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Pasquier, Étienne

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France > Grands juristes : France
Étienne Pasquier, peinture à l'huile commandé par Louis-Philippe Ier à Henri de Rudder pour le musée historique de Versailles en 1841, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Étienne Pasquier est une des grandes figures du seizième siècle. Ami de Montaigne et précurseur de Pascal. Courageux défenseur de l'indépendance politique de la France, habile interprète de son droit public, profondément versé dans la jurisprudence civile, il a concouru à la réformation des lois de son pays, et il a brillé aux premiers rangs de la magistrature, après avoir été, pendant plus de trente ans, l'honneur et la gloire du barreau, où sa mémoire est encore révérée, et où son nom rappelle une grande lutte de l'ancienne Université de Paris contre une société célèbre.

Sa vie

Etienne Pasquier naquit à Paris, le 7 avril 1529, d'une famille probablement originaire de la Brie, où se trouvait son patrimoine, mais depuis longtemps établie dans la capitale, où elle avait sa sépulture dans la chapelle Sainte-Barbe de l'église Saint-Severin. Le nom des Pasquier était déjà inscrit sur le tableau des familles parlementaires; cependant, on peut dire qu'Etienne Pasquier fut la première illustration de sa famille.

Son éducation fut dirigée vers la carrière judiciaire. On ressentait, dans cette profession, les heureux effets de l'impulsion donnée, par les rois Louis XII et François Ier, à la réforme de la législation et à l'amélioration de la justice civile et criminelle. Les rangs de la magistrature et du barreau étaient peuplés d'éminents jurisconsultes, et la génération qui les suivait se préparait, par les plus sérieux travaux, à prendre leur suite.

Il eût pour précepteur aux lettres grecques ou latines, M. Denis Lambin, professeur du Roy en l'Université de Paris. Il étudia le droit, d'abord à Paris, sous Hotoman et sous François Balduin, puis à Toulouse, sous Cujas.

Les élèves les plus remarquables que Pasquier fréquenta aux leçons de Cujas furent Pierre du Faur de Saint-Jorry (Petrus Faber), Gui du Faur de Pibrac, auteur des Quatrains, Antoine Loysel et Pierre Pithou. Il conserva, toute sa vie, des relations amicales avec eux, surtout Loysel.

De Toulouse, Pasquier alla compléter, en Italie, ses études de droit, dans les Universités, alors les plus renommées de l'Europe, pour l'enseignement de la jurisprudence. Ainsi avaient fait, jadis, tous nos fameux jurisconsultes des treizième, quatorzième et quinzième siècles. Plusieurs Français avaient même illustré les chaires italiennes, dans ces temps reculés, en échange de la gloire que d'érudits Italiens apportèrent, à leur tour, dans nos Universités naissantes. Pasquier voulut d'abord entendre Alciat, en la ville de Pavie. Budé, et qui ouvrit le pas, en Italie, comme ce dernier en France, à la réforme de la science juridique, par l'histoire et les humaniores litteroe. Les Annotations de Budé, sur les Pandectes, ont été publiées en 1508, et les premiers ouvrages d'Alciat sont de l'an 1513.

Pasquier débuta au barreau du parlement de Paris, en octobre ou novembre 1549, la deuxième année du règne de Henri II. Nous savons qu'à cette époque il rapporta un grand procès, relatif à une servitude de banalité, par-devant Mathieu Chartier, personnage d'une vénérable antiquité, et le premier de tous les avocats consultants.

A l'époque "L'estat d'avocat, dit Loysel, estoit principalement en honneur comme estant l'eschelle par laquelle on montoit aux plus grands estats et dignités du royaume". La barre du Palais était l'école où se formait la magistrature la plus élevée. Les plus grands noms dont s'enorgueillit la justice étaient à ce moment, dans les rangs des avocats: les Mole, les de Thou, les Séguier, les Boucherat, les Marillac, les Montholon. Peu après arrivèrent Loysel, Barnabé Brisson, Loiseau, Pierre Ayrault, Jean Bodin, Pierre Pithou, tous élèves de Cujas, comme Pasquier.

