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Droit des producteurs de base de données (fr)

Un article de JurisPedia, le droit partagé.
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Selon l’article L.112-3 al 2 du CPI une base de données est un « recueil d'œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessible par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».

Cette définition résulte de la loi du 1er Juillet 1998[1] qui n’est autre que la transposition en droit Français de la directive communautaire du 11 Mars 1996[2] concernant la protection juridique des bases de données.

Préalablement à l’adoption de la directive communautaire, le droit Français n’offrait, pour la protection juridique des bases de données, que le recours au droit d’auteur ; or le droit d’auteur ne protège que la forme de la base de données (« le choix, la disposition et l’agencement »1), il ne peut pas protéger le contenu informationnel. Ceci était un réel problème à l’heure où le développement croissant des moyens informatiques et des programmes permet l’extraction et le transfert de grande quantité de données en très peu de temps : face à la copie de l’intégralité d’une base de données il n’y avait pas encore de protection adéquate.

Il fallait donc remédier à cette insuffisance et c’est ce qu’a fait le droit communautaire en créant un droit sui generis pour la protection du contenu des bases de données. Il s’agit « d’un droit de propriété nouveau […] rattaché à la propriété intellectuelle […] et portant sur le contenu de la base, quels qu’en soient les éléments, protégés ou non par un droit exclusif. Ce droit a pour objet « la substance informationnelle » de la base, c'est-à-dire l’information ».

Désormais depuis ce texte et son adoption en droit interne il y a une « une protection bicéphale » des bases de données :

- Le droit d’auteur protège la forme de la base. Cette protection réside dans l’article L 112-3 al1 du code de la propriété intellectuelle tel qu’il résulte de sa rédaction postérieure à la loi de transposition du 1/07/1998.

- Et le nouveau droit sui generis protège le contenu et seulement lui, « les logiciels utilisés dans la fabrication ou le fonctionnement de bases de données accessibles par des moyens électroniques sont écartés de cette protection »1. Ce droit spécial a été intégré dans le code de la propriété intellectuelle à l’article L 342-1. Cette nouvelle protection pose de nombreuses questions. Ainsi, les juristes s’interrogent sur sa possible conciliation avec le droit de la concurrence et les scientifiques sont inquiets « des effets d’un tel dispositif sur la libre circulation des données scientifiques et la vitalité de la recherche mondiale »[3].

Ces deux régimes n’étant pas exclusifs l’un de l’autre, les bases de données peuvent désormais bénéficier cumulativement[4] d'une protection pour leur forme (1) et d’une protection pour leur contenu informationnel (2).

La protection de la forme par le droit d'auteur

Afin de pouvoir bénéficier des effets de la protection conférée par le droit d’auteur à la forme des bases de données (1.2) l’auteur doit préalablement démontrer que sa base remplit la condition d’originalité (1.1).

La condition d'originalité

Aux termes de l'article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle, les bases de données sont définies comme « un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen »[5].

Il ressort de cette définition que les bases de données constituent des créations intellectuelles notamment du fait des choix de disposition et d’organisation qui sont effectuées par les auteurs. Dès lors, comme toute création intellectuelle, les bases de données peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d'auteur si les conditions de ladite protection sont remplies c'est-à-dire s’il y a une « originalité ».

Tout le problème réside dans le fait de savoir ce qu’est l’originalité en matière de bases de données ? La jurisprudence a apporté une réponse au cas par cas :

Ainsi elle a admis qu’un dictionnaire puisse être protégé par le droit car il peut être « original par la mise en œuvre et l’ordre des matières, le choix des citations, et des exemples, la rédaction et la forme du style » (Tribunal Civil de la Seine 1/06/1895).

A contrario, la protection offerte par le droit d'auteur n'est pas accordée aux simples compilations ou aux bases de données purement factuelles ainsi, par exemple un jugement du tribunal de commerce de Lyon[6] a retenu que « n’est pas protégeable une base de données qui ne faisait que restituer des informations objectives sur des entreprises […] acquises par recherche ad hoc non spécifique dans une forme de présentation propre à beaucoup d’annuaires professionnels, électroniques ou non, imposées par le contenu des données traitées et les usages en vigueur ». La preuve de l’absence d’originalité devra être apportée par l’utilisateur qui pourra également s’il y a lieu invoquer l’épuisement du droit de distribution, à la condition de fournir la preuve de la première vente d’une copie de la base de donnée dans la communauté européenne1.

