Réforme du contrat d'entreprise et les autres contrats informatique (de)
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Le contrat de livraison d'ouvrage
Ce contrat a vocation à régir la vente dune chose meuble à produire ou à fabriquer. Il se distingue, dune part, du contrat dentreprise et, dautre part, du contrat de vente.
Le § 651 BGB lui applique partiellement le droit de la vente. La jurisprudence ayant qualifié de chose meuble le logiciel1, la limite avec le contrat dentreprise est clairement tracée. Par contre, en droit français, la qualification du contrat portant sur un logiciel nest pas prévisible tant que la qualification du logiciel nest pas certaine.
Le contrat de livraison douvrage correspond en droit français au contrat de vente de chose à produire. À supposer que le logiciel soit qualifié de chose en droit français, se posera la question de la distinction entre contrat de vente et contrat dentreprise. La Cour de cassation utilise plusieurs critères pour qualifier un contrat, tel que le critère de laccessoire, comme la Cour fédérale de justice2, ou le fait que le contrat porte sur une chose dont les caractéristiques sont déterminées davance3. Il lui arrive également dappliquer une qualification distributive4.
En droit allemand, avec la réforme, le champ dapplication du contrat de livraison douvrage sest trouvé étendu du fait du changement du critère qui permet de caractériser ce contrat. Avant la réforme, le critère de distinction entre le contrat de livraison douvrage et le contrat dentreprise était la fabrication par lentrepreneur dune chose fongible ou non-fongible5 (anc. § 651 phrase 2), cest-à-dire dun logiciel standard ou spécifique. Cest la transposition de la directive sur les biens de consommation6 qui a imposé le choix dun nouveau critère de distinction du contrat de fourniture douvrage : ce contrat concerne désormais la fabrication de choses meubles. Quant à lancien critère du caractère fongible ou non de la chose fabriquée, il joue désormais un autre rôle : il permet de distinguer deux régimes du contrat de livraison douvrage.
Pour faire la distinction entre le caractère standard ou spécifique du logiciel, il faut se référer au droit antérieur à la réforme7. Cette distinction dépendait de limportance du travail réalisé pour ladaptation du logiciel. Le critère de lexistence dun cahier des charges, ou celui de lobligation dadapter le logiciel, proposés par la doctrine ne sont pas pertinents parce quil se peut quun programme standard corresponde parfaitement, ou presque, aux besoins du client8. Cest pourquoi, la jurisprudence a dégagé un autre critère, quelle applique au cas par cas : celui du dépassement de la prestation minimale9.
Il nexiste pas de définition de ce quest une prestation minimale, mais on peut appréhender cette notion à laide des exemples suivants : lajout de vingt-huit fonctions, qui nétaient pas toutes gérées par le programme original, dépasse la prestation minimale10 ; de même, la facturation de travaux dadaptation atteignant 27 % du prix total dénote un dépassement de la prestation minimale11. Avant la réforme, en labsence de dépassement de la prestation minimale, ladaptation nétait quun accessoire de la prestation principale et le contrat était qualifié de contrat de fourniture douvrage. Ce critère sert désormais à distinguer le contrat de livraison douvrage fongible du contrat de livraison douvrage non-fongible.
Des régimes différents sont appliqués au contrat de livraison douvrage suivant que le contrat porte sur une chose fongible ou non-fongible, ce qui correspond à la distinction entre logiciel standard et logiciel spécifique. Mais en pratique, la question de la distinction entre logiciel standard et logiciel spécifique va continuer à se poser à lavenir, étant donné que les entreprises ont souvent plusieurs logiciels en réserve, quelles adaptent en fonction des besoins de leurs clients12.
En ce qui concerne la fourniture dune chose fongible à fabriquer, le § 651 phrase 1 BGB renvoie au droit de la vente, lequel renvoie lui-même à la partie générale du droit des obligations. Il faut donc prendre en compte les droits à dommages et intérêts et le droit de résolution des §§ 280 et s., 323 et s. BGB. En matière de conception de logiciel, le maître de louvrage ne fournit pas les matériaux, si bien que le § 442 al. 1er phrase 1 BGB ne devrait pas sappliquer aux contrats de fourniture douvrage informatique.