En 1557, Pasquier fut chargé de défendre une cause d'où dépendait, en partie, la fortune de celle qui devait être son épouse. La cause fut gagnée, et la jeune cliente, pénétrée de reconnaissance, offrit à l'avocat triomphant sa main, qui fut acceptée. Elle était veuve, riche, douée de remarquables qualités, et se nommait Françoise Belin. Il en eût un fils l'année suivante. Suite à un empoisonnement, il fut contraint à une période de convalescence de 18 mois. Vers cette même époque de 1560, Pasquier, pour adoucir son inaction forcée, publia, avec le premier livre de ses Recherches, composé depuis longtemps, un opuscule intitulé Le Pourparler du prince, dans lequel il exposait ses idées sur le gouvernement des nations.

Il fut chargé d'une cause illustre, le procès des Jésuites contre l'Université. La société des jésuites était née, pour ainsi dire, dans l'Université de Paris, où Ignace de Loyola était venu, à l'âge de trente ans, faire ses études aux colléges de Sainte-Barbe et de Montaigu. C'est là qu'il s'attacha ses premiers compagnons, tous gens de talent, gradués de l'Université, et entre autres François de Xa- vier, qui fut plus tard l'apôtre des Indes, et qui professait, en ce temps, la philosophie, au collége de Beauvais. On sait que ce fut dans une chapelle de Montmartre qu'ils s'associèrent par leur voeu primitif. Aussi, l'un des premiers désirs de la société, lorsqu'elle eut été approuvée, à Rome, fut d'avoir un établissement à Paris. Le principal objet de son institut, avec la défense et la propagation de la foi, étant l'éducation de la jeunesse, la plus célèbre école de l'univers devait tenter son ambition ; elle détacha, pour s'y préparer les voies, l'un de ses prêtres fondateurs, Pasquier Broet, originaire d'Embrun, avec lequel Etienne Pasquier eut des relations privées, dès son arrivée à Paris.

Les papes, vivement attaqués alors par les sectateurs de la réforme, et au service desquels les jésuites venaient se dévouer, par un serment particulier, leur accordèrent de grands privilèges. Une première bulle de Paul III, datée, de l'an 1540, les avait autorisés seulement à ouvrir des collèges dans les Universités existantes (1), qui, presque toutes, émanaient de fondations ecclésiastiques. Mais, par une autre bulle, de l'an 1552, le pape Jules III leur donna, de plus, le droit de conférer, dans leurs colléges, les grades universitaires (), privilège qui fut confirmé et encore amplifié, par une autre bulle, de l'an 1561, donnée par Pie IV. De sorte que les jésuites avaient, d'après ces bulles, non-seulement le pouvoir d'enseigner publiquement, mais encore celui de conférer à leurs élèves les grades de bachelerie et maîtrise, de licence et de doctorat : chacun de leurs collèges se trouvant ainsi transformé en une Université véritable. Indépendamment de ces faveurs, purement scolaires, les jésuites avaient obtenu des papes des priviléges extraordinaires qui contrariaient la police ecclésiastique du royaume de France, et qui portaient atteinte à l'ancien ordre hiérarchique des pouvoirs.

