteur de [[Kelsen, Hans|Kelsen]] en France et son disciple critique. Mais son œuvre de théoricien a certainement souffert d’une assimilation trop rapide de ses propres idées à celles du maître qu’il introduit et qui invitait inévitablement alors à lire l’original plutôt que la copie. Traducteur d’une partie de l’œuvre kelsenienne, d’un extrait de sa théorie de l’État en 1928, de son texte sur La démocratie, sa nature, sa valeur, en 1929, de la Théorie générale du droit international public en 1932, de la deuxième édition de la Théorie pure du droit en 1962, Charles Eisenmann est incontestablement influencé par Kelsen. Mais beaucoup moins métaphysicien que le maître autrichien, il n’a pas l’ambition d’une construction systématique et reste constamment ouvert à la sociologie, à l’histoire ou à la pratique. Or cette disposition d’esprit jouera un grand rôle dans les deux disciplines dans lesquelles il excellera, le droit constitutionnel et le droit administratif, le conduisant à défendre des principes ou des théories assez éloignées des conceptions kelseniennes ou néo-kelseniennes.
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De grands publicistes français, comme [[Vedel, Georges|Georges Vedel]] ou [[Favoreu, Louis|Louis Favoreu]] ont vu dans cette thèse l’anticipation clairvoyante de l’évolution du [[droit constitutionnel (fr)|droit constitutionnel]] français tel qu’il devait apparaître sous la [[Ve République]], progressivement travaillé par le [[Conseil constitutionnel (fr)|Conseil constitutionnel]]. Ses conceptions anticipaient finalement le principe que le Conseil constitutionnel dégagera dans sa décision de 1985 lorsqu’il soutiendra que la [[loi (fr)|loi]] n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la [[Constitution (fr)|Constitution]]. Ils ont cherché à montrer que l’évolution rationnelle du droit constitutionnel français appelait en quelque sorte la naissance d’un Conseil constitutionnel puis sa transformation en une véritable cour.
 
De grands publicistes français, comme [[Vedel, Georges|Georges Vedel]] ou [[Favoreu, Louis|Louis Favoreu]] ont vu dans cette thèse l’anticipation clairvoyante de l’évolution du [[droit constitutionnel (fr)|droit constitutionnel]] français tel qu’il devait apparaître sous la [[Ve République]], progressivement travaillé par le [[Conseil constitutionnel (fr)|Conseil constitutionnel]]. Ses conceptions anticipaient finalement le principe que le Conseil constitutionnel dégagera dans sa décision de 1985 lorsqu’il soutiendra que la [[loi (fr)|loi]] n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la [[Constitution (fr)|Constitution]]. Ils ont cherché à montrer que l’évolution rationnelle du droit constitutionnel français appelait en quelque sorte la naissance d’un Conseil constitutionnel puis sa transformation en une véritable cour.
  
D’autres auteurs, en revanche, soucieux de nuancer le kelsenisme de Charles Eisenmann, ont aussi insisté sur le fait que sa pensée constitutionnelle était infiniment plus nuancée et ne pouvait ainsi être réduite à l’état de contribution pionnière. Dans des textes postérieurs à sa thèse il est en effet toujours resté  fidèle à la conception classique du droit constitutionnel, conçu comme une discipline portant sur l’organisation du régime politique des Etats. S’il a continué à s’intéresser à la justice constitutionnelle après sa thèse ce n’était plus dans le sens d’un développement et d’une introduction en France des vues de Kelsen. Dans divers articles, au contraire, il met clairement en garde les juristes contre les tendances inhérentes aux cours constitutionnelles à vouloir faire œuvre de « constituant secondaire » en dépassant la fonction négative d’empêcher pour accéder à une authentique faculté de statuer. Il a aussi apprécié de manière critique la grande décision du Conseil constitutionnel sur la liberté d’association de juillet 1971, se montrant plutôt sceptique sur le développement de la justice constitutionnelle en France.
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D’autres auteurs, en revanche, soucieux de nuancer le kelsenisme de Charles Eisenmann, ont aussi insisté sur le fait que sa pensée constitutionnelle était infiniment plus nuancée et ne pouvait ainsi être réduite à l’état de contribution pionnière. Dans des textes postérieurs à sa thèse il est en effet toujours resté  fidèle à la conception classique du [[droit constitutionnel (fr)|droit constitutionnel]], conçu comme une discipline portant sur l’organisation du régime politique des États. S’il a continué à s’intéresser à la justice constitutionnelle après sa thèse ce n’était plus dans le sens d’un développement et d’une introduction en France des vues de [[Kelsen, Hans|Kelsen]] . Dans divers articles, au contraire, il met clairement en garde les juristes contre les tendances inhérentes aux cours constitutionnelles à vouloir faire œuvre de « constituant secondaire » en dépassant la fonction négative d’empêcher pour accéder à une authentique faculté de statuer. Il a aussi apprécié de manière critique la grande décision du [[Conseil constitutionnel (fr)|Conseil constitutionnel ]] sur la [http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument?base=CONSTIT&nod=CCO71DC04044 liberté d’association] du 16 juillet 1971, se montrant plutôt sceptique sur le développement de la justice constitutionnelle en France.
  
