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Droits d'auteur des journalistes (fr)

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France > Droit des médias > Droit d'auteur
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Le droit de la propriété intellectuelle permet de protéger les auteurs d’œuvres de l’esprit. Sont ainsi concernés, les auteurs d’œuvres originales, c’est-à-dire les œuvres qui portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Nous allons ici nous intéresser au cas particulier des journalistes salariés. Cette question est extrêmement conflictuelle car elle oppose les employeurs, qui souhaitent pouvoir exploiter les œuvres de leurs journalistes, et les salariés, qui entendent voir leurs droits protégés.

Il est vrai que la profession de journaliste bénéficie de plusieurs spécificités, car le journaliste est à la fois un salarié et un auteur. Qu’en est-il des droits qui lui sont accordés? Si l’on se réfère à l’article L111-1 al3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), l’existence ou la conclusion d’un contrat de travail par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits d’auteur. Malgré tout, les prérogatives morales sont souvent mises à l’épreuve puisque nous sommes dans le cadre d’une œuvre collective. Ainsi, la jurisprudence reconnaît au promoteur la possibilité de modifier les contributions pour harmoniser l’œuvre. Les professionnels du secteur tentent de trouver une solution à ce conflit depuis déjà de nombreuses années, puisque le premier accord signé au sein d’un journal concernant les droits d’auteurs, remonte à 1995, pour le journal Le Monde.


L’application aux journalistes du droit d’auteur

La reconnaissance de la qualité d’auteur du journaliste

L’article de presse, dès lors qu’il constitue une création originale, bénéficie de la protection des règles du droit d’auteur. Tous les journalistes ne peuvent donc prétendre à cette qualité. Comme dit précédemment, l’article de presse doit être original. En d’autres termes, il doit porter l’emprunte de la personnalité de l’auteur. Nous pouvons en déduire que des articles d’informations « brutes » , telles les dépêches des agences de presse, n’entrainent pas forcément la reconnaissance de la qualité d’auteur, au sens de la propriété intellectuelle. Une mise en forme est par conséquent nécessaire pour que l’article L111-1 du CPI s’applique. Notons également l’existence d’une présomption de qualité d’auteur avec l’article L113-1 du CPI : « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».


Des dérogations au droit de la propriété intellectuelle

Mais le droit d’auteur appliqué aux journalistes bénéficie de spécificités, en raison de la qualification du journal. Ce dernier est en effet une œuvre collective  : la personne physique ou morale qui prend l’initiative de la création de l’œuvre et la divulgue sous son nom, est propriétaire de l’œuvre et investie des droits de l’auteur. Par conséquent, le journal est propriété de l’entreprise éditrice. Ceci n’est pas sans conséquence pour les droits dont l’auteur est titulaire.

Ainsi, les prérogatives du droit moral sont atténuées, notamment le droit de divulgation et le droit de repentir afin de ne pas compromettre l’exploitation du journal. Il en va de même pour le droit au respect de la contribution. Ce dernier peut connaître certaines atteintes car le journaliste est parfois tenu de se conformer aux directives de ses dirigeants. Seul le droit à la paternité de l’œuvre ne connaît pas de dérogation ici.

Quant aux droits patrimoniaux : il s’agit d’une rémunération forfaitaire car il est matériellement impossible de rémunérer le journaliste proportionnellement aux recettes d’exploitation (article L132-6 al 3 du CPI).


La question des réutilisations d’œuvres

Les solutions dégagées pour la presse écrite

Le journalisme de la presse écrite a suscité un important contentieux puisqu’il n’était pas rare que les éditeurs réutilisent des articles et des photos dans d’autres titres de presse leur appartenant. Le refus des éditeurs d’accepter un règlement contractuel a conduit les journalistes à opter pour la voie judiciaire.