Ces attributions engendraient une rivalité flagrante entre les jésuites et les autres colléges existants ; elles suscitaient contre eux des inimitiés et des méfiances. Enfin, leur dévouement ultramontain créait une antipathie profonde entre leur institut lui- même et l'Université. Les magistrats, imbus des doctrines gallicanes, et qui d'ailleurs ne pouvaient exercer sur un institut religieux la même autorité que sur les Universités, étaient peu favorables aux jésuites, parce qu'ils troublaient les traditions reçues et l'ordre public établi dans l'Etat. Les bulles des jésuites avaient donc peu de chance d'être reçues en France. Mais leur zèle contre le calvinisme et leur dextérité politique leur concilièrent la faveur de Henri II, et leur valurent l'appui de la maison de Lorraine. Ils avaient obtenu, dès 1551, des lettres patentes qui les autorisaient à s'établir dans le royaume. Le procureur général au parlement ayant déclaré s'opposer à l'enregistrement de ces lettres, les jésuites en obtinrent de nouvelles, deux ans après ; mais, lorsqu'elles furent présentées au parlement, les gens du roi conclurent à ce qu'il fût fait, des remontrances. Ces conclusions ne furent pas suivies ; l'affaire traîna en longueur, et le parlement ordonna la communication des statuts de la société à l'évêque de Paris, ainsi qu'à la Faculté de théologie. L'évêque de Paris, Eustache de Bellay, donna un avis complètement opposé à l'admission de l'institut en France. La Faculté de théologie, après de longues délibérations, arrêta, de son côté, en 1554, une consultation motivée, dont les conclusions étaient aussi peu favorables que celles d'Eustache de Bellay.

La publication de ces deux avis détermina les jésuites à suspendre la poursuite de la procédure en enregistrement, ouverte devant le parlement. Ils gardèrent le silence pendant cinq ans et jusqu'à la mort de Henri II.

Les Guises, protecteurs des jésuites, employèrent alors, plus activement, leur crédit en leur laveur, et obtinrent, en 1560, de nouvelles lettres de François II, portant injonction au parlement de procéder à la vérification des bulles données par les papes au nouvel ordre religieux. Le parlement ordonna, pour la seconde fois, la communication des pièces à l'évêque de Paris. De son côté, l'Université s'étant réunie, délibéra de notifier le relus de son approbation à l'institut des jésuites. Pour conjurer cet orage, ceux-ci déposèrent au conseil du roi une déclaration par laquelle ils se soumettaient aux ordonnances du royaume, aux libertés de l'Eglise gallicane, au concordat de Léon X avec François Ier et à toutes les règles du droit ecclésiastique français. Sur cette déclaration, le roi fit expédier de nouvelles lettres de jussion au parlement, datées du 31 octobre 1560, et par lesquelles il prescrivait qu'on procédât à l'enregistrement, depuis longtemps suspendu.

La reine-mère, Catherine de Médicis, appuya ces lettres d'une recommandation spéciale. Le parquet se relâcha, dès lors, de sa sévérité passée, et se montra disposé à consentir à l'enregistrement, avec les limitations et restrictions offertes par les jésuites eux-mêmes. Cependant, le parlement n'accorda point encore l'enregistrement si vivement demandé et désiré. Il ordonna, par arrêt du 22 février 1561, que les jésuites se pourvoiraient préalablement auprès du concile général, ou de l'assemblée des prélats du royaume, pour obtenir l'approbation de leurs statuts.

Sur ces entrefaites, les jésuites avaient reçu une magnifique libéralité de Guillaume Duprat, évêque de Clermont, qui, en léguant à leur ordre un riche héritage, leur imposait la condition de l'employer à construire trois colléges, l'un à Paris, et les deux autres en Auvergne. Mais les jésuites, n'étant point encore régulièrement admis en France ni autorisés, n'avaient pas la capacité légale pour recueillir civilement ce legs. Aussi les gens du roi donnèrent-ils, le 26 mars 1561, des conclusions tendant à faire profiter les ordres mendiants établis à Paris des sommes considérables léguées par l'évêque de Clermont. Les amis de l'institut s'interposèrent, et le parlement sursit à statuer jusqu'après le jugement de la question pendante de l'autorisation.

A cette époque siégeait le fameux colloque de Poissy, convoqué, d'après les désirs de la reine-mère, Catherine de Médicis, pour tenter un rapprochement entre les catholiques de France et les calvinistes de Genève. Ni la Faculté de théologie ni l'Université n'avaient de représentants au colloque. Les jésuites s'empressèrent donc de s'y présenter, pour solliciter un vote favorable, qu'ils obtinrent sous conditions, notamment de prendre un autre nom que celui de Société de Jésus, qui revenait à l'ensemble de la communauté chrétienne. Les Jésuites demandèrent donc sur cette base la reconnaissance de la capacité juridique de leur collectivité, ce que le parlement accepta en même temps que la délivrance du legs de l'évêque de Clermont.