Par la suite la jurisprudence par le biais de la Cour de Cassation a donné une liste de critères permettant d’apprécier le caractère original ou non de l’œuvre : Ainsi le «  Dictionnaire Permanent des Conventions Collectives »[7] édité par les Editions Législatives a été reconnu comme étant une œuvre originale car il faisait preuve :

- D’une présentation thématique originale,

- D’une synthèse des éléments essentiels,

- D’un plan et un découpage propre.

Le simple choix des éléments n'est donc pas suffisant, il faut qu'il y ait structuration par le choix et un acte créatif emportant œuvre nouvelle. D’autres jurisprudences ont ainsi étendu le régime de protection du droit d'auteur aux almanachs, annuaires, calendriers, catalogues et dictionnaires, dès lors que les éléments choisis avec discernement ont été disposés dans un ordre nouveau et revêtus d'une forme nouvelle. Une grande catégorie d’œuvres rentre également dans cette définition : c’est celle des œuvres multimédia. Nombre d’auteurs se sont interrogés sur la manière dont on pouvait juridiquement qualifier et protéger une telle œuvre et il en est ressorti que l’assimilation à une base de données semblait la voie la plus logique pour assurer la protection de ces créations et ce même si la démarche de création de l’œuvre ressemble à celle de l’œuvre audiovisuelle. Comme le souligne Nathalie Mallet-Poujol[8] : « la création multimédia, réunion sur un même support de fichiers contenant du texte, du son, de l’image fixe et animée et organisés au moyen d’une programmation est, le plus souvent, une base de données composée non seulement de données alphanumériques mais aussi du son et de l’image fixe ou animée ».

Une fois que la condition d’originalité est remplie et démontrée, le créateur de la base peut bénéficier de tous les effets de la protection.

Les effets de la protection apportée par le droit d'auteur

Si la condition d’originalité est satisfaite alors cette protection confère à l’auteur de la base de données :

- Les droits moraux classiques sur une œuvre de l’esprit : droit exclusif de divulgation de l'oeuvre, droit à l'intégrité de l'œuvre…

- Mais également au titre des droits patrimoniaux le droit de s'opposer notamment à toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, sans son autorisation. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation de la base de données.

Notons tout de même qu’en matière de base de données le domaine de protection offert par le droit d’auteur s’arrête à la structure de la base de données à l'exclusion des données.

Pour ce qui est des sanctions de cette protection, ce sont celles du délit de contrefaçon institué par l’article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi « toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit » de la base de données, en violation des droits de son auteur sera sanctionnée par une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 150.000 € (articles L.335-2 et suivants du CPI).

Ajoutons sur le point des sanctions que les personnes morales peuvent également être déclarées responsables pénalement de ces infractions. Des dommages intérêts peuvent être par ailleurs alloués afin de réparer le préjudice subi par l'auteur du fait de la contrefaçon.

Cette protection par le droit d’auteur se limitant à la forme il est apparu nécessaire de prévoir une autre protection pour le contenu informationnel de la base de données qui a autant si ce n’est plus de valeur que la forme. C’est finalement la directive Européenne du 11/03/19961 sur la protection des banques ou bases de données (transposée en droit Français par la loi du 1/07/19981 à l’article L 342-1 CPI) qui a apporté la réponse en instituant la protection du contenu par un droit « sui generis ».

La protection du contenu par le droit sui generis

Le principe de la protection du contenu par le droit sui generis (2.1) comporte quelques exceptions (2.2).

Le principe de la protection

Depuis la transposition en droit Français de la directive, quasiment à l’identique[9], le principe de cette protection réside dans l’article L 342-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « le producteur de base de données a le droit d’interdire :

- L'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit[10].

- La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme […] ».