Le journal est une œuvre collective. Par conséquent, le promoteur a des droits sur l’ensemble mais il n’a aucun droit sur les contributions individuelles. Afin d’obtenir leur cession, le promoteur doit signer une convention expresse (l’article L111-1 alinéa 3 du CPI s’oppose à la reconnaissance d’une cession implicite). Sans cette dernière, le journaliste conserve ses droits sur sa contribution. Ce fut en tout cas ce que décida la jurisprudence. Elle reconnut en effet à l’éditeur un droit de première publication, sur le fondement des articles L 111-1 et L121-8 du CPI, et L761-9 du Code du travail. L’éditeur n’a pas à conclure de contrat d’auteur et à verser de rémunération pour la première publication. En d’autres termes, il ne peut plus céder l’article à des tiers ou le réutiliser dans ses autres titres de presse ou un autre numéro du journal sans l’autorisation des auteurs. Cette solution confirme le fait que la conclusion d’un contrat de travail n’emporte pas cession des droits d’auteur à l'employeur.


Les solutions applicables à la presse audiovisuelle

Il est important tout d’abord de qualifier le journal télévisé : il s’agit d’une œuvre audiovisuelle et plus précisément d’une œuvre de collaboration ; les journalistes sont coauteurs de l’œuvre. Mais en vertu de l’article L132-24 du CPI, il y a une présomption de cession en faveur du producteur. En raison de l’ambiguïté de cet article, les producteurs concluent toujours des contrats de cession et ne se réfèrent que très rarement à cet article.

En vertu de la convention collective des journalistes du secteur public de l’audiovisuel, les journalistes cèdent en totalité ou en exclusivité les droits nécessaires à l’utilisation de leurs prestations. Cependant, à l’heure de la signature de cette convention, la question des émissions reproduites sur internet n’était pas d’actualité.

De manière générale, l’entreprise de communication audiovisuelle doit obtenir la cession des droits.


Le cas de la presse numérique

La diffusion en ligne a donné une ampleur inédite à ce problème car les journalistes demandent une rémunération supplémentaire pour la réutilisation de leurs articles dans la presse électronique. Il est vrai que de nombreux éditeurs de presse ont par le passé refusé d’associer les journalistes aux diverses ré-exploitations.

Il faut distinguer deux types de situation : la mise en ligne des œuvres journalistiques de la presse écrite et la mise en ligne des œuvres de la presse audiovisuelles. Concernant la mise en ligne d’articles de la presse écrite, il y a deux possibilités : la version papier transposée telle quelle et la version papier transposée avec des modifications.

Cette mise en ligne avait commencé à se répandre sans que les journalistes reçoivent une rémunération. Ces derniers se sont élevés contre cela et les syndicats de journalistes ont assigné en justice les éditeurs pour faire cesser cette pratique.

La jurisprudence a utilisé les règles dégagées pour la presse écrite : le droit de reproduction est épuisé dès la première publication sous la forme convenue (support papier). Toute nouvelle reproduction implique un accord préalable des parties en contrepartie d’une rémunération équitable. Pour les juges, la diffusion sur internet d’un article déjà publié, même non modifié, constitue une seconde publication. Nous pouvons ici nous référer à l’affaire Le Figaro . Dans cette affaire, la société éditrice du journal proposait la consultation sur minitel des archives du quotidien avec la possibilité d’obtenir une copie des articles. La société éditrice justifiait cette ré exploitation sans autorisation par le caractère d’œuvre collective du journal. Mais une fois de plus, les juges ont retenu qu’une entreprise de presse n’est investie que du droit de première reproduction. Quant à la mise en ligne des œuvres journalistiques de la presse audiovisuelle, il faut ici se référer au jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg  : dans cette affaire, il était question de la mise en ligne du journal télévisé de France 3. Il fut à nouveau décidé qu’une autorisation du journaliste était nécessaire et qu’une rémunération lui était du. Le même raisonnement pour l’œuvre collective et l’œuvre audiovisuelle a été appliqué.