 
Il semble bien en fait qu’Eisenmann n’est pas resté le kelsenien qu’il a sans douté été dans ses jeunes années. Sa célèbre controverse avec le doyen Vedel sur les bases constitutionnelles du droit administratif peut en témoigner.
 
Il semble bien en fait qu’Eisenmann n’est pas resté le kelsenien qu’il a sans douté été dans ses jeunes années. Sa célèbre controverse avec le doyen Vedel sur les bases constitutionnelles du droit administratif peut en témoigner.
  
Dans un célèbre article paru à la RDP en 1972, « La théorie des bases constitutionnelles du droit administratif », Charles Eisenmann s’attache à critiquer une interprétation au fond très kelsenienne développée par le doyen Vedel dès 1954, dans les Études et documents du [[Conseil d'État (fr)|Conseil d'État]] et portant sur le fondement constitutionnel du [[droit administratif (fr)|droit administratif]]. Partant du principe que le droit constitutionnel fournit toutes les têtes de chapitre du droit public et donc aussi, en particulier, du droit administratif, le [[Vedel, Georges|doyen Vedel]] était conduit à critiquer les définitions du droit administratif et de l’[[administration (fr)|administration]] construites sur la notion de [[service public (fr)|service public]], étrangère à nos constitutions. Charles Eisenmann, au contraire s’attache à démontrer que rien dans la constitution alors en vigueur comme dans le constitutions passées ne peut justifier l’existence de ces prétendues bases constitutionnelles. La jurisprudence du [[Conseil constitutionnel (fr)|Conseil constitutionnel]] viendra, des le début des années 1980 démentir cette analyse, qui ne serait sans doute plus développée aujourd’hui. L’attachement de Charles Eisenmann au critère du service public et, par conséquent, à la mission de l’administration, le reliait, on le voit à une toute autre école que celle de Kelsen, à une conception développée par [[Duguit, Léon|Duguit]] et restée longtemps au cœur de la définition française du droit administratif.
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Dans un célèbre article paru à la [[Revue du droit public de la science politique en France et à l'étranger|RDP]] en 1972, « La théorie des bases constitutionnelles du droit administratif », Charles Eisenmann s’attache à critiquer une interprétation au fond très kelsenienne développée par le doyen Vedel dès 1954, dans les Études et documents du [[Conseil d'État (fr)|Conseil d'État]] et portant sur le fondement constitutionnel du [[droit administratif (fr)|droit administratif]]. Partant du principe que le droit constitutionnel fournit toutes les têtes de chapitre du droit public et donc aussi, en particulier, du droit administratif, le [[Vedel, Georges|doyen Vedel]] était conduit à critiquer les définitions du droit administratif et de l’[[administration (fr)|administration]] construites sur la notion de [[service public (fr)|service public]], étrangère à nos constitutions. Charles Eisenmann, au contraire s’attache à démontrer que rien dans la constitution alors en vigueur comme dans les constitutions passées ne peut justifier l’existence de ces prétendues bases constitutionnelles. La jurisprudence du [[Conseil constitutionnel (fr)|Conseil constitutionnel]] viendra, des le début des années 1980, démentir cette analyse, qui ne serait sans doute plus développée aujourd’hui. L’attachement de Charles Eisenmann au critère du service public et, par conséquent, à la mission de l’administration, le reliait, on le voit à une toute autre école que celle de Kelsen, à une conception développée par [[Duguit, Léon|Duguit]] et restée longtemps au cœur de la définition française du droit administratif.
  