Cette protection « sui generis » a un objet différent de celui du droit d’auteur, elle est parfaitement autonome de ce dernier et s’exerce indépendamment d’une éventuelle protection par le droit d’auteur de la base elle-même ou des éléments qui y sont intégrés. C’est un niveau supplémentaire qui s’ajoute à la protection apportée par le droit d’auteur, elle est complémentaire de ce premier mécanisme de protection et ne l’exclue pas. La nécessité de la création d’un tel régime supplémentaire et complémentaire de celui du droit d’auteur avait été anticipé dès 1987 par le professeur P. Catala qui déclarait alors « une solution d’avenir consistera sans doute à créer, pour les banques de données non originales, un régime adapté qui bénéficierait à l’entreprise et protégerait un investissement pendant une période de temps sensiblement plus brève que celle de la propriété littéraire »[11]. Comme le souligne J. Passa « l’objectif clairement affiché par la directive était de remédier à l’impuissance du droit d’auteur, reconnu le cas échéant sur la forme de la base, à protéger l’investissement, souvent très lourd, engagé pour la collecte et le traitement des données. Il fallait à juste raison éviter que l’inaptitude du droit d’auteur autorise le pillage à moindre coût du contenu des bases existantes pour la constitution de bases nouvelles »[12]. De plus, comme toute forme de protection des œuvres de l’esprit, la création du droit sui generis devrait « à certains égards conduire à une incitation à la création et à la production ; mais il ne faut pas tomber dans l’excès car une protection trop rigoureuse nuirait pour sa part à la diffusion des œuvres ».

Selon l’article L 341-1 du CPI cette protection bénéficie aux producteurs de bases de données qui sont définis comme : « les personnes qui ont pris l'initiative et le risque des investissements correspondants ». Voyons les conditions (2.1.1) imposées à ces personnes pour bénéficier de la protection et le contenu de cette dernière (2.1.2).

Les conditions de la protection

Cette protection spécifique des producteurs de bases de données est applicable dès lors que le producteur justifie « d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel » (art.L.341-1 CPI). Ce critère de l’investissement substantiel a fait l’objet de nombreuses critiques certains pensant notamment que le fait « d’apprécier le critère substantiel de l’investissement de manière absolue favoriserait les grandes entreprises plus à même d’investir des sommes significatives ». De plus, le sens de l’adjectif « substantiel » est apparu imprécis à l’usage. L’appréciation de la présence ou de l’absence du critère « d'investissement substantiel » est laissée à l’appréciation des juges du fond qui basent leur analyse notamment sur les coûts de gestion, de contrôle et de maintenance de la base de données.

Ainsi on peut citer par exemple un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 5 septembre 2001, dans lequel les juges ont retenu que « le producteur pouvait bénéficier de cette protection dès lors qu'il avait attesté, au moyen notamment de factures et de justifications diverses, avoir mis en œuvre des moyens matériels, financiers et humains considérables pour constituer la base de données et la tenir à jour en temps réel ».

Peu de temps après un arrêt de la Cour d’Appel de Paris[13] venait ajouter des précisions essentielles sur les créations qui peuvent être qualifiées de bases de données et bénéficier de la protection par le droit sui generis.

Les faits étaient les suivants : La société Miller Freeman (devenue Reed expositions) organisait des salons et expositions à l’occasion desquels elle éditait des catalogues qui comprenaient la liste des exposants et divers renseignements les concernant. La société Tigest, quant à elle, commercialisait une base de données qui regroupait les coordonnées de plus de cent mille exposants participant à plus de trois cents salons spécialisés et offrait aux entreprises intéressés des services de démarchage à partir des coordonnées de ces exposants. La base de données est élaborée grâce à des informations contenues dans les catalogues édités par les organisateurs des salons et expositions. Parmi les trois cents manifestations recensées par Tigest, un peu plus du quart étaient organisées par Miller Freeman. Cette société a entendu interdire l’utilisation des données de ses catalogues par Tigest, aux motifs qu’une clause réservait certains des catalogues à un usage privé, et que cette société portait atteinte au droit sui generis du producteur de bases de données constituées par les catalogues de Reed expositions, au sens de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel va faire droit à la société Reed Expositions et retenir sans hésitations concernant les catalogues que : « les dispositions de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle ne sont nullement limitées aux bases de données électroniques mais s’appliquent à toutes les bases de données, quel qu’en soit le support y compris les supports papiers ». Il en ressort que l’existence d’une base de données ne dépend pas de la nature de son support et en l’espèce il importe donc peu que l’ensemble des informations ait été recueillies dans le cadre de l’activité d’organisateur de salons concomitante à l’édition des catalogues utilisés pour réaliser la base.