Les jésuites étaient ainsi admis en France et à Paris, mais ils n'étaient reçus qu'à des conditions qui anéantissaient leurs privilèges les plus précieux, entre autres celui de conférer les grades et d'enseigner publiquement, à l'égal des universités établies et des autres collèges immatriculés.

Les jésuites, d'après les termes de l'approbation de Poissy, avaient besoin de l'autorisation de l'Université pour faire des leçons publiques au collège de Clermont. L'Université, depuis plusieurs siècles, n'admettait les réguliers que dans les Facultés de droit canon et de théologie ; ce n'était pas le compte de l'ordre nouveau, qui voulait surtout enseigner la grammaire, la rhétorique et la philosophie, Facultés dont les réguliers étaient exclus. Le recteur de l'Université se nommait Julien de Saint-Germain, homme faible et facile, de la complaisance duquel les jésuites obtinrent, le 19 février 1564, des lettres de scolarité.Le recteur avait évidemment outre-passé son pouvoir, en octroyant ce diplôme, auquel le corps entier, ou, du moins, ses députés ordinaires, auraient dû concourir. Munis de la permission rectorale, les jésuites donnèrent des leçons publiques, d'abord à si petit bruit, qu'il n'y parut pas ; et puis, à la rentrée des études, du mois d'octobre de la même année, ils ouvrirent librement leur collège, en inscrivant sur la porte : Collège de la Société de Jésus. Ils annoncèrent, de plus, que leurs leçons seraient gratuites : pratique nouvelle qui contrastait avec celle des professeurs de la Faculté des arts, lesquels recevaient de leurs auditeurs une rétribution.

Enfin, pour consolider leur établissement, les jésuites demandèrent solennellement à l'Université de Paris de les immatriculer dans son corps. Le recteur ayant, cette fois, convoqué les Facultés pour recueillir leurs suffrages, l'immatriculation fut refusée d'un avis unanime; l'Université délibéra même de faire aux jésuites inhibition d'enseigner publiquement, et résolut de présenter requête au parlement, pour avoir l'appui de la justice, en cette grave conjoncture.

Les jésuites n'attendirent pas d'être attaqués, et ils se pourvurent eux-mêmes, les premiers, au parlement, alléguant la possession où ils étaient du droit de scolarité, c'est-à-dire d'enseigner publiquement ; et, s'y prétendant troublés, ils sollicitèrent et ils obtinrent, comme en une instance possessoire, un arrêt qui les maintint provisoirement dans leur possession, tous droits réservés, au fond, et l'Université appelée pour y répondre. Aussitôt après, les jésuites adressèrent à l'Université une requête affectueuse, rédigée en latin, dans laquelle ils lui demandaient qu'elle consentît, comme une mère pleine de bonté, à les reconnaître pour ses enfants.

Les jésuites s'abstenant de décliner leur qualité de membres d'un ordre religieux, on ne savait sur quelle raison juridique se fonder pour les exclure de l'Université, en présence de l'arrêt qui avait déterminé la condition légale sous laquelle on acceptait leur association.

Cependant, l'Université renouvela son décret d'exclusion, et le motiva, non-seulement sur l'indécision des réponses prêtées, mais encore sur la qualité réelle de la société de Jésus, et sur certaines doctrines que les jésuites devaient professer et croire, doctrines opposées à celles de l'Université, comme de l'Eglise gallicane. Le décret portait, en outre, défense expresse, à tout écolier, d'aller entendre les leçons des jésuites, sous peine d'encourir la privation des droits de scolarité.

