Évaluation du préjudice en matière de contrefaçon de droit d'auteur (fr)
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Sommaire
La contrefaçon du droit d'auteur
Les oeuvres protégeables -originalité
Les œuvres de l'esprit originales sont protégées par le Code de la propriété intellectuelle (CPI).
L'article L112-1 dudit Code dispose : ““Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.””
Prouver la contrefaçon -preuve de la qualité d'auteur
A priori il existe une présomption de divulgation, posée par l'article L113-1 du CPI en ces termes : ““La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.”” Toutefois il apparaît que cette présomption n'en soit plus réellement une, puisque de nombreux juges demandent, en plus des preuves de la divulgation de l'oeuvre, une preuve du processus de création de cette oeuvre, comme des croquis, des manuscrits etc…
Opérations de saisie contrefaçon
Les opérations de saisie-contrefaçon servent non seulement à faire établir l'existence d'un réel produit a priori contrefaisant, mais encore à tenter d'évaluer la masse contrefaisante, en saisissant les produits stockés dans un magasin, les factures de vente ou des factures provenant du fabricant ou des distributeurs, en somme, tous documents utiles pour chiffrer la quantité de produits contrefaisant entre les mains du présumé contrefateur.
Les différents préjudices causés par la contrefaçcon
Lorsqu'une oeuvre est contrefaite il en résulte différents préjudices pour son auteur réel.
Les préjudices matériels
Les gains manqués
Conformément au principe de la réparation intégrale des préjudices, sans perte ni profit, applicable en droit français de la responsabilité, le gain manqué correspond aux gains supplémentaires qu'aurait réalisé la victime de la contrefaçon en l'absence de contrefaçon. Son montant dépend de la quantité de produits (ou de services) contrefaisants exploités par le contrefacteur, mais également des caractéristiques des produits ou services, du ou des marchés concernés et des modalités d'exploitation : La quantité de produits ou services exploités par le contrefacteur sur un marché et les profits qu'il en a retiré ne correspondent pas nécessairement à la quantité que la victime aurait pu exploiter sur son marché et aux gains qu'il aurait pu réaliser, car les produits, les marchés, les prix, les modalités d'exploitation, la rentabilité sont généralement différents entre le contrefacteur et la victime.
La perte subie
Ici il s'agit des dépenses occasionnées par la victime pour défendre ses droits, mais également des contrats qu'elle n'a pas pu conclure à cause de la présence sur le marché de la contrefaçon, ou encore de la dévalorisation de son oeuvre, dévalorisation causée par l'oeuvre contrefaisante de moindre qualité introduite sur le marché.
Le préjudice moral
Il ne doit pas être compris comme le préjudice consécutif à l'atteinte au droit moral de l'auteur, mais comme le trouble commercial constitué par l'atteinte à l'image de la victime de la contrefaçon, de ses valeurs, son crédit ou sa réputation.[1].
La loi du 29 octobre 2007
Avant la loi du 29 octobre 2007
Avant l’adoption de cette loi[2], les magistrats faisaient application des principes de responsabilité civile tirés des articles 1179 et 1382 du Code civil.
Selon ces principes il faut réparer intégralenent le préjudice subi par la victime, pour la replacer dans la situation où elle était avant les faits.
Or, en matière de contrefaçon cette méthode d'évaluation n'est pas adaptée car elle est en quelque sorte “rentable” pour le contrefacteur lorsque les dommages et intérêts dus sont bien moindres que les gains réalisés.
Les apports de la loi du 29 octobre 2007
Cette loi ne remet pas en cause le principe de réparation intégrale mais dresse une liste non exhaustive des éléments à prendre en compte pour fixer les dommages et intérêts qui sont appelés des “conséquences économiques négatives”.
De plus, si la victime ne peut prouver la gain manqué, elle peut désormais avancer les bénéfices réalisés par le contrefacteur pour évaluer son préjudice.
Et si elle ne parvient pas à évaluer le montant de son préjudice elle peut offrir une évaluation forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant qui aurait été du si les droits avaient été légalement obtenus par l'auteur de la contrefaçon.