Comme le note le professeur Frédéric Pollaud-Dullian dans son commentaire de cet arrêt[14] « Alors qu’initialement la question de la protection des bases de données n’intéressait que les bases électroniques, les ouvrages sur support papier devant logiquement relever du droit d’auteur, la directive européenne de 1996 a imposé une définition des bases de données, qui inclut les bases de données informatiques ». C’est ainsi qu’ici la cour d’appel retient « qu’il importe peu que cet ensemble d’informations soit communiqué au public sous la forme d’un catalogue papier, l’existence d’une bases de données ne dépendant pas de la nature de son support, lequel est indifférent ».

Cette appréciation parfaitement conforme à l’esprit de la directive pose cependant le problème de la limitation du domaine des bases de données : avec une vision aussi large nombre de créations peuvent être qualifiées de bases de données protégeables par le droit sui generis. On peut désormais qualifier de tel : un catalogue de vente par correspondance, un annuaire professionnel, un code juridique annoté, ou bien encore une encyclopédie ou un livre de recettes de cuisines… La seule limite tient désormais à la disposition systématique ou méthodique et à l’accessibilité individuelle des éléments qui doivent être indépendants, ce qui devrait exclure certains écrits comme les ouvrages littéraires ou scientifiques. Comme le signale avec beaucoup de justesse Emmanuel Derieux, il serait bon « de prendre bien soin de ne pas confondre accumulation de données et information véritable »[15].

S’ajoute à cet élargissement considérable du domaine de la protection le fait que la protection des bases de données par le droit sui generis n’est pas soumise à la démonstration préalable de l’originalité de la base. Ainsi, le producteur de la base bénéficie du droit sui generis même si la base ne comporte aucune originalité, aucun apport créatif, du moment que sa constitution a représenté un investissement substantiel. Ce critère de l’investissement substantiel1 est donc le seul que doit démontrer le producteur afin de bénéficier de la protection sui generis ; mais là encore il s’agit d’un critère large.

Comme le souligne F. Pollaud-Dullian « rares seront les hypothèses où le producteur ou l’éditeur ne trouvera pas à invoquer un investissement substantiel d’un point de vue financier ou humain. L’application de la notion à des bases non électronique sur un critère aussi pauvre risque donc de multiplier ce type de contentieux ».

Dès lors que les conditions de la protection sont remplies le producteur de bases de données bénéficie des droits édictés par l’article L 342-1.

Le contenu de la protection

Le producteur de bases de données reçoit avec ce droit la possibilité « réagir contre tout acte qui met en péril l’investissement réalisé ». Il peut notamment :

- Interdire l'extraction d'une partie substantielle du contenu de la base : « extraction, par transfert permanent ou temporaire, de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données » (art. L.342-1 CPI).

- « Interdire la réutilisation par la mise à disposition du public de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base, quelque qu'en soit la forme ».

- « Interdire l'extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties non substantielles du contenu de la base de données lorsque ces opérations excédent manifestement les conditions d'utilisation normale de la base de données ».

Sur ce dernier point il est fréquent de voir des juridictions sanctionner les extractions et réutilisations massives de bases de données. Par exemple dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris[16] les juges ont condamné au visa de l’article L 342-1 une société qui avait procédé à « la reprise des noms, adresses, numéros de téléphones et fax des entreprises exposantes regroupées dans une base de données sur les sociétés participant à diverses foires et salons » en retenant qu’il s’agissait « d’une extraction qualitativement et quantitativement substantielle ».

Cependant il est à noter, comme le relève J. Passa que « l’existence de la nouvelle prérogative ne donne pas lieu à la création d’un nouveau droit sur les œuvres, données ou éléments mêmes » composant la base. Ainsi le droit du producteur de bases de données ne permet pas d’empêcher la constitution d’une base nouvelle par la collecte indépendante, c'est-à-dire sans accès à la base existante d’informations identiques à celles contenues dans cette dernière. Le droit ne fait pas obstacle non plus à l’exploitation d’une information obtenue pas la consultation de la base protégée ; une information ne devient pas l’objet d’un monopole du seul fait qu’elle a été insérée dans la base ».