Eric Maulin
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=Bibliographie=
  
Université Robert Schuman
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*Eisenmann, Charles (1903-1980), ''La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche'', Paris, 1928, avec une préface de Hans Kelsen, rééedition avec un avant-propos de Georges Vedel et une post-face de Louis Favoreu, 1986, Economica et P.U.A.M. ISBN 2-7178-1210-5
  
=Bibliographie=
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*Eisenmann, Charles (1903-1980), ''Cours de droit administratif'', réunis par Stéphane Rials, Paris, 1982 pour le tome 1 et 1983 pour le tome 2, L.G.D.J. ISBN 2-275-01408-X
  
Eisenmann, Charles (1903-1980), ''La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche'', Paris, 1928, avec une préface de Hans Kelsen, rééedition avec un avant-propos de Georges Vedel et une post-face de Louis Favoreu, 1986, Economica et P.U.A.M. ISBN 2-7178-1210-5
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*Eisenmann, Charles (1903-1980), ''Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques'', textes réunis par Charles Leben, Paris, 2002, éd. Panthéon-Assas, 668p. ISBN 2-913397-22-0
  
Eisenmann, Charles (1903-1980), ''Cours de droit administratif'', réunis par Stéphane Rials, Paris, 1982 pour le tome 1 et 1983 pour le tome 2, L.G.D.J. ISBN 2-275-01408-X
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*Eisenmann, Charles (1903-1980), « L'esprit des Lois et la séparation des pouvoirs », in ''Mélanges Carré de Malberg'', Paris, 1933, Libr. du Recueil Sirey, 534 p.
 
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Eisenmann, Charles (1903-1980), ''Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques'', textes réunis par Charles Leben, Paris, 2002, éd. Panthéon-Assas, 668p. ISBN 2-913397-22-0
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=Voir aussi=
 
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Amselek (Paul) – sous la direction de – La pensée de Charles Eisenmann, 1986, Economica et P.U.A.M, 259p. ISBN 2-7178-1097-8
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*Amselek, Paul, (Dir.), ''La pensée de Charles Eisenmann', 1986, Economica et P.U.A.M, 259p. ISBN 2-7178-1097-8
 
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*Beaud, Olivier, « Charles Eisenmann », ''Droits'' n°36, « Rhétorique et droit », Paris, 2002, P.U.F, 217p. ISBN 2-13-053307-8
Beaud (Olivier), « Charles Eisenmann », Droits n°36, « Rhétorique et droit », Paris, 2002, P.U.F, 217p. ISBN 2-13-053307-8
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Version actuelle en date du 27 juin 2010 à 16:39

France > Grands juristes > Grands juristes : France
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Charles Eisenmann (1903 – 1980), successivement chargé de cours à la Faculté de droit de Caen, puis professeur dans les Facultés de droit de Strasbourg et enfin Paris est un publiciste dont la juste célébrité occulte cependant une œuvre complexe et exigeante.

Eisenmann est d’abord et fondamentalement un théoricien du droit, le principal introducteur de Kelsen en France et son disciple critique. Mais son œuvre de théoricien a certainement souffert d’une assimilation trop rapide de ses propres idées à celles du maître qu’il introduit et qui invitait inévitablement alors à lire l’original plutôt que la copie. Traducteur d’une partie de l’œuvre kelsenienne, d’un extrait de sa théorie de l’État en 1928, de son texte sur La démocratie, sa nature, sa valeur, en 1929, de la Théorie générale du droit international public en 1932, de la deuxième édition de la Théorie pure du droit en 1962, Charles Eisenmann est incontestablement influencé par Kelsen. Mais beaucoup moins métaphysicien que le maître autrichien, il n’a pas l’ambition d’une construction systématique et reste constamment ouvert à la sociologie, à l’histoire ou à la pratique. Or cette disposition d’esprit jouera un grand rôle dans les deux disciplines dans lesquelles il excellera, le droit constitutionnel et le droit administratif, le conduisant à défendre des principes ou des théories assez éloignées des conceptions kelseniennes ou néo-kelseniennes.

C’est avec un coup de maître que Charles Eisenmann est entré dans la carrière professorale après avoir soutenu une belle thèse sur La justice constitutionnelle et la haute Cour d’Autriche, en 1928. Alors que la doctrine s’est un peu assoupie sur la question de la justice constitutionnelle, au point de se répéter, Charles Eisenmann introduit une problématique radicalement nouvelle en s’attachant à l’étude de la Cour constitutionnelle autrichienne et aux idées de son concepteur, le professeur Hans Kelsen. Il montre bien que la constitution ne reste qu’un programme politique, moralement obligatoire, mais dont les politiques sont juridiquement libres de ne pas tenir compte tant qu’une autorité n’a pas le pouvoir d’en imposer le respect. La justice constitutionnelle seule permet de transformer la constitution en un ensemble de normes véritablement juridiques. C’est à cette condition seulement que la constitution devient la règle de droit suprême et le principe de toute validité juridique. Le kelsennisme faisait ainsi son entrée en France et Charles Eisenmann fut certainement son principal introducteur.

