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Protection de la langue française sur l'internet (fr)

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A eu lieu le 6 mai 2008 à Paris, la 13 ème conférence stratégique annuelle sur les « défis de la francophonie ». Selon monsieur Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la Francophonie, « la Francophonie [...] porte en elle-même les fruits de l’avenir. Construite par son identité linguistique, la Francophonie va aujourd’hui bien au-delà. Naturellement elle ne doit en aucun cas oublier ce qui forge son identité de destin, à savoir son socle fondateur : le partage d’une langue commune, le français. Mais la Francophonie représente également un corpus de valeurs qui sont véhiculées par notre langue française, à savoir, la démocratie, le respect des droits de l’Homme, la tolérance, la diversité culturelle et linguistique […] »[1].

La lutte pour l’exception culturelle française ces dernières années a pour but la promotion des œuvres et des idées françaises à l’étranger, dont le vecteur essentiel est la langue française. En effet, c’est par là que passe le rayonnement culturel de la France.

Cette politique mise en œuvre par le ministère des affaires étrangères a pour objectif non seulement le développement de la langue française, mais également l’essor des valeurs communes à tous les pays partageant le français.

Dès lors, dans quelle mesure les sites Internet, plates formes privilégiées d’informations, doivent-ils être obligatoirement rédigés en français ?

Compte tenu de son importance croissante, le commerce électronique constitue l’un des domaines cruciaux pour le respect effectif de l’emploi de la langue française.

L’application de la loi dite « Toubon » au commerce électronique

L’article 2 de la loi « Toubon » du 4 août 2004

L’article 2 de la loi du 4 août 2004, dite « loi Toubon »[2], impose l’usage obligatoire de la langue française à « toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ».

Dès lors, même s’il n’existe aucune jurisprudence en la matière, il semble que pour la doctrine, cette disposition s’applique au réseau Internet, dans la mesure où toute publicité sur Internet pourra être qualifiée soit d’écrite, soit d’audiovisuelle. Le ministre de la Culture et de la Communication est allé dans le même sens en affirmant dans une réponse ministérielle de juin 1998 que « les publicités commerciales répondant à l’obligation d’emploi de la langue française en vertu de la loi n°94-665 du 4 août 1994 le sont indépendamment du support utilisé pour assurer leur diffusion. Le second alinéa de cet article institue une obligation d’emploi de la langue française (…). En effet, le droit communautaire comme le droit national considèrent que la ou les langues officielles du pays de commercialisation constituent, sauf rares exceptions, le moyen le plus adéquat pour assurer efficacement la protection du consommateur. Le respect de cet objectif conduit donc à ne pas traiter différemment des autres supports, au regard des obligations créées par la loi du 4 août 1994, les publicités diffusées par l’intermédiaire de l’Internet »[3].


L’application de la loi « Toubon » aux sites Internet étrangers

Ici se pose la question de l’application de la loi « Toubon » aux sites Internet conçus en langue étrangère, mais par nature accessibles sur le territoire français. Dès lors, toute publicité étant susceptible d’être perçue par un français, cette dernière doit être rédigée en français. Pour éviter ceci, certains auteurs prônent l’application du critère de « public cible ». Ainsi, l’usage du français ne deviendrait obligatoire que lorsque la publicité vise exclusivement la France, dès lors que le marché français est la ou l’une des cibles principales. Cette proposition a été avancée par la réponse ministérielle précitée et par le Conseil d’Etat, dans son rapport sur « Internet et les réseaux numériques ».

Pour d’autres auteurs en revanche, comme la Commission des affaires culturelles, l’application d’un tel critère, bien qu’intéressant, est difficile en pratique. Pour ces derniers, il faudrait appliquer par analogie aux sites Internet étrangers, les exceptions prévues aux articles 12 et 13 de la loi Toubon. Ces derniers disposent que l’obligation d’employer le français n’est pas applicable « aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale », ni « aux programmes, parties de programmes ou publicités incluses dans ces derniers qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère (…) ».

La directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique[4] a choisi de privilégier un critère lié au lieu d’établissement du prestataire de service. Ainsi, l’article 3 de cette dernière dispose que les services de la société de l’information fournis par un prestataire sont assujettis aux dispositions nationales de l’État membre sur le territoire duquel il est établi.