Les sanctions de l’irrespect de ces dispositions sont prévues par les articles L343-1 et suivants du CPI. Ainsi : « Le fait de porter atteinte aux droits d'un producteur d'une base de données est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 150.000 € » : article L.343-1 CPI. Ces peines peuvent être doublées en cas de récidive (article L 343-3) et ces sanctions peuvent être également appliquées aux personnes morales qui peuvent être déclarées responsables pénalement de ces infractions (article L 343-2).

Cette protection utile et assez complète du contenu des bases de données n’est cependant pas sans limite.

Les limites de la protection apportée par le droit sui generis

Deux limites à cette protection peuvent être relevées :

- Une limite quant aux personnes pouvant bénéficier de cette protection.

- Une autre concernant des exceptions qui sont posées à ce droit.

En ce qui concerne la limite pour les personnes pouvant bénéficier de cette protection : elle tient au texte communautaire qui comprend une clause de réciprocité. Ainsi : la protection par le droit sui generis des ressortissants des États non membres de l'Union européenne leur sera refusée si leur pays n'offre pas une protection des bases de données comparable à celle existant dans l'Union européenne[17]. Cette clause pénalise de nombreux pays comme la plupart des pays en voie de développement, qui dénoncent la position dominante des pays industrialisés dans le domaine des bases de données.

Pour ce qui est des exceptions limitant le droit « sui generis » : c’est l'article 9 de la directive CE qui instituent ces exceptions à la protection afin d’empêcher les titulaires de droits de propriété intellectuelle d'abuser de leur monopole d'exploitation.

Cet article dispose : « les Etats membres peuvent établir que l'utilisateur légitime d'une base de données qui est mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit peut, sans autorisation du fabricant de la base, extraire et/ou réutiliser une partie substantielle du contenu de celle-ci:

a) lorsqu'il s'agit d'une extraction à des fins privées du contenu d'une base de données non électronique;

b) lorsqu'il s'agit d'une extraction à des fins d'illustration de l'enseignement ou de recherche scientifique, pour autant qu'il indique la source et dans la mesure justifiée par le but non commercial à atteindre;

c) lorsqu'il s'agit d'une extraction et/ou d'une réutilisation à des fins de sécurité publique ou aux fins d'une procédure administrative ou juridictionnelle »

Cet article, que le Conseil souhaité concevoir sur le modèle des exceptions au droit d'auteur, laisse aux Etats la faculté d'introduire ou non dans leur législation les exceptions qu'il énumère. « Ce que l’on veut ainsi protéger ce sont l’investissement économique et l’effort accompli, que les seules règles du droit d’auteur ne peuvent garantir contre les réutilisation et pillages systématiques par ceux qui n’en ont pas supporté la charge ».

La rédaction de cet article pose cependant un problème majeur avec l’emploi de l’expression « utilisateur légitime », sa définition n’est pas précisée. On peut donc supposer qu’il doit être entendu comme l’utilisateur autorisé par le concepteur à faire usage de la base par le biais « soit d’une cession contractuelle consentie à son profit par le titulaire du droit et portant sur le ou les droits exclusifs limitativement énumérés, soit par une disposition légale édictée par un état membre »1. Par conséquent il y a un risque que les exceptions au droit sui generis ne soient que d'une portée très limitée. En effet ces exceptions seront soumises au bon vouloir du propriétaire de la base. Or, si comme le souhaite le législateur Européen cette liste d’exception doit être un calque de celles conférées en droit d’auteur il faudrait permettre certaines utilisations d'une base de données sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation préalable (ex : citation à titre d’illustration). Les exceptions prévues par l'article 9 risquent dont de n’être que théoriques et on risque d’arriver à un monopole du fabricant de la base de données sur toute partie du contenu de celle-ci vis-à-vis des tiers. Cependant le législateur a quelque peu remédié à ce problème en prévoyant des exceptions explicites.