Les règles d'évaluation du préjudice sous le régime de la loi du 29 octobre 2007
Le manque à gagner
Le gain manqué
Le gain manqué est calculé en multipliant la masse contrefaisante par le taux de marge de la victime de la contrefaçon (on utilise le taux de marge de la victime car il est difficile de connaître précisément celui du contrefacteur).
Si des éléments manquent qui empêchent ce calcul, le gain manqué sera calculé en fonction du prix qu'aurait du payer le contrefacteur si il avait acquis les droits ou une licence d'utilisation, majoré d'une pénalité puisqu'il s'est dispensé de cette acquisition.
La perte subie
Pour calculer la perte subie, on prend en compte les éléments suivants :
- Les frais de procédure qui comprennent notamment les couts des opérations de saisie contrefaçon
- La perte d'opportunité de contracter des licences
- La présence des contrefaçons sur le marché qui empêche de faire des ventes
- La dévalorisation de l'image du produit, notamment quand le produit contrefait est un produit de luxe
Les bénéfices réalisés par le contrefacteur
On l'a dit, c'est la nouveauté de la loi de 2007. C'est un concept encore nouveau, qui ressemblerait un peu à des dommages et intérêts punitifs.
Son application n'en est encore qu'à ses balbutiements, on se contentera donc d'exemples.
Dans un jugement du 3 septembre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a effectué le calcul suivant dans une affaire de droits musicaux : le tribunal multiplie le chiffre d'affaires d'une plateforme internet de diffusion musicale, par le taux d'utilisation et de représentation de chacune des deux sociétés de gestion de droits d'auteur requérantes.
Le préjudice moral
On l'a déjà dit, ce préjudice ne veut pas dire le préjudice résultant de la violation du droit moral de l'auteur.
Toutefois, il suscite des discussions sur la possibilité des personnes morales d'arguer de ce préjudice, mais comme se concept ressemble en quelque sorte à l'atteinte à la réputation et que les personnes morales peuvent agir en diffamation, pourquoi ne pourraient elles pas se prévaloir d'un préjudice moral ?
L'évaluation de ce préjudice est donc forcément subjective puisqu'elle ne repose pas sur des éléments comptables concrets.
Les tribunaux demandent, afin d'évaluer cette atteinte portée à l'image, la preuve de l'existence réelle d'une image de marque bien sur, mais aussi que les produits contrefaisants aient été effectivement commercialisés.
La Cour d'appel de Paris a par exemple condamné eBay à verser à Christian Dior et Louis Vuitton 50.000 € au titre du préjudice moral -distinct du préjudice d'image- “que leur cause l'atteinte portée aux investissements et aux efforts qu'elles déploient pour attacher leur nom au respect d'exigences de qualité”[3].
Pour ce qui est des droits moraux, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 18 janvier 2011[4], que la réparation de l'atteinte à ceux-ci ne pouvait être évaluée indépendemment du nombre d'actes de contrefaçon commis[5].
L'évaluation forfaitaire
Si la victime a des difficultés à prouver son préjudice elle peut demander au juge de procéder à l'attribution d'une “somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte”.
Cette somme est généralement déterminée selon les usages du secteur et majorée par le juge pour compenser le préjudice.
Liens externes
- [1] Texte de la loi du 29 octobre 2007
- [2] Article 1179 du Code civil
- [3] Article 1382 du Code civil
Voir aussi
- Trouver la notion évaluation préjudice contrefaçon "droit d'auteur" dans l'internet juridique français
Notes et références
- ↑ CA Paris, 2 avril 2003
- ↑ Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, JORF n°252 du 30 octobre 2007 page 17775 texte n° 2
- ↑ CA Paris, 3 septembre 2010
- ↑ Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 janvier 2011, N° 10-83.956, Inédit
- ↑ Évaluation du préjudice pour contrefaçon d'une œuvre de l'esprit, in Le monde du droit, en ligne, 3 mai 2011