L'Université avait besoin, pour la défendre, d'un homme habile, éloquent, courageux et dévoué à ses intérêts. Elle laissa de côté ses avocats ordinaires, et fit choix d'Etienne Pasquier. C'était une des plus grandes causes du siècle, et l'opinion publique se partagea entre les parties litigantes, comme elle se partageait entre les partis politiques, qui divisaient alors la France, c'est-à-dire le parti de la maison de Lorraine, le parti protestant, et le parti royaliste flottant entre les deux premiers.

L'affaire fut donc plaidée avec un grand éclat, et les discours prononcés de part et d'autre sont parvenus jusqu'à nous. Pasquier a inscrit le sien dans les chapitres 43 et 44 du livre IIIe de ses Recherches (Tome Ier des Œuvres de Pasquier, p.1101 et s. —Voyez, sur Versoris, p. LIV, note 7), et les éditeurs de ses OEuvres ont eu le soin d'y joindre le plaidoyer de Me Versoris, pour les jésuites.

Les jésuites suivirent d'abord la tactique habile et réservée qu'ils avaient adoptée dans leur interrogatoire. Demandeurs au procès, ils y devaient parler les premiers; mais leur avocat se borna à lire leur requête, laissant a son adversaire l'embarras de la discussion et des moyens d'attaque. Cette manoeuvre inattendue surprit d'abord Pasquier ; mais il n'hésita pas à prendre l'offensive avec vivacité. Sans s'arrêter à des chicanes de procédure, il plaça nettement la cause en litige sur le plus haut terrain du droit public français.

La question du procès, aux yeux de Pasquier, était celle de l'enseignement laïque et de l'enseignement ecclésiastique. Le premier devait former le commun des citoyens, le second devait être restreint à élever les candidats aux professions religieuses. On retrouve d'ailleurs aujourd'hui le même type de débat sur la question de l"équivalence entre les diplômes délivrés par le Saint-Siège et ceux délivrés par les universités français. Le Conseil d'État vient en effet de rejetter les recours contre le décret du 16 avril 2009 publiant l'accord entre la France et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur en statuant essentiellement sur sa compétence et les moyens de forme et de procédure soulevés à son encontre et non sur la question de l’atteinte au principe constitutionnel de laïcité ou aux engagements internationaux de la France[1].

Après une exposition des principes du droit public de l'Université de Paris, Pasquier passe à l'examen de la constitution des jésuites. Il dénonce hardiment en eux autant d'espies espagnoles, et des ennemis cachés dont on sentira les coups, au premier conflit. Il attaque l'annonce de leurs cours gratuits : "Dois-je appeler libéralité, dit-il, de ne prendre un sol pour l'entrée du collège, et néanmoins s'être rendus riches, en dix ans, de 100,000 écus? Ou est le collège de toute notre Université qui soit parvenu, depuis 200 ans, a telles richesses ?". Pasquier continue en expliquant que sous couvert d'éducation, les Jésuites veulent circonvenir la jeunesse et la dresser contre le Roi et les autorités établies.

Après une agression si vive et si puissante, Versoris fut bien obligé de répondre; il le fit avec talent, et se plaignit d'abord de la véhémence de Pasquier. Puis, entrant en matière, il discuta le mérite des objections proposées par l'Université. Sa réplique avait été préparée et calculée par les jésuites eux-mêmes, et surtout par le P. Caigord. Versoris attribua aux passions personnelles de Ramus et de Guillaume Galland la résistance de l'Université, qui, selon lui, était, en réalité, désintéressée dans la question ; et, comme ces deux célèbres professeurs étaient suspects de calvinisme, l'avocat rejeta sur l'intérêt de l'hérésie la passion qui animait les plus ardents champions de l'Université. La défense des jésuites eut donc pour objet principal de montrer le calvinisme comme étant leur véritable adversaire, à l'insu même de l'Université. Les jésuites furent représentés comme les plus fidèles soutiens de la foi catholique si fortement attaquée, en ce moment. Les rois, les prélats de Poissy et le parlement, disait-on, l'avaient ainsi compris en approuvant leur institut. Quant aux arguments de Pasquier, tirés de la profession monacale, Versoris soutenait qu'ils étaient hors de la question ; que peu importait quels que fussent les jésuites, dans leur vie intime, dès qu'il ne s'agissait que d'immatriculer dans l'Université les membres d'une société régulièrement établie dans l'Etat et qui voulait suivre, dans un collége déterminé, toutes les pratiques et toutes les règles de l'Université.