Ainsi par exemple, afin de permettre l’accès à certains types de données d’utilité générale des régimes dits de « licence légale » constituent une limitation aux droits intellectuels contribuant à la satisfaction du droit à l’information. Les œuvres et prestations deviennent dans ces cas librement exploitables et accessibles à tous même si les titulaires de droits continuent de percevoir une part de rémunération, bien nécessaire et légitime. S’ajoute à cette vision la théorie crée par la CJCE et dite des « facilités essentielles » afin de lutter contre la création de certains monopoles qui pourraient s’avérer nuisibles ou contre des pratiques anticoncurrentielles sanctionnables.

En ce qui concerne la recherche scientifique, que certains disaient menacée du fait de cette protection qui porterait atteinte à la libre circulation des données scientifiques il s’avère à l’usage que « la protection des bases de données ne crée pas d’obstacles nouveaux pour les chercheurs »1. Ainsi comme le note B. Warusfel, « la protection sui generis européenne ne confère, en elle-même, au producteur de la base ou à d’autres ayants droits, la possibilité d’imposer des restrictions à l’usage intellectuel et scientifique des données ». « Les droits du producteur ne pourraient s’opposer qu’à des traitements scientifiques qui seraient considérés comme constituant l’extraction substantielle d’une base de données. Cela paraît peu fréquent ». Enfin on peut relever que « la protection sui generis comporte aussi un aspect utile et profitable pour les chercheurs, puisque ceux-ci (ou leur laboratoire) pourront à leur tout être considérés comme producteur de la base résultat, ce qui leur donnera toute prérogative pour notamment s’assurer de la pérennité de leurs résultats et par exemple interdire leur reprise non autorisée par des utilisateurs commerciaux ».

Toujours dans la veine du droit à l’information on peut ici citer l’important arrêt Microfor qui est allé jusqu’en Assemblée Plénière et dans lequel les Magistrats ont eu à se prononcer sur l’application de l’exception de citation au cas d’une base de données. Les faits étaient les suivants : la société Canadienne Microfor avait crée un index de la presse, que l’on peut qualifier de bases de données, et dans lequel était répertorié des articles de diverses publications dont « Le Monde », empruntant notamment, aux titres des articles. Se plaignant d’une atteinte à ses droit sur l’œuvre collective que constitue le journal Le Monde obtint gain de cause en 1ère instance et en appel où il fût interdit à la société Microfor d’user du titre des articles. La Cour de Cassation statua différemment en Cassant une première fois l’arrêt le 9/11/1983. Elle retint que l’index réalisé par la société Microfor devait bénéficier de l’exception de citation car « sous réserve que soient indiqués le nom de l’auteur et la source, les courtes citations sont licites lorsqu’elles sont incorporées dans une œuvre seconde et quand le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de cette œuvre justifie leur présence ». La cour d’appel de renvoi s’opposa à cette décision en reprochant à la société Microfor de reprendre les titres des articles dans leur intégralité et déclarant que « les résumés ne peuvent, à défaut d’une œuvre citante à laquelle ils seraient rattachés tenir lieu de courtes citations ». Au final la Cour de Cassation qui se prononça en assemblée plénière le 30 Octobre 1987 retint que « l’index base de données a le caractère d’une œuvre d’information et peut donc bénéficier pour sa constitution de l’exception de courtes citations ». Le droit à l’information et l’emploi de l’exception de courte citation facilitent donc grandement la constitution de bases de données.

Notons encore que tous les contenus ne peuvent pas faire l’objet d’une protection et ce au nom du droit à l’information ; à ce titre différentes conventions internationales et législations nationales relatives aux droits intellectuels excluent de la protection diverses créations et prestations. Il en est ainsi par exemple des textes officiels d’ordre législatif administratif ou judiciaire. Les facilités accordées à la diffusion d’informations d’actualité constituent une illustration plus directe et évidente encore de la prise en compte du droit à l’information dans la détermination parfois très large de certaines des exceptions aux droits intellectuels.