De grands publicistes français, comme Georges Vedel ou Louis Favoreu ont vu dans cette thèse l’anticipation clairvoyante de l’évolution du droit constitutionnel français tel qu’il devait apparaître sous la Ve République, progressivement travaillé par le Conseil constitutionnel. Ses conceptions anticipaient finalement le principe que le Conseil constitutionnel dégagera dans sa décision de 1985 lorsqu’il soutiendra que la loi n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution. Ils ont cherché à montrer que l’évolution rationnelle du droit constitutionnel français appelait en quelque sorte la naissance d’un Conseil constitutionnel puis sa transformation en une véritable cour.

D’autres auteurs, en revanche, soucieux de nuancer le kelsenisme de Charles Eisenmann, ont aussi insisté sur le fait que sa pensée constitutionnelle était infiniment plus nuancée et ne pouvait ainsi être réduite à l’état de contribution pionnière. Dans des textes postérieurs à sa thèse il est en effet toujours resté fidèle à la conception classique du droit constitutionnel, conçu comme une discipline portant sur l’organisation du régime politique des États. S’il a continué à s’intéresser à la justice constitutionnelle après sa thèse ce n’était plus dans le sens d’un développement et d’une introduction en France des vues de Kelsen . Dans divers articles, au contraire, il met clairement en garde les juristes contre les tendances inhérentes aux cours constitutionnelles à vouloir faire œuvre de « constituant secondaire » en dépassant la fonction négative d’empêcher pour accéder à une authentique faculté de statuer. Il a aussi apprécié de manière critique la grande décision du Conseil constitutionnel sur la liberté d’association du 16 juillet 1971, se montrant plutôt sceptique sur le développement de la justice constitutionnelle en France.

Il semble bien en fait qu’Eisenmann n’est pas resté le kelsenien qu’il a sans douté été dans ses jeunes années. Sa célèbre controverse avec le doyen Vedel sur les bases constitutionnelles du droit administratif peut en témoigner.

Dans un célèbre article paru à la RDP en 1972, « La théorie des bases constitutionnelles du droit administratif », Charles Eisenmann s’attache à critiquer une interprétation au fond très kelsenienne développée par le doyen Vedel dès 1954, dans les Études et documents du Conseil d'État et portant sur le fondement constitutionnel du droit administratif. Partant du principe que le droit constitutionnel fournit toutes les têtes de chapitre du droit public et donc aussi, en particulier, du droit administratif, le doyen Vedel était conduit à critiquer les définitions du droit administratif et de l’administration construites sur la notion de service public, étrangère à nos constitutions. Charles Eisenmann, au contraire s’attache à démontrer que rien dans la constitution alors en vigueur comme dans les constitutions passées ne peut justifier l’existence de ces prétendues bases constitutionnelles. La jurisprudence du Conseil constitutionnel viendra, des le début des années 1980, démentir cette analyse, qui ne serait sans doute plus développée aujourd’hui. L’attachement de Charles Eisenmann au critère du service public et, par conséquent, à la mission de l’administration, le reliait, on le voit à une toute autre école que celle de Kelsen, à une conception développée par Duguit et restée longtemps au cœur de la définition française du droit administratif.

Bibliographie

  • Eisenmann, Charles (1903-1980), La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche, Paris, 1928, avec une préface de Hans Kelsen, rééedition avec un avant-propos de Georges Vedel et une post-face de Louis Favoreu, 1986, Economica et P.U.A.M. ISBN 2-7178-1210-5
  • Eisenmann, Charles (1903-1980), Cours de droit administratif, réunis par Stéphane Rials, Paris, 1982 pour le tome 1 et 1983 pour le tome 2, L.G.D.J. ISBN 2-275-01408-X
  • Eisenmann, Charles (1903-1980), Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, textes réunis par Charles Leben, Paris, 2002, éd. Panthéon-Assas, 668p. ISBN 2-913397-22-0
  • Eisenmann, Charles (1903-1980), « L'esprit des Lois et la séparation des pouvoirs », in Mélanges Carré de Malberg, Paris, 1933, Libr. du Recueil Sirey, 534 p.

Voir aussi

  • Trouver la notion "Charles Eisenmann" dans l'internet juridique
  • Amselek, Paul, (Dir.), La pensée de Charles Eisenmann', 1986, Economica et P.U.A.M, 259p. ISBN 2-7178-1097-8
  • Beaud, Olivier, « Charles Eisenmann », Droits n°36, « Rhétorique et droit », Paris, 2002, P.U.F, 217p. ISBN 2-13-053307-8