La nécessité d’envisager d’autres réponses

La complexité de cette question est également due à l’absence d’intervention du législateur, qui se refuse pour le moment à régler de manière définitive la question. Les éditeurs, ayant perdu sur le terrain judiciaire, ont souhaité que la question soit réglée avec la loi de 2006. Mais ce fut un échec : la loi de 2006 ne comporte pas de dispositions à ce sujet. D’autres solutions ont alors dues être envisagées.


La conclusion d’accords collectifs

Bien que les solutions dégagées par la jurisprudence donnent satisfactions aux journalistes, nous ne pouvons nier le fait qu’elles peuvent être difficiles à mettre en œuvre. Les éditeurs de presse sont peu satisfaits car ils doivent désormais conclure des contrats d’auteurs avec les journalistes. Cette solution est pour eux impossible à mettre en œuvre. Rappelons le principe de l’article L131-1 du CPI, qui prohibe la cession globale d’œuvres futures. L’éditeur ne peut donc pas prévoir les cessions, ce qui l’oblige à conclure un contrat de cession par article. Il est alors évident que le formalisme de la propriété intellectuelle est peu adapté à la presse. Les partenaires sociaux se sont donc tournés vers la conclusion d’accords collectifs. Ceux ci prévoient les modalités de réutilisation des articles et la question de la rémunération. Mais ces accords posent problème quant à leur opposabilité car les syndicats ne sont pas habilités à céder des droits d’auteur à une entreprise. Ces accords ne peuvent donc pas organiser la cession des droits. Il a alors été proposé de modifier le code du travail afin que les syndicats soient habilités, mais ces derniers ont refusé cette prérogative.


Le recours à la gestion collective

Comme dit précédemment, le journaliste apporte ses droits à une société, la société civile des auteurs multimedia (SCAM), qui conclue un accord avec l’éditeur de presse afin de fixer les conditions d’utilisation des articles et la rémunération. Cela facilite la gestion, bien que les éditeurs de presse soient très réticents car ils ne souhaitent pas voir ces sociétés de gestion s’immiscer dans leurs rapports avec leurs journalistes


L’exception de courte citation chez les journalistes

La courte citation est une exception au droit de l'auteur d’un texte permettant d'emprunter une courte partie de son œuvre en illustration d'une autre. Elle est fréquemment utilisée par les journalistes mais peut rapidement basculer dans le plagiat. Le code de la Propriété intellectuelle l’autorise, à condition que soient clairement indiqués le nom de l’auteur de la citation, ainsi que la source.

En ce qui concerne les journalistes, le Code justifie notamment l’exception de courte citation par le caractère informatif de l’œuvre à laquelle elle est incorporée.

Mais attention, cette citation doit être :

→ Courte. C'est une question de proportion que les juges apprécient au cas par cas par rapport à l'œuvre citée mais aussi par rapport à l'œuvre citant.

→ Référencée, comme nous l’avons déjà précisé.

→ Délimitée. Il ne doit pas y avoir de confusion possible entre les œuvres des deux auteurs. L’usage d’une typographie différente et des guillemets est presque obligatoire.

→ La citation ne doit pas dénaturer l'œuvre citée : le fait de sortir un morceau de texte de son contexte ne doit pas avoir pour effet d'en changer le sens.

Les réponses apportées par la loi HADOPI aux droits patrimoniaux des journalistes

Comme écrit ci-dessus la presse écrite a subi de profondes mutations avec l’essor de la presse numérique. Le métier de journaliste a évolué avec les technologies et les droits d’auteur du journaliste ne sont plus en adéquation avec la réalité. Deux phénomènes qui ont notamment suscité des difficultés : la concentration des médias et la volonté des groupes de mettre en commun toutes les contributions des différents titres, et surtout les revendications des journalistes sur leurs droits d’auteur. La loi du 12 juin 2009, dite loi HADOPI, a fait grand bruit à sa promulgation par la mise en place d’un système pour lutter contre la contrefaçon des œuvres musicales sur internet, notamment par le téléchargement illégal. Mais cette loi a également réformé les droits d’auteur des journalistes. Elle répond aux inquiétudes des journalistes et des éditeurs, mais en avantageant clairement les éditeurs au détriment des journalistes.