Ajoutons pour finir que la durée de cette protection est de 15 ans à compter de la date d’achèvement de la base de données ou de la date de sa mise à disposition du public. Au bout de ce délai les créations et prestations « tombées dans le domaine public » deviennent librement accessibles à tous et peuvent être exploitées et réutilisées par d’autres, sans nécessité d’autorisation ni de rémunération1. Cependant un problème sur le point de la durée de la protection lest apparu avec l’alinéa 3 de l’article L 342-5 qui dispose que « toutefois dans le cas où une base de donnée protégée fait l’objet d’un nouvel investissement substantiel sa protection expire 15 ans après le 1er Janvier de l’année civile suivant celle de ce nouvel investissement ». Donc en cas de nouvel investissement la protection repart pour 15 ans ce qui fait que s’il y a des investissements de collecte réguliers la directive « conduit à protéger sans fin les bases de données considérées comme dynamiques, c'est-à-dire les bases de données qui sont régulièrement mises à jour. C’est ce que la directive appelle un droit sui generis rolling ou roulant »1. Face à ce réel problème la CJCE a réduit par son interprétation la possibilité en disant qu’il faut un réel investissement nouveau. Donc tant qu’il y a de l’investissement il y a protection.

En conclusion on peut dire qu’aujourd’hui grâce à la combinaison du droit d’auteur et du droit sui generis la protection des bases de données est assez complète et permet de limiter efficacement les atteintes qui pourraient être portées tant à la forme qu’au contenu. Il semble cependant qu’il faille encore quelque peu adapter1 la directive et apporter quelques précisions sur les exceptions à la protection conférée par le droit « sui generis » afin que ces dernières ne restent pas que de simples résolutions de principes.


Notes et références

  1. Loi n°98-536 du 1 juillet 1998 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données.[1]
  2. Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données Journal officiel n° L 077 du 27 mars 1996 p. 0020 - 0028 [2]
  3. B. Warusfel, « La protection des bases de données en question : un autre débat sur la propriété intellectuelle européenne », Revue propriétés intellectuelles, octobre 2004, n° 13
  4. Mascré Heguy Associés, « Vers une protection efficace des bases de données ? », Mars 2002
  5. v. M. Vivant « Recueils, bases, banques de données, compilations, collections,… : l’introuvable notion ? », Dalloz Sirey 1995, 26° Cahier – Chronique pp. 197-200 ; v. D. Bécourt, « Directive relative au statut des bases de données du 11/03/1996 : mise en œuvre pratique et inventaire des mots-clés », Les petites affiches 1998, n° 197
  6. Tribunal de commerce de Lyon, 30 juillet 1993, « SARL Computer Intelligence Europe et APP c./ Société Comm’Back et société Tysis », RIDA, Octobre 1994, p. 297.
  7. Cass. Civ. 1ère 20 janvier 2004, Bulletin 2004 I N° 22 p. 17, n° de pourvoi : 00-19577 ; v. Marc Ganilsy, « La protection des bases de données publiques enrichies », Septembre 2004.
  8. N. Mallet-Poujol, « Autoroutes de l’information : les grandes manœuvres juridiques », Les petites affiches 2 février 1996, n° 15
  9. v. S. Lemarchand et S. Rambaud, « Quelques clés d’application de la directive bases de données : première analyse par l’Avocat général près la Cour de justice des Communautés européennes », Revue Propriétés Intellectuelles, Octobre 2004, n° 13, p.87
  10. v. M. Linglet, « Rencontre de l’APP. Bases de données – La nouvelle loi et ses conséquences », Revue Expertises Avril 1999, p.87.
  11. P. Catala, « La propriété intellectuelle des banques de données sur leurs données », 1987, reproduit in P. Catala, « Le droit à l’épreuve du numérique – Jus ex Machina », PUF, 1998, p. 304
  12. J. Passa, « La propriété de l’information : un malentendu ? », Revue Droit & patrimoine mars 2001, n° 91, pp. 64-72.
  13. CA Paris 4ème ch. A, 12 Septembre 2001, SARL Tigest c/ Société Reed Expositions France et autres., Juris-data 155210
  14. CA Paris, 4ème ch. A 12 Septembre 2001, JCP E 2 Janvier 2002, n°1, p. 25, note F. Pollaud-Dullian
  15. E. Derieux, « Incidence de la directive « bases de données » sur le droit à l’information », Les petites affiches 1998, n° 21, p. 11
  16. CA Paris 20 mars 2003, PIBD 2003, III, p. 331
  17. Francis Balle, Laurent Cohen-Tanugi, « dictionnaire du web », collection Dalloz