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Commentaire de Cass. civ. 1re, 6 février 2008, N° de pourvoi : 07-13305 (fr)

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Par Guillaume Weiszberg
Docteur en droit.


Arrêt

source, Legifrance

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 311-14 du Code civil, ensemble l'article 3 du même Code ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que selon le second, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent ;

Attendu que Mme X... mariée à M. Bertrand Y... le 2 novembre 2002, a donné naissance, le 27 décembre 2002, à un enfant Christophe Michel, déclaré à l'état civil sous le nom de Y... ; que M. Y... a intenté une action en désaveu de paternité sur le fondement des articles 312 et suivant du Code civil français ; que l'arrêt attaqué a déclaré l'action recevable mais non fondée ;

Attendu qu'en statuant alors que M. Y... indiquait dans ses conclusions que Mme X... était de nationalité roumaine, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 janvier 2006, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille huit.


Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 3 janvier 2006

Commentaire

L’arrêt de la Cour de cassation (première chambre civile) du 6 février 2008 s’inscrit dans une ligne dorénavant bien tracée sur les pouvoirs des juges du fond d’appliquer d’office la règle de conflit de lois française et la loi étrangère ainsi désignée.

En censurant l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes en date du 3 janvier 2006, la Haute juridiction tente de poursuivre son rôle d’unification de la jurisprudence en matière de droit international privé en droit de la filiation[1].

Mme Elena Y, de nationalité roumaine, mariée avec M. Bertrand X, avait donné naissance le 27 décembre 2002 à Christophe Michel Z, déclaré à l’état civil sous le nom de M. X. Ce dernier a fait assigner Mme Y et la direction Générale des Interventions sanitaires et sociales, en qualité d’administrateur ad hoc du mineur Christophe X aux fins de désaveu de paternité. Le Tribunal de grande instance de Vannes avait débouté M. X, appelant devant la Cour d’appel de Rennes, laquelle confirma le jugement sur le terrain du seul droit français[2]. La preuve -par tous moyens- n’aurait pas été rapportée par le père de Christophe X. qu’il ne pouvait l’être, l’enfant étant né 55 jours après le mariage, deux ans avant la naissance, le 18 mai 2004, d’un autre enfant de Mme Y, conçu avec M. Constantin Y, l’ancien mari de Mme Y, repartie en Roumanie à une adresse qui n’était pas établie avec certitude.

I.- À Aucun moment, la nationalité roumaine de Mme Elena Y n’a été prise en considération par les juges du fond. Or, la règle de conflit de lois, à cet égard, réside dans l’article 311-14 du Code civil, première phrase : « La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ». L’on sait que le critère de rattachement est lié à « la conviction -antérieurement à l’avènement de la gestation pour autrui- selon laquelle la nationalité de la mère, elle-même généralement connue (mater semper certa est), était l’élément le moins aléatoire (…) »[3]. Il ne faisait donc aucun doute que la règle de conflit de lois française conduisait à la loi nationale de la mère, la loi roumaine, d’autant qu’il est jugé que l’article 311-14 est applicable aux contestations de paternité[4]. Comment expliquer cette omission des juges du fond ? Ont-ils été influencés par une idée extensive de la nationalité acquise par mariage dans cette affaire, comme dans celle qui a donné lieu à cassation par arrêt, précité, du 20 février 2007[5]? S’agit-il d’une résistance rencontrée en doctrine, selon laquelle le rattachement à la nationalité de la mère n’exprime pas nécessairement le centre de gravité, en France, de la relation entre le père français et l’enfant né en France[6]? Il a suffi à la Cour de cassation de relever que « M. Y… indiquait dans ses conclusions que Mme X… était de nationalité roumaine » pour que l’arrêt soit cassé. La jurisprudence de la Cour suprême s’impose naturellement. D’ailleurs celle-ci a renvoyé l’affaire devant la même Cour d’appel de Rennes, autrement composée, comme pour parer à toute résistance locale ou régionale.


II.- Quant à l’office du juge français, qui ne peut être dissocié de la première question ci-dessus examinée[7], on croyait acquise la solution selon laquelle il « incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois »[8]. Les matières disponibles sont patrimoniales, les indisponibles extra-patrimoniales, la filiation fait partie de ces dernières, terrain de l’ordre public du for (ordre public « de proximité »). L’indisponibilité des droits a certes fait couler beaucoup d’encre[9], mais en matière de filiation plus qu’ailleurs il n’est pas douteux qu’elle soit la bienvenue. Mieux, il en irait de l’économie procédurale que les juges du fond appliquassent d’office toute règle de conflit sauf accord procédural. La solution en l’espèce est bien tranchée : « Attendu… que selon [l’article 3 du Code civil ], il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application même d'office la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent ». Cet attendu de principe reprend presque mot pour mot celui de l’arrêt du 20 février 2007 précité, à l’exception des termes « même d’office », que la Première Chambre civile avait omis en 2007. Que de pourvois inutiles faute d’unification de la jurisprudence!

Voir aussi

Notes et références

  1. V. déjà Cass. Civ. 1re, 20 février 2007, pourvoi n° 06-16059, inédit, rédigé dans les mêmes termes cassant Versailles, 1re ch., sect. 1, 30 mars 2006, en matière de recherche de paternité naturelle
  2. art. 316, 316-2 et 317, puis 312 et 314 du Code civil
  3. Bureau, Dominique, Muir Watt, Horatia, Droit international privé t. II, Partie spéciale, n° 769, P.u.f. 2007, ISBN 978-2-13-056504-8
  4. TGI de Paris, 12 juill. 1982, Rev. Crit. DIP 1983.461 n. Santa-Croce ; JDI 1983.374, n. Huet
  5. cf. Loussouarn, Yvon, Bourel, Pierre, Droit international privé, 6ème éd. Paris : Dalloz, 1999, ISBN 2-247-03326-1, n° 341 :«  (…) les statistiques ayant relevé que la femme étrangère épousant un français acquiert généralement la nationalité française »
  6. cf. D. Bureau et H. Muir Watt, passim
  7. cf. le visa « vu l’article 311-14 du Code civil, ensemble l’article 3 du même Code »
  8. Cass. Civ. 1re, 26 mai 1999, G.A.j.f.d.i.p., n° 78
  9. cf. Bureau, Dominique, Muir Watt, Horatia, Droit international privé, t. 1, Partie générale, Paris : P.U.F., 2007, ISBN 978-2-13-051747-4, n° 366