En ce qui concerne la fourniture dune chose non-fongible à fabriquer, seules certaines normes du droit du contrat dentreprise sont applicables. Les §§ 650, 645 BGB donnent à lentrepreneur le droit de se faire indemniser pour le travail fourni si le devis est dépassé parce que les matériaux ou les instructions du maître de louvrage se sont avérés mauvais, et que celui-ci a résolu le contrat. Le devis est aussi un élément à prendre en compte en vue de la détermination du défaut au sens du § 434 al. 1 phrase 3 BGB.
La dernière spécificité du contrat de livraison douvrage non-fongible par rapport au droit de la vente est le droit de résolution du maître de louvrage (§ 649 BGB). Ce droit est indépendant de toute faute. Il ne nécessite ni délai, ni justification du maître de louvrage, mais le maître de louvrage doit mettre lentrepreneur dans la même situation financière que si le contrat navait pas été résolu. « Lentrepreneur a le droit de demander la rémunération convenue si le maître de louvrage résout le contrat ; néanmoins, il doit se laisser imputer les économies réalisées du fait quil nexécute pas sa propre prestation, ce quil a acquis en employant sa main duvre autrement, ou ce quil a négligé dacquérir par mauvaise foi » (§ 649 phrase 2 BGB).
Le § 643 BGB donne un droit de résolution au maître de louvrage dans le cas du § 642 BGB, qui impose au maître de louvrage dapporter son concours à lentrepreneur. Cette obligation ressemble au devoirs de collaboration qui, en droit français, fait partie des contrats informatiques13 et qui se traduit par lexpression de ses vux par le maître de louvrage, notamment par la rédaction dun cahier des charges14.
Ce devoir de concours intervient là où il est nécessaire. Comme nous lavons vu, lexistence dun cahier des charges nest pas un critère suffisant pour qualifier un logiciel de chose non-fongible au sens du § 651 phrase 3 BGB. Cependant, le fait quil faille concevoir ou adapter un logiciel met en évidence lexistence de besoins du client non satisfaits par les logiciels standards déjà existants. La nécessité pour le client de préciser à lentrepreneur des besoins qui ne sont pas courants est donc un indice du caractère non-fongible du logiciel à réaliser. Mais en définitive, que le logiciel soit fongible ou non importe peu, car les régimes à leur appliquer sont quasiment identiques en droit allemand15.
En conclusion, la réforme na modifié le régime du contrat dentreprise quen ce qui concerne le contrat de livraison douvrage. Dune manière générale, les règles applicables au contrat dentreprise sont restées les mêmes, comme nous allons le voir maintenant.
Le contrat d'entreprise
Le contrat dentreprise est réglementé dans les §§ 631 et s. BGB. Ce qui frappe à la lecture de ces normes, cest leur symétrie par rapport à celles consacrées au contrat de vente. Limpression est trompeuse : cest en fait le régime du contrat de vente qui a été aligné sur celui du contrat dentreprise, tandis que le régime du contrat dentreprise connaissait peu de modifications, en raison des conséquences imprévisibles quil aurait pu avoir sur le secteur du bâtiment16.
Le régime du contrat dentreprise nest pas très différent en droit français et en droit allemand. Dans les deux cas, si le prix doit être déterminé lors de la conclusion dun contrat de vente, le contrat dentreprise nexige pas que la rémunération soit précisément délimitée. (§ 632 BGB).
En droit français, dans le contrat dentreprise, le transfert des risques a lieu lors de la réception (art. 1790 C. civ), comme en droit allemand (§ 644 BGB). On a pu observer la même tendance de la jurisprudence, en droit allemand comme en droit français, à retarder la réception dun ouvrage pour faire courir la prescription le plus tard possible17. Ainsi, labsence du manuel dun programme empêche la réception de se produire18.