Le Parlement, compte tenu de l'ambiance de l'époque et de ce que la magistrature penchait plutôt pour les Jésuites, rendit en avril 1565 un arrêt appointant la cause, c'est-à-dire laissant provisoirement les choses en l'état. Or les Jésuites ayant obtenu à titre de mesures conservatoires le droit de donner des leçons publics, ils conservaient cette possibilité. Pasquier commenta cette solution en disant que "C'étoit un coup fourré, car ils ne furent pas incorporés au corps de l'Université, comme ils le requéroient : mais aussi estant en possession de faire lectures publiques, ils y furent continués".

Quant à l'Université, quoiqu'elle n'eût pas réussi selon ses voeux, elle garda une grande reconnaissance pour son défenseur. Elle lui envoya de l'or dans une bourse de velours que Pasquier refusa. "A Dieu ne plaise , dit-il, que je fasse cette faute; je veux que l'Université sache que je suis son nourrisson, et, comme tel, m'estimeray très-honoré de lui faire très-humble service tout le temps de ma vie".

Au mois de septembre 1572, les jésuites renouvelèrent, auprès de l'Université, leurs démarches pour obtenir l'immatriculation. Des négociations et des procédures se succédèrent, de l'an 1573 à l'an 1578; le cardinal de Bourbon essaya vainement, et à diverses fois, de concilier les parties, surtout après un arrêt de 1575, qui paraissait donner un pas de plus aux jésuites, et contre lequel protesta l'Université. La solution définitive de cette cause demeura indécise, jusqu'à l'année 1594, où nous la retrouverons plus tard. Pasquier avait trente-cinq ans lorsqu'il fut choisi pour défendre l'Université. Son plaidoyer eut un immense retentissement et fut traduit en plusieurs langues. Il éleva son auteur, du rang des hommes de Palais, au rang des hommes d'Etat. La magistrature, qui toujours avait eu pour lui de grands égards, l'honora désormais d'une estime plus marquée.

Pour illustrer cette estime en laquelle certains magistrats le tenaient, Pasquier raconte l'anecdote suivante (Lettres de Pasquier, liv. vu, pag. 186 et suiv. (tom. II de ses Œuvres). ):

« Je veux raconter, en passant, dit Pasquier, une chose qui m'aduint autrefois, en l'an 1566. Ma belle mère estant décedée, et m'estant transporté, vers la Pentecôte, a Amboise, pour recueillir sa succession, le jeudy d'après les festes (que nous apellions le jeudy des desconfitures : parce que lors la pluspart des aduocats n'estant retournés des champs, le président de Thou ne laissoit toutefois de tenir l'audience, sans pardoner aisément aux absens) ; ce jeudy, dis-je, une cause estant apellée, dont j'estois chargé, l'on m'excusa de maladie : le président prist, contre la coustume, ceste excuse en payement. Les autres procureurs voyant que ceste excuse estoit, et leur sembloit, pour ce coup, passée en chose jugée, commencent tous par me réclamer pour advocat. Cela le fit courroucer de telle sorte qu'il enjoignit publiquement, et par exprés, au premier huissier, de scauoir, en ma maison, si j'estors malade, et d'en faire son rapport à la cour. L'huissier n'y faillit, et trouua que j'estois absent de ceste ville, pour juste cause; ce qu'il rapporta a la cour. Le lundy ensuyuant, on appelle une autre cause dont j'étois encore chargé ; le procureur n'eust pas sitost ouvert la bouche pour dire que j'estois l'aduocat, que ce bon personnage lui couppa la parole tout court et dict tout haut qu'il sauoit bien que j'estois malade, et a tant lui mesme m'ex cusa. »