Une cession à titre exclusif des droits d'exploitation du journaliste

Comme expliqué ci-dessus, avant cette réforme, un article journalistique ne pouvait faire l’objet d’une exploitation par l’entreprise de presse qui l’emploie, que dans un seul journal ou périodique. Si ce même article était exploité pour un autre journal ou périodique, ou même publié dans un journal sur Internet, cette exploitation devait faire l’objet d’une convention spéciale et d’une rémunération spéciale. Les droits étaient donc épuisés à la première publication.

La loi HADOPI introduit une section 6 au Code de la propriété intellectuelle consacrée aux « Droits d’exploitation des œuvres des journalistes » [1]. A présent, le « Titre de presse » est défini comme « l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué ». Les déclinaisons de ce titre et les sites Internet du journal sont dorénavant inclus dans le titre de presse. L’employeur emporte donc cession à titre exclusif d’un titre de presse (sauf stipulation contraire). Il emporte ainsi la cession à titre exclusif des droits d’exploitation des œuvres du journaliste réalisés dans le cadre de ce titre, publiées ou non [2]. Le titre de presse est donc envisagé multi-supports. Désormais, l’étendue des droits des employeurs dépendra donc de la période et des modalités de l’exploitation. Ainsi, lorsque la publication d’une œuvre d’un journaliste-salarié a lieu dans une période donnée (à définir par accord d’entreprise ou autre accord collectif), l’employeur pourra librement l’exploiter, et la ré-exploiter, au sein du même titre de presse, sans verser de rémunération supplémentaire au journaliste. Dans le cas où un accord d’entreprise le prévoit expressément, l’employeur pourra exploiter et ré-exploiter l’œuvre au sein d’un autre titre de presse appartenant à la société ou au groupe l’ayant publié une première fois, dès lors que les deux titres appartiennent à une « famille cohérente de presse » (par exemple, la mode). Dans une telle situation, l’article L.132-39 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une rémunération complémentaire « sous forme de droits d’auteur ou de salaire ».

De nouvelles notions indispensables à définir

Ainsi, au titre de la première exploitation, le journaliste est rémunéré pour la publication du titre de presse, si celui-ci a une rémunération supplémentaire au-delà d’une certaine période. Au titre de la seconde exploitation hors du titre de presse dans une famille cohérente de presse, la rémunération peut être autorisée par accord collectif à condition que l’article soit publié dans un titre de presse qui appartienne à une famille cohérente. Une famille cohérente de presse regroupe les titres relevant d’une même discipline (Ex : la mode). Enfin, au titre de la troisième exploitation, dans un autre titre de presse n’appartenant pas à une famille cohérente de presse, ou une exploitation par un tiers, il faut normalement l’accord du journaliste via « un accord collectif ou individuel »[3], ainsi qu’une rémunération supplémentaire.

La loi HADOPI intègre beaucoup de nouvelles notions telles que « titre de presse », « famille cohérente de presse » ou « période de référence » dont il serait prudent de surveiller les évolutions à travers les accords collectifs à venir.

Il est évident que les droits d’auteur classique du journaliste ont été réformés, voir amoindris par cette nouvelle loi. Elle est clairement favorable aux entreprises de presse, même si les droits moraux[4] et les droits de compilation ou de recueil ont été maintenus[5]. Les journalistes photographes ont quant à eux un statut dérogatoire.

Notes et références

  1. Art. L. 132-35 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
  2. Article L132-36 du Code de la propriété intellectuelle
  3. article L.132-40 du Code de la propriété intellectuelle
  4. article L.131-40 du Code de la propriété intellectuelle
  5. article L.121-8 du Code de la propriété intellectuelle

Bibliographie

Liens externes