En matière de responsabilité de lentrepreneur, les règles sont identiques en droit français et allemand (art. 1789 et s. C. civ., §§ 639, 644, 645 BGB).
Avec la réforme, le régime du contrat dentreprise ne se différencie plus beaucoup de celui du contrat de vente. En dehors des normes applicables au contrat de fourniture douvrage non-fongible, que nous avons déjà présentées, de la possibilité de payer par acompte (§ 632a BGB), de lachèvement (Vollendung, § 646 BGB) et de la possibilité pour le maître douvrage de réparer lui-même le dommage (§ 637 BGB), le régime du contrat dentreprise ne se différencie plus de celui du contrat de vente.
Du fait de lélargissement du champ dapplication du contrat de fourniture douvrage, le contrat dentreprise ne peut plus porter que sur la construction ou la modification dimmeubles, ou des travaux de réparation19. Il faut le distinguer à cet égard du contrat de service (Dienstvertrag).
Limportance du contrat de service tient à ce que, dans la pratique, le contrat de livraison douvrage est souvent couplé avec dautres services, ce qui le fait entrer alors dans la catégorie des contrats de service20. La distinction entre le contrat dentreprise et le contrat de service réside en ce que le premier crée une obligation de résultat (§ 631 al. 2 BGB), tandis que le second ne crée quune obligation de moyen (§ 611 al. 2 BGB). En conséquence, dans le contrat de service, la rémunération payée na pas à être restituée lorsque le résultat nest pas atteint.
La distinction entre le contrat dentreprise et le contrat de service est difficile ; elle est faite par le juge au cas par cas21. Les stipulations contractuelles sont à cet égard déterminantes22. En matière de prestations relatives à linformatique, le contrat de service ou le contrat dentreprise concernent tous les contrats de conseil23, mais également les contrats de maintenance24. En droit français, la question de savoir si un contrat de maintenance oblige à fournir un résultat ou simplement à user de tous les moyens à la disposition de celui qui soblige, dépend également des stipulations contractuelles25.
Cest en particulier à ces contrats que sapplique linstitution de la résolution pour motifs grave (Kündigung aus wichtigem Grund), codifiée au § 314 BGB, car il sagit de contrats à durée indéterminée.
Les programmeurs imposent souvent la conclusion dun contrat de maintenance lors de la conclusion dun contrat relatif à un système informatique26. Cette pratique a été sanctionnée par la Cour fédérale de justice, qui a considéré que les programmeurs étaient ainsi payés deux fois pour la même prestation27.
Les contrats accordant un droit d'usage
Ces contrats ne sont concernés par la réforme du droit des obligations quen ce qui concerne la réforme de la partie générale du BGB, à lexception du contrat de location dun immeuble. En raison de la qualification du logiciel faite par la Cour fédérale de justice, celui-ci peut faire lobjet de tous les contrats, tels que location, dépôt, échange, etc. Par exemple, il est admis depuis longtemps quun logiciel puisse faire lobjet dun crédit-bail28, ce qui se produit souvent en pratique concernant de gros systèmes29. Il est admis aussi que le logiciel fasse lobjet dune location30.
À linverse, des contrats nouveaux se fondent dans les régimes de contrats déjà existants. Par exemple, lapplication service provider, contrat par lequel un utilisateur reçoit le droit dutiliser un programme situé sur un serveur31, peut être classifié à laide des critères classiques : si lutilisation est limitée dans le temps, quelle se fait moyennant une rémunération périodique, il sagit dune location, sinon, il sagit dune vente32.
La réforme du droit des obligations ainsi que la réforme du droit dauteur ont profondément modifié les règles applicables aux contrats informatiques. On peut remarquer cependant que la question la plus importante des contrats informatiques, la qualification de chose des logiciels, se résume à un problème de droit civil. La solution allemande à cette question conduit à lapplication des contrats classiques. En cela, le droit allemand démontre quil est possible de traiter le logiciel comme une chose sans freiner linnovation en matière dinformatique et sans malmener les notions juridiques employées.