Ce principe a été transposé dans le droit français par la loi du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)[5]. Son article 17 dispose que le commerce électronique (consistant dans la fourniture à distance de biens et services par voie électronique ou dans la fourniture d’informations en ligne) est soumis à la loi de l’État membre sur le territoire duquel la personne qui l’exerce est établie, sous réserve de la commune intention de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens et services. Dès lors, toute personne établie en France a l’obligation d’utiliser le français dans l’exercice de son activité de commerce électronique.

Lorsque la transaction commerciale est passée entre un consommateur français et un prestataire établi à l’étranger, l’article 17 de la LCEN[6] précise que la compétence de principe de la loi du pays d’établissement ne peut avoir pour effet « de priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française relative aux obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France ». Pour le Sénat, cette exigence semble paradoxale lorsque le consommateur s’est connecté à un site étranger, entièrement rédigé en langue étrangère. Dès lors, ce dernier a proposé de lancer une réflexion sur l’application de ces dispositions au commerce électronique.


La nécessaire modification de l’article 2 de la loi du 4 août 2004

On l’a écrit précédemment, l’article 2 de la loi du 4 août 2004, dite loi « Toubon »[7], impose l’usage obligatoire de la langue française à « toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ». Initialement, du fait de la définition que donnait de l’audiovisuel la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication[8], la notion de publicité audiovisuelle visée par l’article 2 englobait toute forme de publicité empruntant des réseaux électroniques. Aujourd’hui, selon la LCEN, la notion de communication audiovisuelle englobe les seuls services de radio et de télévision. De plus, elle définit distinctement la notion de communication au public par voie électronique.

Ainsi, pour qu’il n’y ait aucun doute sur l’application de l’article 2 au commerce électronique, la Commission des affaires culturelles propose d’ajouter les termes « publicités par voie électronique » à ce même article.

La compatibilité de la loi « Toubon » avec le droit européen

Pour certains auteurs, la loi « Toubon » est incompatible avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme[9]. Pour le Tribunal de grande instance, cette dernière est contraire au Traité instituant la Communauté européenne[10]. Cependant, cette solution semble isolée et seule la Cour de justice des Communautés européennes pourra établir ou non l’illégalité au regard des principes européens de la libre circulation.

Dans un arrêt du 12 septembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que « L’article 14 de la directive 79/112 concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard[11] s'opposent à ce qu'une réglementation nationale impose exclusivement l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires, sans retenir la possibilité que soit utilisée une autre langue facilement comprise par les acheteurs ou que l'information de l'acheteur soit assurée par d'autres mesures »[12]. Une telle obligation constituerait une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative des importations, interdite par l’article 30 du Traité.


Notes et références

  1. Joyandet, Alain, « Allocution d’ouverture du secrétaire d’Etat chargé de la Cooperation et de la Francophonie », 13èmes Conférences stratégiques annuelles sur les "défis de la Francophonie", Paris, 6 mai 2008
  2. Loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, JORF n°180 du 5 août 1994 page 11392
  3. Réponse de la ministre de la culture et de la communication sur les modalités d'application de loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à « l'emploi de la langue française » aux sites et publicités sur Internet, Réponse n° 12110, JOAN 22 juin 1998, p. 3394.
  4. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), Journal officiel n° L 178 du 17/07/2000 p. 0001 - 0016
  5. Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF n°143 du 22 juin 2004 page 11168 texte n° 2
  6. Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, op. cit.
  7. Loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, op. cit.
  8. [Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « Loi Léotard »], JORF du 1 octobre 1986 page 11755
  9. Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, telle qu'amendée par le Protocole n° 11
  10. Traité instituant la Communauté économique européenne, traité CEE, voir sur le site europa.eu à propos de la version originale, 25 mars 1957, Voir également le version consolidée, Journal officiel n°C 325 du 24 décembre 2002
  11. Directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard
  12. Arrêt de la CJCE (sixième chambre) du 12 mars 2002, Affaire C-168/00, Recueil de jurisprudence 2002 page I-02631