Entre les causes célèbres dont il fut chargé, il a conservé le souvenir de celle d'un seigneur d'Arconville, dont il mit au grand jour l'innocence, et qui était accusé d'avoir tué ou fait tuer la mère, l'enfant au berceau, la nourrice et la chambrière; de l'affaire des Paracelsites contre la Faculté de médecine ; de celle des trois états d'Angoulême, accusés du crime d'Etat. Le duc de Lorraine le pria, plus tard, de plaider, au conseil d'Etat, la défense de ses droits régaliens sur le duché de Barrois ; et, depuis lors, Pasquier est resté membre du conseil de cette maison souveraine, pour les affaires civiles. Une autre cause, qui fit bruit, fut celle que Pasquier gagna, pour le couvent de Lagny, contre les habitants du lieu, au sujet de jeux plaisants et libres que ces derniers se permettaient, le jour de la Pentecôte, en vertu d'une ancienne possession.

En 1580, au retour des grands jours de Poitiers, où il avait accompagné la commission du parlement, il fut désigné, avec Montholon, Chopin, Versoris et quelques autres avocats du premier rang, pour travailler à la réformation de la Coutume de Paris.


La faveur royale se joignit à la faveur publique. Il fut choisi pour présenter au parlement le duc de Joyeuse, en qualité de duc et pair et d'amiral, et M. d'Epernon, d'abord comme duc et pair, ensuite comme colonel de l'infanterie française. Le chancelier de Cheverny avait pour lui une amitié particulière (4), et favorisait l'inclination personnelle de Henri III pour Pasquier. La défense de l'Université contre les jésuites n'avait point altéré les sentiments du souverain, qui avaient de profondes racines dans l'opinion générale. Henri III était venu, en 1583, poser la première pierre du collège de Clermont, et, en 1585, il appelait Étienne Pasquier à la charge d'avocat général auprès de la Cour des comptes. Celle-ci, par son influence sur l'administration financière du royaume, et par la compétence qui lui était dévolue sur la plupart des affaires administratives, contribuait puissamment à contenir dans de justes bornes le pouvoir du monarque qui n'était pas limité par des règles précises. Le premier témoignage de reconnaissance que Pasquier donna au Roi fut de lui dire librement la vérité sur les affaires du temps. Défenseur courageux de l'autorité royale, il voulut la tempérer par de sages conseils, et que le prince sage, comme il le dit, réduisît sa puissance absolue sous la civilité de la loi.

En tant que président de la Cour des comptes il refusa fréquemment d'homologuer des décisions du pouvoir royal, mais lors de la révolte contre le roi, il prit son parti contre les Guise.

Les États furent convoqués à Blois, en cette même année, et Pasquier y fut nommé député. Il quitta Paris, pour s'y rendre, en octobre 1588. Ce fut à Blois qu'il rencontra Montaigne, et qu'il s'unit d'amitié avec lui.

Son œuvre

  • Le Pourparler du prince

Dans cet ouvrage (consultable sur Gallica), Pasquier il exposait ses idées sur le gouvernement des nations. Son point de départ est l'utilité publique ; il ne peut admettre que les peuples et les royaumes soient la propriété des rois. Il veut que les grands corps de l'État aient, sur la volonté du prince, un certain pouvoir de modération, et qu'ils portent, surtout, une attention scrupuleuse à la matière des finances. La forme de ce livre est antique. C'est un dialogue sur la politique, où l'on voit germer l'idée d'une royauté constitutionnelle. Après avoir flétri ceux qui usent du fisc de l'État comme du leur, faisant du dommage public leur revenu particulier, Pasquier exprime le voeu que, "par une police générale, il y ait, en une monarchie, des gens probes et députés, comme en une chambre des comptes, pour avoir connaissance de toutes choses qui pourraient contrevenir au public".

Bibliographie

Voir aussi

Sources

Notes

  1. Pour un commentaire de cette décision voir sur le site du CREDOF, in fine.