- BGHZ 102, 135 VIII ZR 314/86 : MDR 1990, p. 223 ; NJW-RR 1988, p. 406 ; CR 1988, p. 124 ; BB 1988, p. 20 ; JZ 1988, p. 460 ; JA 1988, p. 220. BGH 9 mai 1985 I ZR 52/83 Inkasso-Programm : BGHZ 94, p. 276 et s. ; GRUR 1985, p. 1041, NJW-RR 1985, p. 22 ; CR 1985, p. 22 ; BB 1985, p. 1747 ; MDR 1986, p. 121.
- Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, op. cit., p. 74, n° 74.
- C. cass. ch. com. 4 juillet 1989 : Bull. civ. IV n° 210.
- Ph. Mallaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, loc. cit.
- S. Thewalt, Softwareerstellung als Kauffertrag mit werkvertraglichem einschlag, CR 1/2002, p. 1.
- S. Thewalt, op. cit., p. 1.
- S. Thewalt, op. cit., p. 3.
- Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 21, n° 48.
- Marly, Softwareüberlassungsverträge, loc. cit.
- Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 22, n° 51 ; OLG Köln, CR 1992, p. 1328, MarlyRC, 1992, n° 10.
- Marly, loc. cit., LG Augsburg ; CR 1989, 22 ; MarlyRC 1988, n° 10.
- A. Lucas, op. cit., p. 503, p. 501, n° 756.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 10 et s.
- Ph. Le Tourneau, loc. cit.
- S. Thewalt, op. cit., p. 2.
- K. Diedrich, op. cit., p. 473 ; F. Heseler, Le nouveau droit du contrat dentreprise, RIDC 4/2002, p. 1005.
- BGH 30 janvier 1985 VIII ZR 238/83 : BGHZ 93, p. 338, 345 ; NJW-RR 1985, p. 1333 ; BB 1985, p. 546 ; MDR 1985, p. 1013 ; JR 1985, 364. BGH 22 décembre 1999 VIII ZR 299/98 : DB 2000, p. 567.
- BGH 14 septembre 1993 VIII ZR 147/92 : NJW-RR 1993, p. 2346 ; CR 1993, p. 1755 ; MDR 1993, p. 950 ; jur-pc 1993, p. 2231 ; MarlyRC 1993, n° 69 ; DB 1993, p. 1871
- H. Brox/W.-D. Walker, op. cit., p. 249, n° 11.
- N. Müller, loc. cit.
- H. Brox/W.-D. Walker, op. cit., p. 221, n° 9 et s.
- H. Brox/W.-D. Walker, loc. cit.
- C. Zahrnt, op. cit., p. 240.
- J. Marly, Softwareüberlassungsverträge, p. 118, n° 425.
- Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 149.
- N. Müller, loc. cit.
- BGH 29 janvier 2002 X ZR 231/00 : JurPC Web.dok. 168/2002, www.jur-pc.de/rechtspr/20020168.htm.
- BGH 20 juin 1984 VIII ZR 131/83 : NJW-RR 1984, p. 129 ; 1984, p. 2019 ; MDR 1985, p. 315 ; JZ 1984, p. 1118 ; JuS 1985, p. 146 BGH 1er janvier 1987 VIII ZR 117/86 : NJW-RR 1988, p. 204 ; 1990, p. 459 ; 1987, p. 1972 ; MDR 1988, p. 137 ; CR 1987, p. 591 ; MarlyRC 1987, n° 45.
- M. Henssler, op. cit., p. 491.
- OLG Stuttgart, BB 1989, suppl. 10, p. 10.
- M. v. Westerohlt, K. Berger, Der Application Service Provider und das neue Schuldrecht, CR 2002 p. 81.
- M. v. Westerohlt, K. Berger, op. cit., p. 82.