Théorie des matières réservées par nature à la compétence judiciaire (fr)
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Exceptions au principe de la compétence du juge administratif à l'égard des activités administratives de gestion publique
Sommaire
Les solutions plutôt rattachées à des textes
Il faut d'abord citer les textes qui organisent les procédures par lesquelles l'administration peut contraindre les particuliers à lui céder la propriété ou l'usage de leurs biens.
Les texte qui organisent les procédures d'expropriation
En matière d'expropriation, les texte donnent le plus souvent compétence à l'autorité judiciaire, notamment pour la fixation de l'indemnité et pour opérer le transfert de la propriété.
En matière d'état des personnes
En matière d'état des personnes, la compétence judiciaire est là aussi le plus souvent rattachée à des textes législatifs. C'est ainsi que l'art. 311-5 du Code civil déclare que « Le tribunal de grande instance, statuant en matière civile, est seul compétent pour connaître des actions relatives à la filiation ». Il existe ainsi des texte nombreux en matière de nationalité ou en matière d'électorat qui affirment la compétence du juge judiciaire. Par conséquent, si une question relative à l'état des personne est soulevée devant le juge administratif, celui-ci doit surseoir à statuer et renvoyer la question préjudicielle devant le juge judiciaire[1]. La compétence judiciaire est retenue pour toutes les questions d'état civil (mariage, filiation, capacité et nom).
En matière de nom, il faut préciser que la compétence du juge administratif peut réapparaître en cas de changement de nom. C'est la seule exception[2].
L'art. 112 du Code d'instruction criminelle, devenu art. 136 du Code de procédure pénale
Ce texte, dans la rédaction que lui avait donnée la loi du 7 février 1933 sur les garanties de la liberté individuelle, était ainsi rédigé : « Les tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement compétents dans toute instance civile fondée sur des faits qui seraient constitutifs des infractions prévues par les art. 114 à 122 et 184 du Code pénal ».
Il s'agissait de tous les attentats à la liberté, des arrestations ou des détentions arbitraires. Il s'agissait encore de l'inviolabilité du domicile et de l'abus d'autorité commis par les agents publics contre des particuliers. Ce texte paraissait ainsi prévoir très nettement la compétence du juge judiciaire pour connaître de toute demande en indemnisation, qu'il s'agisse d'une demande dirigée contre l'État ou contre les fonctionnaires eux-mêmes.
À la surprise générale, le Conseil d'État allait se reconnaître compétent pour statuer sur la conséquence d'arrestations arbitraires considérant qu'il y avait là des fautes du service public, de l'État, justifiant la compétence administrative, bien que la loi dise le contraire. La décision du Conseil d'État 7 novembre 1947 Alexis et Wolff[3] avait fait l'objet de vives critiques doctrinales, notamment de la part d'Eisenmann qui, dans sa note, estimait que la compétence judiciaire devait être retenue en cette matière puisque le comportement de l'administration constituait une véritable voie de fait et que les textes exigeaient expressément la compétence judiciaire.
Sur ce problème, le Tribunal des conflits allait se prononcer et adopter une solution plus nuancée que l'arrêt Alexis et Wolff dans l'arrêt Dame de la Murette[4]. Le Tribunal des Conflits estime que le principe de la compétence judiciaire est bien établi par l'art. 112 du Code d'instruction criminelle. Mais il ajoute que l'art. 112 doit être combiné avec les règles générales relatives à la séparation des pouvoirs. Il en déduit que lorsque la poursuite est dirigée contre les fonctionnaires eux-mêmes, l'art. 112 du Code d'instruction criminelle s'applique normalement et la compétence judiciaire s'impose. Par contre, lorsque la poursuite est dirigée contre l'État, la compétence se définit alors en fonction des principes généraux qui gouvernent la responsabilité de la puissance publique (Blanco). La compétence ne sera alors judiciaire que s'il y a voie de fait.
La solution retenue par le Tribunal des conflits, qui conduisait à définir la compétence juridictionnelle en fonction de la nature de la personne mise en cause, fût à nouveau très critiquée par Eisenmann puisque finalement, elle était liée au hasard de la procédure.
C'est dans ces conditions que l'art. 136 du Code de procédure pénale fut substitué à l'art. 112 du Code d'instruction criminelle et, dans une nouvelle rédaction, affirmait en termes plus catégoriques encore le principe de la compétence judiciaire. Le nouveau texte stipulait que « Dans tous les cas d'atteinte à la liberté, les tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement compétents, que la demande soit dirigée contre l'État ou contre ses agents ». La loi cassait ainsi la jurisprudence. Il devenait impossible en présence de ce nouveau texte de maintenir la distinction établie dans la jurisprudence Dame de Lamurette. Les restrictions à la compétence judiciaire devenaient difficilement soutenables.
Toutefois, le Conseil d'État et le Tribunal des conflits ont encore trouvé le moyen de donner une interprétation restrictive du texte[5]. À l'occasion d'une demande de réparation de dommages causés par des internements arbitraires, le Tribunal des conflits a précisé que si l'art. 136 du Code de procédure pénale posait bien en termes très généraux le principe de la compétence judiciaire, ce texte déroge au principe de la séparation des pouvoirs et devait faire l'objet d'une interprétation stricte. Il en a déduit que si les tribunaux judiciaires étaient compétents pour statuer sur les actions tendant à la réparation de dommages, contre les agents publics ou contre l'État, les tribunaux judiciaires n'étaient pas compétents pour apprécier la légalité, ni pour interpréter les décisions administratives. Le juge judiciaire doit renvoyer ces questions au juge administratif (sauf s'il y a voies de fait)[6]. On retrouve ce problème à propos de la voies de fait.
Les solutions plutôt rattachées à des théories jurisprudentielles
La compétence judiciaire joue ici en cas d'atteinte à la liberté individuelle et à la propriété privée dans le cadre de deux théories importantes: la théorie de la voie de fait et la théorie de l'emprise irrégulière.
La théorie de la voie de fait
La théorie de l'emprise irrégulière
Notes et références
- ↑ Conseil d'État 4 février 1966 Godek : Rec. p. 79 au sujet d'un décret qui déclarait que Godec avait perdu la qualité de Français.
- ↑ Conseil d'État 10 juillet 1925 Consorts Levezou : Rec. p. 672 ; Conseil d'État 29 février 1938 Petibout : Rec. p. 36.
- ↑ Dalloz 1948 p. 472 note Eisenmann
- ↑ Tribunal des conflits 27 mars 1952 Dame de la Murette : Dalloz 1954 p. 291 note Eisenmann.
- ↑ Tribunal des conflits 16 novembre 1964 Clément : Dalloz 1965 p. 668 note Demichel
- ↑ Conseil d'État 9 juillet 1965 Voskresensky : AJDA 1965 p. 603